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Représenter la plantation dans le cinéma américain, du « Land of Plenty » au « locus horribilis » (1915-2020)

Par Clara Gonnet : Autrice - Université Grenoble Alpes
Publié par Marion Coste le 26/09/2024

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[Conférence] Le cinéma hollywoodien fut le vecteur d’une vision du passé diffusée à grande échelle et façonnant l’imaginaire collectif : « Des pans entiers de l’histoire des États-Unis sont plus connus à travers les images transmises par les films que par les pages des plus éminents historiens » (Jacques Portes). De fait, la vision que nous avons de l’esclavage est conditionnée par les représentations filmiques du début du XXe siècle. Il est donc pertinent d’interroger l’évolution de ces représentations pour comprendre le réajustement de la mémoire collective quant à la condition des Noirs esclaves. La manière dont la plantation, symbole par excellence de cette « institution très particulière » (Peter Kolchin), est portée à l’écran est le reflet de la place qu’occupe l’idéologie esclavagiste dans la société.

This lecture was organised by Virginie Thomas at Lycée Champollion (Grenoble)

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Introduction 00:07

1. La nostalgie d'un Old South idéal (1915-années 1950)

  • La mythologie du sud pastoral, emblème de la Lost Cause
04:17
  • La terre comme métaphore d'une civilisation
07:31

2. La plantation, un lieu de contrastes (années 2010)

  • Le paradis pastoral comme locus horribilis
09:02
  • The Birth of a Nation (Nate Parker, 2016) : la plantation aux multiples facettes
10:45
3. La plantation dans les films irréels : le présent du passé (années 2020) 13:11
  • Antebellum (Gerard Bush and Christopher Rentz, 2020) : la face cachée de la nostalgie du Old South
14:02
  • Bad Hair (Justin Simien, 2020) : quand la plantation prend possession des âmes
16:57
Conclusion 19:20

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La première moitié du XXe siècle est le temps de la mythologie de la Lost Cause. Le Sud, vaincu, subit l’occupation des soldats de l’Union après la fin de la guerre civile. Se met alors en place une narration du passé influencée par l’idéologie esclavagiste. L’idée d’une grande civilisation et d’un Old South pastoral perdus est née. Elle est durablement entretenue par les écrits, l’historiographie et surtout par les images des Antebellum Years portées à l’écran. Birth of a Nation (David W. Griffith, 1915), Gone With The Wind (Victor Fleming, 1939) et Song of the South (Wilfred Jackson, 1946) sont la mise en images d’une idéologie qui fait de la plantation un lieu idyllique et pastoral où s’épanouissent maîtres et esclaves en bonne harmonie. Le Southern way of life repose alors sur la culture d’une terre abondante et un ordre racial dominé par les Blancs et parfaitement accepté par les Noirs.

La fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, en écho notamment aux conquêtes sociales et légales des Noirs et leur accès aux droits civiques, permet aux réalisateurs de films de grand public de porter à l’écran une vision plus juste de la plantation. Cette dernière est un lieu de contrastes, le décor luxuriant de crimes et de souffrances. Le cinéma réaliste nourrit alors l’imaginaire collectif d’images plus proches de la réalité vécue par les esclaves, des crimes commis dans les plantations mais aussi des enjeux économiques de l’esclavage, qui n’est plus l’apanage d’un mode de vie idéalisé mais un système qui permet de tirer profit au mieux des ressources de la terre. Beloved (Jonathan Demme, 1998), Django Unchained (Quentin Tarantino, 2012), 12 Years a Slave (Steve McQueen, 2013) et The Birth of a Nation (Nate Parker, 2016) mettent en avant la mémoire douloureuse des esclaves et une vision plus crédible de la vie dans les plantations.

Enfin, l’entrée dans le XXIe siècle et particulièrement les années 2010-2020 marquent un tournant dans la représentation de la plantation par le cinéma mainstream. Des films qui s’éloignent délibérément du réalisme permettent de démontrer avec puissance le caractère durable de l’idéologie raciste et esclavagiste. Grâce à des éléments anachroniques, horrifiques, surnaturels, les réalisateurs se saisissent de la subjectivité mémorielle des Noirs pour faire de la plantation le lieu d’un traumatisme collectif, qui hante encore la société étatsunienne dans son ensemble près d’un siècle et demi après l’abolition de l’esclavage. La plantation devient le décor fictionnel des effets contemporains du mythe de la Lost Cause. Avec Bad Hair (Justin Simien, 2020) et Antebellum (Gerard Bush & Christopher Rentz, 2020), le genre de l’horreur permet d’introduire une vision critique de l’histoire et de l’actualité des questionnements sur le racisme aux États-Unis. 

Pour citer cette ressource :

Clara Gonnet, "Représenter la plantation dans le cinéma américain, du « Land of Plenty » au « locus horribilis » (1915-2020)", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), septembre 2024. Consulté le 13/10/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/arts/cinema/representer-la-plantation-dans-le-cinema-americain