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«Los disparos del cazador» et «La buena letra» de Rafael Chirbes

Par Marta Martinez Valls : Etudiant-chercheur
Publié par Christine Bini le 25/06/2008

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Fiche de lecture de ((Los disparos del cazador)) et ((La buena letra)), deux nouvelles de Rafael Chirbes. Deux récits à la première personne. Un homme et une femme qui se retournent vers leur passé et évoquent leurs souvenirs des années franquistes.

Los Disparos del cazador, Anagrama, Compactos, Barcelona, 2003 La buena letra, Anagrama, Compactos, Barcelona, 2007  

Los disparos del cazador, La buena letra. Deux nouvelles de Rafael Chirbes. Deux récits à la première personne. Un homme et une femme qui se retournent vers leur passé et évoquent leurs souvenirs des années franquistes.

Lui, est fils de Misent (Valencia), son père était un républicain espagnol, qui a vécu effondré, miné par la défaite. C'est l'histoire d'un arriviste, d'un chasseur : un chasseur de femmes, de prestige, d'or. La honte de son père, la rancune et l'envie, l'ont poussé à épouser la fille de l'homme le plus riche du village, son patron. Son départ à Madrid lui permet de s'enrichir grâce à la spéculation et de s'adonner au luxe et à la débauche. Sa femme, ses enfants, ses maîtresses, ses voyages à l'étranger, la conquête de son ancien village natal, sont autant d'éléments qui ont emplit la vie d'un grand séducteur, pourtant brisé par la solitude et les blessures du passé.

Elle, est née dans la même province. La mise en vente de sa maison explique ce retour en arrière : la misère de la guerre, la terreur, la faim et la tristesse la guettent. A travers un discours linéaire cette femme raconte la construction de sa famille : le retour de son mari, la peur des fusillades, l'incarcération de son beau-frère, les restrictions et les contrôles de police, la contrebande, tous les sacrifices auxquels l'après-guerre les a soumis. Une famille qui repose sur une extrême fragilité, et qui se démantèle à la sortie de prison de son beau-frère : le poids de la défaite, le regard des autres est trop lourd pour lui et finira par le faire passer « de l'autre côté », celui des vainqueurs, et couper les liens avec tout son passé.

Le premier s'exprime avec un lourd cynisme, sur un ton sarcastique, bien qu'on le devine meurtri par la vie. La deuxième le fait d'une manière beaucoup plus simple, plus intime. Tous deux s'adressent à leur fils, celui qui va prendre le relai de la famille, auquel ils veulent transmettre leur mémoire, lui partager leur douleur. Dans chacun des deux récits on ressent le besoin de raconter le passé, comme une réaction au présent.

Los disparos del cazador et La buena letra sont de beaux exemples de l'écriture de Rafael Chirbes: claire, limpide. Un auteur qui vient de recevoir le prix du roman espagnol pour son dernier récit, Crematorio ; un écrivain qui utilise l'histoire de gens anonymes pour rendre sa propre opinion sur l'Histoire et sur le temps présent, pour dénoncer les mensonges de la littérature, de la « belle écriture ».

Pour ce dernier, le temps ne peut pas guérir les blessures, sa mission est, au contraire, de les rendre plus grandes, plus profondes. D'où les déchirures, le désarroi, le désespoir qui habitent l'ensemble de ses romans.

 

 
Pour citer cette ressource :

Marta Martinez Valls, "«Los disparos del cazador» et «La buena letra» de Rafael Chirbes", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juin 2008. Consulté le 29/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/litterature/litterature-espagnole/bibliotheque/los-disparos-del-cazador-la-buena-letra