William Hogarth
1. Biographie
William Hogarth est né le 10 novembre 1697 à Londres, où il passa presque toute sa vie. Fils d'un modeste maître d'école, il entre comme apprenti chez un graveur sur argent. Très jeune il aime déjà croquer les scènes de la vie londonienne (Londres est à l'époque la plus grande ville du monde occidental). Il s'établit à son compte en 1720, gagnant principalement sa vie grâce à l'illustration d'ouvrages, tout en réalisant quelques pièces satiriques, représentant l'actualité politique ou économique.
En 1725, Hogarth entre à l'académie de dessin fondée par Sir James Thornhill en 1722. En 1729, il épouse Jane Thornhill, devenant ainsi le gendre du peintre anglais le plus reconnu de l'époque. Hogarth s'intègre rapidement dans la communauté artistique (peintres, sculpteurs, écrivains, hommes politiques, mécènes...) de Londres.
La carrière d'Hogarth connaît un tournant en 1732 grâce aux six planches composant The Harlot's Progress (La Carrière d'une prostituée). La première de ses séries narratives (suivront The Rake's Progress ainsi que Marriage-a-la-mode,ou encore Industry and Idleness) inaugure un genre nouveau : le sujet moral moderne, alliant la tradition de la peinture de genre hollandaise à celle de la satire anglaise.
Hogarth souhaitait s'imposer en tant que peintre et c'est ainsi qu'il se représente dans ses autoportraits, et notamment dans The Painter and His Pug (1745). Ce tableau présente dans une mise en abyme, un portrait de l'artiste posé à côté de sa palette et de ses pinceaux, reposant sur les ouvrages de Shakespeare, Milton et Swift, associant ainsi les auteurs classiques anglais au maître de la satire qu'était Swift. Cet Autoportrait au chien peut être vu comme un manifeste de l'art de William Hogarth, une défense de l'art britannique, une revendication d'autonomie pour les peintres anglais qui prenaient modèle sur les artistes du continent.
L'ambition esthétique de Hogarth est affirmée dans un traité qui paraît en 1753. Avec The Analysis of Beauty, Hogarth proclame son attachement à la ligne serpentine ou ligne de beauté, symbole de la diversité et de la variété des formes. Ce faisant, il devient l'un des premiers et des plus originaux théoriciens de l'art britannique.
Hogarth meurt à Londres en 1764, quatre ans avant la création de la Royal Academy of Art, qui lui doit beaucoup.
2. Contexte culturel et artistique
A l'époque de Hogarth, Londres abrite une petite communauté d'artistes britanniques et étrangers. Sur le modèle de l'Académie de peinture et de sculpture créée à Paris en 1648, un certain nombre d'académies privées voient le jour (notamment celle de James Thornhill). Ces petites académies revendiquent le statut d'intellectuels pour les artistes qui sont encore souvent considérés comme des artisans. En 1735, Hogarth crée sa propre académie. La même année, il est l'un des signataires d'une pétition présentée au Parlement qui deviendra la « Loi Hogarth » qui interdit de reproduire une œuvre d'art sans le consentement de l'auteur.
La création artistique est, à cette époque, prisonnière d'une hiérarchie très stricte, mettant en valeur la peinture d'histoire et la peinture religieuse (grands formats représentant des scènes historiques, mythologiques ou religieuses), puis les portraits, les paysages et enfin les natures mortes. Longtemps Hogarth aura l'ambition de devenir un grand peintre d'histoire, mais ses tentatives comme Sigismonde n'auront pas un grand succès, et son ami Henry Fielding dit de l'artiste qu'il fut un « peintre d'histoire comique ».
Enfin, il est nécessaire de préciser que l'art britannique n'existait pas vraiment, les grands artistes ayant laissé une trace en Angleterre étaient germaniques ou flamands, et les artistes britanniques étaient souvent condamnés à suivre les modèles du continent. Hogarth entreprit de créer une « école anglaise », de rendre à la Grande-Bretagne sa fierté artistique en imposant des genres et des thèmes nouveaux, en phase avec les transformations économiques et sociales du pays.
3. Forger la nation
D'après Linda Colley la nation britannique naît au XVIIIe siècle (Colley, 1992). Il ne fait aucun doute que William Hogarth joue un rôle important dans la définition de l'identité britannique, de la « Britishness », notamment dans le domaine artistique. Après les bouleversements politiques du XVIIe siècle et la recomposition des alliances en Europe, la France devient l'ennemie jurée de la Grande Bretagne pour deux siècles, devenant ainsi le contre modèle qui permet aux Britanniques de définir leur identité.
3.1 Hogarth: the « Britophil »
Of the Englishness of Hogarth, there can be no doubt. Time and time again, he has gone out of his way to parade it. (N. Pevsner, 1956, 20)
Hogarth conserve une réputation de patriotisme, de nationalisme voire de xénophobie. En effet sa volonté de célébrer la nation britannique qui émergeait a pu le conduire notamment à des excès de francophobie. Cependant il ne faut pas oublier que le climat n'était globalement pas favorable aux Français en Grande Bretagne à l'époque.
Alors que les peintres de l'époque effectuaient généralement le Grand Tour, voyageant à travers le continent européen pour parfaire leur formation, Hogarth ne voyait aucune utilité à un tel voyage.
Hogarth voulait célébrer la grandeur de la Grande Bretagne, pays de la liberté politique (grâce à la Glorieuse Révolution de 1688 et au Bill of Rights), mais aussi de la prospérité économique (qui découle de la liberté individuelle, de la liberté d'entreprendre). Afin d'affirmer son engagement, il lui arrivait de signer ses textes « the Britophil » (Pevsner, 1956, 20).
3.2 Représenter Londres
William Hogarth n'a presque jamais quitté la capitale durant sa vie, Londres est un arrière-plan omniprésent dans les scènes peintes par Hogarth, presque un « personnage » dans beaucoup de ses oeuvres. Peindre des scènes de la vie londonienne permet de souligner la vie, le mouvement, et donc le dynamisme qui prévalent dans le pays, mais aussi l'instabilité engendrée par les transformations qui touchent l'Angleterre à l'époque. Hogarth s'est fait le « reporter » de la vie londonienne et ses tableaux ont un certain intérêt historique.
Hogarth peint souvent les rues londoniennes. Par exemple, dans The Four Times of the Day (1738), les planches montrent différents moments de la vie dans la capitale. Hogarth n'hésite pas à représenter des monuments célèbres comme Covent Garden (Morning), ni à peindre des détails pittoresques comme autant de clins d'œil à ceux qui connaissent la métropole.
Les différentes séries, les Progresses mettent l'accent sur la mobilité sociale qui règne à Londres. Dans Industry and Idleness (1747), Londres est présentée comme un aimant pour les jeunes gens, lieu de la réussite pour le travailleur Francis Goodchild qui devient maire de la ville et de la chute pour le paresseux Tom Idle.
A la fois dans The Rake's Progress et dans A Harlot's Progress Hogarth présente un visage plus sombre de la capitale, en insistant sur la corruption et la débauche qui y règnent, Londres est aussi un lieu de perdition et d'excès.
L'excès est d'ailleurs dénoncé dans le diptyque Beer Street et Gin Lane (1751) qui oppose un Londres florissant et joyeux, au chaos et à l'horreur qui règnent dans une ville ravagée par le Gin où seuls les usuriers et les croque-morts prospèrent.
3.3 Un genre anglais : les "conversation pieces"
Le XVIIIe siècle marque l'émergence des classes moyennes en Grande Bretagne, et notamment l'essor de la bourgeoisie. Les modèles évoluent et l'art de la conversation se répand, établissant un lien entre l'aristocratie et la bourgeoisie. Le concept de politesse doit permettre la création d'une société nouvelle où cohabitent hommes et femmes d'origines différentes. Il semble donc naturel que la peinture prenne acte de ces nouvelles pratiques, de cette forme de « théâtre privé » qui se développe dans la société bourgeoise et aristocrate britannique.
Par ailleurs, après la Glorieuse Révolution et l'avènement de William d'Orange sur le trône, la Grande-Bretagne s'est tournée vers la Hollande. L'influence non négligeable de la peinture de genre hollandaise sur les conversation pieces, est donc facilement compréhensible. Cependant, alors que les peintres de genre hollandais semblent représenter un univers statique et presque éternel, Hogarth se veut le chroniqueur de son temps, et la vie est toujours présente dans ses conversation pieces.
Les conversation pieces sont des portraits de petits groupes. Ces portraits ne sont pas statiques, au contraire il s'agit de capturer un moment de vie. Un topos des conversation pieces est bien sûr la tea party, durant laquelle famille ou amis sont réunis autour de la table.
C'est notamment le cas dans un tableau de 1730, The Wollaston Family, où un large groupe est divisé en deux, une partie jouant aux cartes tandis que l'autre prend le thé. Les deux groupes sont liés par la présence de Mr. Wollaston au centre de la composition. Ce tableau est également typique de la dynamique qui règne dans les conversation pieces de William Hogarth. Le peintre nous présente ici un moment de rupture, la construction de son tableau est sur le point d'être perturbée, en effet, Mr. Wollaston va changer de place alors qu'un des hommes debout derrière la table des joueurs de cartes, va probablement s'asseoir sur la chaise qui lui est apportée ce qui va détruire la structure pyramidale qui participe de l'équilibre du tableau.
Hogarth n'hésite pas à se moquer de ces sociétés mondaines où la politesse est censée régner. Ainsi dans A Modern Midnight Conversation (1733) en réinterprétant le genre de la Conversation. Ici, les personnages ne sont pas réunis autour d'une tasse de thé ou d'une partie de carte ; à l'opposé de l'idéal des réunions policées, l'alcool qui coule à flot fait perdre toute distinction aux bourgeois qui fréquentent les clubs.
Les conversation pieces ont permis à Hogarth de lancer sa carrière de peintre, en renouvelant le genre, en donnant ses lettres de noblesse à ce genre anglais (illustré également par les œuvres de Gawen Hamilton et Philip Mercier), au croisement de la scène de genre hollandaise et du raffinement rococo français.
3.4 Les séries et l'art pour tous
Les progress sont nombreux dans l'œuvre de Hogarth. Ces séries de tableaux sont conçues comme des séquences narratives, racontant des sujets moraux modernes. Ce genre connaît un très grand et rapide succès en Angleterre. Parmi les séries les plus connues on trouve A Harlot's Progress (1731),qui décrit le parcours d'une jeune fille innocente qui, arrivée à Londres devient prostituée et meurt prématurément. Pendant masculin de cette série, The Rake's Progress (Carrière d'un Roué), présente la vie de débauche et la fin tragique de Tom Rakewell, jeune héritier que la fortune conduit à l'immoralité. Enfin Marriage-a-la-mode illustre le funeste mariage unissant le fils d'un aristocrate ruiné à la fille d'un bourgeois ambitieux. Entre adultère, meurtre et suicide, Hogarth dépeint avec talent les tragédies quotidiennes d'une Angleterre en mutation.
Les séries connaissent immédiatement un grand succès grâce à la vente de gravures acquises par souscription. Chaque planche peut être achetée séparément ce qui fait entrer l'art chez les familles des classes moyennes plus modestes, qui ne peuvent pas nécessairement s'offrir toute une série. Il s'agit ici à la fois d'une ambition pédagogique et d'une volonté plus pragmatique d'enrichissement de la part de Hogarth. Grâce à ses gravures notamment, Hogarth fut le premier artiste à vivre de ses œuvres humoristiques, sans avoir à dépendre du patronage d'un riche aristocrate. Mais au-delà de l'ambition personnelle, Hogarth a eu le mérite de donner accès à l'art à un plus grand nombre de personnes. Les diverses expositions d'artistes anglais contemporains (dont Thomas Gainsborough, Joshua Reynolds, ou Francis Hayman) dans l'Hôpital des Enfants Trouvés fondé par son ami le capitaine Coram participent de cette démarche.
3.5 Hogarth et la France : The Roast Beef of Old England
Il est difficile de parler de William Hogarth en France sans parler de la francophobie du peintre. On cite souvent son célèbre tableau The Roast Beef of Old England (Calais Gate) comme preuve de son rejet des Français. Il est indéniable que Hogarth ne porte pas la France dans son cœur, pourtant une analyse précise du tableau peut montrer que la position du peintre n'est pas si scandaleuse que cela.
Profitant d'une trêve dans la guerre de succession autrichienne, Hogarth part à Paris avec d'autres artistes en 1748. Confronté à une société française qu'il trouve trop artificielle, il décide d'avancer la date de son retour et se rend à Calais pour prendre le bateau qui le ramènera en Grande-Bretagne. Mais alors qu'il attend le bateau en croquant les rues calaisiennes, il est arrêté et emprisonné pour espionnage. Une fois de retour à Londres, il s'empresse de représenter l'événement dans un tableau incisif et satirique.
Calais Gate est certes une critique de la société française, mais avant tout il s'agit d'une apologie de la nation britannique qui naît au XVIIIe siècle. Chaque critique adressée à la société française dans ce tableau permet de dessiner en creux les mérites du système britannique. On distingue trois types de critiques dans ce tableau.
La première critique adressée à la société française concerne la religion, et notamment le clergé, incarné ici par le moine ventru au centre de la composition. Il s'agit pour Hogarth de critiquer le pouvoir politique et économique du clergé. Alors que les religieux devraient être au service du peuple, ils lui ôtent littéralement le pain de la bouche, comme ce moine qui tâte la pièce de bœuf en la regardant d'un œil concupiscent. La religion est également attaquée car elle favorise les superstitions, représentées par la procession à l'arrière plan au centre de l'arche, et les femmes qui se prosternent sur son passage, ainsi que par les trois nonnes au premier plan à gauche, comme une nouvelle trinité rassemblée autour d'une raie, un poisson (ikhtus) au visage humain, adoré comme un symbole du Christ. Face à la France catholique où le clergé à un grand pouvoir, l'Angleterre est alors un modèle de tolérance religieuse où la religion dominante n'a pas de clergé puissant qui opprimerait le peuple.
Le second aspect développé par Hogarth concerne le système politique, il effectue en effet une critique de l'absolutisme et de l'arbitraire caractérisant le pouvoir en France. Le pouvoir absolu est représenté par l'imposante porte de Calais qui menace le spectateur et dont dépasse une herse prête à s'abattre sur n'importe quel individu. La porte apparaît comme la gueule du monstre de la monarchie absolue, le « Leviathan » de Hobbes. L'arbitraire est également symbolisé par la main de l'officier qui s'abat sur l'épaule du peintre qui s'est représenté au second plan à gauche du tableau en train de dessiner. A l'opposé de ce modèle, le peuple britannique a pris le pouvoir dès le XVIIe siècle avec le régicide en 1642, puis en appelant Guillaume d'Orange sur le trône lors de la Glorieuse Révolution de 1688 et surtout en rédigeant le Bill of Rights en 1689 définissant ainsi les principes de la monarchie parlementaire, modèle admiré par les philosophes des Lumières.
C'est donc l'absence de liberté individuelle en France que dénonce Hogarth. De cette critique en découle une autre qui est d'ordre économique, en effet, pour Hogarth, qui suit en cela de nombreux penseurs anglais, la liberté individuelle est la condition de la prospérité économique de la nation. C'est pourquoi le peintre s'attache à représenter les Français comme des pauvres avec leurs vêtements et leurs chaussures trouées (à part bien sûr le moine, qui, ayant fait vœu de pauvreté est pourtant bien habillé et a de jolis souliers vernis). De plus les Français sont squelettiques car ils ne peuvent se nourrir que de « soupe maigre », plat que Hogarth aime à considérer comme le summum de la gastronomie française. Au milieu de ces pauvres Français, on trouve pourtant un personnage bien vêtu (notez les bas brodés et les souliers à boucle), et surtout portant une énorme pièce de bœuf. Il s'agit d'un cuisinier anglais qui décharge la viande venue d'Angleterre pour nourrir les pensionnaires anglais d'une auberge de Calais. Ce gros morceau de viande qui donne son nom au tableau est réellement l'emblème de la nation britannique. Il symbolise la prospérité d'un pays qui ne connaît plus de famine, mais surtout la liberté qui règne dans cette nouvelle nation. Avec des amis, Hogarth fut l'un des membres fondateurs de la Sublime Society of Beefsteaks, dont la devise était « Beef and Liberty ». Le tableau tire son titre d'une chanson de Richard Leveridge de 1735, qui rappelle les mérites du peuple anglais et déplore l'influence débilitante des mœurs françaises sur la nation.
Roast Beef of Old England
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1. When mighty Roast Beef Was the Englishman's food, It ennobled our brains Ando enriched our blood. Our soldiers were brave And our courtiers were good Oh the Roast Beef of Old England And old English Roast Beef. 2. But since we have learnt From all-vapouring France To eat their ragouts As well as to dance, We're fed up with nothing But vain complaisance Oh the Roast Beef of Old England And old English Roast Beef. 3. But now we are dwindled to, What shall I name? A poor sneaking race, Half-begotten and tame, Who sully the honours That once shone in fame. Oh the Roast Beef of Old England And old English Roast Beef. |
4. In those days if fleets did
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Ce personnage permet de représenter l'alliance Franco-Ecossaise qui menace la Grande-Bretagne. En effet, au moment de la Glorieuse Révolution, James II, roi Stuart d'origine écossaise, s'enfuit en France où il est accueilli par Louis XIV. Les partisans de James II, les Jacobites complotent durant la première moitié du XVIIIe siècle pour ramener les Stuarts sur le trône, avec notamment le soutien des Français. Ce personnage représente donc la collusion entre l'ennemi de l'extérieur et l'ennemi de l'intérieur. Le pauvre homme ayant fait la mauvaise alliance, est lui aussi réduit à la misère (notez les souliers troués), obligé de manger du pain rassis et des oignons...
Derrière cette critique acerbe de la France, il faut surtout retenir la définition et la glorification d'une nation fière de sa liberté. Après la Glorieuse Révolution, la France et la Grande-Bretagne deviennent ennemies pour près de deux cents ans, et il est donc naturel que les Français deviennent un contre-modèle qui va permettre à l'identité britannique de se construire. La francophobie de William Hogarth doit donc être considérée dans ce contexte peu favorable aux froggies. Comme le souligne Isabelle Baudino,
La dérision des non-Britanniques ne se bornait pas à la simple illustration d'éléments empruntés au discours xénophobe ambiant. Elle participait d'une entreprise symbolique plus vaste puisque la construction visuelle d'une figure de l'étranger identifiable, reconnaissable et sujette à la moquerie sert, dans l'œuvre de Hogarth, à mieux exalter non pas les Britanniques mais une identité nationale britannique encore flottante. (2003)
4. L'héritage de Hogarth
Au XXe siècle, la démarche de certains artistes anglais peut être rapprochée de celle de William Hogarth. Par exemple le duo Gilbert & George joue beaucoup des symboles de l'identité anglaise. Quand Hogarth créait un symbole national en représentant le bœuf, Gilbert & George reprennent le costume strict des hommes de la City, se l'approprient et en font le fil rouge de leur œuvre. Gilbert & George souhaitent faire de leur vie une œuvre d'art, dont le cadre serait leur maison de Fournier Street, au cœur de Londres, à la limite entre la City et le quartier musulman, le duo apparaît alors comme l'incarnation de l'identité britannique contemporaine, celle de la diversité culturelle et des conflits qui peuvent en résulter.
Hogarth n'hésitait pas à se servir des stéréotypes nationaux (Français squelettiques, Anglais distingués buvant du thé...), Yinka Shonibaré, artiste anglo-nigérian, utilise et transforme ces stéréotypes notamment en mélangeant les symboles britanniques et africains. Ses œuvres présentent des intérieurs anglais très cosy, décorés avec des tissus africains colorés représentant des joueurs de football. Chez cet artiste également on trouve une réflexion concernant l'identité de la nation britannique à l'heure de la mondialisation. L'exposition consacrée à William Hogarth au musée du Louvre en 2006, se terminait sur un ensemble de photographies réalisées par Shonibaré (Diary of a Victorian Dandy), dans lequel l'artiste reprend le procédé des séries, en représentant différents moments de la journée d'un dandy dans l'Angleterre du XIXe siècle. Le dandy n'est autre que Shonibaré lui-même, qui se définit ainsi comme l'héritier d'une culture britannique autant que comme un artiste multiculturel.
Références
BAUDINO, Isabelle. 2003. Dérision de l'étranger et exaltation du Britannique dans l'oeuvre de William Hogarth 1697-1764. Revue LISA, 1, 85-99.
COLLEY, Linda. 1992. Britons : forging the nation, 1707-1837. New Haven: Yale University Press.
PEVSNER, Nikolaus. 1956. The Englishness of English art, an expanded and annotated version of the Reith Lectures broadcast in October and November 1955. London: Architectural Press.
Bibliographie sélective
COLLEY, Linda. Britons : Forging the Nation, 1707-1837, Yale University Press, 1992
HALLETT, Mark. Hogarth, London: Phaidon, 2000
HOGARTH, William. The Analysis of Beauty, written with a view of fixing the fluctuating Ideas of Taste (1753), ed. Ronald Paulson, New Haven & London: Yale University Press, 1997
PAULSON, Ronald. Hogarth, 3 vols, Cambridge : Lutterworth Press, 1992
Pour citer cette ressource :
Anaïs Le Fèvre-Berthelot, William Hogarth, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mai 2007. Consulté le 24/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/arts/peinture/william-hogarth