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Fiche de lecture : «Wish You Were Here», Graham Swift

Par Mathilde Le Clainche : Doctorante - ENS de Lyon
Publié par Marion Coste le 20/09/2016

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La guerre est un thème récurrent chez Graham Swift. La seconde guerre mondiale est par exemple évoquée dans ((Last Orders)) (1996) ou encore dans ((Shuttlecock)) (1981), où le récit du père du narrateur, retenu prisonnier, constitue le cœur du texte. ((Wish You Were Here)) (2011) semble s’inscrire dans la lignée de ces romans puisque le récit est notamment marqué par les allusions aux commémorations annuelles de la première Guerre mondiale.

Couverture du roman La guerre est un thème récurrent chez Graham Swift. La seconde guerre mondiale est par exemple évoquée dans Last Orders (1996) ou encore dans Shuttlecock (1981), où le récit du père du narrateur, retenu prisonnier, constitue le cœur du texte. Wish You Were Here (2011) semble s’inscrire dans la lignée de ces romans puisque le récit est notamment marqué par les allusions aux commémorations annuelles de la première Guerre mondiale. Cependant, Swift donne ici à son texte une résonnance contemporaine particulière, car la guerre d’Irak est l’autre conflit central du roman, dont l’intrigue se déroule en 2006, alors que Tom Luxton, jeune Anglais de dix-huit ans, a quitté sa campagne du Devon pour s’engager dans l’armée. Lorsqu’il meurt au combat, sa dépouille est ramenée en Grande-Bretagne. Son frère Jack, sa seule famille, doit également revenir sur leur terre natale pour dire adieu à Tom : Wish You Were Here raconte l’histoire de ce retour endeuillé.

Malgré une narration hétérodiégétique, le choix d’une focalisation interne met en lumière Jack Luxton, véritable protagoniste du roman. Après avoir abandonné la ferme familiale ancestrale, Jack est devenu, avec sa femme Ellie, le gérant d’un terrain de caravanes sur l’île de Wight où chaque année, les vacanciers affluent. L’inquiétude suscitée par l’exploitation agricole, touchée comme tant d’autres par la maladie de la vache folle, semble laisser place à une forme de tranquillité, que vient briser l’annonce de la mort de Tom. La folie constitue en fait un leit-motif dans le roman et semble progressivement envahir tout l’espace. Au début du roman, Jack est seul, assis face à la fenêtre de sa chambre, un fusil à ses côtés, hanté par son frère et son passé. Tandis que le lecteur se demande si Jack va finir par commettre l’irréparable, l’histoire est peu à peu dévoilée par des analepses qui structurent la narration et lui interdisent toute linéarité. La plongée dans le passé, de l’enfance à Jebb Farm au début de l’histoire d’amour entre Ellie et Jack, fait la lumière sur les origines de cette folie, en révélant notamment les traumatismes et secrets enfouis au sein des lieux, en particulier la disparition tragique du père. Comme en exil sur l’île de Wight, Jack ne peut se détacher de ce passé et de cette terre à laquelle il est inéluctablement relié. En outre, à travers les transformations des campagnes anglaises, le roman met ainsi en scène les rapports entre lieux et personnages (une fois vendu, le domaine ancestral est en effet transformé en résidence secondaire par un couple de riches Londoniens).

Le titre du roman souligne une forme de décalage entre lieu vécu et lieu rêvé. « Wish You Were Here », expression stéréotypée et convenue qui devrait annihiler toute émotion, est une phrase choisie par Jack : à l’origine, ces mots sont ceux qu’il a griffonnés au dos d’une carte postale envoyée à Ellie lorsqu’ils n’étaient encore que des enfants. L’apparente naïveté de cette formule se transforme peu à peu lorsqu’à la lumière de l’ensemble du roman, ces quelques paroles semblent également adressées à Tom, et expriment alors la difficulté du deuil. Le roman tend vers la réalisation du souhait exprimé par ce titre, à savoir l’impossible réunion entre les deux frères, et ce notamment à travers les diverses apparitions fantomatiques de Tom, omniprésent au cours du voyage de Jack. Ce roman ancré dans le contemporain s’inscrit ainsi dans la lignée des textes de Swift qui dessinent une réflexion constante sur l’absence, ses douleurs et ses éventuels remèdes.

 

Pour citer cette ressource :

Mathilde Le Clainche, "Fiche de lecture : «Wish You Were Here», Graham Swift", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), septembre 2016. Consulté le 20/04/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/litterature/litterature-britannique/fiche-de-lecture-wish-you-were-here-de-graham-swift