Mario Monicelli, «I soliti ignoti» (1958)
Le pigeon est une comédie qui possède un énorme avantage sur pas mal d'autres : elle est drôle. Ceci posé, il reste logiquement à démontrer la chose. Mais devoir expliquer pourquoi une chose est drôle mène à un bide garanti. Bien sûr s'agissant d'un film, l'on pourrait énumérer le nom des acteurs comme gage de qualité: Gasman, Mastroianni, Toto, l'inénarrable Carlo Pisacane, Memmo Carotenuto, Renato Salvatori et Claudia Cardinale. Hélas, là encore, chacun a une liste de films où figurent de nombreuses stars mais pas l'ombre d'un sourire.
Dans "Le pigeon", tout fonctionne, et alors que le thème est somme toute assez classique (une bande de branquignols entreprend un casse. L'on pense à The ladykillers de Mackendrick par exemple) quelque chose de nouveau s'invente sous nos yeux. Le ton est juste, de même que l'arrière plan social qui en fin de compte fait du film beaucoup plus qu'une farce. La comédie italienne, qui existait déjà, prend une autre dimension, une légèreté, et le rire se conjugue à une mélancolie diffuse et inimitable, qui rend ce rire indispensable.
Les scènes réussies s'enchaînent : chez le prêteur sur gages (préfigurant Woody Allen), au match de boxe, au bal, sans oublier le casse lui-même, parodie irrésistible de Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, gros succès de la décennie.
La bêtise des personnages, si elle est source de tout le comique du film, n'est pas présentée de façon hautaine ou méprisante, et n'est en aucun cas une preuve de leur infériorité ou de leur monstruosité (comme dans le féroce et désopilant Fargo, des frères Coen, par exemple), mais bien au contraire un gage de leur humanité. Ils sont attachants, touchants, étonnamment proches. De plus, parce qu'ils sont profondément italiens, ils en deviennent universels, rejoignant de nombreux idiots célèbres et sympathiques, des 6 compères du Songe d'une nuit d'été à Didi et Gogo, de Laurel et Hardy aux deux benêts de La forteresse cachée de Kurosawa.
Bref, un film à voir pour être heureux et lucide.
Pour citer cette ressource :
Lionel Gerin, Mario Monicelli, I soliti ignoti (1958), La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juin 2013. Consulté le 21/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/mario-monicelli-i-soliti-ignoti