Vous êtes ici : Accueil / Littérature / Mouvements et genres littéraires / Classicisme et romantisme / «West-östlicher Divan» / «Divan d'Orient et d'Occident» de J. W. von Goethe

«West-östlicher Divan» / «Divan d'Orient et d'Occident» de J. W. von Goethe

Par Laurent Cassagnau : Maître de conférences en littérature allemande - ENS de Lyon , Charles-Henri de Fouchécour : Professeur émérite - Paris III-Sorbonne Nouvelle
Publié par mduran02 le 06/05/2013

Activer le mode zen

Le ((Divan d’Orient et d’Occident)) est typique d’un trait culturel allemand qui veut que la culture allemande se définisse par le rapport à l’autre. L’identité allemande s’inspire de l’altérité, de la culture de l’autre, pour se définir elle-même. Laurent Cassagnau, maître de conférences à l’ENS de Lyon et auteur d’une nouvelle traduction du ((Divan)) parue en 2012 aux Belles Lettres, explique le détour de Goethe par la culture orientaliste, passage qui nourrit une réflexion sur le temps : quel rapport entretenir avec le passé ? Comment recevoir les œuvres anciennes ? La discussion entre Laurent Cassagnau et Charles-Henri de Fouchécour, spécialiste de la littérature persane classique, illustre l’idéal du dialogue entre l’Orient et l’Occident.

Lecture et discussion avec Laurent Cassagnau et Charles-Henri de Fouchécour au Goethe-Institut de Lyon le 9 octobre 2012.

tombe-hafez1_1367913907832-jpg

Le Divan d'Orient et d'Occident de Johann Wolfgang von Goethe

Écouter la présentation de Laurent Cassagnau :

 

https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2012/2012-10-09_ALL_Cassagnau_01.mp3


cover-goethe-vignette_1367909095125-jpgLe Divan d’Orient et d’Occident est typique d’un trait culturel allemand dans la mesure où la culture allemande se définit, comme le montre Antoine Berman dans L’Épreuve de l’étranger (1995), par le rapport à l’autre, la traduction de la Bible par Luther en étant le meilleur exemple. L’identité allemande s’inspire de l’altérité, de la culture de l’autre, pour se définir elle-même.

Goethe est animé par une curiosité et un intérêt réels pour la culture persane. Lorsqu’il découvre en 1814 le Diwān du poète persan Hafiz (vers 1320-1389), il est à ce point fasciné par la lecture de ce recueil qu’il entreprend de composer à son tour un cycle de poèmes inspirés de la tradition persane : poèmes d’amour, chants sur l’amitié, poèmes satiriques sur le rapport du poète au pouvoir, sur la tyrannie, sur la célébration du vin, sentences morales…

Le Divan, détour par l’espace persan et la culture orientaliste, est traversé par une réflexion sur le temps, nourrie d’abord par des éléments biographiques, le retour de Goethe sur les terres de son enfance, mais aussi la rencontre de Goethe, alors âgé de 65 ans, avec la jeune Marianne von Willemer.

poeme-hauteur_1368081712535-jpgPlus largement, la pensée duale (west-östlich) et la recherche d’une réconciliation des opposés dans l’unicité structurent à la fois la forme du Divan et la réflexion de Goethe sur l’histoire (passé/présent), la vie (jeunesse/vieillesse, homme/femme), la philosophie ou la poétologie (cf. « Ginkgo Biloba », p. 74). La mise en regard des thèmes dans tout le Divan crée un tout, un cycle animé par les analogies et les échos, jusque dans le dialogue entre la partie lyrique et les « Notes et dissertations » dont Laurent Cassagnau souligne l’importance dans la conception du recueil.

Surtout, à la lecture des poèmes de Hafiz, Goethe fait l’expérience de la continuité de l’Esprit à travers le temps. Pour participer à son tour à cette continuité, pour rivaliser aussi avec le modèle (« Und mag die ganze Welt versinken / Hafis mit dir, mit dir allein / Will ich wetteifern ! » dans le poème « Unbegrenzt »), Goethe choisit de pas imiter Hafiz et la poésie persane. Le Divan est l’occasion pour lui de renouveler son écriture, il répond à un véritable « projet de rajeunissement » selon Laurent Cassagnau. Cette revitalisation créatrice se nourrit de la littérature du passé et s’inscrit dans la continuité temporelle : « Le poète se situe à l’intersection des polarités : il s’empare de l’Ancien, qui en l’occurrence est un Autre, il en dégage la part d’irréductible altérité ou d’étrangeté, mais aussi d’identité et de familiarité, pour le faire vivre dans le présent et en assurer la réception dans l’avenir », commente Laurent Cassagnau dans l’introduction à sa traduction parue aux Belles Lettres (p. XXIII). La poésie classique de Goethe répond à l’idéal de réconciliation des différences qui permet à l’œuvre de continuer à vivre. Ce projet de Goethe tel que l’a identifié Laurent Cassagnau explique les choix effectués dans la nouvelle traduction qu’il propose.

Le dialogue interculturel initié par Goethe est aujourd’hui célébré par les critiques. Laurent Cassagnau en nuance cependant la portée : Goethe fait parler l’Orient, il dialogue avec lui mais le dialogue reste à sens unique. L’ouverture à la culture orientale rapproche en tout cas l’Orient de l’Occident, et est nécessaire à la connaissance de la culture occidentale :

Partant de la conviction – dépassée à l’ère de la mondialisation post-coloniale – que « l’Orient ne viendra pas à nous », Goethe prône […] une « orientalisation » du lecteur allemand, une assimilation des cultures orientales, dans la pleine conscience de l’identité occidentale de celui qui entreprend le voyage : l’appropriation de la culture orientale permet de reconnaître dans l’héritage occidental la part d’Orient oubliée, voire refoulée, et du même coup de mieux apprécier sa propre culture. (p. XXIV-XXV).

Lecture de poèmes en allemand et français

Écouter la lecture :

https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2012/2012-10-09_ALL_Cassagnau_Fouchecour_lectures.mp3

 

Les poèmes en allemand sont lus par Nicolas Ehler du Goethe-Institut de Lyon.

 

« Unbegrenzt » / « Illimité » (p. 21)

« Offenbar Geheimnis » und « Wink » / « Mystère manifeste » et « Signe » (p. 22-23)

« Gingo Biloba » / « Ginkgo Biloba » (p. 74)

« Berahmgur » aus « Buch Suleika » / « Berahmgour », extrait du « Livre de Souleïka » (p. 90)

« In tausend Formen... » aus « Abglanz » / « Sous mille formes... », extrait de « Reflet » (p. 100-101)

« Ob der Koran... » aus « Saki Nameh. Das Schenkenbuch » / « Le Coran » extrait de « Saki Nameh. Le livre de l’échanson »

Les pages citées sont tirées de l’édition :

Divan d'Orient et d'Occident. West-Östlicher Divan, de Johann Wolfgang von Goethe, traduction, introduction et notes de Laurent Cassagnau,

Paris : Les Belles lettres, 2012.

Le Divân de Hâfez de Chiraz

Écouter la présentation de Charles-Henri de Fouchécour :

https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2012/2012-10-09_ALL_Fouchecour.mp3

cover-fouchecour-vignette_1367909144032-jpgCharles-Henri de Fouchécour lit en persan et commente un ghazal (poème d’amour) de Hafiz, et rappelle quelques principes de la poésie persane qui a pour thème central l’amour. Il présente le poète persan Hafiz (vers 1320-1389) qui a inspiré à Goethe le Divan, les courants spirituels qui traversent son œuvre et sa place dans la littérature orientale.

Écouter l'échange entre les intervenants, Anne Lagny (professeur d’histoire des idées et de civilisation germaniques à l’ENS de Lyon et modératrice de la discussion) et le public :

 

https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2012/2012-10-09_ALL_Cassagnau_deFouchecour.mp3


 

Pour citer cette ressource :

Laurent Cassagnau, Charles-Henri de Fouchécour, West-östlicher Divan / Divan d'Orient et d'Occident de J. W. von Goethe, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mai 2013. Consulté le 07/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/allemand/litterature/mouvements-et-genres-litteraires/romantisme-et-classicisme/west-ostlicher-divan-divan-d-orient-et-d-occident-de-j-w-von-goethe