Choisir un accent en classe d’anglais : que disent les textes officiels ?
N.B. : Le terme « accent » sera utilisé tout au long de cet article dans le sens d’« intonation et articulation particulières à une nation, aux habitants d’une région ou à un groupe social » ((Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition.)). Il sera parfois, au cours de l’article, indifféremment remplacé par celui de « variété (sociophonétique) ».
Introduction
Aucune ressource synoptique n’existe à ce jour en ce qui concerne le statut des accents en classe d’anglais, notamment parce que l’abondance de textes officiels rend difficile la recherche et le recensement d’informations spécifiques sur des sujets aussi précis que la compétence sociophonétique ((La sociophonétique « étudie la variabilité des prononciations à l'intérieur d'une langue et les enjeux sociaux liés aux différentes variantes : on parle d'accents, de phonostyles de timbres de voix typiques ou atypiques, etc. », Maria CANDEA, "Peut-on juger quelqu'un en 12 secondes ? Réponses de la sociophonétique", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2018. Consulté le 02/05/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/langues-et-langage/langues-et-langage-en-societe/miscellanees/peut-on-juger-quelqu-un-en-12-secondes)).
En ce sens, cet article a pour objectif de combler cette lacune en rassemblant en un seul lieu les documents institutionnels qui abordent les accents dans l’enseignement de l’anglais, d’en dresser un panorama clair et concis, et d’en proposer une analyse didactique. Il pourra, par conséquent, servir de document de référence pour les étudiants et la communauté enseignante. La majorité des programmes étant communs à toutes les langues vivantes, les enseignants d’autres langues pourront également lire cet article avec fruit, mutatis mutandis.
Dans un premier temps, nous présenterons quelques ressources sur les accents du monde anglophone pour aider les lecteurs souhaitant consolider leurs connaissances sur le sujet. Ensuite, une analyse de la place des accents dans chaque document institutionnel, et pour tous les niveaux d'enseignement, sera proposée. Enfin, une dernière partie abordera la question de l’accent des enseignants dans leur pratique pédagogique.
1. Quelques ressources sur les accents du monde anglophone
Avant toute chose, voici quelques ressources sur les différences entre les deux principaux accents anglais contemporains que sont l’accent britannique, plus précisément le Standard Southern British English (désormais SSBE ((Cette variété d’anglais britannique est par ailleurs parfois appelée Received Pronunciation (RP) dans certains ouvrages.))), et l’accent américain, plus précisément le General American (désormais GA). Nous utilisons ici le qualificatif « principaux » car ce sont ces deux accents que l’on retrouve systématiquement dans les textes officiels et les manuels scolaires. Ce sont également les deux seuls accents autorisés aux épreuves écrites de phonologie des concours de l’Éducation nationale (CAPES & agrégation externes). Ces deux variétés d’anglais sont par ailleurs qualifiées de « standard » ((« La notion de ‘standard’ est en fait une notion sociale : aucun linguiste ne soutiendrait qu’un accent possède des qualités inhérentes phonologiques ou phonétiques qui le rendent supérieur à un autre. Il est par contre certain que beaucoup de gens jugent certains accents comme supérieurs à d’autres, ou évaluent certains accents comme ‘standard’ et d’autres ‘non standard’. Ces jugements se fondent sur des facteurs non-linguistiques qui sont liés aux attitudes sociales dans un groupe social donné ». BRULARD Inès, CARR Philip, DURAND Jacques (dir.), La Prononciation de l’anglais contemporain dans le monde, Presses universitaires du Midi, 2015, 27)).
Hormis ces deux variétés, certains programmes, et toutes les épreuves de compréhension orale des concours, encouragent les élèves, candidats et professeurs à s’exposer à d’autres accents, nationaux et régionaux, qui font la richesse de la langue anglaise et qui occupent une place de plus en plus importante dans les médias et dans le monde de la culture audiovisuelle ((Partant les documents-supports utilisés dans les séquences d’enseignement.)).
Pour les aider à aborder les variétés britannique et américaine, La Clé des langues met à la disposition des élèves, des étudiants, et des (futurs) enseignants, des ressources rédigées par des spécialistes. Ces dernières seront particulièrement utiles pour préparer des phases de Pratique Raisonnée de la Langue (PRL) axées sur des objectifs phonologiques et/ou sociolinguistiques. Voici quelques ouvrages et ressources :
- Précis de phonologie anglaise pour l’anglais britannique, de Natalie Mandon et Manuel Jobert ;
- Tout ce qu’il faut savoir sur l’accent américain, d’Olivier Glain ;
- Innovations phonétiques en anglais britannique, de Stephen Wilhelm ;
-
The General American and General British: Pronunciations of English, de Jack Windsor Lewis
Pour découvrir les particularités des autres accents du monde anglophone, les ouvrages ci-dessous sont des références en la matière :
- CHEVILLET, François. 1991. Les Variétés de l’anglais. Paris : Nathan Université.
- GLAIN, Olivier. 2013. Prononciations du monde anglophone. Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux.
- BRULARD, Inès, CARR, Philip et DURAND Jacques (dir.). 2015. La Prononciation de l’anglais contemporain dans le monde. Toulouse : Presses universitaires du Midi.
2. Où trouver les informations relatives aux accents dans les textes officiels ?
Tous les documents officiels en vigueur pour l’enseignement se trouvent sur le site du ministère de l’Éducation nationale, qui dispose d’une page internet uniquement consacrée aux langues vivantes. Ce portail est consultable ici : https://eduscol.education.fr/2326/langues-vivantes.
Il existe également une liste des sites académiques par académie et par langue : https://eduscol.education.fr/2541/les-reseaux-academiques-en-langues-vivantes
Pour les concours de l’Éducation nationale, le site de la SAES regroupe toutes les informations afférentes aux épreuves et rapports du jury : https://saesfrance.org/concours/.
3. La place des accents dans le CECRL
Commençons tout d’abord par analyser la place des accents dans le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (désormais CECRL). En effet, tous les programmes scolaires de langues vivantes en France y sont adossés sans exception depuis 2002 (Arrêté du 28 juin 2002, BO HS n° 4 du 29 août 2002), tout comme le positionnement des classes de fin de collège et de fin de lycée depuis 2021 par le biais du test Ev@lang en classe de 3e et de l’attestation de langues en classe de Tle, respectivement. C’est un instrument fondamental pour l’enseignement-apprentissage des langues et, a fortiori, de l’anglais.
Pour bien comprendre l’importance des accents dans le CECRL, il convient d’analyser son échelle de phonologie. Dans la première version, parue en 2001, l’échelle est construite autour de ce que l’on appelle le « principe d’authenticité », c’est-à-dire qu’elle prend le locuteur natif à la fois comme référence, mais aussi comme objectif à atteindre (CECRL, 2001, 264), une ligne directrice qui n’est, aujourd’hui, plus en phase avec les recherches en didactique des langues (Jenkins, 1998) et les besoins d’un monde contemporain où l’anglais est une lingua franca. Une version révisée du CECRL 2001, appelée Volume complémentaire, est parue en 2021 (désormais CECRL 2021), dans laquelle c’est le « principe d’intelligibilité » qui est maintenant préconisé dans l’échelle de phonologie : l’objectif ultime n’est plus de perdre à tout prix son accent et de pouvoir parler comme un natif, mais plutôt d’arriver à communiquer avec n’importe quel locuteur d’une langue (qu’il soit natif ou non natif) et de se faire comprendre (CECRL, 2021, 139). Ainsi les grilles de phonologie de la nouvelle version du CECRL deviennent-elles plus inclusives car l’accent étranger n’est plus un élément à éliminer : il fait partie intégrante de l’identité du locuteur. Par conséquent, le niveau C2 de l’échelle de phonologie est à présent atteignable même si un accent français reste perceptible dans la prononciation : en 2023, cet assouplissement, entre autres choses, a conduit l’Éducation nationale à incorporer pour la première fois de son histoire le niveau C2 dans la grille d’évaluation du cycle terminal (Grille pour l'évaluation de la compréhension de l'écrit et de l'oral - Attestation de niveau de compétence, Baccalauréat - Enseignement de spécialité LLCER de première, Grille pour l'évaluation de l'expression orale, Baccalauréat - Enseignement de spécialité LLCER de terminale, Grille pour l'évaluation de l'expression écrite).
Le poids de « l’accent », que ce soit celui de l’apprenant (donc des élèves) ou celui du natif (donc des anglophones de naissance), a été considérablement réduit dans la dernière version du CECRL (2021), à une exception près : la prise en compte d’une « échelle des accents ».
Bien qu’elle soit reléguée en annexe en tant que descripteurs supplémentaires, elle figure tout de même dans le Cadre et a été validée et calibrée par ses rédacteurs. Puisque cette échelle commence à B1, qui est le niveau visé « dans au moins une ou deux activités langagières » en fin de 3e et et le niveau « conforté » dans toutes les activités langagières en fin de 2de (Arrêté du 17 janvier 2019, Journal officiel du 20 janvier 2019, 3), l’on peut considérer qu’elle pourra s’avérer utile aux enseignants dans leur prise en compte de l’accent en classe d’anglais au même titre que les autres échelles. En effet, les niveaux B1 et B2 de cette « échelle des accents » ne traitent que de sensibilisation aux variétés d’anglais, que l’on peut notamment travailler avec des exercices de discrimination variétale. À partir du niveau C1, visé uniquement en EDS LLCER (enseignement de spécialité Langues, Littératures et Cultures Étrangères et Régionales), l’élève est capable de reconnaître une variété ; en d’autres termes, d’une compréhension passive des accents en B1 et B2 (sensibilisation), l’on passe à une compréhension active à partir de C1 (reconnaissance). En l’occurrence, reconnaître une variété, c’est pouvoir dire que le locuteur a un accent américain, britannique, écossais, etc. selon les variétés auxquelles l’élève a été sensibilisé. Enfin, en ce qui concerne la compétence de production orale de cette « échelle des accents », l’on devine au niveau C1 et C2 qu’« incorporer consciemment les plus importantes dans son discours » signifie que l’élève est capable de se rapprocher de la prononciation d’un natif en prononçant certains sons spécifiques à une variété – ou plusieurs variétés mélangées – dans la mesure où il n’est pas fait mention de cohérence : c’est la seule « entorse » au principe d’intelligibilité du nouveau CECRL. Selon cette échelle, maîtriser un accent est donc la prérogative des sections linguistiques (LLCER) et internationaux (Sections Internationales (SI) et Baccalauréat Français International (BFI)), les seuls à avoir pour cible un niveau égal ou supérieur à C1 dans les programmes en vigueur.
Il est entendu que la liberté pédagogique de l’enseignant prime dans sa gestion de l’enseignement des accents ; il reste maître du contenu de ses enseignements. En revanche, plus tôt l’élève sera sensibilisé aux différentes variétés de l’anglais, meilleures seront ses compétences de discrimination variétale et, partant, de compréhension orale. Les repères phonologiques officiels publiés en 2023 précisent d’ailleurs que l’élève doit être capable, dès la fin de 5e, de « percevoir quelques variations géographiques (par exemple, britannique ou américaine) de la phonétique et de la phonologie de l’anglais » (Attendus de fin d'année, 5e).
Voici, en figure 2, un schéma récapitulatif de la place des accents dans les deux versions du CECRL :
4. La place des accents dans les programmes scolaires
Après avoir analysé le CECRL et la façon dont les accents y sont abordés, nous allons maintenant étudier les programmes scolaires de langues vivantes, lesquels s’inscrivent de plain-pied dans ce Cadre.
En France, l’enseignement primaire et secondaire est organisé en « cycles pédagogiques » qui structurent les classes de la maternelle au lycée. Jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire la classe de 3e, les cycles durent trois années. Au lycée, la classe de 2de est un cycle à elle seule, puis les classes de 1re et de Tle, dont les notes rentrent dans le calcul des points pour l’obtention du baccalauréat, forment un autre cycle.
Quant aux programmes scolaires, ils « définissent les connaissances essentielles et les méthodes qui doivent être acquises au cours du cycle par les élèves. Ils constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en prenant en compte les rythmes d’apprentissage de chaque élève » (Les programmes du collège, Eduscol). Ils sont accessibles ici : https://www.education.gouv.fr/programmes-scolaires-41483. Ils ne sont pas à confondre avec les attendus de fin d’année qui feront l’objet de la section 5.
Afin de proposer aux étudiants, (futurs) enseignants l’analyse la plus complète et exhaustive possible de la place concédée aux accents dans les programmes scolaires actuellement en vigueur, tous les programmes existants ont été minutieusement décortiqués, du cycle 1 aux classes postbac.
4.1 Cycles 1, 2, 3, 4
4.1.1 Les programmes du cycle 1, cycle 2 et cycle 3
Ils ne comprennent pas de référence aux accents. En revanche, le dispositif Captain Kelly, destiné à l’école élémentaire, offre un premier aperçu du choix des accents en classe d’anglais.
Ce dispositif, lancé par le ministère de l’Éducation nationale et accessible depuis 2021 à tous les professeurs des écoles qui le souhaitent, est une assistante vocale au service de l’apprentissage de l’anglais à l’école élémentaire. L’assistante, dont la voix est celle d’une vraie comédienne, arbore une variété d’accent britannique, ce qu’indique clairement le logo du dispositif. Dans les documents relatifs à Captain Kelly, l’on trouve :
Avec Captain Kelly, les élèves et leur enseignant(e) sont amenés à entendre au quotidien de l’anglais britannique dans leur classe. (Documentation officielle Belin)
Captain Kelly permet […] d’entraîner leur compréhension ainsi que leur prononciation, avec plus de 300 activités vocales, courtes et ludiques, et constitue un modèle linguistique de référence pour tous. (Communiqué de presse du ministère de l’Éducation nationale, 24 novembre 2021)
L’apprentissage doit être renforcé et accompagné à l’école primaire, avec notamment le recours à l’assistant vocal Captain Kelly. (Communiqué de presse, Plan de renforcement de l’anglais, décembre 2022)
L’anglais britannique est explicitement cité dans la documentation officielle de Captain Kelly. Couplé à l’expression « constitue un modèle linguistique de référence pour tous », l’anglais britannique (en l’occurrence le SSBE, que parle la comédienne qui endosse le costume de Captain Kelly) est posé comme variété incontournable dès l’école élémentaire, quoique la formule indique « un » modèle et non pas « le » modèle.
4.1.2 Le programme du cycle 4
C’est dans le programme du cycle 4 que l’on trouve les premières mentions explicites aux variétés d’anglais oral :
Comprendre, s’exprimer en utilisant une langue étrangère ou régionale : L'enseignement des langues étrangères ou régionales permet d'étendre et de diversifier ses capacités de compréhension et d’expression écrites et orales dans plusieurs langues ; de passer d’un mode de communication à un autre ; de recourir à divers moyens langagiers pour interagir et apprendre ; de réfléchir sur les fonctionnements des langues, leurs variations internes, leurs proximités et distances. (5)
Prendre conscience des variations phoniques et phonologiques dans les usages d’une même langue. Viser la fluidité, l’intelligibilité, la sécurité linguistique personnelle dans la production orale : ne pas viser « l’accent natif. (45)
Ces deux dernières phrases peuvent paraître totalement contradictoires, mais sont en réalité parfaitement complémentaires : les variétés d’anglais rentrent dans la compétence de compréhension orale et non dans la compétence de production orale. En d’autres termes, les élèves doivent être sensibilisés (« prendre conscience ») aux variétés d’anglais à l’aide d’activités de discrimination auditive, mais il n’est pas (plus) exigé qu’ils produisent un accent natif (« ne pas viser »). Ceci s’inscrit dans le droit fil de la version remaniée de la compétence phonologique du CECRL (cf. supra chapitre 3).
4.1.3 Les documents d’accompagnement des programmes des cycles 2, 3, 4
Ce sont donc les programmes officiels du cycle 4 qui sont les premiers à mentionner les variétés d’anglais. En revanche, plusieurs documents d’accompagnement transcycles (qui couvrent les cycles 2, 3 et 4) ont été publiés. Parmi ceux-ci :
- Élaborer une progression cohérente, 2016, chapitre « Entraîner les élèves à la compréhension de l’oral et de l’écrit dès le cycle 2 », on retrouve :
choisir et diversifier les supports authentiques (audio / vidéo, accents, longueur, qualité du son, documents écrits de typologie variée, etc.) en fonction de l’ensemble de la séquence et définir clairement des attentes (compréhension fine et détaillée, compréhension du sens général d’un document plus long, déroulement d’un récit, etc.) (Élaborer une progression cohérente, 2016, 9)
- Créer un environnement et un climat propices à l’apprentissage des langues étrangères et régionales et ouvrir aux autres cultures et à la dimension internationale, 2016, chapitre TICEL (Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement des Langues), il est dit :
L’exploitation du numérique fait désormais partie intégrante de l’enseignement des langues, qu’il s’agisse d’activités de réception ou de production. Les outils sont aujourd’hui nombreux et adaptés aux activités d’apprentissage collectives et individuelles. Ils s’intègrent à la pédagogie des langues et lui apportent une plus-value pédagogique à plusieurs égards : […] - un accès simplifié à des ressources authentiques diversifiées qui permettent d’exposer les élèves à des variantes linguistiques correspondant à différentes aires géographiques. (15)
Il est ici rappelé l’importance de tirer profit des documents numériques authentiques – accessibles en un clic ou un tapotement – lors d’activités de compréhension orale ou audiovisuelle. Le catalogue infini de sources audio que représente l’internet offre la possibilité aux enseignants de matérialiser, au sens littéral, le trait d’union dans l’expression « langues-cultures ».
Par ailleurs, ces découvertes, sensibilisations et présentations de variétés peuvent être remises à profit et consolidées par l’élève-acteur après la classe dans un contexte d'AIAL (Apprentissage Informel de l'Anglais en Ligne) lors d’activités d’écoute-loisir personnelles, telles que le visionnage en VO d’un film, d’une série, d’un TikTok, short, reel ou autre spotlight, d’un canal, d’un channel, d’un stream, d’un vlog ou d’une story (les dénominations anglaises de la plupart de ces moyens et canaux de communication – utilisés aujourd’hui par la quasi-intégralité des élèves et étudiants – rappellent que l’on peut précisément y trouver du contenu anglophone et constituent en ce sens un très bon moyen d’améliorer son anglais). La démocratisation de la 4G puis 5G sur les smartphones et celle des enveloppes de plusieurs dizaines voire centaines de gigaoctets de données permettent aujourd’hui à quiconque de bénéficier instantanément d’un répertoire illimité de sources audiovisuelles anglophones, et par là même des variétés qui font la richesse de la langue anglaise (OECD, 2024). Puisqu’ils sont de plus en plus exposés à l’anglais en dehors de la classe, les élèves sont aussi de plus en plus critiques et exigeants envers l’accent de leur enseignant avec lequel ils sont parfois à même de rivaliser (Derivry-Plard, 2008). Cependant, l'enseignant conserve un avantage décisif : sa maîtrise du système phonologique de l’anglais et des règles qui en régissent la mélopée.
4.1.4 Les documents d’accompagnement du cycle 4 uniquement (5e, 4e, 3e)
Pour le thème culturel « École et société », sous-thème « Présence des langues dans l’environnement proche et dans les parcours familiaux », on y lit :
De même que l’élève fait l’expérience dans sa famille, son entourage (y compris scolaire) ou sa région de la diversité des langues étrangères ou régionales, dans les pays anglophones l’anglais se présente sous différentes formes et coexiste avec d’autres langues vivantes. On peut ainsi à l’aide de documents audio ou vidéo sensibiliser les élèves à la variété des situations linguistiques et des accents selon les régions du Royaume-Uni ou des États-Unis. (Déclinaisons culturelles « Anglais », Eduscol, 2016, 10)
Il est intéressant, ici, de remarquer que l’on parle surtout des accents régionaux du Royaume-Uni et des États-Unis. La dichotomie entre les deux variétés-phares SSBE et GA que l’on retrouve d’ordinaire dans les documents officiels semble ici s’évaporer en fines gouttelettes aux contours singuliers, révélant la richesse dissimulée derrière l’accent américain et l’accent britannique dits « standards ».
Le terme « région » est ici à prendre au sens large : il peut faire référence non seulement aux quatre nations qui composent le Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles, Écosse, Irlande du Nord) mais également aux différents comtés, voire aux villes elles-mêmes (comme pour Liverpool – ainsi que ses environs – et son accent Scouse). La même chose s’applique aux États-Unis. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ce même document propose en ressources utiles, pages 10 et 24 :
- How To Speak Scottish!, vidéo et astuces. Recherche par mot clé : How To Speak Scottish Murray Orr.
- The Foreigner’s Guide to Irish Accents, animation commentée. Recherche par mot clé : The Foreigner’s Guide to Irish Accents facts.
- Anglophenia - One Woman, 17 British Accents, vidéo humoristique, repères géographiques et célébrités associées aux différentes régions. Recherche par mot clé : One Woman 17 British Accents.
- How to Speak Spanglish, vidéo et mise en situation humoristique. Recherche par mot clé : How to Speak Spanglish flama.
- Language, Regional Dialects and Accents, vidéo et activités.
- The English Language In 24 Accents, vidéo humoristique, la diversité de l’accent anglais à travers le monde. Recherche par mot clé : The English Language in 24 Accents Censored version.
4.2 Lycée
4.2.1 Classe de 2de
Il n’y a pas de mention aux accents dans les programmes de 2de.
4.2.2 Cycle terminal (tronc commun)
Programme officiel de langues vivantes pour le tronc commun du cycle terminal (1re et Tle) :
Dans l’axe « Diversité et Inclusion », on lit :
L’étude de la diversité culturelle au sein d’une aire linguistique donnée ou de la variété linguistique au sein d’une aire culturelle favorise une réflexion sur le rapport à l’Autre et permet la mise en place de projets interculturels et plurilingues. (15)
Loin d’être une invitation explicite à la seule exploitation des accents par l’enseignant (la « variété linguistique » comprend la grammaire, le lexique et la phonologie), l’extensibilité des formules programmatiques offre tout de même la possibilité d’interpréter cette ligne comme l’opportunité d’aborder les variétés d’anglais oral à la fois pour ce qu’elles sont, mais aussi pour ce qu’elles représentent.
4.2.3 Les spécialités LLCER Anglais et LLCER Anglais, Monde Contemporain
Dans le cycle terminal de la voie générale, qui comprend les classes de 1re et de Tle, commence la spécialisation du parcours de l’élève en lien avec ses vœux de poursuites d’études supérieures. Pour mener à bien ce début de spécialisation – en plus des enseignements de tronc commun – l’élève choisit obligatoirement trois enseignements de spécialité (EDS) que l’on appelle « triplette » et qu’il suivra en classe de 1re, puis en conserve deux, que l’on appelle « doublette », en classe de Tle.
La spécialité langues, littératures et cultures étrangères et régionales (LLCER), toutes langues confondues, est le 6e enseignement de spécialité le plus sélectionné dans les triplettes (sur douze), mais aussi l’un des plus abandonnés en Tle lors du choix des doublettes (près de 40 % des élèves l’abandonnent) (Dauphin, 2022).
Parmi les douze EDS proposés, deux ont pour objet la langue anglaise : l’EDS « LLCER Anglais », et l’EDS « LLCER Anglais, Monde contemporain » (AMC). Une seule spécialité LLCER est autorisée par élève, il est donc impossible de choisir LLCER Anglais aux côtés de LLCER AMC.
- Programmes de LLCER Anglais (classe de 1ère et Tle)
Les programmes de 1ère et de Tle LLCER Anglais font apparaître les mêmes consignes pour les variétés d’anglais.
Comprendre l’information contenue dans des documents audio-visuels (émissions de télévision ou radiodiffusées, films) dans une langue non standardisée. (5)
L’enseignement de spécialité cherche toutes les occasions d’exposer les élèves à la langue écrite et orale à travers tous types de médias. Ils sont exercés à comprendre des énoncés simples et de plus en plus élaborés, dans une langue authentique aux accents variés. (7)
Dès la classe de 1ère, une attention particulière est apportée à la phonologie par une sensibilisation accrue aux phonèmes spécifiques de la langue étudiée ainsi qu’à leurs variations, que les élèves s’efforcent de reproduire avec la plus grande précision. (9)
On note en revanche deux différences entre les programmes de 1re et Tle :
- L’ajout d’une phrase dans le programme de Tle :
L’enseignement de spécialité cherche toutes les occasions d’exposer les élèves à la langue écrite et orale à travers tous types de médias. Ils sont exercés à comprendre des énoncés simples et de plus en plus élaborés, dans une langue authentique aux accents variés. Ils ne sont pas limités à la fréquentation d’une variante donnée et considèrent dans sa totalité la langue qu’ils étudient.
Le programme de Tle indique explicitement la nécessité d’une exposition à la richesse linguistique de la langue anglaise, « variante » ici pouvant couvrir à la fois le domaine grammatical, lexical ou phonologique.
- Une formulation différente :
Comprendre l’information contenue dans des documents audio-visuels (émissions de télévision ou radiodiffusées, films) dans une langue non standardisée. (1re)
contre
Comprendre l’information contenue dans les documents audio-visuels (émissions de télévision ou radiodiffusées, films) dans une langue qui n’est pas nécessairement standardisée. (Tle).
Une interprétation possible de cette différence de formulation est la suivante : plus l’exposition à des variétés non standardisées est précoce (ici dans le premier niveau du cycle terminal), plus l’élève sera en mesure de gérer les flux entrants de différents accents au cours des années supérieures.
L’on peut également remarquer que le principe d’intelligibilité semble ne pas avoir été retenu pour la spécialité LLCER au profit du principe d’authenticité :
Dès la classe de 1ère, une attention particulière est apportée à la phonologie par une sensibilisation accrue aux phonèmes spécifiques de la langue étudiée ainsi qu’à leurs variations, que les élèves s’efforcent de reproduire avec la plus grande précision. (9)
Ce principe d’authenticité est corroboré par les dernières grilles d’expression orale LLCER parues à ce jour (octobre 2023), lesquelles reprennent presque verbatim le CECRL 2021 en faisant toutefois disparaître chez l’élève la présence d’un « accent » après B2 (alors qu’il est pourtant présent jusqu’à C2 dans la dernière version du CECRL officiel). Cet état de fait n’est cependant pas spécifique aux grilles LLCER, car les grilles orales pour l’attestation de niveau de compétence ont la même formulation.
- Programmes de LLCER Anglais Monde Contemporain (classe de 1re et classe de Tle)
Les programmes de 1re et de Tle partagent les objectifs suivants :
Comprendre l’information contenue dans des documents audiovisuels (émissions de télévision ou radiodiffusées, films), dans une langue authentique aux accents variés. (4)
S’agissant de l’anglais, ce travail sur la phonologie s’accompagne avec profit d’une exposition et d’une sensibilisation aux variétés nationales et régionales de la langue parlée. (5)
Puis, seul le programme de Tle creuse la notion de variétés, développe les objectifs et propose des pistes d’exploitation avancées :
Marqueurs culturels, les différents accents sont aussi source de fierté individuelle ou collective : c’est le cas pour les variantes d’accents régionaux (du nord ou du sud), locaux (en ville ou à la campagne) ou sociaux (déclinaison en fonction de la classe sociale). Les accents sont souvent devenus aujourd’hui des signes d’authenticité, s’opposant à l’utilisation d’une langue standardisée (standard English) perçue comme l’apanage des élites. (6)
La diversité linguistique : au Royaume-Uni, l’abandon du « Queen’s English » (autrefois assimilé à l’accent de la BBC) en faveur des accents régionaux dans les médias (journaux télévisés ; bulletins météorologiques ; séries télévisées, etc.) ; les différences d’accent dans un même pays (régionales, sociales, etc.) ; les politiques linguistiques, manifestées par exemple dans le Language Act au pays de Galles et la création d’une chaîne de télévision galloise, etc. ; la place de l’espagnol aux États-Unis ; le statut du français au Canada, etc. (7)
La langue anglaise dans le monde et dans le monde anglophone : l’anglais, langue officielle dans certaines régions du monde anglophone (Australie, certains États fédérés des États-Unis, etc.), langue véhiculaire ou de l’administration en Inde, au Pakistan, en Afrique anglophone, etc., et langue des échanges internationaux ; l’action du British Council ; l’acceptation et la diversité des variantes (lexicales et phonologiques, voire grammaticales) ; les pidgins. (17)
Documents d’accompagnement : LLCER Anglais, Monde Contemporain : travailler la langue, développer les compétences 1re / Tle
À l’oral, ils sont entraînés à comprendre l’information contenue dans des documents audiovisuels authentiques et variés, représentatifs d’accents de diverses régions du monde anglophone. Un travail sur les correspondances entre graphie et phonie complète avec profit une telle sensibilisation aux variétés nationales et régionales de la langue parlée. (5)
Les programmes de LLCER AMC, contrairement aux programmes de LLCER Anglais, montrent non seulement une progression logique dans l’étude des variétés d’anglais oral, mais aussi et surtout une exploitation beaucoup plus poussée des accents en tant que tels. Cette différence peut s’expliquer par l’absence totale de programme limitatif en LLCER AMC : le « monde contemporain » étant mû par un mouvement perpétuel et imprévisible, un programme limitatif asphyxierait la raison d’être de l’ajout de cet EDS à l’offre de spécialités proposée à l’origine. Cette absence de programme limitatif en LLCER AMC laisse par conséquent une très grande liberté à l’enseignant qui n’est guidé que par le programme général où les suggestions sont par nature transférables à n’importe quel événement contemporain du monde anglophone et aux variétés orales qui en découlent.
Remarquons par la même occasion que ce qui serait un objectif phonologique dans les autres niveaux et parcours devient ici un objectif culturel. Les accents ne sont pas étudiés uniquement pour ce qu’ils ont de phonétique et phonologique, mais surtout pour ce qu’ils représentent dans une société donnée, c’est-à-dire pour leur aura extralinguistique – voire, pour certains, leur soft power. Les programmes de LLCER AMC décloisonnent par conséquent les compétences langagières et culturelles et les disposent en un assemblage tenon-mortaise qui dépasse le cadre de la linguistique pure. Ceci n’est d’ailleurs pas sans rappeler le programme 2003 de la classe de 1ère où figure à ce jour l’unique occurrence dans l’histoire des programmes de l’accent RP étudié en tant qu’élément culturel (et non phonologique) :
GB : class-system / public schools (old school-tie) / Oxbridge / R.P. / Establishement (Programme de première générale et technologique, BOHS n° 7 du 28 août 2003, 12)
4.2.4 Sections internationales et classes menant au baccalauréat français international
Les sections internationales « constituent un dispositif bilingue et biculturel mis en place par le ministère chargé de l’Éducation nationale, en coopération avec les pays partenaires. Leur particularité est d’intégrer, au sein du système français, un enseignement relevant non seulement de la langue, mais aussi de la culture et du suivi pédagogique du pays partenaire » (Les section internationales, Eduscol).
- Sections internationales
Programme d’enseignement de langue et littérature au collège, sections internationales australiennes :
Par l'accent mis sur les trois éléments corrélés que sont la langue, la littérature et la compétence langagière (language, literature & literacy), le programme scolaire australien pour l'enseignement de l'anglais permet aux élèves l'acquisition de compétences communicationnelles dans la variante australienne de l'anglais standard (standard Australian English, SAE). (préambule)
Le mot « variante » s’entend ici comme le lexique, la grammaire et la prononciation propres à la langue australienne. Ces trois briques érigent les « compétences communicationnelles » des élèves. L’adjectif « communicationnelles » est d’une importance capitale : pour la première fois dans les programmes, l’accent est pensé à la fois en matière de compréhension, mais aussi et surtout en matière de production, de communication au sens propre du terme.
Cette phrase, tirée du préambule, est néanmoins peu étonnante lorsque l’on se place sous le prisme de la spécificité des parcours internationaux, lesquels ont pour mission de faire progresser les élèves dans l’ornière linguistique de la section étudiée (britannique, américaine et australienne pour les sections anglophones). En revanche, les préambules des sections britanniques et américaines sont exempts de cette même consigne et ne mentionnent pas explicitement l’accent qui sera la tête de proue des activités de communication. Les raisons de cette absence peuvent s’expliquer par l’intelligenti pauca, mais aussi parce que les sections britanniques et américaines regroupent un large éventail de variétés sociophonétiques : ériger un accent parmi tous ceux que possèdent ces deux nations serait source de discrimination linguistique et placerait en porte-à-faux l’étude du poids socioculturel des accents, qui est précisément un point du programme (de la section britannique, tout du moins).
Programme de l’enseignement de langue et littérature, Classe de 2de, sections internationales britanniques :
comprendre des documents authentiques audio ou vidéo courts et variés (entretiens littéraires, émissions littéraires ou d’information, débats, adaptations cinématographiques, audio-livres) incluant différents accents et variétés de langue (1).
Ce paragraphe qui porte sur les accents est curieusement absent des programmes des sections américaines et australiennes, pourtant identiques.
- Baccalauréat français international (BFI)
Note : Alors que les sections internationales (SI) courent du primaire au collège et jusqu’à la classe de 2de, c’est le baccalauréat français international (BFI) qui prend la relève à partir des classes de 1ère, et jusqu’en Tle.
Approfondissement culturel et linguistique
Développer des compétences en réception orale et écrite
Les activités de réception orale et écrite entraînent les élèves à :
- comprendre des documents authentiques audio ou vidéo courts et variés (entretiens et émissions littéraires ou d’information, débats, adaptations cinématographiques, podcast, etc.) incluant différents accents et variétés de langue (2).
- Américaine (aucune référence aux accents)
- Australienne (aucune référence aux accents).
Connaissance du monde
Le même programme commun pour les trois sections anglophones :
Comment les accents sont-ils perçus et quelles représentations leur sont associées ? Comment plusieurs langues cohabitent-elles, avec quel statut respectif et quelle connotation identitaire ? Comment la diversité et la confrontation à la différence enrichissent-elles les cultures nationales ? (4)
Puis quelques « adaptations » pour chaque section, avec des « portails thématiques » :
Accueillir, accepter, partager (la diversité culturelle et linguistique)
- Diversité linguistique, culturelle et ethnique au Royaume-Uni.
- « Brit-ish » ? : la notion d'identités nationales au Royaume-Uni.
- Australienne (document inexistant).
À la rentrée 2023, pour la section australienne, il n’existe que cinq sections internationales et classes menant au baccalauréat français international (toutes situées en Océanie), 177 pour la section américaine, et 261 pour la section britannique (Arrêté du 6 janvier 2023 fixant la liste des sections internationales et classes menant au baccalauréat français international (BFI) dans les écoles, collèges et lycées, Legifrance). La sous-représentation des sections australiennes (trente fois moins que les sections américaines et cinquante fois moins que les sections britanniques) explique la parution, isolée, des documents officiels dans le BO par rapport aux sections américaines et britanniques qui paraissent toujours ensemble. Certains documents d’accompagnement, téléchargeables pour les sections américaines et britanniques, n’existent pas pour les sections australiennes (entre autres, les documents d’accompagnement pour la DNL1 ((Discipline non linguistique assurée en langue vivante obligatoire))).
En ce qui concerne les accents, comme pour les établissements d’enseignement classiques, les programmes des sections internationales et des classes menant au baccalauréat français international n’en font référence que pour la réception orale, jamais pour la production (sauf en sections australiennes, hors BFI). En effet, la dénomination « australienne », « britannique », « américaine » pour les sections internationales ne valent, selon les textes officiels, que pour le contenu des programmes.
C’est dans les programmes des classes menant au baccalauréat français international section britannique que la culture des accents est la plus présente, les autres sections n’en faisant mention que dans le préambule (commun) de « Connaissance du monde ». Cette spécificité peut s’expliquer par la composition du Royaume-Uni (quatre nations), sa richesse linguistique régionale, mais aussi le poids qu’occupent les accents dans la société et dans l’histoire du monde anglophone (dont l’épicentre historico-variétal fut le Royaume-Uni).
4.3 Classes postbac
4.3.1 Section de technicien supérieur (STS)
Les sections de techniciens supérieurs (STS) sont des classes postbac dont l’enseignement est dispensé dans les lycées. Les programmes s’appellent des « référentiels » pour les STS, lesquelles préparent en deux ans au brevet de technicien supérieur (BTS). Il n’existe pas de référence aux variétés d’anglais dans les divers programmes de STS.
4.3.2 Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE)
Les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont des classes postbac dont l’enseignement est dispensé dans les lycées. Il n’existe pas de référence aux variétés d’anglais dans les programmes des trois filières de CPGE (littéraire, économique et commerciale, scientifique).
4.4 Université
4.4.1 Licence
Contrairement aux classes de l’enseignement primaire et secondaire, ainsi qu’aux classes postbac dispensées dans les lycées (STS, CPGE), il n’existe pas de programme national pour les licences : c’est aux établissements et universités d’établir leur propre programme et maquette. En revanche, un « cadre national » a été mis au point sur les connaissances et compétences attendues pour la réussite dans les formations conduisant au diplôme national de licence.
Ce cadre ne contient aucune mention aux accents, même pour les licences LLCER et LEA (Langues Étrangères Appliquées).
5. La place des accents dans les attendus de fin d’année
En complément des programmes scolaires, le Plan langues vivantes de 2018 s’est engagé, dans sa mesure no 4, à « rendre l’enseignement des langues plus structuré et progressif » en mettant ressources et guides à la disposition des enseignants. Les ressources qui nous concernent dans le cadre de cet article sur les accents sont de deux ordres :
- les repères annuels de progression, communs à toutes les langues, publiés par cycle : ils ne contiennent aucune référence aux accents, nous ne les traiterons pas ;
- les attendus de fin d’année, spécifiques à chaque langue, publiés par classe : ils contiennent plusieurs références aux accents.
Les attendus de fin d’année sont adossés au CECRL […]. Ils précisent les objectifs, notamment linguistiques, et donnent des exemples de réussite concrets selon les niveaux du CECRL visés. (Repères annuels de progression et attendus de fin d'année du CP à la 3e, Eduscol)
Les attendus sont progressivement publiés depuis décembre 2022 sur Éduscol et sont assez fournis (quarante pages en moyenne pour chaque niveau de classe). Ils s’ajoutent aux repères de progressivité linguistiques publiés en 2016, lesquels ne portaient que sur les cycles (Cycle 2, Cycle 3, Cycle 4) et non les classes.
- Attendus de fin d’année de CP (parus en avril 2024)
- Attendus de fin d’année de CE1 (parus en avril 2024)
- Attendus de fin d’année de CE2 (parus en avril 2024)
- Attendus de fin d’année de CM1 (parus en janvier 2024)
- Attendus de fin d’année de CM2 (parus en janvier 2024)
- Attendus de fin d’année de 6e (parus en janvier 2024)
- Attendus de fin d’année en 5e (parus en décembre 2022)
- Attendus de fin d’année en 4e (parus en octobre 2023)
- Attendus de fin d’année en 3e (parus en mai 2023)
Pour tous les items présentés dans les tableaux, la maîtrise des niveaux inférieurs est nécessaire pour atteindre le niveau concerné.
NB 1 : Des descripteurs de compétences pour les niveaux A1, A1+ et A2 sont présents à la fois dans les attendus de fin d’année du cycle 2 (ceux de CE1, CE2), du cycle 3 (ceux de CM1, CM2 et 6e) mais aussi dans les attendus de fin d’année du cycle 4 (ceux de 5e, 4e et 3e). Toutefois, le contenu de ces descripteurs des niveaux A1, A1+ et A2 est différent selon la classe en question, parfois totalement, parfois uniquement de quelques formulations.
NB 2 : Dans cet article, seuls sont présents les descripteurs qui traitent des variétés utilisées / conseillées. Les descripteurs phonologiques complets peuvent être consultés dans les attendus.
Niveau Pré-A1 | Niveau A1 (5e) ((Cette précision du niveau 5e est importante dans la mesure où les attendus de fin d’année de CE1, CE2, CM1, CM2, 6e comprennent aussi un niveau A1 des compétences de CO, mais ne font pas mention des variations géographiques.)) | Niveau A1+ | Niveau A2 | Niveau A2+ | Niveau B1 |
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RAS |
Percevoir quelques variations géographiques (par exemple, britannique ou américaine) de la phonétique et de la phonologie de l’anglais. |
RAS | RAS | RAS | S’appuyer sur les accents (américain, britannique, indien, etc.) pour déterminer l’origine du locuteur. |
On note qu’en A1, seules deux variétés sont nommées : la variété britannique et la variété américaine. L’absence d’étiquette précise pour ces variétés, en l’occurrence pour la variété britannique, est néanmoins problématique : comment être sûr qu’il est fait référence au Standard Southern British English (SSBE), d’ailleurs souvent confondu avec la feue Received Pronunciation (RP) ? Est-ce plutôt de l’Estuary English (EE) qu’il est question, lequel gagne de plus en plus de terrain, même chez les membres de la famille royale ? Quid du Multicultural London English (MLE), qui inonde les réseaux sociaux et les émissions télévisées britanniques ? Ces trois accents sont en effet les plus utilisés aujourd’hui dans le sud-est de l’Angleterre (Cole et Strycharczuk, 2023), région historiquement connue pour abriter les locuteurs de l’anglais « standard ». Et pourquoi ne pourrait-il pas être question, après tout, de la RP, dont on ne cesse de retarder le posthumat pourtant bien justifié ? Il semble éminemment crucial, par conséquent, que les enseignants soient formés à l’étude des variétés d’anglais oral afin de pouvoir interpréter
Notez en A1 la première place de « britannique », qui répond plus à des considérations historiques (Michari, 2023b) qu’alphabétiques puisque dans le droit fil des programmes précédents, notamment ceux de 1995 (Arrêté du 22 novembre 1995) pour la classe de 6e. En effet, l’on y préconisait déjà une sensibilisation à la variété américaine immédiatement après la variété britannique, cette dernière étant considérée dans le premier degré comme « variété maîtresse », dans les deux sens du terme. Un autre point important qui peut justifier cet ordre est la représentation qu’en ont – ou qu’en font – les anglicistes : celle d’un composé coordinatif dont l’ordre semble être scellé tel un binôme irréversible ((Voir l’ordre du titre de Jobert M. & Mandon N. 2009. « Transcrire l’anglais britannique & américain », ainsi que les occurrences dans le dernier rapport du jury de l’agrégation externe d’anglais (2023).)). Cette primeur pour l’accent britannique ne semble donc pas fortuite.
En B1, une variété supplémentaire est explicitement mentionnée et vient chambouler le duopole : « l’accent » indien (Indian English ((Comprendre ici uniquement l’anglais parlé dans la République de l’Inde.))). Pays le plus peuplé du monde, l’Inde compte quelque trois cents millions de locuteurs anglophones (Sridhar, 2020, 245). Quoique ce chiffre ne représente que 21 % de la population indienne, cela en fait la deuxième plus grande communauté anglophone du monde après les États-Unis, et loin devant le Royaume-Uni ((Bien que l’anglais n’y soit qu’une langue seconde (≠ langue étrangère), Sridhar, 2020, 250.)). Ce choix est, arithmétiquement du moins, raisonné, car l’anglais y a en effet un statut de langue seconde (Sridhar, 2020, 250), et certains manuels classent en conséquence « l’accent indien » dans les variétés internationales non natives (Hewings, 2017, 11) ; il est en revanche fréquent de l’entendre à Londres. Les programmes officiels, par leur mention à l’accent indien, confirment par conséquent son statut de lingua franca à l’anglais.
Notons qu’en plus d’avoir un ordre alphabétique retrouvé en B1 (américain est désormais mentionné avant britannique), la liste des variétés se conclut – ou s’ouvre, plutôt – par un et cetera. À la différence du « par exemple » en A1 qui n’offre, en apparence, qu’une alternative, le « etc. » du B1 offre le blanc-seing de la liberté pédagogique – ou plutôt de la liberté variétale, dans la limite de l’anglosphère.
L’on aperçoit une complexification des items dans la mesure où le descripteur B1 n’est pas présenté dans l’absolu, mais plus largement intégré à une stratégie transférable d’accès au sens : celle d’identification de l’origine du locuteur. Cette complexification se retrouve aussi dans les termes utilisés : en A1, les « variations géographiques », sémantiquement vagues, laissent place en B1 aux « accents », plus scientifiquement délimités.
Enfin, en A1, la nature des « variations géographiques » n’est pas précisée : c’est donc à l’enseignant d’expliciter les différences notables entre ces deux variétés : rhoticité, /l/ en attaque de syllabe, statut du yod devant les alvéolaires, etc. Voir le précis d’Olivier Glain sur l’accent américain (Clé des langues).
Compétences linguistiques et stratégies que l’élève mobilise en expression orale en continu
Rappel : Pour tous les items présentés dans les tableaux, la maîtrise des niveaux inférieurs est nécessaire pour atteindre le niveau concerné. ((Ces tableaux ont été revus et corrigés par l’auteur (le document officiel présente des erreurs de transcription).)) ((Les documents officiels, comme la quasi-totalité des manuels scolaires et de phonologie, utilisent les (archi)phonèmes de la RP par tradition (supposément parlée par moins de 3 % de la population britannique), et non ceux du SSBE.))
Niveau Pré-A1 | Niveau A1 | Niveau A1+ | Niveau A2 | Niveau A2+ | Niveau B1 |
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Réaliser les spécificités phonologiques essentielles de la langue étudiée telles que :
Prononcer correctement des mots isolés et mémorisés dans certains champs lexicaux connus en respectant l’accentuation des mots de deux syllabes : Monday/ˈmʌndeɪ/, monkey/ˈmʌŋki/, (uniquement CE1 : Wednesday /ˈwenzdeɪ/) |
Connaître les spécificités phonologiques essentielles de la langue étudiée telles que :
Prononcer correctement des mots isolés et mémorisés dans certains champs lexicaux connus :
intelligent/ɪnˈtelɪdʒənt/, beautiful/ˈbjuːtɪfəl/, comfortable/ˈkʌmftəbəl/, interesting/ˈɪntrəstɪŋ/, favourite/ˈfeɪvrɪt/. |
Connaître et mobiliser les spécificités phonologiques essentielles de la langue étudiée :
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Mobiliser les connaissances phonologiques :
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RAS | RAS |
À ce tableau 2a s’ajoute trois autres descripteurs, issus des exemples de réussite, présentant des transcriptions phonologiques :
Pré-A1 | A1 CM2 | A1 6e | A1+ 6e |
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Lors d’un jeu permettant de travailler la prononciation en prenant appui sur la désignation de quelques couleurs, l’élève écarte les bras pour marquer une voyelle longue, frappe des mains pour marquer une voyelle courte :
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L’élève s'entraîne à répéter des mots en respectant l’accentuation et les formes faibles :
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L’élève s'entraîne à répéter des mots en respectant l’accentuation et les formes faibles.
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L’élève pose sa main sous son menton lors de l'énonciation de mots pour prendre conscience du nombre de syllabes et des lettres qui ne se prononcent pas.
L’élève prononce des mots en tenant compte des lettres muettes qu’ils contiennent.
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Comme en témoigne ce tableau, il n’y a pas de réglementation en ce qui concerne l’accent des élèves en production orale (aussi appelée « expression orale »). En d’autres termes, les programmes ne favorisent explicitement aucun accent par rapport à un autre.
En revanche, les repères phonologiques ci-dessus utilisent majoritairement les phonèmes de l’accent britannique (et plus précisément ceux propres au SSBE), ce qui est surtout visible au niveau des choix diphtongaux (voire lexicaux : autumn, A1+) ((Aux États-Unis, l’utilisation du terme « fall » a supplanté celui de « autumn » depuis le début du XIXe siècle.)).
En effet, la diphtongue goat /əʊ/, utilisée dans le tableau pour illustrer yellow en Pré-A1, goes en A1, homeless, I don’t know en A1+ et go en A2, est un phonème britannique : le point de départ de la diphtongue est une voyelle moyenne centrale (schwa /ə/) contrairement à l’équivalent GA dont le point de départ serait davantage postérieur et arrondi, /oʊ/.
De même, l’utilisation du phonème /ɒ/ pour la voyelle de type lot est fidèle à l’accent britannique (voir watched et crocodile en A1 et column et chocolate en A1+), l’accent américain préférant réaliser cette voyelle /ɑ/, voire /ɔː/. La variété SSBE est également privilégiée par la voyelle accentuée /ɑː/ de banana (Pré-A1 et A1) et castle (A1+). Les trois diphtongues centralisantes, ou centripètes, near /ɪə/, square /eə/, cure /ʊə/, illustrées respectivement par here, hair en Pré-A1, dear, hair, tourist en A2, et hilarious en A1+, sont issues de cette variété britannique.
Ces trois diphtongues tendent d’ailleurs à se monophtonguer en SSBE aujourd’hui, c’est-à-dire à se prononcer comme une voyelle simple dont le timbre ne change pas au cours de son émission. Ce phénomène est très documenté pour les deux dernières diphtongues : square /eə/ devient /ɛː/, et cure /ʊə/ devient /ɔː/ dans presque tous les environnements (Lindsey, 2019, 146). Voir aussi les Innovations phonétiques en anglais britannique (Clé des langues).
La variété britannique est une variété non rhotique. À ce titre, très étrangement, here et hair en Pré-A1, cars en A1, hour en A1+ sont transcrits en GA (avec /r/ prononcé en finale de syllabe, donc) alors que horses (A1) et scissors (A1+) restent bien en SSBE.
Autres curiosités, Saturday en A1, tired et morning en A1+ sont les seuls mots pour lesquels les transcriptions laissent apparaître un /r/ (caractéristique du GA) optionnel, quoique la transcription de Saturday n’indique pas le /t̬/ et que celle de tired comprenne un /ə/. La place de ces /r/ entre parenthèses nous révèle que ce sont des transcriptions bivariétales et non des transcriptions réservées au SSBE dans la mesure où ces /r/ ne dépendent pas du contexte pour être prononcés, mais bien de la variété en question ((Le doute d’avoir affaire à une transcription uniquement britannique aurait été permis pour un mot tel que far transcrit /ˈfɑː(r)/, où le /r/ n’est prononcé en SSBE que dans un éventuel cas de liaison avec un mot subséquent qui commence par une voyelle phonétique. En revanche, dans Saturday, tired et morning, le <r> n’est jamais prononcé en SSBE car il apparaît devant une consonne.)). Ce sont les seuls cas de mélange, et de choix, entre les deux variétés ((En ce sens, et en l’absence de tout commentaire de la part des concepteurs sur ces trois mots qui sont les seuls à présenter cette caractéristique, il est permis de penser que ce sont des coquilles qui se sont glissées lors de la phase d’élaboration de ces documents officiels.)).
Aucun phonème précis n’est donné dans les attendus pour les deux derniers niveaux CECRL du cycle 4, A2+ et B1.
Exemples de réussite
Les attendus offrent des « exemples de réussite » pour illustrer les compétences que les élèves doivent maîtriser. Constatons l’origine géographique très variée des interlocuteurs et documents-supports dans ces exemples tirés de toutes les activités langagières orales (production, réception).
A1 | A1+ | A2 | A2+ | B1 |
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À partir d’un échange de photographies avec une classe partenaire de projet eTwinning en Irlande, les élèves cherchent à en savoir plus (CM1)
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À l’occasion d’un séjour à Édimbourg, l’élève prend des renseignements sur une visite guidée
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Les verbes sont tous des verbes de perception auditive, ou sous-entendent une POI avec un interlocuteur natif (donc, pour l’élève, une compréhension orale).
Cette diversité géographique pourrait ne pas être en accord avec l’item de compréhension orale en A1 dans les « Compétences linguistiques et stratégies que l’élève mobilise » présentées plus haut et qui préconise de sensibiliser aux différences entre l’accent « britannique » et « américain », mais il n’en est rien. En effet, ces « exemples de réussite » illustrent simplement la diversité sociophonétique du monde anglophone sans mise en œuvre de compétences sous-jacentes, alors que dans l’item A1 des « Compétences linguistiques et stratégies que l’élève mobilise », il est question de « percevoir quelques variations géographiques », et dans l’item B1, il est question de « s’appuyer sur les accents pour déterminer l’origine ».
Une liste similaire d’exemples de variétés d’anglais oral contenues dans des documents-supports se trouve à l’autre bout de l’échiquier scolaire, non plus dans la sphère de l’apprenant mais dans celle de l’enseignant. En effet, dans le rapport de jury de l’agrégation externe d’anglais (2023, 208-209) figure un tableau quasiment identique qui répertorie les accents des documents abordés : une boucle « de l’élève au professeur » est par conséquent bien tracée en ce qui concerne l’enseignement-apprentissage des variétés.
En définitive, pour tous ces attendus de cycle 4, la perception des accents commence dès la 5e (tableau A1) par, dans le cas le plus général, une sensibilisation à quelques différences entre l’accent « britannique » et l’accent « américain ». En fin de 3e (tableau B1), la sensibilisation des élèves à d’autres accents, qui ne se limite plus en priorité au britannique et à l’américain dits « standards », dépassera le simple apport de connaissances théoriques pour permettre l’élaboration de stratégies transférables d’accès au sens (déterminer l’origine du locuteur, par exemple). Quoique les transcriptions phonologiques fassent apparaître les phonèmes de l’accent britannique (SSBE), il n’existe aucune consigne qui établirait l’accent à privilégier en production orale. Enfin, les différences entre les accents ne sont jamais illustrées, et il revient à l’enseignant de sélectionner lui-même les différences qu’il souhaite mettre en exergue entre tel et tel accent anglophone – ce qui nécessite d’avoir des connaissances dans ce domaine, raison pour laquelle les différences entre accent britannique et américain peuvent dorénavant faire l’objet de la question de phonologie du CAPES externe d’anglais (uniquement les variétés dites « standards », GA et SSBE, cependant).
6. Quel accent pour les enseignants ?
Nous avons parlé jusqu’à présent des accents sous le prisme de l’apprenant. Pour les enseignants, natifs ou non natifs, il n’existe, aujourd’hui (Michari, 2023b), aucun référentiel, programme ou document qui impose une variété spécifique à enseigner ou à parler, notamment car la diversité des variétés fait la richesse de la langue anglaise. Il serait impensable, par exemple, de demander à un enseignant anglophone natif de changer son accent sous prétexte qu’il ne rentre pas dans des normes variétales prédéfinies.
Il existe néanmoins cinq documents relatifs aux compétences des enseignants desquels certaines conclusions peuvent être tirées.
- Cahier des charges pour le recrutement de professeurs en parcours internationaux (sections internationales ou BFI) (MENJ-DREIC-DGESCO)
Ceci est la seule exception au principe d’égalité des variétés : l’enseignant qui assure des cours dans un parcours international se doit d’être natif et, partant, de parler l’accent de la section dans laquelle il officie.
Des professeurs associés sont recrutés en section internationale ou en classe menant au BFI sous réserve d’être locuteurs natifs de la langue de la section.
Ceci explique en partie la répartition géographique des établissements internationaux de section australienne, lesquels ne se trouvent qu’en Océanie. Dans la mesure du possible, les enseignants recrutés en sections britanniques et américaines doivent être natifs de ces pays, bien qu’une dérogation existe pour les non-natifs (sous réserve d’avoir un niveau C2 dans toutes les activités langagières et d’arborer l’accent de la section).
- Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation
La compétence P1 commune à tous les professeurs indique :
Maîtriser les savoirs disciplinaires et leur didactique.
Par « savoirs disciplinaires », l’on comprend aisément, pour une langue vivante, qu’ils incluent la maîtrise et connaissance de la prononciation de la langue enseignée, laquelle est à la fois la fin et le moyen de tout cours de langue vivante. Si la formulation reste assez vague, elle est toutefois rendue très claire dans les rapports de jury de concours.
- Rapports de jury de concours (CAPLP/CAPES/Agrégation)
Le jury a toutefois conscience que les candidats parlent une variété d’anglais, britannique, américain, australien, etc. et que courbe intonative et accents de mots peuvent varier en fonction du type d’anglais parlé. L’anglais britannique, pour tordre le cou à une idée reçue, n’est pas le seul considéré comme variété ou modèle de référence. Les commissions acceptent tous les types d’anglais, tous les accents, tant que la langue utilisée est pertinente, sans glissements disharmonieux d’un lexique britannique à un lexique américain, d’un accent australien à un accent irlandais, par exemple. (Rapport de jury de l’agrégation externe d’anglais 2022, 202)
Il est cependant important de rappeler l’importance du modèle phonologique que constitue le professeur d’anglais pour ses élèves. (Rapport de jury du CAPLP externe anglais-lettres 2023, 42)
Bien que les deux variétés d’anglais de référence restent le RP (Received pronunciation pour le Royaume-Uni), et le GA (General American pour les États-Unis), d’autres modèles sont bien entendu acceptables dès lors qu’une cohérence langagière est présente. (Rapport de jury du CAPES interne d’anglais 2023)
- Le Portfolio européen pour les enseignants en langues en formation initiale (PEPELF), (Conseil de l’Europe, 2007)
Je sais concevoir et sélectionner des activités différentes pour aider l’apprenant à reconnaître et à interpréter des traits caractéristiques de l’expression orale (ton de la voix, intonation, manière de parler, etc.). (p.25, C5 compréhension orale)
Bien que le PEPELF use de formules larges afin d’être utilisable pour toute langue du Conseil de l’Europe, il invite tout de même ici les futurs enseignants à utiliser des stratégies transférables d’accès au sens qui concernent les accents : « traits caractéristiques », « manière de parler ». Une fois n’est pas coutume, cette compétence ne traite, pour les apprenants, que de compréhension orale (« à reconnaître et à interpréter »), pas de production orale ; cela reste donc dans le droit fil du CECRL et des programmes de langues vivantes étudiés précédemment.
- Le CECRL
À la lumière de « l’échelle des accents » (figure 1), tout enseignant, dont le niveau exigé en langues est B2 minimum, doit être capable de reconnaître quelques variétés d’anglais (B1 et B2) et peut en incorporer les caractéristiques les plus courantes dans son discours (à partir de C1). D’un point de vue didactico-pédagogique, transposées à leur enseignement, ces compétences rendent par conséquent les enseignants d’anglais aptes à expliquer les différences entre deux (ou plusieurs) accents, sinon les plus subtiles au moins les plus évidentes.
7. Que retenir de la place des accents dans les textes officiels ?
Les documents officiels actuellement en vigueur (année scolaire 2023-2024), c’est-à-dire les programmes, documents d’accompagnement et attendus de fin d’année, nous montrent un continuum progressif selon lequel :
- la sensibilisation aux différents accents commence théoriquement dès le cycle 2, c’est-à-dire dès le CP (voir supra le document d’accompagnement transcycle) ;
- la première mention stricto sensu dans un programme (et non pas dans un document d’accompagnement) apparaît au cycle 4 (classes de 5e, 4e, 3e) ;
- la première mention des accents comme objet d’étude à part entière (= objectif culturel) se trouve dans les programmes de LLCER (AMC) et de sections internationales.
La liberté pédagogique de l’enseignant lui permet bien entendu d’exploiter les accents quand il le souhaite, sous un prisme linguistique ou culturel. Il est possible, par exemple, d’aborder le poids socioculturel des accents anglophones dès le cycle 4 dans le cadre de l’enseignement facultatif langues et cultures européennes (LCE), qui ne dispose d’ailleurs pas de programme officiel et encourage par la même occasion les enseignants à proposer des projets stimulants, originaux et innovants, indépendants des LVO (Langue Vivante Obligatoire). Remarquons en ce sens que l’exploitation des accents pour ce qu’ils représentent semble être l’apanage des sections linguistiques.
Dans tous les cas, l’exploitation des variétés d’anglais rentre systématiquement dans la compétence de compréhension orale et jamais dans la compétence de production orale (même en sections internationales ((Sauf en SI australienne, hors BFI, dont le programme stipule nommément la variété à maîtriser.))).
En d’autres termes, les élèves se doivent d’être sensibilisés aux différents accents (à l’aide, par exemple, d’exercices de discrimination auditive) afin qu’ils puissent comprendre le contenu du discours dans quelque accent courant, mais il n’est pas exigé qu’ils « prennent » un accent particulier (cf. sections 3 et 4).
Si tel est le désir des apprenants, en revanche, l’enseignant peut bien entendu les y aider, car c’est en effet le souhait d’un certain nombre d’entre eux, notamment les spécialistes (EDS LLCER & licence LLCER) (Glain et Michari). Il est en revanche à noter que parler avec un « accent anglais » peut être source d’« intimidation linguistique » de la part des pairs, conduisant certains apprenants à saboter en conséquence leur accent pour éviter d’être dans le « paraître » face à une norme émique, c’est-à-dire « celle du groupe de pairs » (Wharton et Wolstenholme, 2019). L'enseignant doit prendre conscience de l'importance de ce problème et favoriser une atmosphère de classe où les élèves osent s'exprimer sans crainte de jugement, autrement dit, l’enseignant doit développer et consolider leur sécurité linguistique.
En ce qui concerne la compétence de compréhension, les documents officiels préconisent de sensibiliser d’abord aux variétés britannique et américaine, et utilisent systématiquement les phonèmes britanniques dans tous leurs documents d’accompagnement. Le SSBE – et la sphère britannique en général (Michari, 2023a) – est profondément ancré dans l’inconscient linguistique français lorsqu’il est fait référence à la langue anglaise ; il est vu comme variété « par défaut », « non marquée ». Le GA, par ailleurs, peine à se faire une place dans les documents officiels, ce qui crée une forte antinomie entre le scolaire et l’extrascolaire. Même si la nécessité de sensibiliser aux différents accents est mentionnée dans les programmes, les différences de prononciation entre les accents ne sont jamais illustrées là où les domaines de l’intonation, de l’accentuation et de la graphématique, eux, disposent d’illustrations et d’exemples, au moins dans les repères de progressivité linguistiques de 2016. Enfin, les quelques autres variétés suggérées dans les documents officiels ont eu raison de l’occidentalocentrisme qui y régnait naguère : quelque discrètes qu’elles soient, les références aux accents des nations du Commonwealth commencent à se faufiler dans les lignes des programmes et documents d’accompagnement, portées par l’internationalisation sinon la mondialisation de la langue anglaise.
Les attendus de fin d’année, ainsi que les repères de progressivité linguistique sont les seuls documents officiels actuellement en vigueur où figurent des transcriptions phonologiques (les programmes actuels n’en comprennent pas, notamment parce qu’ils sont communs à toutes les langues vivantes). C’est à partir de ces transcriptions que l’on peut s’apercevoir que l’accent britannique fait office de norme, conséquence d’un cisatlantisme variétal séculaire, comme il est de tradition depuis le xixe siècle (Michari, 2023b), début de l’enseignement généralisé des langues vivantes en France. Ces attendus n’existent que pour les cycles 2, 3 et 4, c’est-à-dire qu’il n’y a pas, pour le lycée, de tels attendus phonologiques hormis ceux des cycles précédents, lesquels ont toutefois le mérite, si l’on y inclut aussi les repères de progressivité linguistique de 2016, d’aborder tous les domaines et tous les principaux phénomènes (rythme, coloration par /r/, accents lexicaux, réduction vocalique, « l clair » et « l sombre », etc.). Ainsi, là où les cycles 2, 3 et 4 opèrent un lien interdegré évident et une progression phonologique explicitée, une telle charnière n’existe pas entre le cycle 4 (fin de collège) et les trois années de lycée. Les attendus phonologiques de collège, relativement complets, sont donc censés être maîtrisés à l’issue du cycle 4 (dernier cycle de la scolarité obligatoire), c’est-à-dire en fin de 3e, et rebrassés puis consolidés au lycée dans un souci de progression spiralaire. Cette absence de repères linguistiques au lycée s’explique par la place centrale qu’occupe la culture dans les programmes du lycée par rapport à la linguistique.
Il est aussi utile de rappeler que les termes accent, variété, variations que l’on retrouve dans les programmes officiels ne sont jamais définis et qu’il faut par conséquent les comprendre dans leur acception la plus large possible. Leur sensibilisation, puis leur exploitation, ne doivent donc pas se limiter aux différences strictement segmentales (consonnes et voyelles), et doivent aussi inclure les différences suprasegmentales (accent de mot, accent de phrase, intonation), ces deux niveaux formant un ensemble cohérent et partant insécable qui scelle d’un cachet authentique la personnalité de l’accent étudié (on peut, par exemple, aborder le Welsh lilt – systémique – de l’anglais du pays de Galles, ou le High Rising Terminal – stylistique – qui gagne aujourd’hui de nombreuses variétés d’anglais). Pour en savoir plus sur le HRT (Clé des langues).
Seules exceptions à cet œcuménisme variétal, les parcours internationaux (sections internationales et classes menant au BFI), lesquels se concentrent de facto sur une variété spécifique, comme l’annonce par exemple le préambule du programme des sections internationales australiennes (voir supra).
Enfin, cette mise en place d’une sensibilisation, puis conscientisation – voire exploration – des différences variétales en classe d’anglais n’est possible qu’avec des enseignants dûment formés et éclairés sur le sujet. Cette formation est d’autant plus importante que l’anglais sera désormais évalué lors des enquêtes PISA pour lesquelles l’Éducation nationale a mis les bouchées doubles (Mesures pour améliorer l'apprentissage des élèves, Circulaire du 12-12-2022) et dont les questions de compréhension orale auront pour locuteurs Américains et Britanniques, comme l’indique la présentation officielle :
The PISA test of English listening includes only British and North American varieties (avoiding all localisms or regional variations), in approximately equal proportions across all levels. (PISA 2025 Foreign Language Assessment Framework, 80)
Il est donc utile d’outiller les enseignants en conséquence, et il ne fait aucun doute que la présence d’une question de phonologie au CAPES externe d’anglais depuis la session 2022 incite les candidats à s’approprier les différences entre les accents américain (GA) et britannique (SSBE), qui peuvent précisément faire l’objet de la question. Jusqu’en 2022, seuls les préparationnaires de l’agrégation externe d’anglais avaient l’heur d’être évalués sur leurs connaissances desdites variétés d’anglais oral.
Notes
Bibliographie
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Sitographie
BOEN, Bulletin officiel de l'Éducation nationale. Ministère de l’Éducation nationale.
ÉDUSCOL, Portail des langues vivantes. Ministère de l’Éducation nationale.
Pour citer cette ressource :
Dylan Michari, Choisir un accent en classe d’anglais : que disent les textes officiels ?, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), décembre 2024. Consulté le 18/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/langue/choisir-un-accent-en-classe-d-anglais-que-disent-les-textes-officiels