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Luciano Emmer, «La ragazza in vetrina»

Par Lionel Gerin : Professeur d'anglais et cinéphile - Lycée Ampère de Lyon
Publié par Damien Prévost le 07/05/2013

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Cette page propose une critique du film ((La ragazza in vetrina)), réalisé par Luciano Emmer.

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Un des avantages du dvd est qu'il permet de voir des films invisibles ou de revoir des films rares. La fille dans la vitrine fait partie de ceux-là. Luciano Emmer n'est pas un nom du cinéma italien, du moins à l'étranger. À voir ce film on ne peut que regretter qu'il ne soit pas plus connu. Il a commencé par tourner de nombreux documentaires avant de passer à la fiction. La fille dans la vitrine est son onzième long-métrage et son dernier pour le cinéma pendant presque trente ans.

L'histoire commence dans une gare, à la nuit tombée. Quatre hommes descendent d'un train. Ils cherchent la mine. Nous sommes en Belgique, on le comprend à l'accent du chef de gare. De langues, il sera beaucoup question. Une langue qui réunit les uns et sépare les autres.

Les premières vingt-cinq minutes sont magistrales, et l'on voit toute la maîtrise que Emmer a acquise dans le documentaire. Jamais auparavant la mine n'avait été filmée comme cela, de la "salle des pendus" jusqu'au fond des puits: le jour là-haut qui s'amenuise, la nuit en bas qui attend, l'exiguité, la rudesse du travail, l'entraide, franche et vitale, l'intimité/fraternité immédiate, tous égaux dans le ventre de la bête! Une très longue scène ou les bruits bien plus que les mots disent tout. Et l'on saisit un peu de cette vie, et du pourquoi de cette fierté d'appartenir à cette aristocratie-là, qui a, elle au moins l'avantage de se mériter.

Une fois hors de la mine, commence un nouveau film. C'est samedi, Federico "l'ancien" emmène Vincenzo en week-end à Amsterdam, où, comme le dit la chanson, il y a des dames. C'est là que Vincenzo rencontre la fille dans la vitrine, Else. Lui vient de l'ombre, elle est constamment sous les regards. Lui, est l'immigré prolétaire (au plus bas de l'échelle, si l'on ose dire) elle, la prostituée. Elle parle néerlandais et Vincenzo italien.

Commence un improbable week-end, de boîte de jazz en bar gay (sûrement une première au cinéma! on retrouve la patte du documentariste), des quais d'Amsterdam jusqu'à la mer. Emmer arrive à éviter les clichés, entre comédie et drame: pas de lourdeur, de condescendance, de pittoresque facile, de carte postale "bons baisers de Hollande".

Ce n'est pas la putain amoureuse, remise dans le droit chemin par l'homme au cœur pur. Tout cela se résume en une histoire simple: un homme, une femme, un week-end. Peu de dialogues, (ce qui est, soyons-en sûrs, un avantage, mais aussi une gageure.) et pour cause : pour Vicenzo, Else est l'Autre avec une majuscule. Les choses importantes sont montrées, il suffit de les voir, tant il est vrai qu'au cinéma toutes les grandes scènes sont muettes.

L'épisode néerlandais se clôt comme le film a commencé: dans un train. La boucle peut donc se boucler, non comme prévu par Vincenzo.

Retour à la mine. Descente. Plan récurrent du ciel qui s'amenuise. Savoir descendre tout en bas pour pouvoir monter plus haut. On a les paradis que l'on s'invente. Federico, avant de s'enfoncer dans une galerie, lance le reste de son pain à des rats. Tout le monde doit vivre.

Pour finir, il faut dire un mot du casting. Dans ce film qui parle d'italiens émigrés, Federico est joué par Lino Ventura, Vincenzo par Bernard Fresson, et Else par Marina Vlady, dont on comprend combien la lumière peut frapper, après des jours d'obscurité.

Un film d'une grande simplicité, voire d'une grande modestie et qui dégage un charme indéniable.

 

Pour citer cette ressource :

Lionel Gerin, Luciano Emmer, La ragazza in vetrina, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mai 2013. Consulté le 12/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/luciano-emmer-la-ragazza-in-vetrina