«Le rêve de Monsieur le Juge» de Carlos Gamerro
L'auteur
Carlos Gamerro est né en 1962 à Buenos Aires. Après des études de lettres à l'Université de Buenos Aires, il y enseigne et surtout traduit des auteurs anglo-saxons, tels que Shakespeare ou Graham Greene, et publie des essais et des romans qui évoquent l'histoire de l'Argentine.
Le roman
Le rêve de Monsieur le Juge, texte original en espagnol (Argentine) et traduction française d'Aurélie Bartolo, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2017, Édition bilingue, collection Ida y vuelta/Aller-retour dirigée par Philippe Dessommes, José Carlos de Hoyos et Sylvie Protin.
ISBN : 978-2-7292-0924-2
1877. Don Urbino Pedernera, militaire de carrière, vient d’être nommé premier juge de paix de Malihuel, dans la Pampa argentine. Très fier de sa nouvelle fonction, le juge espère transformer le fort et les habitations qui l'entourent en un véritable village, en faisant construire rapidement un tribunal digne de ce nom et en remplaçant le champ de chardons par une place avec une statue à son effigie.
Sólo a mí se me ocurre tratar de hacer de esto un pueblo ... p.28-30
En effet, à cette époque le Gouvernement argentin désireux d'étendre son pouvoir sur le sud du pays, longtemps laissé aux Indigènes, y envoya des habitants blancs s'y installer et développer la région. C'est ainsi que Rosendo, comme tant d'autres, se retrouva dans la Pampa :
Él no era de Malihuel, nadie era de Malihuel. Como a todos, lo habían arriado de sus pagos en una leva para traerlo a la fuerza. p.142
Una vez adentro, el buen jinete y soldado sabía hacerse valer y nunca lo trataban como perro o esclavo, se sabía de muchos que habían llegado a capitanejo y tenían varias mujeres, algunas indias y otras cautivas. p.148-150
Mais dorénavant, en franchissant la frontière, ils peuvent surtout observer le dénuement des Indiens. En effet, les Blancs cherchant à prendre leurs territoires coupent progressivement leurs voies d'approvisionnement, les obligeant à mourir de faim ou à attaquer pour voler de la nourriture. C'est ce qu'exprime l'une des compagnes du cacique que rencontre Rosendo :
Hace unos meses, días más días menos, salió con los otros guerreros a ver si conseguían pasar la zanja co algún arreo. Ya estábamos comiendo cuises y ratones cuando se fueron. Desde entonces ... p.196-198
Et Rosendo est obligé de sacrifier sa jument pour pouvoir manger.
Le quotidien des habitants est aussi et surtout marqué par les rêves du juge. À peine installé à Malihuel, don Urbino, qui a laissé femme et enfants à Rosario, se met à rêver des habitants du village. Dans ses rêves, il les voit tour à tour commettre des délits plus ou moins graves et décide au réveil de les juger et de les condamner pour ces faits imaginaires. Les villageois, terrorisés par le pouvoir du juge, s’organisent pour essayer de trouver un remède.
Ce roman est l’occasion de revenir sur une époque sanglante de l’histoire de l’Argentine, la colonisation de la Pampa qui donna lieu à de violents combats et finit par provoquer l'extermination des Indiens. Il s'agit aussi d'une réflexion sur les dérives du pouvoir conduite de manière très originale grâce à l'humour et à l'écriture recherchée de Carlos Gamerro.
Pour citer cette ressource :
Élodie Pietriga, Le rêve de Monsieur le Juge de Carlos Gamerro, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2018. Consulté le 21/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/litterature/litterature-latino-americaine/la-dictature-dans-la-litterature/le-reve-de-monsieur-le-juge-de-carlos-gamerro