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Entretien avec Elsa Cross

Par Julia Azaretto : Étudiante-chercheuse
Publié par Christine Bini le 19/09/2009

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Le 11 mars 2009 a été inauguré le Salon du Livre à Paris, avec son traditionnel cocktail d'ouverture. La capitale française, suivant sa tradition cosmopolite, accueille chaque année un pays différent dans le cadre du Salon. Cette année, on a eu l'honneur de recevoir le Mexique, pays de cultures ancestrales, et quelques-uns des plus grands représentants de la littérature mexicaine. Parmi les invités, Elsa Cross, poète extraordinaire, qui a gagné en 2007 le grand prix des écrivains pour des écrivains Xavier Villaurrutia - qu'elle a partagé avec Pura López Colomé -, pour son dernier livre ((Cuaderno de Amorgós)). Au Salon du Livre, Elsa Cross a présenté avec son traducteur, Claude Couffon, l'ouvrage ((Jaguar)) publié par "Caractères".

Présentation en français

Le 11 mars 2009 a été inauguré le Salon du Livre à Paris, avec son traditionnel cocktail d'ouverture. La capitale française, suivant sa tradition cosmopolite, accueille chaque année un pays différent dans le cadre du Salon. Cette année, on a eu l'honneur de recevoir le Mexique, pays de cultures ancestrales, et quelques-uns des plus grands représentants de la littérature mexicaine.

Parmi les invités, Elsa Cross, poète extraordinaire, qui a gagné en 2007 le grand prix des écrivains pour des écrivains Xavier Villaurrutia - qu'elle a partagé avec Pura López Colomé -, pour son dernier livre Cuaderno de Amorgós. Au Salon du Livre, Elsa Cross a présenté avec son traducteur, Claude Couffon, l'ouvrage Jaguar publié par Caractères.   

Les poèmes de ce livre évoquent explicitement des lieux sacrés préhispaniques que la poète connaissait déjà, mais qu'elle affirme avoir découverts comme pour la première fois, après un séjour en Inde qui a marqué profondément sa vie et, partant, son œuvre. Le livre Jaguar est le fruit d'une transformation intérieure, accomplie à l'étranger, par laquelle elle a renouvelé son regard et s'est imprégnée plus intensément des paysages mexicains.

Elsa Cross écrit ses premiers poèmes à l'âge de 18 ans, alors qu'elle fréquente l'atelier d'écriture de Juan Arreola. Claude Couffon signale, à juste titre, le caractère intimiste de ces poèmes - toujours présent dans l'œuvre malgré les transformations prévisibles. En effet, c'est dans les premiers poèmes que l'on retrouve une ébauche des thématiques fondamentales qui progressivement se prolongeront dans les recueils postérieurs.

Durant la lecture bilingue, réalisée dans le stand André Malraux du CNL, la présence d'Elsa Cross est douce et sa voix sereine. La rencontre, animée par son traducteur, Claude Couffon, suscite chez Elsa Cross des souvenirs de quelques évènements tragiques dans l'histoire du Mexique. Par exemple, le massacre des étudiants en 1968, plus connu comme le massacre de Tlatelolco, alors que le pays s'apprêtait à accueillir les Jeux Olympiques. C'est là que le gouvernement mexicain a démontré indéniablement son incapacité à rétablir l'ordre pacifiquement, car lors de la répression des étudiants il a provoqué la mort d'un grand nombre des manifestants. La poète signale, par ailleurs, l'importance de la lutte du Sous-commandant Marcos, notamment dans ses débuts, car elle s'est révélée fondamentale pour que les mexicains acceptent enfin l'existence des peuples autochtones. « Les Amants de Tlatelolco » et « Assaut », des poèmes qui se trouvent dans l'ouvrage Jaguar, font respectivement référence à ces sujets.

Parmi la longue bibliographie d'Elsa Cross, la maison d'édition belge Le Cormier a publié en 1996 l'anthologie Miroir au soleil, traduite par Fernand Verhesen avec une préface d'Octavio Paz. Ce recueil regroupe plusieurs poèmes extraits des ouvrages publiés entre 1972 et 1994 au Mexique. En outre, la maison d'édition canadienne Écrits des forges a publié en 2003 Les Songes : élegies traduit par Dominique Soucy.

Entretien

« Tout le monde a la possibilité de s'approcher de la poésie »

Julia Azaretto : Il y a deux de vos livres Le Divan d'Antar et Baccantes qui font explicitement référence à la tradition littéraire. Dans le premier cas, il s'agit d'Antar qui est un poète arabe préislamique ; et dans le second cas, il s'agit du titre d'un ouvrage d'Euripide. Il m'a donc semblé que toute votre œuvre était imprégnée d'une dimension temporelle, ou atemporelle relative à la mémoire et à l'histoire. C'est pour cela que je me demandais si ces allusions à la tradition n'étaient pas le signe d'une poétique que l'on pourrait désigner comme une poétique de la réécriture, ou de la relecture des civilisations anciennes. Par exemple, le poème « Montségur » qui évoque le château de Cathares ; sans compter l'influence explicite de la Grèce dans vos poèmes...

Elsa Cross : Chacun de mes poèmes a eu sa genèse propre. Dans le cas de « Montségur », il a été le fruit d'un voyage que j'ai réalisé dans cette région il y a quelques années, et de l'impact visuel qui s'est produit en moi dans ce lieu. Toute cette histoire était vraiment très vivante pour moi, à l'époque j'avais 20 ans, et c'était quelque chose que j'avais déjà assimilé par le biais de lectures. C'est pour cela que le fait de me retrouver dans la vallée de Crematz m'a beaucoup impressionnée. En ce qui concerne Baccantes, c'est un ouvrage qui situe dans un espace mexicain un sujet très ancien, précisément celui du titre. J'ai utilisé comme épigraphe une citation d'Apollinaire, extraite du poème « le Musicien de Saint-Merry », car il montre ce même phénomène dionysiaque des femmes qui suivent un joueur de flute : « Homme Ah ! Ariane/ Il jouait de la flûte et la musique dirigeait ses pas », dit Apollinaire lorsqu'il décrit la troupe de femmes suivant cette figure dionysiaque et orphique. En effet, dans mon poème il était moins question d'Euripide que d'une célébration dionysiaque. Il s'agit d'un poème de jeunesse, qui illustre ce que nous appelons au Mexique le reventón (la débauche), il exprime ce que nous vivions à cette époque-là. Par exemple, ce groupe de garçons qui va d'un endroit à l'autre en consommant des substances illégales. En réalité, c'est une exaltation vitale. Par rapport à l'ouvrage le Divan d'Antar, il s'est passé une toute autre chose, très étrange par ailleurs. Lorsque j'ai écrit ce poème, j'étais amoureuse d'une personne d'origine arabe ; mais j'ignorais totalement Antar et les poèmes préislamiques. Le livre était déjà écrit et portait un titre provisoire : les Poèmes d'Adonis. Un jour je méditais - en effet je médite tous les jours -, et j'ai entendu ce qui deviendrait le titre de l'ouvrage : « le divan d'Antar ». J'étais très étonnée et d'emblée j'ai pensé à l'étoile. Quand j'ai cherché dans l'encyclopédie, j'ai découvert que l'étoile ne s'appelait pas Antar mais Antares, car c'est une étoile rouge comme Mars (Ares), et c'est pour cela qu'on l'appelle Antares qui signifie anti-Ares. Par la même occasion, j'ai appris qu'un des six grands poètes préislamiques s'appelait Antara ou Antar, puis j'ai découvert l'histoire de cet homme. Dans sa poésie il y avait beaucoup d'images qui se retrouvent également dans mon poème, par exemple celle de la gazelle, le désert bien sûr, et bien d'autres encore. C'est cela qui m'a vraiment frappée, donc j'ai décidé de donner ce titre à l'ouvrage. Au Mexique ce livre a gagné le prix le plus important de poésie, et lorsqu'on en a fait la présentation, sont arrivées quelques personnes de l'ambassade du Maroc et d'autres pays arabes ; car ils pensaient que l'ouvrage concernait directement le poème original d'Antar. Ce sont des choses bizarres, et j'en ai vécu d'autres avec la méditation. Je sais qu'il n'y aucune explication rationnelle, et la chercher n'a, à proprement parler, aucun sens ; mais ce que je veux dire par là c'est qu'il n'y pas eu une tentative de récréer ou de faire la relecture de la tradition, bien qu'il y ait dans ma poésie un dialogue directe avec les traditions classiques.

Baccantes présente des traits universels, au-delà du temps et des civilisations. Vous évoquiez il y a un instant le « reventón » mexicain.

« Reventón » au Mexique signifie une grosse fête, mais je pense qu'il y a quelque chose de plus dans le poème. Les traits universels que tu mentionnes, sont dus, à mon sens, au fait que la nature humaine est la même fondamentalement à toutes les époques, du moins en ce qui concerne les questionnements et les problèmes fondamentaux de l'être humain, lesquels n'ont pas changé, en fait, ce sont toujours les mêmes. La poésie a le pouvoir de toucher cette intemporalité, grâce à laquelle on peut entrer subtilement en contact avec ceux qui ont vécu il y a très longtemps les mêmes choses que nous vivons aujourd'hui.

Je sais que vous avez réalisé un voyage en Inde qui a marqué votre vie et votre œuvre. Par quels chemins êtes-vous arrivée aux paysages mexicains où vous situez les poèmes de Jaguar, après ce voyage en Inde ?

C'est du pur hasard. Je suis rentrée d'Inde en 1984, après un séjour de deux ans, où j'ai étudié dans un ashram la philosophie indienne et la méditation. Et cette année ou la suivante, il y a eu au Mexique un très beau programme, par le biais duquel on envoyait des écrivains dans tout le pays, afin de promouvoir la lecture. Il a été soutenu par la sécurité sociale des fonctionnaires, qui avait à cette époque un directeur vraiment extraordinaire, don Manuel de la Cera, qui s'est également dédié à créer des orchestres symphoniques dans plusieurs états mexicains. Donc, nous allions lire des poèmes partout : dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les usines, dans les écoles. Je me suis rendue compte à ce moment-là que les gens étaient très sensibles au poème « Baccantes », ils s'y identifiaient beaucoup, peut-être du fait qu'il s'agit presque d'un poème narratif. Mais le plus important, c'est que je me suis rendue compte que tout le monde a la possibilité de s'approcher de la poésie. Grâce à ce programme j'ai pu voyager beaucoup dans mon pays, et après avoir été en Inde - submergée dans une discipline d'intériorité très profonde -, j'étais particulièrement perceptive et ouverte ; peut-être est-ce pour cette raison que les paysages que je connaissais au fur et à mesure me touchaient autant, y compris des endroits que je connaissais déjà. Il y avait certains endroits extraordinaires et d'autres qui ne me disaient rien, en effet ils semblaient plus ciblés pour les touristes. C'est comme ça que, grâce au contact avec ces lieux, une grande partie de Jaguar est née. Lorsque je me suis aperçue qu'il y avait beaucoup de poèmes, j'ai décidé de les réunir, mais à la différence d'autres livres, celui-ci n'est pas issu d'une intention unitaire, puisque ce sont des poèmes qui se sont accumulés, et il a continué de grandir.

Avez-vous rajouté quelque chose pour l'édition française publiée chez Caractères ?

Rien. Ce sont les mêmes poèmes que ceux de la dernière édition mexicaine de Jaguar, laquelle incluait des poèmes du livre Casuarines. Je pense que ce sont des poèmes exigeants, difficiles à lire, surtout pour un étranger ; c'est pour ça que j'ai été agréablement surprise par la traduction de Claude Couffon : elle est vraiment extraordinaire. Couffon c'est quelqu'un qui est très au fait du Mexique, où il a beaucoup voyagé. De plus, il a une sensibilité rare pour saisir les spécificités du pays.

Dans le livre la Dame de la tour vous avez effectué des modifications conséquentes dans la deuxième édition. Je voudrais savoir avec quels critères avez-vous réalisé ces modifications, notamment en ce qui concerne le titre « Nigredo », fondamental de par sa référence à l'alchimie, que vous avez décidé de remplacer par « la Ronde des enchantements ».

C'est un livre de jeunesse, et j'ai supprimé tout ce que je trouvais maladroit d'un point de vue poétique. En ce qui concerne « Nigredo » - je pense que tu es la première personne qui comprend de quoi il s'agit et qui le mentionne -, ce titre a fini par me paraître un peu pédant, donc je l'ai changé, mais je n'aurais pas dû le faire. Peu de temps après, une amie qui ne connaissait pas la réédition du poème, a publié des écrits qui portaient le titre Le Jardin des enchantements. La Dame de la tour est un livre que j'ai écrit à l'âge de 20-23 ans. Et quand j'ai eu 24 ans j'ai rédigé le dernier poème. Il reflète ma quête pour trouver une expression propre.

J'ai beaucoup aimé la Dame de la tour, et la référence à l'alchimie me semblait significative, très signifiante dans la trame narrative du poème, car il s'agit d'une quête qui suppose le dépouillement comme condition pour traverser d'autres stations.

Oui, en effet le titre « Nigredo » n'était pas anodin car il signifiait ce besoin de se désagréger afin de pouvoir renaître. Je crois qu'on traverse cette étape à plusieurs reprises le long d'une vie, même si à chaque fois il s'agit de se débarrasser de différentes choses. Cette désagrégation est indispensable pour se renouveler et renaître, comme tu l'as très bien compris.

Vous avez écrit un vers extraordinaire : « Dites-moi comment dois-je vêtir mon cœur pour arriver nue face au mystère ? ».

Oui, il était en rapport avec un autre vers qui disait « je fus dans le temps une fois face à la beauté ». Ce sont des quêtes constantes dans ma poésie.

La vie serait-t-elle un dépouillement successif...

De certaines choses pour en acquérir d'autres, et desquelles il faudra plus tard se défaire. Je me rappelle le vers du poème « la Dame de la tour », du livre portant le même titre, qui dit : « La vie est un long chemin vers la lumière ». Cela aussi est étroitement lié à l'alchimie. 

Vous enseignez la philosophie des religions à l'université nationale de Mexico. Pensez-vous qu'il y ait une relation entre la poésie et la philosophie ?

Oui. Mais je ne sais pas si ce que j'enseigne c'est de la philosophie. Lorsque j'ai commencé mes études universitaires je savais parfaitement que je ne souhaitais pas faire des études de lettres, mais la philosophie n'était pas non plus ce que je cherchais. À cette époque, comme aujourd'hui d'ailleurs, on ne pouvait pas faire des études de religions comparées par exemple, ce qui aurait été plus proche de mes intérêts. Donc, ce que j'ai fait concerne les religions anciennes et la philosophie ; je me suis intéressée aussi aux cultes mystériques de la Grèce ancienne et de l'Asie Mineure. C'est cela que j'enseigne dans le master, et de ce point de vue, j'ai trouvé des articulations entre certaines questions et une certaine expression poétique avec laquelle j'ai des affinités.

En ce sens, la poésie serait une instance permettant d'exprimer des inquiétudes autour du sacré. Par exemple, dans « la Chanson d'Arnault » il y a un vers où je trouve une confluence entre la poésie et la philosophie par rapport au sacré : « Et Arnault sut en versant le vin dans le verre, nous ne sommes sinon des récipients trop brefs pour contenir un amour aussi vaste ».

Oui, mais j'ai écrit ce vers quand j'avais 24 ans, c'est-à-dire avant que ne j'enseigne. Ces poèmes sont issus d'une expérience et d'une recherche propres, dans lesquelles j'ai senti que la capacité humaine débordait par un élan amoureux très vaste, qui serait le propre du mystique. Je vois là la dichotomie où se sont retrouvés piégés les troubadours. D'où, entre autres, la présence d'une figure comme celle d'Arnault.

Je voudrais savoir si vous avez des habitudes pour écrire : êtes-vous disciplinée ?

Non, je n'ai jamais pu avoir ces habitudes. Je pense qu'il est plus facile pour un romancier ou pour un essayiste de mettre en pratique ce type d'habitudes lorsqu'il a une idée claire de ce qu'il va faire. Dans mon cas, très souvent, j'ignore complètement où va le poème, et je ne peux pas le savoir, donc il n'y a rien de très systématique de ce côté-là. Chaque poème est né d'une façon différente. Parfois il est né d'une idée, mais plus souvent d'une image, d'un son, ou d'un mot.

Écrivez-vous tous les jours ?

Non, non, des années peuvent s'écouler sans écrire.

Des années sans écrire ?

Non, peut-être pas des années mais des mois. Mais une fois, j'ai passé trois ans sans écrire, après la Dame de la tour. J'ai écrit deux livres que j'ai détruits, puis il y a eu un moment de silence. On doit respecter ces silences car ce sont des moments de maturation, de voyance, des choses qui sont en train de germer. Il y a quelques années par exemple, j'habitais à Paris, et j'ai cru que c'était le moment parfait pour écrire, car j'étais toute seule et je n'avais pas grand chose à faire. Tous les matins je traduisais, et les après-midi j'allais me promener, je faisais ce que je voulais. Pendant tout mon séjour j'ai attendu l'écriture, mais elle n'est pas venue. La veille de mon départ, soudainement, j'ai commencé à écrire un poème qui deviendrait le début d'un livre qui s'appelle les Songes. À ce moment-là je me suis dit : « la poésie a ses propres règles, très indépendantes de mes horaires et de mes plans ».

Vous pratiquez la méditation depuis 32 ans. Quelle est la relation entre la méditation et l'écriture ?

Pour moi cette relation a été très dynamique. Il y a une interaction claire que j'ai vue à l'œuvre tout au long de ces années. Le séjour dans l'ashram a été très utile pour moi, car il m'a permis, à travers la méditation et le temps passé là-bas, de me défaire en bonne partie de l'identification avec le rôle de « l'écrivain ». Je me suis en quelque sorte débarrassée d'une lourde charge, une charge liée aux attentes et aux désirs de réussite, de publication, ou de reconnaissance. Lorsque cela arrive ça me fait plaisir, mais ce n'est plus une motivation pour mon travail. Cela m'a donné plus de liberté. 

La méditation nourrit l'écriture ?

Essentiellement, car la méditation nourrit la propre capacité de voir et de grandir intérieurement. La méditation offre à ma poésie beaucoup de choses : des sujets, des procédures différentes d'écriture, et des titres ! ce qui est somme toute très surprenant. Mon dernier livre Bomarzo a commencé après que j'ai entendu les trois premiers vers en méditation. Je me suis levée pour les écrire et s'en sont suivis les deux premiers chants, qui faisaient au total dix pages. Mais au-delà de tout cela, la méditation est un rappel constant de notre identité essentielle.

Affirmeriez-vous que la poésie est une pratique spirituelle ? Par exemple dans votre ouvrage Passage de feu vous dites : « Récit non linéaire/ de celle qui cherche/ dieu / et de toutes parts/ regarde ses fragments./ Son reflet/ - comme une lame -,/ la déchire. »

Ce livre en particulier, Passage de feu, écrit avant que j'arrive à la méditation, a comme sujet, plus qu'une quête, un voyage, un passage. Je l'ai fait lire à Octavio Paz, quand je venais de le finir, et il m'a dit que pour lui il s'agissait d'un poème initiatique. D'une certaine façon il l'est. Il y a beaucoup de références spirituelles, mais, en réalité, j'essaie de ne pas contaminer les deux. Je veux que la poésie soit de la poésie malgré tout, je ne veux pas qu'elle devienne un message, ni un outil. Et, par ailleurs, je ne médite pas pour écrire. Mais, c'est sûr, il est inévitable que l'on écrive à partir de son propre sujet. Je crois que cela est légitime, à condition que la poésie ne devienne pas un pamphlet au service d'une idéologie politique, religieuse, ou pédagogique. Pour vous alors ce n'est pas un outil pour mieux vous connaître... La poésie ne revêt pas pour moi un caractère instrumental. Je crois qu'elle est l'expression de la partie la plus profonde d'un être humain. Même si grâce à la poésie j'ai découvert des choses qui me concernaient que j'ignorais, cela n'arrive pas toujours, ni à présent. Pour moi elle n'est pas un outil.

Poète, professeur de philosophie, en plus vous traduisez. Vous avez traduit quelques poètes français comme Yves Bonnefoy, Saint-John Perse et quelques poèmes d'André Velter. Pourriez-vous me dire quelles sont vos priorités au moment de traduire de la poésie ? Qu'est-ce qui vous semble fondamental dans la traduction de poésie ?

Je pense qu'il s'agit d'un exercice très enrichissant pour tout poète ou écrivain car on peut confronter d'autres formes expressives par le biais de la traduction. Elle oblige à accomplir une lecture plus profonde de l'auteur qu'on traduit. Face à la question du rôle du traducteur, je ne suis pas entièrement d'accord, mais je respecte cette position, avec l'idée que le traducteur est en train de faire son œuvre de traduction, qu'il est en train de faire une autre œuvre. Je crois qu'il doit assumer un rôle plus humble et se mettre au service de la poésie et de l'auteur qu'il est en train de traduire, afin de le transmettre de la façon la plus fidèle possible. Ezra Pound disait que le plus important était de traduire l'effet, et je pense qu'il a raison. L'effet qu'un poète réussit par le rythme et l'image ; il y a rythme sonore et rythme visuel dans un poème. On peut écrire de plusieurs façons, la combinaison des éléments propose déjà une possibilité. C'est tout cela qu'on doit maîtriser, dans la mesure du possible, pour pouvoir transmettre l'effet que ce poème produit dans sa langue originale.

Presentación en español

El 11 de marzo se inauguró en París -con el tradicional cóctel de bienvenida-, la Feria del Libro 2009. París, conforme a su tradición cosmopolita, acoge cada año en la feria a un país diferente. Este año ha tenido el honor de recibir a México -país de culturas ancestrales-, y a algunos de los grandes representantes de la literatura mexicana.

Entre los invitados, Elsa Cross, extraordinaria poeta mexicana, ganadora en el 2007, junto con Pura López Colomé, del prestigioso premio de escritores para escritores Xavier Villaurrutia, por su último libro Cuaderno de Amorgós. En la Feria del Libro Elsa Cross presentó Jaguar, publicado por la editorial parisina Caractères, junto a su traductor Claude Couffon.

Los poemas de este libro evocan explícitamente los lugares sagrados prehispánicos, algunos de los cuales la poeta ya conocía, pero que afirma haber descubierto como por primera vez luego de una estadía en la India que marcó profundamente su vida, y, por consiguiente, su obra. Jaguar es el resultado de una transformación interior efectuada en el extranjero, que le permitió renovar la mirada e impregnarse más intensamente de los paisajes mexicanos.

Discípula del taller literario de Juan Arreola, Elsa Cross escribe sus primeros poemas a los 18 años. Según Claude Couffon, estos tienen un carácter intimista que, si bien se ha ido transformando, sigue aún presente en su obra. En efecto, los primeros poemas esbozan las temáticas fundamentales que se desplegarán en los poemarios posteriores.

La presencia de Elsa Cross es suave, y serena su voz durante la lectura bilingüe que se realizó en el stand André Malraux del Centre National du Livre. Durante el encuentro, oficiado por Claude Couffon, la poeta evoca recuerdos de algunos sucesos trágicos ocurridos en México durante el siglo pasado, por ejemplo la cruenta masacre de los estudiantes en 1968, más conocida como la masacre de Tlatelolco, en la que el gobierno demostró ser incapaz de restablecer el orden sin derramar sangre. Resalta además la importancia de la lucha del Subcomandante Marcos, sobre todo en sus inicios, ya que fue fundamental para que los mexicanos aceptaran la existencia de los pueblos indígenas. "Los amantes de Tlatelolco" y "Asalto" del libro Jaguar, aluden respectivamente a estos temas.

De la extensa bibliografía de la poeta, Fernand Verhesen ha traducido al francés Miroir au soleil, publicado en 1996 por la editorial belga Le Cormier. Esta antología reúne poemas extraídos de varios libros de Elsa Cross, publicados entre 1972 y 1994 en México. La editorial canadiense Écrits des forges publicó en el año 2003 les Songes : élégies traducido por Domique Soucy.  

Entrevista

"Cualquier gente tiene la posibilidad de acercarse a la poesía"

Julia Azaretto : En dos de sus libros, El diván de Ántar y Bacantes, retoma títulos que aluden a la tradición literaria. En el caso de Ántar, se trata de un poeta árabe preislámico, y en el caso de Bacantes el libro remite al título de una obra de Eurípides. Me pareció que toda su obra estaba impregnada de una dimensión temporal, o atemporal, que tenía que ver con la memoria, la historia. Por eso me preguntaba si detrás de todo eso había una manera de considerar la poesía como reescritura, relectura de las tradiciones o de las civilizaciones antiguas, por ejemplo el poema "Montségur" que se refiere al castillo de los cátaros. Sin contar la influencia explícita de Grecia en sus poemas...  

Elsa Cross : Cada uno de mis poemas ha tenido una génesis propia. En el caso de "Montségur", surgió de un viaje que hice por la región hace muchos años y del impacto visual que produjo el lugar de Montségur. Aparte de que toda esa historia estaba muy viva para mí -en esa época yo tenía 20 años-, y era algo que ya había asimilado a partir de lecturas, ver el lugar y estar en el valle de los Crematz me impresionó mucho. Lo de Bacantes por otro lado, ubica en un espacio mexicano un tema muy viejo, justamente el del título. Utilicé ahí un epígrafe de Apollinaire extraído de "El músico de Saint-Merry", que muestra ese mismo fenómeno dionisíaco de las mujeres que siguen, en ese caso, a un hombre que toca la flauta: "¡Hombre! ¡Ah Ariadna! Tocaba la flauta y la música guiaba sus pasos", dice Apollinaire, cuando describe al tropel de mujeres que va detrás de esta figura dionisíaca y órfica. En mi poema no se trataba tanto de la idea de Eurípides sino de una celebración dionisíaca.  Es un poema de juventud, una crónica de lo que en México llamamos reventón (o farra), y está expresando lo que se vivía en esos años. En el caso del poema hay una banda de muchachos que van de un lado a otro consumiendo sustancias poco acreditadas. Pero es en realidad una exaltación vital. En el caso de El diván de Ántar, me ocurrió una cosa muy rara. Yo escribí ese poema porque en esa época estaba muy enamorada de alguien que era de origen árabe. Yo no tenía idea de los poemas preislámicos, ni de quién era Ántar. El libro estaba escrito ya y tenía un título provisional que era: Los poemas de Adonis. Un día cuando estaba yo en meditación -practico meditación todos los días-, oí lo que debía ser el título del libro: "El diván de Ántar". Me sorprendió y pensé en la estrella. Fui a la enciclopedia y encontré que la estrella no es Ántar, sino Antares, porque es una estrella roja, como Marte, y por eso se llama Antares, o sea, Anti-ares. Pero allí me enteré también de que hubo un Ántara o Ántar, uno de los seis grandes poetas preislámicos, y descubrí la historia de este hombre. En su poesía había muchas imágenes que están en mi poema -como la de la gacela, el desierto, desde luego, entre otras-, y eso me impactó muchísimo. Y le puse ese título. El libro ganó en México el premio nacional de poesía más importante, y cuando el libro se presentó, llegó gente de la embajada de Marruecos y de otros países árabes, creyendo que era algo sobre el poema original de Ántar. Son cosas extrañas, me  han sucedido varias más a través de la meditación. Sé que no tienen una explicación racional y no tiene sentido tratar de encontrársela; pero a lo que voy, es que no fue tampoco un intento programático de recrear o de hacer la relectura de nada, aunque si haya en mi poesía un diálogo muy directo con las tradiciones clásicas.

Bacantes tiene rasgos de lo universal, más allá del tiempo y de las civilizaciones. Usted evocaba el reventón mexicano.

Reventón en México es una juerga; pero creo que en el poema hay más que eso. Los rasgos de lo universal que mencionas, pienso que se deben sobre todo a que la naturaleza humana es la misma básicamente en cualquier época; los cuestionamientos y los problemas fundamentales del ser humano no han cambiado, siguen siendo los mismos. La poesía tiene la capacidad de tocar esos espacios y esa intemporalidad desde donde uno puede entrar sutilmente en contacto con aquellos que vivieron hace mucho tiempo las mismas o parecidas cosas que a uno le ha tocado también vivir.

Sé que usted realizó un viaje a la India que marcó su vida y su obra. ¿Qué caminos la condujeron después de ese viaje a la India a los paisajes mexicanos en los que sitúa los poemas reunidos en el libro Jaguar?

Fueron casuales. Yo regresé de la India en el '84, después de una estadía de dos años allá, en un áshram donde estuve estudiando filosofía de la India y meditación. Y en ese año, o al siguiente, se hizo en México un programa muy bonito, que mandaba escritores a todo el país, tratando de fomentar la lectura. Lo patrocinaba una institución de Seguridad Social para los Trabajadores del Estado, que tuvo en esa época un director excepcional, don Manuel de la Cera, que se dedicó también a crear orquestas sinfónicas en distintos estados del país. El caso es que íbamos escritores a todas partes, grandes ciudades o pueblos pequeños, para leer poemas en hospitales, en cárceles, en fábricas, en escuelas. Allí me di cuenta de que el poema de Bacantes era con el que la gente establecía más contacto y se identificaba más, tal vez porque es casi un poema narrativo. Pero me di cuenta también de que cualquier gente tiene la posibilidad de acercarse a la poesía. En este programa tuve la oportunidad de viajar mucho por México, y después de haber estado en la India, sumergida en una disciplina de interiorización muy profunda, estaba particularmente perceptiva y abierta, y me impactaron muchísimo los lugares que iba conociendo en México durante esos viajes, incluso lugares que ya conocía desde antes. Había ciertos sitios extraordinarios; aunque otros no me decían nada, y parecían más para turistas. Así fue como salió gran parte de Jaguar, a través del contacto con esos sitios. Cuando vi que eran ya muchos poemas los reuní, pero a diferencia de otros libros míos, éste no fue un libro que surgiera con una intención unitaria, puesto que son poemas que se fueron acumulando, y ha seguido creciendo.

¿Y agregó algo en la edición francesa publicada por Caractères?

Nada, son exactamente los mismos poemas que los de la última edición mexicana de Jaguar, que incorporaba materiales de otro libro, Casuarinas. Pienso que son poemas de lectura difícil, sobre todo para un extranjero, y me llamó la atención la forma en que tradujo Claude Couffon. Su traducción es extraordinaria. Couffon está muy concentrado en México, ya que ha viajado mucho por allá, y tiene una sensibilidad que no todo el mundo posee para captar estas cosas mexicanas.

En el libro La dama de la torre hubo modificaciones entre la primera edición y la segunda. Me gustaría saber con qué criterios realizó esas modificaciones, especialmente en lo que atañe al título "Nigredo", ya que es un título importante por la referencia a la alquimia, que usted remplazó por "La ronda de los encantamientos".

Mira, es un libro de juventud, y suprimí cosas ahí donde me parecía que poéticamente dejaban mucho que desear, ya que había expresiones muy torpes. Lo de "Nigredo" -yo creo que eres la primera persona que entiende de qué se trata y que menciona esto-, acabó por parecerme un poco pedante, lo cambié, y fue un error porque después una amiga que no conocía la reedición del poema, publicó algo con el título El jardín de los encantamientos. La dama de la torre es un libro escrito entre los 20 y los 23 años, y tenía 24 cuando escribí el último poema. Fue como la búsqueda de una expresión propia.

A mí me gustó mucho La dama de la torre, y la referencia a la alquimia me parecía significativa, significante, en la trama narrativa del poema, con respecto a una búsqueda que supone el despojo como condición para seguir atravesando ciertas estaciones...

El título "Nigredo" no era casual porque significaba esta necesidad de la desintegración propia para poder renacer. Yo creo que uno pasa por esta etapa muchas veces, aunque quizá cada vez tengamos que deshacernos de  distintas cosas. Hace falta esa desintegración periódica para poder renovarse y renacer, como tú muy bien lo entiendes.

Usted escribió un verso extraordinario: "Díganme como he de vestir mi corazón para llegar desnuda ante el misterio."

Sí, sí, se correspondía con otro poema que decía: "Estuve en los tiempos una vez de frente a la belleza". Son dos búsquedas constantes de mi poesía.

La vida sería un ir despojándose poco a poco...

De unas cosas para poder adquirir otras. Y de las cuales en cierto momento también habrá que despojarse. Recuerdo un verso del poema "La dama de la torre", que da título al libro, que dice: "La vida es un largo camino hacia la luz". Esto también tiene que ver con la alquimia.

Usted enseña filosofía de la religión en la Universidad Nacional de México. ¿Le parece que hay una relación entre la poesía y la filosofía?

Para mí sí. Yo no sé si es filosofía lo que yo enseño. Cuando ingresé en la Universidad tenía muy claro que no quería estudiar Letras, pero la filosofía no era tampoco lo que yo buscaba. En ese momento no había una carrera -no la hay todavía-, digamos, de religiones comparadas, que habría sido más afín a mis intereses. Entonces lo que he hecho está relacionado con las religiones antiguas y la filosofía, y también me he acercado a los llamados cultos mistéricos del mundo antiguo griego y de Asia Menor. Esto es lo que enseño en el posgrado, y desde este punto de vista, he encontrado correspondencias entre algunas de estas cuestiones y cierta expresión poética que me es afín.

De esta manera la poesía sería una instancia que permite expresar preocupaciones en torno a lo sagrado. Por ejemplo, hay otro verso en "La canción de Arnaut" en el que encuentro una confluencia entre poesía y filosofía con respecto a lo sagrado: "Y supo Arnaut cuando servía el vino en la copa, no somos sino recipientes demasiado breves para contener amor tan vasto".

Sí, ahora bien, esto fue escrito cuando yo tenía 24 años, antes de que enseñara. Esos poemas surgieron de una experiencia y de una búsqueda propias, en las que sentí que la capacidad humana quedaba rebasada por un impulso amoroso muy vasto que sería propio de lo místico. Creo que es la dicotomía que padecieron los trovadores. De ahí -entre otras razones- que se haga presente una figura como la de Arnaut.  

Me gustaría saber si tiene hábitos de escritura, ¿es usted disciplinada?

Nunca he podido tener esos hábitos. Creo que es más fácil para un narrador, o un novelista o ensayista, teniendo ya una idea clara de lo que vas a hacer. En mi caso, muchas veces no tengo idea adónde va el poema y no hay manera de saberlo, entonces no hay nada muy sistemático. Cada poema ha surgido de modo distinto. A veces parte de una idea, pero casi siempre de una imagen, un sonido o una palabra.

¿Escribe todos los días?

No, no, pueden pasar años...

¿Años sin escribir?

No, no años, quizás meses. Pero una vez sí estuve como tres años sin escribir, fue después de La dama de la Torre. Escribí dos libros que destruí, y luego hubo un momento de silencio. Deben respetarse esos silencios porque son momentos de maduración, de videncia, de cosas que se están gestando. Hace varios años, cuando estuve viviendo aquí en París, pensé que era un momento perfecto para escribir porque estaba sola, y no tenía mucho que hacer. Por las mañanas trabajaba en una traducción y por las tardes me iba a caminar, hacía lo que yo quería, y estuve esperando todo el tiempo escribir algo y nada salió. El día anterior, el día antes de irme de la ciudad, comencé de pronto a escribir un poema que sería el comienzo de un libro que se llama Los sueños. Ahí dije: "La poesía tiene sus propias reglas, muy independientes de mis horarios y mis planes".

Con respecto a la meditación que usted practica desde hace 32 años, me preguntaba qué relación había entre meditación y escritura.

Para mí ha sido una relación muy dinámica. Hay una interacción clara que he visto en funcionamiento a lo largo de todos estos años. Una cosa muy útil para mí fue que la meditación y el tiempo que estuve en el áshram me permitieron desprenderme en buena medida de la identificación con el papel de escritora. Y eso fue como quitarme una carga de encima, una carga de expectativas y de deseos de éxito o publicaciones o reconocimientos. Cuando ocurren, me da gusto que así sea, pero dejaron de ser una motivación para mi trabajo. Eso me dio mayor libertad.

¿La meditación nutre la escritura?

Básicamente, porque la meditación nutre la propia capacidad de ver y de crecer internamente. He encontrado que la meditación le ha dado a mi poesía muchas cosas: temas, procedimientos distintos de escritura, ¡hasta títulos!, que es insólito. Mi libro más reciente, Bomarzo, surgió cuando escuché en meditación los tres primeros versos.  Me levanté a escribirlos y salieron los dos primeros cantos, que eran como diez páginas. Pero más allá de todo esto, la meditación es un recordatorio constante de nuestra identidad esencial.

¿Afirmaría usted que la poesía es una práctica espiritual? Por ejemplo en el libro Pasaje de fuego usted dice: "relato no lineal / de la que busca / al dios / y en todas partes mira / sus fragmentos. / Su reflejo / - como filo de hoja - / la despedaza".

Ese libro en particular Pasaje de fuego, escrito antes de que yo llegara a la meditación, sí tiene como tema, más que una búsqueda, un viaje, un pasaje. Se lo di a leer a Octavio Paz, cuando acababa de escribirlo, y él me dijo que le parecía un poema iniciático. De algún modo, lo es. Tiene realmente muchas referencias espirituales. Pero, en realidad, yo trato de no contaminar una cosa con otra; quiero que la poesía siga siendo poesía en todo momento, no quiero que se convierta en un mensaje ni en una herramienta de nada. Y, por otro lado, no medito para escribir. Ahora bien, es inevitable que uno escriba de aquello que es su tema. Creo que es legítimo, siempre y cuando la poesía no se vuelva un panfleto al servicio de ninguna ideología política, religiosa ni pedagógica, ni nada.

Para usted entonces no es una herramienta que le permite conocerse mejor.

La poesía no tiene para mí un carácter instrumental. Creo que es la expresión de la parte más profunda de un ser humano. Aunque en momentos me haya llevado a conocer de mí cosas que no sabía, esto no ocurre siempre ni pasa ahora; no es para mí una herramienta.  

Además de escribir poesía, de enseñar en la Universidad usted también traduce. Sé que tradujo algunos poetas franceses, como Saint-John Perse, Yves Bonnefoy, y algunos poemas de André Velter. ¿Podría decirme cuáles son sus prioridades a la hora de traducir poesía? ¿Qué le parce fundamental en la traducción de poesía?

Pienso que es un ejercicio muy enriquecedor para cualquier poeta o escritor el poder confrontar otras formas expresivas a través de la traducción, porque es lo que obliga a hacer una lectura más profunda del autor que se traduce. Frente a la pregunta del papel del traductor yo no suscribo tanto, pero respeto esta posición, la idea de que el traductor está haciendo su obra de traducción, que está haciendo otra obra. Creo que debe asumir un papel más humilde y ponerse un poco al servicio de la poesía y del autor que está traduciendo para poder transmitirlo de la manera más fiel posible. Ezra Pound decía que lo más importante era traducir el efecto, y creo que tiene razón. El efecto que un poeta logra a través del ritmo y a través de la imagen, hay ritmo sonoro y ritmo visual en un poema. Hay muchas formas de escribir, incluso la combinación de los elementos está dando ya una pauta. Y todo eso tiene que dominarse, en lo posible, para lograr transmitir el efecto que ese poema produce en su lengua original.

 

Pour citer cette ressource :

Julia Azaretto, "Entretien avec Elsa Cross", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), septembre 2009. Consulté le 28/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/litterature/entretiens-et-textes-inedits/entretiens/entretien-avec-elsa-cross