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Pier Paolo Pasolini, La rage à l'oeuvre

Par Marie Fabre : Maître de Conférences - ENS de LYON
Publié par Alison Carton-Kozak le 07/02/2018

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Ce texte est une transcription d'une présentation proposée par Marie Fabre à la Quinzaine du Cinéma Italien de Chambéry le 19 novembre 2016 à l'occasion de la projection du film ((La macchinazione)) de David Grieco, retraçant la vie de Pier Paolo Pasolini. Intellectuel éclectique et engagé, Pasolini a marqué profondément la culture italienne de l’après- guerre, et ce, jusqu’à sa mort survenue en 1975 dans des conditions mystérieuses.

 

Pasolini, "force du passé" : une introduction

Io sono una forza del Passato.
Solo nella tradizione è il mio amore.
Vengo dai ruderi, dalle Chiese,
dalle pale d’altare, dai borghi
dimenticati sugli Appennini o le Prealpi,
dove sono vissuti i fratelli.
Giro per la Tuscolana come un pazzo,
per l’Appia come un cane senza padrone.
O guardo i crepuscoli, le mattine
su Roma, sulla Ciociaria, sul mondo,
come i primi atti della Dopostoria,
cui io sussisto, per privilegio d’anagrafe,
dall’orlo estremo di qualche età
sepolta. Mostruoso è chi è nato
dalle viscere di una donna morta.
E io, feto adulto, mi aggiro
più moderno d’ogni moderno
a cercare i fratelli che non sono più.

Ce petit poème publié dans le recueil Poesia in forma di rosa (1964), Pasolini le met dans la bouche d’un personnage de son film La ricotta. Le personnage, qui est joué par Orson Welles et doublé par Giorgio Bassani, n’est autre qu’un double de Pasolini lui-même, le réalisateur qui tourne un "film dans le film". Pasolini en fait donc une sorte de définition de sa propre position, de sa position historique, et de sa position d’artiste. Et en effet, ce poème me semblait excellent pour introduire sa figure. D’abord parce la forme de beauté qui s’en dégage est tout à fait pasolinienne : douce et violente à la fois. Ensuite, parce que ce poème synthétise à sa manière toute la "vitalité désespérée" de son auteur, comme lui-même aimait à l’appeler. Il nous fait les témoins d’une contradiction qui nous regarde, parce que nous aussi vivons une époque suspendue, difficile à définir (même si certains pensent qu’elle a désormais pris fin), où l’on peut se sentir à la frontière entre deux époques, témoins du passé et basculant dans un avenir incertain. Mais la contradiction que déploie ici Pasolini est plus extrême encore, plus douloureuse : sa nostalgie fait de lui un être monstrueux, accroché aux vestiges de la tradition (l’Eglise, le peuple des "frères", la peinture primitive ou naïve des retables) et vivant ainsi animé par la mort. C’est le paradoxe rassemblé dans la formule initiale : "je suis une force du passé". Pourtant, c’est encore cette énergie venue du passé, pré-moderne, d’un temps comme d’avant l’histoire, qui lui permet de voir, d’avoir la vision du futur. Chez Pasolini, le futur signifie avant tout destruction. Il a beau être marxiste, Pasolini n’est pas progressiste, et c’est quelque chose que certains de ses contemporains auront du mal à lui pardonner. Ici la nouvelle époque qui semble s’ouvrir s’appelle "Après-histoire", aujourd’hui on dirait "Posthistoire". Mais dans le même recueil, Pasolini lui donnera le nom de "Nouvelle Préhistoire" : le néocapitalisme marquerait le départ d’une phase de régression, de barbarie. Selon les critères idéologiques habituels, on dirait donc que ce poème a quelque chose de réactionnaire (l’amour de la tradition ! l’Eglise !) – je l’ai donc choisi aussi parce qu’il vous montre, déjà, pourquoi cette figure de Pasolini va être une figure indéfendable, irrécupérable, pour la droite comme pour une partie de la gauche. Enfin, la dernière chose sur laquelle je souhaiterais attirer votre attention est le vers "più moderno d'ogni moderno", qui aurait pu se traduire "plus moderne que n’importe quel moderne", car il répète cette contradiction en décrivant la position précise de Pasolini, dont il était très conscient : c’est justement son anti-modernité qui lui donne la sensibilité de ce qu’est la modernité, et qui en fait le témoin de son temps. Et c’est en effet très souvent le cas des grandes figures de la modernité, à partir de Baudelaire : il y a ce paradoxe de la nostalgie comme situation moderne par excellence.

Nous voici donc avec beaucoup de choses entre les mains, réunies dans cette figure : modernité et anti-modernité, conscience qu’un passage historique, un changement d’époque, est en train de se jouer en ce début des années 60, et un poète qui tire sa force de cette position intermédiaire, hybride et monstrueuse. Ces éléments vont guider notre parcours et c’est à partir d’eux que nous prendrons en compte l’évolution de Pasolini, et son rôle public notamment au début des années 70. Nous nous concentrerons surtout sur cette période des années 60-70 (jusqu’en 75, année de son assassinat), pour ne pas nous éparpiller et pour vous amener jusqu’au film que vous allez voir, qui traite justement de la mort de Pasolini et développe sur cette mort une hypothèse politique. C’est pourquoi, à côté de la poésie, j’ai décidé qu’on lirait surtout ensemble aujourd’hui des extraits des Scritti corsari, et certains des textes les plus politiques que Pasolini écrit à cette époque. Mais avant ça, pour ceux qui ne connaissent pas ou qui connaissent très peu cet auteur, et il y en a peut-être parmi vous, quelques remarques préliminaires sont nécessaires.

Je disais tout à l’heure que j’avais choisi une optique assez précise par peur qu’on s’éparpille, et cette peur était fondée, parce que la première particularité de Pasolini est le caractère éclectique de son activité, qui rendait pour moi toute présentation synthétique ou exhaustive impossible. Pasolini fut à la fois, successivement et/ou simultanément, poète, romancier, dramaturge, essayiste, journaliste, cinéaste de fiction et documentariste, théoricien de la littérature et du cinéma, sémiologue. C’était, au sens large, un artiste et un intellectuel, de la plus pure espèce de ceux qu’on a appelé, au XXe siècle, "intellectuels engagés", mais à vrai dire il est rare qu’on puisse être autant artiste et autant intellectuel à la fois – c’est-à-dire que rares sont les figures qui sont parvenues à allier de réelles innovations dans le champ artistique et la force d’une vraie pensée critique. Cela dit, si un mot devait représenter Pasolini, c’est avant tout celui de Poète : car c’est en poète qu’il a écrit, fait du cinéma, en poète encore qu’il est intervenu dans les débats de son temps, c’est-à-dire avec tout son corps et tout son "sentiment", sans jamais mettre de côté la dimension subjective. "Essere, col sentimento, al punto in cui il mondo si rinnova" sera sa devise dans les Ceneri di Gramsci (dans le poème Il pianto della scavatrice – et c’est la place qu’il continuera à occuper, les yeux rivés sur l’actualité la plus brûlante dont il a été l’un des analystes les plus aigus, mais ne cédant en rien sur son "cœur", sur l’authenticité d’une sensibilité. Une double posture qui rendra son sentiment du monde complexe, contradictoire.

Mais pour revenir à l’éclectisme, le résultat de celui-ci est aussi la nature proprement torrentielle de sa production : rien que pour la poésie, Pasolini a laissé derrière lui des milliers et des milliers de vers, son œuvre complète tient dans 6 volumes de pléiades, il a aussi tourné 24 films. Non qu’on juge les écrivains au poids, mais on peut déjà en appréhendant cette masse de productions prendre la mesure de  l’énergie créatrice, de la vitalité extraordinaire de la personnalité de Pasolini, et de leur revers : la pure obsession de s’exprimer.

Mais d’autres raisons concourent qui font de Pasolini une exception dans le panorama littéraire de l’Italie contemporaine. En premier lieu, ce qu’il a appelé lui-même son caractère "hérétique", dans une tradition italienne qui n’est certes pas riche en poètes maudits, en excentriques, en marginaux. La vie et l’œuvre de Pasolini furent un scandale constant, marquées par des procès à n’en plus finir, et le scandale dura jusqu’à sa mort, puisque selon la version officielle, Pasolini a été assassiné de la main d’un garçon qui aurait pu être un personnage d’un de ses romans, confirmant macabrement ses thèses sur la dégradation du sous-prolétariat romain. On reviendra un peu plus tard sur les circonstances de cette mort. Remarquez pour l’instant à quel point on y trouve unies la vie et l’œuvre : et c’est là une autre caractéristique encore de Pasolini, qui a lui-même travaillé plus que n’importe quel autre écrivain à cette indissociabilité de sa personne et de son œuvre, de sorte qu’il est impossible de parler de l’une sans parler de l’autre : c’est une question de présence au monde, de personnification, d’incarnation, qui ira en s’accentuant au fil de son œuvre.

Enfin une dernière caractéristique, générale, qu’on peut convoquer ici est celle que soulignait souvent Alberto Moravia quand il devait parler de sa figure : Moravia, qui avait été l’un de ses plus proches amis, présentait toujours Pasolini comme un "poète civil", comme on dit en Italie – il disait que Pasolini était de ceux qui n’avaient pas la simple ambition de s’exprimer eux-mêmes et d’exprimer le monde, mais que s’y ajoutait chez lui la passion de transformer le monde – ce qui explique, aussi, sa présence volontaire, continue, dans le débat public, et le fait que cette présence se manifeste comme une lutte.  

Il nous faut enfin convoquer une autre caractéristique, de contenu celle-ci, qui nous fait entrer plus précisément dans notre propos : toute l’œuvre de Pasolini s’articule autour d’un amour premier du peuple, un amour qu’il a conçu, dit-il, en fréquentant le monde paysan du Frioul, dont sa mère était originaire et où il a passé toute une partie de son adolescence et de sa jeunesse. C’est en chantant ce monde, dans sa langue, c’est-à-dire dans un dialecte frioulan recréé en poésie, que Pasolini commence sa carrière de poète, avec le petit recueil des Poesie a Casarsa. Cette découverte du peuple est à la fois une découverte poétique, une découverte érotique (chez Pasolini, amour et connaissance ne sont jamais séparés, comme récitent les premiers vers de son poème Il pianto della scavatrice), et une découverte politique : Pasolini dira aussi que c’est en fréquentant les ouvriers agricoles qu’il sympathisera avec leur lutte, et deviendra marxiste. Enfin, c’est la découverte d’un monde paysan millénaire, immuable, vivant sa culture propre en marge des processus induits par l’industrialisation, qui le fascine déjà pour une certaine "pureté" - qualité dont on dira par la suite qu’elle nourrit une forme de populisme chez Pasolini.

Après la guerre, Pasolini s’inscrit au PCI et enseigne dans un collège près d’Udine. En 1949, il est dénoncé et condamné pour pédophilie et outrage aux mœurs, pour des actes dont il se revendiquera toujours innocent. Il est interdit d’enseignement et exclu du PCI. C’est un moment extrêmement difficile pour lui, un moment d’humiliation totale et d’ostracisme y compris de la part des communistes, qui l’excluent clairement en raison de son homosexualité. Cet événement détermine aussi un tournant majeur dans sa vie : au début des années cinquante, Pasolini part seul avec sa mère à Rome, s’installe en banlieue et mène pendant quelques temps une vie misérable de chômeur, avant de parvenir à donner quelques cours et d’activer ses contacts dans le milieu culturel. C’est ainsi qu’il découvre, en tant qu’habitant, le monde des borgate, ces quartiers périphériques où se mélangent les champs, les bidonvilles et quelques vieilles baraques, et où le sous-prolétariat romain vit selon ses propres codes une vie de misère, en marge de la ville et de la société. Comme il le raconte dans le recueil Le ceneri di Gramsci, il se passionne pour ce monde, qui quelque part est aussi pour lui une école de vie, et déjà dans ce recueil, il apparaît déchiré entre son amour, y compris physique, pour ce peuple tel qu’il est, avec sa culture propre et sa grâce animale, et la nécessité, en tant que marxiste, de lutter pour l’intégrer à l’histoire en marche.

La conscience est donc déjà divisée, mais Pasolini, en ce début d’années 50, est encore plein d’espoir. Les récits de ce monde du sous-prolétariat romain sont concentrés dans ses deux romans des années 50, Ragazzi di vita et Una vita violenta, mais surtout dans son tout premier cinéma, et notamment le film Accattone, de 1960. Avec le cinéma Pasolini entendait employer le "langage de la réalité", pour se trouver au plus près de cette réalité qu’il voulait raconter, sans filtre : ce monde de petite frappes, ce peuple de crève-la-faim, de "bourrins", de péquenots et de prostituées – un monde qui n’est pas aimable et qu’il aime pourtant, un monde sacrifié, dont la disparition lui semblera cependant un sacrifice plus tragique encore. Dans Mamma Roma, l’année suivante, Pasolini met en effet déjà en scène, à travers Anna Magnani, la manière dont une prostituée essaie de se fondre dans la nouvelle société représentée par les grands ensembles qui envahissent la banlieue (nous sommes déjà en plein miracle économique, et en pleine période d’urbanisation). Ces deux films se terminent par la mort symbolique de leurs personnages, Accattone et Ettore, les deux inadaptés, les deux inadaptables à la société naissante : c’est bien leur sacrifice qui est mis en scène, et à travers eux celui du peuple qu’ils représentent.

Du début à la fin de la vie de Pasolini, cette passion pour l’altérité des classes déshéritées ne se dément pas : quand il lui semblera que l’uniformisation a détruit toute forme de vie populaire en Italie, jusque sur les visages, il ira chercher cette altérité en Inde, en Afrique, en tirant du matériel pour ses films Appunti per un film sull'India et Appunti per un'Orestiade africana (1969). L’expérience de cette altérité est pour Pasolini une expérience du sacré, une sacralité qui git selon lui dans les formes de vie primitives, barbares, impures. Dans Le ceneri di Gramsci, il énonce ainsi : « Più è sacro dov’è più animale il mondo » (L’umile Italia). Cette sacralité apparaît dans des visages, des objets humbles, s’incarne dans ce qui est périphérique, mineur, dans le rebut de la société, dans ce qui n’a pas été intégré à l’ordre historique. Elle est aussi liée à la sexualité, à la violence, à l’instinct, au rire, aux formes de la vie nue, à tout ce qui dans la culture populaire définit un espace propre et se défend, y compris biologiquement, contre le monde bourgeois. Pasolini cherche aussi ses traces dans la culture, dans les mythes qu’il adaptera au cinéma (Medea, Edipo re), dans le christianisme des origines, violemment rebelle contre la société marchande (Il Vangelo secondo Matteo), dans la tradition iconographique, les toiles du Caravage et de Masaccio auxquels son cinéma emprunte. Son attachement aux ruines, au passé, à la tradition, est lié à cette recherche de l’altérité et du sacré, à un monde vierge, pré-moderne – nous rattrapons ainsi notre poème initial, écrit au début des années soixante. En fait, plus Pasolini voit les formes de cette altérité disparaître, et plus il va la poursuivre, en la cherchant ailleurs, ce qui détermine une évolution de son œuvre, d’une forme de chant des mondes mineurs, encore disponibles (la vie paysanne du Frioul ; les borgate) ; à la recherche consciente d’un monde déjà perdu (Tiers-monde, culture).

 

Le tournant des années soixante

On peut voir cette césure apparaître dans son œuvre, au début des années 60, et elle marque aussi un changement du côté poétique. Le texte qui résume le mieux ce parcours, et cette perception d’une rupture, est sans doute Poeta delle ceneri, dit aussi Who is me et traduit en français par Qui je suis. C’est un texte que Pasolini écrit à New York, en 1966. Il y résume, dans ce qu’il appelle "poème bio-bibliographique", l’ensemble de son expérience jusqu’à cette date : de son enfance jusqu’à la mort tragique de son frère Guido, sa fuite à Rome avec sa mère, l’expérience du chômage et de la misère, les débuts de sa carrière dans le cinéma. Mais surtout, il s’y proclame frère d’Allen Ginsberg, le poète américain beat, et fait état de son désespoir quant à la situation contemporaine – un désespoir un deviendra de plus en plus lancinant, dans sa vision des évolutions économique, politique et sociale, et bien sûr, dans son œuvre, qui y réagit.

Poétiquement, c’est le moment d’un refus de la littérature : pas un refus d’écrire, pas un refus de la poésie, mais bien de la littérature comme institution, comme domaine protégé et coupé de toute action sur le réel. Pasolini refuse d’être une "bête de style", comme il le dit, et se tourne vers la poésie comme performance, happening, ou, pour être plus simples et plus précis à la fois, action – quitte à écrire des "brutti versi", comme il le dit lui-même. Ce refus de la littérature est la réponse particulière que Pasolini élabore en concomitance avec le boom économique italien, en réponse au glissement dans une nouvelle époque qu’on appelle souvent, selon les perspectives, postmodernité ou encore néocapitalisme. Une période où toutes les marges sont petit à petit réabsorbées dans la société de masse, qui se définit comme société de consommation, vendue comme idéal à travers les nouveaux médias, à l’époque la télévision ; et où la littérature perd peu à peu sa fonction politique engagée pour devenir elle aussi un produit ou un loisir au sein de cette société, réduite à sa pure fonction esthétique, dans une société où l’esthétique est partout, et où elle désormais un argument de vente à l’usage des publicitaires.

Selon une formule extrêmement simplificatrice, on peut dire que Pasolini répond en cherchant à frayer une voie à la littérature comme action, et comme vie, aux antipodes, à la fois des vieilles figures bourgeoises de l’écrivain lettré, du professeur, et à la fois de l’élitisme avant-gardiste. Pasolini à sa manière va s’exposer de plus en plus en tant que personne, en tant que corps, multiplier les instances de communication dans son écriture et privilégier le cinéma comme langage direct de la réalité et de l’action, en somme chercher des sorties. Comme il l’explique très bien dans Who is me, où il déclare que la bourgeoisie est désormais "la forme raciale de l’humanité", où il déclare aussi que l’engagement est plus nécessaire que jamais et ajoute :

Forse, impegnarsi contro tutto questo 
non vuol dire scrivere, da impegnati, 
direi, ma vivere

Se dessine aussi, dans ce poème, l’image qu’il donnera à sa propre vie : l’exaspération de son désespoir et la persévérance, revendiquée, dans une forme de marginalité dont il désigne les ultimes ressources :  

E oggi, vi dirò, che non solo bisogna impegnarsi nello scrivere, 
ma nel vivere: 
bisogna resistere nello scandalo 
e nella rabbia, più che mai, 
ingenui come bestie al macello, 
torbidi come vittime, appunto: 
bisogna dire più alto che mai il disprezzo 
verso la borghesia, urlare contro la sua volgarità, 
sputare sopra la sua irrealtà che essa ha eletto a realtà, 
non cedere in un atto e in una parola 
nell’odio totale contro di esse, le sue polizie, 
le sue magistrature, le sue televisioni, i suoi giornali: 
e qui 
io, piccolo borghese che drammatizza tutto, 
così bene educato da una madre nella dolce e timida anima 
[...] della morale contadina, 
vorrei tessere un elogio 
della sporcizia, della miseria, della droga e del suicidio: 
io privilegiato poeta marxista 
che ha strumenti e armi ideologiche per combattere, 
e abbastanza moralismo per condannare il puro atto di scandalo, 
io, profondamente perbene, 
faccio questo elogio, perché, la droga, lo schifo, la rabbia, 
il suicidio 
sono, con la religione, la sola speranza rimasta: 
contestazione pura e azione 
su cui si misura l’enorme torto del mondo.
(Who is me/ Poeta delle ceneri, in Bestemmia)

Pour paraphraser une citation de la critique Carla Benedetti, le dernier Pasolini ne croit plus qu’il puisse y avoir “de la poésie dans la littérature”, c’est-à-dire en restant à l’intérieur de la seule dimension esthétique transformée en jeu conventionnel. Sa seule chance est de sortir de la littérature, de se faire corps, forme de vie, instrument d’une action sur le monde. Le choix radical de Pasolini est alors de rendre sa poésie instrumentale, non pas indépendante mais tout à fait dépendante de la vie qu’elle cherche à exprimer : ses poèmes ne seront plus que communication ou "traces",  "notes en vue de". Il faut ajouter aussi quelque chose de très présent dans l’œuvre poétique : c’est l’idée d’une persécution (sociale, médiatique, juridique) qui est, à son tour, la marque de l’altérité, de la différence qu’il assume y compris à travers sa sexualité : à la fois une damnation et un instrument dont Pasolini se prévaut pour se faire, de plus en plus, objet de scandale. Pasolini met en jeu sa propre personne, faisant de sa présence même une force de contradiction encombrante, et dans ces années où il est harcelé par la presse et par la justice, "naissent les autoportraits en "bête" (bestia da stile, bestia da macello), en innocent, en ingénu, en poète, en intellectuel, en homosexuel, en exclu et en différent, tous repris quelques années plus tard dans le théâtre" (Hervé Joubert-Laurencin, Pasolini, Portrait du poète en cinéaste).

 

Pasolini corsaire et la "mutation anthropologique"

Ce passage nous permet de mieux comprendre le rôle que joue le poète dans la société d’après-guerre, et de nous rapprocher de ses dernières formulations, de plus en plus extrêmes, de plus en plus enragées, que j'emprunterai à ses recueils d’interventions dans la presse du début des années 70, Lettere luterane et Scritti corsari. Le dernier Pasolini tendait à voir le capitalisme dans ses manifestations contemporaines comme une nouvelle forme, plus virulente, de fascisme, un processus économique et politique voué à éliminer toute forme autre de vie, à faire place nette vis-à-vis de toute culture alternative à la sienne, que cette culture soit celle du passé ou bien qu’il s’agisse de cultures se développant dans ses marges – il s’agit d’une évolution que l’écrivain voit à l’œuvre dans tous les domaines : ceux de la vie quotidienne, bien sûr, dans la mesure où s’y développe un mode de vie propre à la culture de consommation, mais aussi ceux de la sphère culturelle, esthétique, artistique, ainsi que tout ce qui engage le rapport de l’homme à l’environnement, notamment sous sa forme architecturale (voir La forma della città – intéressante comparaison du fascisme et du néocapitalisme). Sous le masque dangereux de la tolérance, prend forme une société profondément raciste, dans la mesure où elle rejette toutes les formes de différence qu’elle ne peut pas intégrer. Mais le plus grave est sans doute la manière dont le changement opère, à travers une transformation des mentalités qui ne procède qu’en apparence de choix conscients : 

Chi ha manipolato e radicalmente (antropologicamente) mutato le grandi masse contadine e operaie italiane è un nuovo potere che mi è difficile definire : ma di cui sono certo che è il più violento e totalitario che ci cia mai stato : esso cambia la natura della gente, entre nel più profondo delle coscienze. Dunque, sotto le scente coscienti, c’è una scelta coatta, “ormai comune a tutti gli italiani” : la quale ultima non puo’ che deformare le prime ("Ampliamento del bozzetto sulla rivoluzione antropologica in Italia”, in Scritti corsari).

C’est le moment où Pasolini met en avant une force d’homologation, d’uniformisation à l’œuvre dans le "développement" économique, qu’il différencie bien du "progrès" social. Il perçoit avant tout cette homologation en tant que force de destruction des cultures populaires, qui donnaient au peuple une vie autonome, lui assurant par là-même une dignité qui ne dépendait pas du monde bourgeois et lui permettait même de le mépriser. Il note que les classes populaires aspirent toutes, désormais, au modèle bourgeois, qu’elles aspirent désormais à avoir les mêmes choses, le même aspect, la même éducation – c’est donc à une forme d’acculturation des classes populaires qu’on a affaire :

Nessun centralismo fascista è riuscito a fare ciò che ha fatto il centralismo della civiltà dei consumi. Il fascismo proponeva un modello, reazionario e monumentale, che però restava lettera morta. Le varie culture particolari (contadine, sottoproletarie, operaie) continuavano imperturbabili a uniformarsi ai loro antichi modelli: la repressione si limitava ad ottenere la loro adesione a parole. Oggi, al contrario, l'adesione ai modelli imposti dal Centro, è totale e incondizionata. I modelli culturali reali sono rinnegati. L'abiura è compiuta (« Acculturazione e acculturazione » in Scritti corsari).

Ainsi, le peuple qu’il avait filmé dans Accattone n’existait plus, comme il le souligne dans l’article "Il mio «Accattone» in TV dopo il genocidio", en 1975 : il est désormais condamné à être "le calque larvaire de la bourgeoisie". Dans ses articles des Scritti corsari, Pasolini fait le lien entre cette force d’homologation provoquée par le "développement" et les manifestations de névrose, de malheur et de violence qu’il voit chez les jeunes avec lesquels il est en contact, et qui selon lui, ont véritablement muté (c’est ce qu’il appelle la "mutation anthropologique"). En effet, là où les mondes paysans, ouvriers, sous-prolétaires, avaient auparavant des structures propres qui, comme je le disais juste avant, lui garantissaient une forme de dignité propre, l’individu est aujourd’hui humilié de ne pas avoir les moyens (culturels, financiers, psychologiques) de se conformer au modèle de la société de consommation : ce qui nourrit un sentiment d’exclusion et une agressivité dangereuse qui prend possession des couches populaires (et il avait très bien vu la manière dont certaines frustrations allaient faire le lit de nouvelles formes de fascisme). Mais il ne s’agit pas seulement des classes populaires : car le modèle diffusé par les médias et la télévision, personne n’arrive à le réaliser – ainsi les gens en deviennent les victimes malheureuses. Pasolini insiste sur le fait que malgré les apparences, cette société ne crée pas des égaux, mais décrète une forme d’égalité qui est en fait une simple uniformisation des désirs :

L'ansia del consumo è un'ansia di obbedienza a un ordine non pronunciato. Ognuno in Italia sente l'ansia, degradante, di essere uguale agli altri nel consumare, nell'essere felice, nell'essere libero: perché questo è l'ordine che egli inconsciamente ha ricevuto, e a cui deve obbedire, a patto di sentirsi 'diverso'. Mai la diversità è stata una colpa così spaventosa come in questo periodo di tolleranza. L'uguaglianza non è stata infatti conquistata, ma è una falsa uguaglianza ricevuta in regalo ("Studio della rivoluzione antropologica in Italia" in Scritti corsari).

Il en résulte aussi, naturellement, que l’individu « différent », ou même simplement malheureux, est par retour culpabilisé comme s’il s’agissait d’une faute, comme s’il n’était pas à la hauteur.

Evidemment, ces évolutions sonnent le glas des vieilles divisions politiques, dans le sens où la culture de masse qui est en train d’émerger vide de son sens toutes les idéologies politiques qui déterminaient la ligne de démarcation, ou plutôt d’opposition, entre fascisme et antifascisme, gauche et droite : elle est transversale aussi bien du point de vue social (de classe) que du point de vue politique (idéologie).

L’omologazione « culturale » che ne è derivata riguarda tutti : popolo e borghesia, operai e sottoproletari. Il contesto sociale è mutato nel senso che si è estremamente unificato. La matrice che genera tutti gli italiani è ormai la stessa. Non c’è più dunque differenza apprezzabile – al di fuori di una scelta politica come schema morto da riempire gesticolando – tra un qualsiasi cittadino italiano fascista e un qualsiasi cittadino italiano antifascista. Essi sono culturalmente, psicologicamente, e, quel che è più impressionante, fisicamente, interscambiabili (“Studio sulla rivoluzione antropologica in Italia”, in Scritti corsari).

Pasolini avait aussi eu l’intuition (ensuite développée par Foucault), que le néocapitalisme allait agir sous la forme d’un micro-pouvoir, c’est-à-dire qu’il allait intervenir, de manière subtile et invisible, à tous les degrés de l’intimité de l’individu, et notamment dans son intimité physique et sexuelle : et là aussi modeler ses désirs, la forme même de son corps, et la valeur de ce corps en tant que corps.

C’est l’une des raisons pour lesquelles il sera extrêmement critique, voire réactionnaire, sur des questions telles que l’avortement et le divorce, et qu’il n’aura pas grande sympathie pour la jeunesse de 68 – voyant aussi dans ces évolutions sociales les traces marquées d’un nouvel hédonisme qui était, de fait, la nouvelle culture imposée à l’individu comme un bien, mais reposant sur un mécanisme de consommation (des biens, des corps, des êtres) et portant la marque du Pouvoir. Au tournant des années Soixante, ses chroniques dans la presse italienne, notamment sur ces questions, font scandale, mais c’est sans doute, à côté du contenu de ces articles eux-mêmes, la fonction que voulait alors occuper Pasolini : celui qui, portant la contradiction, force les autres à réagir – car tous lui répondent, de Moravia à Calvino.

Sous les apparentes victoires du divorce et de l’avortement, Pasolini mettait en avant la mutation profonde des classes moyennes italiennes, et le fait que ces conquêtes qui pouvaient être des conquêtes « de gauche », advenaient en fait pour des raisons souterraines qui allaient ruiner cette même gauche : l’évolution vers une société hédoniste, où même la liberté sexuelle devient convention et obligation. Ce n’était pas tant le résultat du vote, mais les raisons de ce vote qu’il pointait du doigt, et à travers elles la société du bien-être – cette société où les gens seraient graduellement susceptibles de tout accepter, politiquement et humainement, à condition que leur confort matériel soit sauf.

Dans le fameux "Articolo delle lucciole", Pasolini pointe aussi du doigt que l’émergence de ce nouveau Pouvoir qu’il désigne comme totalitaire procède d’un changement global, à l’échelle de la planète :

Non siamo più di fronte, come tutti ormai sanno, a "tempi nuovi", ma a una nuova epoca della storia umana, di quella storia umana le cui scadenze sono millenaristiche. Era impossibile che gli italiani reagissero peggio di così a tale trauma storico. Essi sono diventati in pochi anni (specie nel centro-sud) un popolo degenerato, ridicolo, mostruoso, criminale. Basta soltanto uscire per strada per capirlo.

Il conclut que ce nouveau Pouvoir que la classe politique a pris pour une simple "modernisation des techniques" est en train de vider les vieilles institutions politiques et les valeurs, bonnes ou mauvaises, sur lesquelles elles se fondaient, de leur sens, mais que personne ne connaît encore le visage du pouvoir réel.

 

La mort de Pasolini dans son époque

Enfin, il ne faut pas oublier que ces articles, Pasolini les écrivait aussi dans l’un des moments les plus sombres de l’histoire italienne, celle des années de plomb. Au tournant des années 60 et au début des années 70, la société italienne est en effet secouée par une vague d’attentats. Derrière ces attentats, présentés comme d’extrême-gauche (Piazza Fontana à Milan, 1969) ou d’extrême-droite (Piazza della Loggia à Brescia, 1974), se cache en fait une « stratégie de la tension », stratégie mise en oeuvre par certaines franges de l’Etat lui-même, au contact de la CIA, sans doute pour favoriser l’émergence d’un Etat autoritaire. C’est la saison des "massacres d’Etat" et des "mystères" de l’histoire italienne – et certains pensent que la mort de Pasolini fait partie de ces mystères. Le 14 novembre 1974, Pasolini donne cet article intitulé "Il romanzo delle stragi" à la presse :

Io so.
Io so i nomi dei responsabili di quello che viene chiamato "golpe" (e che in realtà è una serie di "golpe" istituitasi a sistema di protezione del potere).
Io so i nomi dei responsabili della strage di Milano del 12 dicembre 1969.
Io so i nomi dei responsabili delle stragi di Brescia e di Bologna dei primi mesi del 1974.
Io so i nomi del "vertice" che ha manovrato, dunque, sia i vecchi fascisti ideatori di "golpe", sia i neo-fascisti autori materiali delle prime stragi, sia infine, gli "ignoti" autori materiali delle stragi più recenti.
Io so i nomi che hanno gestito le due differenti, anzi, opposte, fasi della tensione: una prima fase anticomunista (Milano 1969) e una seconda fase antifascista (Brescia e Bologna 1974).
Io so i nomi del gruppo di potenti, che, con l'aiuto della Cia (e in second'ordine dei colonnelli greci della mafia), hanno prima creato (del resto miseramente fallendo) una crociata anticomunista, a tamponare il '68, e in seguito, sempre con l'aiuto e per ispirazione della Cia, si sono ricostituiti una verginità antifascista, a tamponare il disastro del "referendum".
Io so i nomi di coloro che, tra una Messa e l'altra, hanno dato le disposizioni e assicurato la protezione politica a vecchi generali (per tenere in piedi, di riserva, l'organizzazione di un potenziale colpo di Stato), a giovani neo-fascisti, anzi neo-nazisti (per creare in concreto la tensione anticomunista) e infine criminali comuni, fino a questo momento, e forse per sempre, senza nome (per creare la successiva tensione antifascista). (…)
Io so tutti questi nomi e so tutti i fatti (attentati alle istituzioni e stragi) di cui si sono resi colpevoli. (…)
Io so. Ma non ho le prove. Non ho nemmeno indizi.
Io so perché sono un intellettuale, uno scrittore, che cerca di seguire tutto ciò che succede, di conoscere tutto ciò che se ne scrive, di immaginare tutto ciò che non si sa o che si tace; che coordina fatti anche lontani, che mette insieme i pezzi disorganizzati e frammentari di un intero coerente quadro politico, che ristabilisce la logica là dove sembrano regnare l'arbitrarietà, la follia e il mistero. (…)
Probabilmente i giornalisti e i politici hanno anche delle prove o, almeno, degli indizi.
Ora il problema è questo: i giornalisti e i politici, pur avendo forse delle prove e certamente degli indizi, non fanno i nomi.
A chi dunque compete fare questi nomi? Evidentemente a chi non solo ha il necessario coraggio, ma, insieme, non è compromesso nella pratica col potere, e, inoltre, non ha, per definizione, niente da perdere: cioè un intellettuale. (…)

On voit aussi dans ces dernières lignes la définition particulière que Pasolini donne de l’intellectuel, et qui nous ramène à la problématique de l’engagement telle qu’elle perdure chez lui : un homme ou une femme définis par le courage, l’indépendance des sphères mais surtout de l’exercice du pouvoir, et comme il le dira dans Petrolio, s’étant mis dans la position de n’avoir substantiellement rien à perdre, c’est-à-dire n’ayant comme bien et comme responsabilité que celle de son destin.

Dans cet article, Pasolini parle aussi de son "projet de roman" en cours, Petrolio, justement : dernier roman inachevé, resté au stade d’ébauche, dont les 521 pages ont été publiées posthumes. La trame et l’histoire éditoriale de Pétrole sont trop complexes pour être décrites ici de manière exhaustive, mais le projet démontre que Pasolini était en train d’enquêter et de travailler sur un terrain périlleux, qui avait déjà coûté la mort au journaliste Mauro De Mauro en 1970 : comme l’indique le titre, Pasolini se plonge dans les arcanes du nouveau pouvoir des multinationales, mettant en jeu l’histoire de l’ENI, l’agence pétrolière de l’Etat italien. En 1962, le président de l’ENI, Enrico Mattei, avait disparu dans un "accident" d’avion d’origine criminelle, dont les mandataires n’ont jamais été désignés. Il s’agit d’un autre de ces mystères de l’histoire italienne, qui perdure encore aujourd’hui (voir le film de Francesco Rosi, Il Caso Mattei). Dans son roman, Pasolini mettait en jeu la personne d’Eugenio Cefis, successeur de Mattei à l’ENI et président de la Montedison. Il est possible que Pasolini se soit approché trop près d’une vérité occultée, désignant en Eugenio Cefis le mandataire de l’assassinat de Mattei. C’est la thèse que vous verrez illustrée dans le film de David Grieco, La macchinazione.

La Macchinazione - Trailer - Source : Youtube

La mort de Pasolini, advenue sur une plage d’Ostia en novembre 1975, continue aujourd’hui, en Italie, à faire débat, comme le montre bien l’existence même de ce film (dans la tradition italienne du film enquête, de la reconstitution filmique d’une vérité alternative). Une grande partie du monde culturel italien s’est rangé à la version officielle, qui veut que Pasolini soit mort "comme un homosexuel", dans une rencontre nocturne qui aurait mal tourné. Même si c’était le cas, il est difficile d’occulter les manques et les failles qui se glissent dans la version officielle des faits, voulant que Pino Pelosi, jeune homme de 17 ans, ait tué seul Pasolini qu’il avait rencontré le soir même. Arrêté la nuit du meurtre au volant de la voiture de Pasolini, Pelosi avait avoué son crime, avant de se dédire des années après, en mai 2005, affirmant ne pas être l’exécutant du crime de Pasolini, qui serait le fait de trois autres personnes, dont il s’est borné à indiquer l’accent sicilien. Il dit aussi avoir tu la vérité si longtemps à cause de la menace qui planait sur sa famille s’il parlait. Beaucoup ont refusé de croire à cette nouvelle version de Pelosi, pourtant il est vrai que de nombreux éléments (à commencer par les marques présentes sur le corps de Pasolini) ainsi que certains témoignages indiquent que Pasolini n’a pas été tué par une seule personne.

Quittons nous sur cette dernière citation de Pasolini, qui devait conclure un discours au Parti radical, écrit juste avant sa mort et jamais prononcé :

Contro tutto questo voi non dovete far altro (io credo) che continuare semplicemente a essere voi stessi: il che significa essere continuamente irriconoscibili.
Dimenticare subito i grandi successi: e continuare imperterriti, ostinati, eternamente contrari, a pretendere, a volere, a identificarvi col diverso; a scandalizzare; a bestemmiare. 

Pour citer cette ressource :

Marie Fabre, Pier Paolo Pasolini, La rage à l'oeuvre, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), février 2018. Consulté le 17/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/litterature/periode-contemporaine/pier-paolo-pasolini-la-rage-a-loeuvre