«Ghost Dog: The Way of the Samourai» / «Ghost dog : la voie du samouraï» (Jim Jarmusch – 1999)
Quand sort Ghost Dog en 1999, Jim Jarmusch, cinéaste de la côte Est (né dans l'Ohio, études de cinéma à New York) a déjà réalisé six films et un documentaire.
Il possède, dès son premier long métrage, Permanent Vacation (1980) ce que peu de réalisateurs ont : un style, un rythme.
Son deuxième film, le magnifique Stranger Than Paradise (1985), confirme ce talent : Jarmusch se voit attribuer la Caméra d'or à Cannes, et le Léopard d'or à Locarno.
Son troisième opus, Down by Law (1986), une merveille, vient souligner en beauté, si cela était nécessaire, d'autres lignes de force de son cinéma :
- des personnages hors du commun, à la marge, qui dérivent, errent, voyagent, vagabondent (il faut voir le trio Tom Waits, Roberto Benigni, John Lurie).
- des bandes-son inoubliables. Par exemple celle de Neil Young pour Dead Man (1995), un film de genre (Western) stupéfiant.
- la splendeur de son emploi du noir et blanc.
- un humour un peu décalé, toujours présent, diffus, souvent irrésistible.
Avec Ghost Dog, Jarmusch s'attaque à un autre genre, le film noir, pour lequel il revient paradoxalement à la couleur.
Un tueur à gages, Forest Whitaker, adepte du code d'honneur des samouraïs de l'époque médiévale, vit simplement, connu seulement sous le nom de Ghost Dog. Il considère comme son maître un mafieux qui lui a autrefois sauvé la vie. À cause d'un témoin gênant, au cours de l'exécution d'un contrat, il devient lui-même la cible de la mafia.
Film sur la transmission, sur la confrontation des anciens et des modernes, sur la conscience de l'histoire, cette œuvre ravira les cinéphiles et enchantera les autres.
Qu'on les saisisse ou non, les références explicites à l'histoire du cinéma sont légions, car elles font partie du "discours" du film, sur la mémoire et la tradition.
Pas de modernité possible sans connaissance du passé, nous dit, entre autres, Jarmusch. Ceux (les mafieux) qui, dans le film, traitent les autres (noirs, jeunes, indiens, asiatiques) d'arriérés sont d'une stupidité consternante et d'une inculture abyssale, ce qui donne lieu à des scènes hilarantes.
Forest Whitaker trouve là un de ses grands rôles. Mutique, il déambule sur la bande-son signée RZA, aidé du Wu-Tang Clan. Rap, ambiance urbaine. Silhouette ondulante, en "hoodie", en costume, il se fond avec l'ombre. Solitaire par caractère, marginal par nécessité, il fraternise néanmoins volontiers avec d'autres "excentriques" (au sens propre) : une enfant qui aime lire, un noir francophone ne parlant pas un mot d'anglais.
Évidemment, il vit à l'écart, en l'occurrence sur les toits, et élève des pigeons. Quand on prend de la hauteur, on voit mieux et plus, y compris des choses insoupçonnées, poétiques : un bateau dans un jardin urbain, par exemple.
Jarmusch continue à agrandir sa famille / galerie de personnages différents, attachants.
Le rythme, comme toujours, est non pas lent, mais cérémoniel. Tous les personnages jarmuschiens sont des nonchalants et ont leurs rituels. Nous sommes très loin du cinéma hollywoodien.
Les deux derniers films de Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive (2013) et Patterson (2016), tous deux magnifiques, viennent confirmer un autre trait de son cinéma : une extrême délicatesse, une élégance discrète.
Laissez-vous tenter par le chien fantôme et (re)découvrez un grand cinéaste !
Pour citer cette ressource :
Lionel Gerin, "«Ghost Dog: The Way of the Samourai» / «Ghost dog : la voie du samouraï» (Jim Jarmusch – 1999)", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2017. Consulté le 02/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/arts/cinema/ghost-dog-the-way-of-the-samourai-ghost-dog-la-voie-du-samourai-jim-jarmusch-1999