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« Los niños perdidos » de Laila Ripoll : la religion sous le franquisme

Par Adelina Laurence : Docteure en langues et littératures romanes - Université de Poitiers-Université de Grenade
Publié par Elodie Pietriga le 24/11/2021

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Laila Ripoll, dramaturge reconnue, notamment pour son travail sur le devoir de mémoire, explore une facette peu connue de l’Histoire de l’Espagne au lendemain de la guerre civile : les enfants perdus du franquisme. En s’inspirant du documentaire ((Els nens perduts del franquisme)), elle écrit en 2005 ((Los niños perdidos)). Dans cette pièce, à travers le récit de quatre enfants arrachés aux bras de leurs parents républicains afin d’être rééduqués, elle met en exergue les mauvais traitements dont ils sont victimes, au nom de l’État et de la nation, ainsi que la place de l’Église dans leur éducation, celle-ci étant la colonne vertébrale du nouveau régime.

Introduction

Sous le régime franquiste, la société espagnole était sujette à une forte répression et les libertés fondamentales des individus étaient constamment bafouées. À la mort de Franco, en 1975, l’État a mis en marche un processus de transition pour que le pays puisse passer d’une dictature totalitaire à une monarchie constitutionnelle sans trop de heurts. Cependant, les horreurs de la guerre civile étaient une réalité encore très palpable et résonnaient encore dans l’inconscient collectif. Ainsi, dans une volonté d’unité et de reconstruction, les différences issues du conflit armé et du franquisme durent-elles s’estomper momentanément afin de permettre à la société de construire un nouveau pays sur des bases démocratiques. C’est ce que l’on nomme le pacte de silence (Sevillano Calero, 2003).

Néanmoins, si cette politique de l’oubli était nécessaire pour l’édification et la consolidation de la démocratie, elle s’est révélée insuffisante dans les faits. Au début du xxie siècle, la démocratie étant consolidée, le pays a dû faire face à son passé et affronter ses démons. Ce phénomène peut s’expliquer par la relève générationnelle. Les circonstances historiques qui ont marqué la transition, ainsi que la peur qui paralysait les générations précédentes, ont aujourd’hui disparu. La nouvelle génération s’intéresse à ce passé en revendiquant la mémoire et la dignité de ses aïeux, ouvrant un débat au sein de la société pour refermer les blessures (Colom González, 2010). Ce débat a abouti en 2007 à la loi de « mémoire historique », qui a mis en place des mesures pour tous ceux qui ont subi des persécutions ou des représailles, tant physiques que psychologiques.

Pour la dramaturge contemporaine Laila Ripoll, le devoir de mémoire est indispensable pour la construction d’une société saine. Même si elle n’est pas la seule dramaturge à y faire référence, ce leitmotiv omniprésent dans son travail permet de l’ériger en tant que figure emblématique de cette nouvelle génération de dramaturges contemporains dont le fil conducteur est la mémoire individuelle et collective. Ainsi, met-elle les histoires individuelles au service de la mémoire collective pour réécrire l’Histoire, tout en prenant en compte le vécu des populations soumises au silence en leur redonnant la parole. Los niños perdidos, pièce écrite et mise en scène en 2005, s’inscrit dans ce mouvement et lutte contre le « pacte de silence », en donnant la parole aux enfants oubliés du franquisme. Cette pièce raconte l’histoire de quatre enfants, Tuso, Lázaro, Cucachica et Marqués, qui ont été arrachés à leur famille par les services sociaux lors du franquisme pour être placés dans des foyers, mêlant l’onirisme et une vision fantasmagorique aux éléments réels, et nous donne ainsi une image de

Esa España intolerante, brutal, fanática y fratricida. Esa España obcecada y recalcitrante que ha lastrado la convivencia y la concordia, que ha obstaculizado el progreso. Que ha expulsado, reprimido y asesinado. Y que, de forma descorazonadora, parece seguir muy activa en la sociedad española (Pérez-Rasilla, 2013, 13).

Le concept de mémoire tient une place prépondérante dans cette production, ainsi que celui de post-mémoire, celle-ci étant transmise par ceux qui n’ont pas vécu directement la tragédie comme les descendants des victimes ou les observateurs externes (Orazi, 2021). Malgré l’importance de ces concepts, nous avons décidé dans ce travail de nous intéresser aux enfants « perdus » du franquisme et à la mise en place du binôme État/religion qui a conditionné l’éducation de ces enfants, afin de définir comment la religion est abordée dans cette œuvre.

Les enfants perdus du franquisme

Los niños perdidos s’inspire des comics de Carlos Giménez Paracuellos et Auxilio Social et du documentaire – diffusé en 2002 dans l’émission 30 minuts sur TV3 – intitulé Els nens perduts del franquisme, réalisé par les journalistes Montse Armengou et Ricard Belis, en collaboration avec l’historien Ricard Vinyes. Ce documentaire met en lumière des événements qui étaient jusqu’alors peu connus de l’histoire du franquisme, à savoir le vol d’enfants pendant le franquisme, et il a permis une prise de conscience qui a constitué le point de départ du processus de reconstruction de la mémoire en donnant la parole aux victimes directes et indirectes du régime. Comme l’affirme Luz Celestina Souto, en Espagne, le statut de témoin et le débat autour de la légitimité n’ont pas émergé des poursuites contre les responsables des génocides, mais comme réponse à l’avalanche de productions culturelles pour la récupération de la mémoire des vaincus. Les témoins ont occupé l’espace public et construisent un récit du passé qui a rompu le pacte de silence de la transition (2015, 52).

Sans prétendre faire une analyse exhaustive des événements qui ont eu lieu pendant la guerre civile et le franquisme, il semble pertinent de rappeler certains faits historiques qui faciliteront l’étude de l’œuvre de Laila Ripoll. Selon le documentaire Els nens perduts del franquisme, les enfants perdus du franquisme ont été volés à leurs parents pendant la dictature et ont acquis cette dénomination de « perdus » parce que 

Muchos murieron en los trenes de mercancías que los trasladaban desde campos de concentración a cárceles. Perdidos porque muchos murieron de frío, hambre y enfermedades. Perdidos porque la educación que recibieron estaba destinada a privarles del futuro que sus padres querían para ellos. Perdidos porque muchos aborrecieron la ideología de sus padres, aquellas ideas que los habían convertido en perdedores y a ellos en unos estigmatizados. Perdidos porque muchos desaparecieron, porque fueron entregados en adopciones irregulares, porque jamás volvieron a ver a sus familias (Souto, 2015, 18).

Ils sont également considérés comme « perdus » car, en l’absence d’un registre pénitentiaire tenu à cette époque, il est impossible de déterminer combien d’entre eux ont disparu, sont morts ou ont été donnés en adoption. Cette notion de perte se matérialise dans l’œuvre par le lieu dans lequel les enfants sont enfermés : un grenier, choix qui n’est pas anodin. Le grenier renvoie à quelque chose d’inutile, d’oublié, comme ces enfants arrachés à leurs parents, avec lesquels ils ne pourront jamais se réunir. Cet espace se présente comme un « lieu de mémoire » (Nora, 1984), selon l’expression de Pierre Nora c’est-à-dire comme la « construcción de un espacio físico que sirve para provocar de alguna manera la recuperación de esa memoria social y su presencia en la mente del espectador » (Avilés Diz, 2012, 245-46).

À la différence des pays d’Amérique latine, tels que l’Argentine ou l’Uruguay, où la disparition des enfants a été plus sporadique, il s’agit en Espagne d’un processus systématique institutionnalisé par l’État. À partir de 1940, les enfants de plus de trois ans étaient séparés de leur mère emprisonnée sans qu’il n’existe de registre de ces procédés. Ainsi, il est impossible de savoir où ils ont été envoyés. Les séparer de leur famille est une étape nécessaire à leur rééducation et correspond aux théories développées par le psychiatre Antonio Vallejo Nájera, directeur du Gabinete de Investigaciones Psicológicas, créé par Franco en 1938. À travers ces théories, il a tenté de démontrer les origines biologiques du communisme et la transmission du « gène rouge » de père en fils, celui-ci étant responsable de l’immoralité de la période républicaine. L’objectif est donc de créer une race supérieure basée sur la « limpieza ideológica ». Ainsi, pour sauver l’esprit de la « hispanidad » de la contamination marxiste, il faut éradiquer ce gène en enlevant les enfants de « rouges » à leurs parents, pour les placer dans des orphelinats dans le but de les « soigner » de cette maladie et ainsi soigner la nation entière.

L’une des organisations féminines pour mener à bien ces idées eugénistes est l’Auxilio Social, fondée par Mercedes Sanz Bachiller en 1936. Cette organisation, présentée comme un modèle de bienveillance et de philanthropie, participait à la force politique et sociale du régime et a été un élément essentiel de la propagande politique. La campagne de politique sociale n’était pas mise en œuvre pour venir en aide aux plus démunis, comme les enfants, et protéger leurs intérêts. Son but était la reconstruction politique et sociale, étant donné que le pays avait besoin d’enfants, adeptes du régime, pour rebâtir la nation au lendemain de la guerre.

Pour reconstruire la nation, il faut avant tout rééduquer les enfants afin que ceux-ci deviennent des fervents défenseurs du régime. Ce processus passe par la destruction de leur identité, à travers notamment l’effacement du nom. Le nom constitue la construction de l’identité, car il donne à l’individu, dès sa naissance, une histoire familiale et lui permet d’appartenir et de s’identifier à un groupe social. L’effacement et la substitution du nom et du prénom de naissance par un autre détruisent l’identité de l’individu. Ainsi, selon l’analyse de Souto, les États totalitaires ont implanté une politique de destruction de l’intérieur vers l’extérieur. En effet, « el desarme genealógico y el ataque a la identidad se constituyen como un modo más de dominio y un instrumento para asegurarse la extensión en el tiempo de la ideología totalitaria ». De cette manière, « apropiarse de los niños y alterar su filiación es parte del proceso de borramiento del otro » (Souto, 2015, 73). Ces enfants, qui passent sous la tutelle de l’État, perdent leurs origines, transmettant cette blessure de génération en génération, comme le démontre le documentaire Els nens perduts del franquisme à travers les témoignages des victimes. De plus, certains enfants ont eu différentes familles au cours de leur enfance et passaient d’institut en institut, changeant de nom à chaque fois, ce qui a eu un effet dévastateur sur la construction de leur identité et les a empêché de retrouver leurs parents et donc, leurs origines.

Un des noms qui revient le plus souvent, hormis les noms traditionnels espagnols tels que Gómez, Pérez, Rodríguez ou González, est Expósito. Selon la Real Academia Española, l’adjectif « expósito » est utilisé pour se référer à « un recién nacido : abandonado o expuesto, o confiado a un establecimiento benéfico » (RAE). Dans Los niños perdidos, l’un des enfants, nommé Lázaro, relate comment il en est arrivé à porter ce nom :

Que a cada asilo que iba, las monjas iban y me cambiaban el nombre : en uno me pusieron Sánchez Pérez, en otro Magro Hermosilla, como la directora, que era más fea y estaba más gorda... y aquí, para abreviar, Expósito. Y yo no soy Expósito, que de verdad, de verdad, mi padre se llama Lázaro Alonso y mi madre Visitación, o sea Visi, Quintana, que de eso sí que me acuerdo perfectamente. Pero las monjas nunca me quieren hacer caso, ni con lo del apellido, ni con lo de que soy de Badajoz, y me acaban poniendo el nombre que les da la gana (Ripoll, 2013, 165-66).

À travers ce bref récit, Laila Ripoll pointe du doigt le mécanisme déployé par le régime pour effacer l’identité des enfants, même si ceux-ci se rappellent parfaitement leurs origines. Comme l’affirme Antonia Amo Sánchez, « no hay identidad sin memoria, pero tampoco hay memoria sin identidad (a lo sumo, hay memoria manipulada) ». Les enfants résistent à la manipulation et à l’usurpation de leur identité par le système répressif franquiste, c’est pourquoi ils répètent leur nom et prénom et utilisent des phrases (2014, 358) telles que « que de eso sí que me acuerdo perfectamente » (Ripoll, 2013, 165). Lázaro se souvient du nom de ses parents, mais au fur et à mesure que le temps passe et que les religieuses changent son nom, ces souvenirs deviennent de plus en plus diffus et flous, jusqu’à atteindre le moment où ceux-ci auront complètement disparu et laisseront place à une nouvelle identité. Ce travail de suppression et remplacement de l’identité empêchera les retrouvailles familiales. Lázaro et Tuso en sont conscients sans pour autant être capables d’en mesurer toute la portée :

TUSO : A lo mejor es para que no te puedan encontrar tus padres.

LÁZARO : A lo mejor. Son capaces.

TUSO : Seguro que es por eso.

LÁZARO : Seguro. La primera vez me cogí una rabieta... Claro, les echaba mucho de menos y, encima, van y me quitan los nombres... pero luego ya me acostumbré y ya, casi, ni me acuerdo de cómo son (Ripoll, 2013, 166).

Ainsi, la substitution du nom est-elle le premier pas vers la rééducation de ces jeunes enfants, auquel suivra une série de mécanismes ayant pour but la destruction de leur identité afin de reconstruire une nouvelle nation, fondée sur les valeurs du franquisme et sur le binôme État/religion.

Le binôme État/religion

Dans son article sur le rôle de l’église dans la configuration du franquisme, Sara Nuñez de Prado insiste sur l’importance de la religion en tant qu’élément fondamental qui a permis la légitimité du soulèvement militaire. Ce soulèvement a pris les traits d’une croisade religieuse contre ceux qui prétendaient altérer l’ordre établi. Ainsi, le catholicisme, le franquisme et l’Espagne en tant que nation fonctionnent en parfaite symbiose, ils s’auto-alimentent et forment un tout inséparable et indivisible, puisque « la religión era esencia española, el franquismo encarnaba la españolidad y España como nación católica y tenía en el régimen su mayor baluarte y defensa » (2014, 99).

Une fois la guerre terminée, le franquisme détruit l’ensemble de l’œuvre républicaine et se lance dans la reconquête de l’Espagne catholique, en créant un sentiment de culpabilité publique, dont la rédemption ne peut se faire qu’à travers la souffrance, grâce à la participation de l’État et l’omniprésence de la religion. Dans son article sur les enfants du franquisme, Virgilio Tortosa affirme que c’est ce même sentiment de culpabilité qui s’applique aux femmes et aux enfants de républicains et qui justifie la violence et la répression auxquelles ils sont soumis, car les femmes sont présentées comme l’archétype du Mal. Il va plus loin en reprenant les propos de Ricard Vinyes, qui indique clairement que : « El propósito de estas instituciones no es otro sino crear campos de concentración de criaturas (cierto que sin exterminio sistemático pero como mínimo transformando sus vidas para siempre), lo cual será un pilar fundamental para el régimen » (2014, 58).

Ce binôme État/religion est mis en scène dans Los niños perdidos. En effet, tous les symboles du franquisme y sont représentés. Les mauvais traitements infligés aux enfants sont présents dès les premières lignes de l’œuvre. La description du grenier où ils vivent rappelle au spectateur/lecteur les mauvaises conditions dans lesquelles ces enfants sont rééduqués. Bien loin des considérations théoriques que prônaient ces institutions visant à leur offrir de nouvelles opportunités, puisque les enfants des vaincus devaient recevoir « la más cuidadosa atención » et méritaient une bonne éducation pour qu’ils aient les outils nécessaires afin de devenir des individus « activos servidores de una España justa » (BOE, 1940), ces enfants vivaient dans des conditions insalubres, entourés d’objets vieux, délabrés, inutiles, que le reste du monde a oubliés, comme le grenier où ils sont enfermés : « Un armario de luna de tres cuerpos, desvencijado, lleno de polvo y telarañas. Somieres oxidados, un sillón de dentista roto, un carrito de madera, […] un biombo de enfermería con la tela rasgada » (Ripoll, 2013, 105), « una sábana sucia » (Ripoll, 2013, 109), « una muñeca de porcelana calva y medio rota » (Ripoll, 2013, 133). Ce décor, que l’on peut qualifier d’esperpéntico, se situe entre l’horreur et l’absurde et met en évidence les conditions misérables de leur existence. Il s’agit d’une farce grotesque, qui, selon les travaux d’Isabelle Reck sur le grotesque dans l’œuvre de Laila Ripoll, « combina […] elementos del grotesco carnavalesco y del grotesco demoniaco y espectral para crear monstruos “pintorescamente” esperpénticos » (2012, 61). Le grotesque est, ainsi, la seule esthétique capable d’offrir la distance nécessaire pour aborder directement l’insoutenable, l’indicible sans tomber dans le sentimentalisme ou le pathétisme afin de préserver ce théâtre de la mémoire (2012).

Dans son étude, Ángela Cenarro travaille sur le modèle éducatif de l’Auxilio Social qui, suivant les conseils d’Antonio J. Onieva, rejette les méthodes pédagogiques de tradition rationaliste basées sur le respect de l’individualité de l’enfant, ce qui amenait au libéralisme et au relativisme moral. Pour Onieva, l’enfant est un être originellement bon et grâce à la discipline, il peut se plier aux normes. La représentation de l’enfant en tant que sujet moral responsable de ses actes est très présente dans les discours pédagogiques et psychiatriques de l’après-guerre. Pour cette raison, il est important de rechercher son intégration dans la société de Franco par l’intermédiaire de la subordination et du contrôle spirituel. Ce concept de libre-arbitre renvoie directement au catholicisme qui s’appuie sur les concepts de péché, repentance et pardon. Cette discipline se traduit, dans la pratique, par un ensemble de châtiments appliqués de manière arbitraire sur les enfants (2012), comme la privation de nourriture, punition récurrente dans Los niños perdidos.

Dès la première apparition de la Sor, celle-ci leur apporte de la nourriture, mais à l’aspect peu ragoûtant. En effet, il s’agit de « sopas de pan rancio » (Ripoll, 2013, 106) et d’un breuvage présenté comme du lait, mais qui s’avère être « como unas gachas frías » o « engrudo » (Ripoll, 2013, 114). Bien que la nourriture soit qualifiée par Marqués de « bofacia » (Ripoll, 2013, 106) et de « guarrería » (Ripoll, 2013, 114) qui « está asqueroso […] dan ganas de vomitar […] y de hacer caca » (Ripoll, 2013, 108), les enfants se jettent dessus et se battent pour réussir à manger quelque chose. Les termes « ojos hambrientos », « con ansia » (Ripoll, 2013, 108) servent à eux seuls à définir le manque de nourriture auquel ils doivent faire face, ils en viennent même à lécher le sol pour réussir à subvenir à leurs besoins. Tout au long de la pièce, les enfants mentionneront ce manque de nourriture et la faim qui les tenaille constamment. Dans cette lutte pour la subsistance, les rivalités internes entre les enfants surgissent et la loi du plus fort règne. Lázaro, qui semble le plus fort, utilise sa force pour imposer sa volonté aux autres et leur infliger des punitions, telles que « pasar la lengua por el polvo de la viga » (Ripoll, 2013, 115).

Le manque de nourriture n’est pas le seul problème auquel les enfants doivent faire face. En effet, la religieuse terrorise les enfants, sa seule apparition suscite la peur, ils sont terrifiés, retiennent leur souffle pour que celle-ci ne les découvre pas. Ils se cachent derrière le paravent ou dans l’armoire quand elle entre dans le grenier. Lázaro et Marqués font valoir leur supériorité physique pour obliger Cucachica, le plus jeune d’entre eux, à s’approcher de la Sor pour récupérer la gamelle du soi-disant lait. Comme s’il s’agissait d’animaux, les plats sont déposés à même le sol et l’attitude des enfants qui se battent pour pouvoir manger rappelle celle des animaux sauvages apeurés. Le lexique utilisé par Laila Ripoll renforce cette impression : « los dos chavales merodean alrededor del plato » (Ripoll, 2013, 108), « Cuca se acerca sigiloso […] a una distancia prudencial » (Ripoll, 2013, 111), « con precaución se acercan » (Ripoll, 2013, 113). L’éducation qu’ils reçoivent s’éloigne des modèles proposés par les textes de lois et le grenier dans lequel ils vivent se rapproche plus d’une prison que d’une école ou d’un orphelinat. Ils sont traités comme les vaincus de la guerre, reçoivent des châtiments pour les péchés de leurs parents. Cette rééducation ne vise pas leur intégration dans la société franquiste, mais plutôt leur extermination, effaçant toute trace de dignité et d’identité.

Les châtiments corporels font également partie de leur quotidien, ce qui explique la terreur incontrôlable qu’ils ressentent quand la Sor entre en scène. Elle apparaît avec un bâton, symbole de pouvoir et d’autorité, puis avec un filet à papillons dans le but de les chasser. À la fin de l’œuvre, le lecteur/spectateur apprend qu’elle va bien au-delà des simples menaces. C’est elle qui a assassiné les enfants. Cucachica, puni car il avait uriné, a été enfermé dans le grenier. Pour lui venir en aide, Lázaro et Marqués se sont confrontés à elle et cette dernière a jeté Cucachica par la fenêtre : « El pobre Cuca estaba desparramado por las baldosas del patio » (Ripoll, 2013, 173), et a frappé les deux autres jusqu’à les tuer : « me dio con el bastón en las costillas, y en la cabeza... », « Y mientras me daba con el bastón en las narices me decía : “Rojo de mierda, hijo de Satanás”... Y yo, venga a sangrar por los oídos y por la boca, que todo me sabía a sangre... » (Ripoll, 2013, 172). Toute la haine ressentie par cette femme envers ces enfants républicains a ressurgi et s’est convertie en une rage incontrôlée qui a mis fin à la vie des enfants et, par la même, à la sienne, puisque Tuso, pris de colère à son tour, l’a jetée dans les escaliers. De cette manière, on apprend que Tuso, aujourd’hui adulte avec une déficience mentale, est le seul survivant et dialogue avec les enfants qui sont, comme la Sor, des fantômes. Cette révélation ultime résume à elle seule les normes qui régissent cette institution et souligne, une fois de plus, le statut d’enfants perdus, oubliés du reste du monde, car, comme l’explique Tuso : « Decidieron no dar parte para no montar un escándalo. Total, ya erais niños perdidos. Al fin y al cabo, los niños de aquí no existen. Son como fantasmas y nadie va a reclamar por ellos. Mejor echar tierra encima, nunca mejor dicho » (Ripoll, 2013, 177).

La place de la religion

Bien que la dénonciation des effets néfastes de la religion sur l’éducation des enfants ne soit pas apparue avec le franquisme, le roman de Ramón Pérez de Ayala AMDG de 1910 en étant un exemple, celle-ci atteint un point culminant lors de cette période. En effet, dans la société franquiste, le binôme État/religion est un tout indissociable, qui régit chaque aspect de la vie quotidienne et dont les symboles se retrouvent partout. Le grenier ne déroge pas à cette règle, les symboles franquistes étant disséminés dans la pièce : « imágenes de santos a las que les falta un ojo o alguna mano, […] un crucificado sin cruz... » (Ripoll, 2013, 105). Ici aussi, il est important de noter le délabrement de ces objets, qui renvoie à l’idée d’abandon et d’oubli qui caractérise la vie de ces enfants. D’ailleurs, ces derniers utilisent les objets détériorés pour jouer et mettre en scène des représentations du régime.

Avec les objets trouvés dans le grenier, les enfants improvisent un petit théâtre dans lequel apparaît « una muñeca de porcelana calva y medio rota, vestida rústicamente con camisa azul y boina roja de la que sale una  larguísima trenza de lana amarilla » (Ripoll, 2013, 133). Cette poupée est vêtue de l’uniforme caractéristique des femmes de la Sección Femenina (la branche féminine du parti de la Phalange espagnole), à savoir chemise bleue, jupe, chaussures noires et béret rouge. Grâce à cette vieille poupée, Lázaro reproduit une partie du discours franquiste sans avoir conscience des conséquences de son acte, car, pour lui, il ne s’agit que d’un jeu innocent. Le discours des enfants est marqué par l’utilisation des devises phalangistes et reprend toutes les figures du régime, aussi bien les personnages politiques que les références religieuses. C’est Lázaro qui commence le « jeu » :

LÁZARO : (Con voz de niña dulcísima.) Hola niños.

TODOS : ¡Holaaaa!

LÁZARO : ¿Quién sois?

TODOS : ¡La Organización Juvenil!

LÁZARO : ¿Qué queréis?

TODOS : ¡La España una, grande y libre!

LÁZARO : ¿Qué os sostiene?

TODOS : ¡La sangre de nuestros caídos!

LÁZARO : ¿Quién os guía?

TODOS : ¡El caudillo!

LÁZARO : ¿Qué os mueve?

TODOS : ¡El recuerdo de José Antonio!

LÁZARO : ¿Cuál es vuestra disciplina?

TODOS : ¡La Falange!

LÁZARO : ¿Cuál es vuestra consigna?

TODOS : ¡Por el Imperio hacia Dios!

LÁZARO : ¿Cuál es vuestro grito?

TODOS : ¡Arriba España! ¡Viva Franco! ¡Bien! ¡Bien!

(Risas y aplausos.) (Ripoll, 2013, 133-34)

Ce discours en forme de questions-réponses, en plus d’être caractéristique du théâtre de guignol, renvoie aux méthodes d’enseignement promulguées par la Sección Femenina, afin que les enfants et les femmes, considérées comme inférieures et peu intelligentes, puissent comprendre la doctrine du régime. Ainsi, femmes et enfants avaient-ils la possibilité d’apprendre plus facilement et sans erreurs les préceptes du parti (Avilés Diz, 2012, 250). Cette forme d’apprentissage, basé sur la répétition, permettra aux mineurs, une fois adultes, de comprendre certains des aspects qui étaient demeurés incompris lors de leur enfance. De plus, leur discours est parsemé de chants religieux et militaires. Pour eux, ces chants sont les équivalents des chansons enfantines, tout comme les différents déguisements et mises en scène qu’ils improvisent. La religion régit leur quotidien, les enseignements des religieuses de l’orphelinat n’ayant pour but que de les convertir aux valeurs du régime et, par conséquent, à la religion catholique. À titre d’exemple, Cucachica, avec un drap sale, se déguise en San Judas Tadeo ou en Santa Teresita del Niño Jesús et Tuso prend l’apparence de la Sor qui les terrifie. Ils veulent jouer aux processions et font constamment référence aux membres de l’Église, étant donné qu’il s’agit des seules références du monde extérieur qu’ils ont.

Outre les symboles religieux, on peut constater que Laila Ripoll introduit des symboles de la société franquiste, comme la « señora inspectora de la Sección Femenina » (Ripoll, 2013, 125) ou la « señorita Veneno » (Ripoll, 2013, 134), figure importante du régime. Dans la thèse de Luz Celestina Souto, on peut lire ces lignes la concernant : « por sus antiguos métodos, por su vejez y ferocidad era temida por las reclusas pero también por sus compañeras, esa mujer que sentía orgullo en no ser de las funcionarias que habían llegado por el enchufe de ser mujeres de falangistas » (2015, 265). Antoñita la Fantástica, personnage littéraire populaire qui se caractérise par son optimisme et imagination, est mentionnée par Lázaro qui se réfère à l’imagination de Marqués quand il affirme que la nourriture « [le] sabía hasta bien » (Ripoll, 2013, 119), alors qu’il l’a qualifiée, quelques instants plus tôt de « guarrería » (Ripoll, 2013, 114). Le manque de nourriture dont souffrent les enfants est un des thèmes récurrents de la pièce, il sera fréquemment mis en relation avec la religion. L’Enfer est mentionné à plusieurs reprises. Au lieu de craindre l’Enfer, la faim est tellement tenace que Cucachica se demande « ¿y si vamos al Infierno y nos meten en la olla del cocido, nos lo podremos comer? » (Ripoll, 2013, 121), la faim étant un châtiment plus terrible que l’Enfer lui-même. La référence au Ciel est également liée à la nourriture : « verás a Dios, y a la Virgen, y no tendrás hambre, ni frío. » (Ripoll, 2013, 129), face à la peur de Cucachica d’aller au Ciel, Tuso argumente qu’une fois là-bas, il n’aura plus faim. Argument qui suffit à rassurer le plus jeune des enfants.

L’un des jeux les plus importants de l’œuvre est bien sûr, le travestissement de Tuso qui devient la Sor. En dépit de son lien avec l’Église, elle ne répond pas aux valeurs de bonté et de charité. En effet, elle terrorise les enfants, les maltraite et va même jusqu’à provoquer leur mort. Elle les déteste profondément et ne les estime pas dignes d’être en vie. Toutes ses interventions mettent en exergue cet état d’esprit. Sa première apparition marque sa ligne de conduite. Elle est d’abord affectueuse « ¿Niños? ¿Dónde están mis nenes? os he traído comida. Comidita rica para los nenes más bonitos del mundo », puis devient violente dans ses propos : « Condenados, condenados, condenados chiquitines… » (Ripoll, 2013, 105). Au fur et à mesure que la trame se poursuit, ses propos sont de plus en plus virulents laissant apparaître la haine qu’elle ressent à leur égard à travers ces termes : « Sois la hez de este mundo y del otro. Piojosos », ou bien « Mejor hubiera sido haber acabado con vosotros igual que con vuestros padres » (Ripoll, 2013, 120). Dans les propos de la Sor, on perçoit la notion de maladie communiste qui infecte la nation, ainsi que la notion de croisade et de guerre sainte pour se référer au soulèvement militaire, guerre qui justifie n’importe quel type de violence.

Los niños perdidos dénonce la manipulation de l’Église et du franquisme pour former des Espagnols fidèles aux doctrines du régime. Nous pouvons remarquer que, grâce à cet endoctrinement, les enfants assimilent peu à peu les valeurs franquistes sans même en être conscients, puisqu’ils utilisent le lexique et les représentations mentales de ceux qui ont assassiné leurs parents. Dans cette pièce, la Sor, responsable du malheur des enfants, est la représentante du régime. Elle avoue ses origines républicaines, mais qu’elle a su renier pour embrasser les doctrines du franquisme et de l’Église catholique. Elle explique que « [ella] también tuv[o] padres, sí señor, pero [su] fe en Cristo pudo más que la sangre corrompida » (Ripoll, 2013, 120). Laila Ripoll choisit une religieuse pour symboliser le régime pour deux raisons : le lien évident entre Église et État, dont nous avons déjà parlé et aussi, car il s’agit d’une femme et celles-ci ont subi un endoctrinement profond dès leur plus tendre enfance. La Sor renie sa famille pour adopter les valeurs du régime, la religieuse a maintenant « dos padres y dos madres : Dios y la Santísima Virgen y el Caudillo y Pilar Primo de Rivera. Ellos son los que me han acercado a la luz, ellos son mis auténticos progenitores y no esos dos degenerados, de los que afortunadamente me protegieron… » (Ripoll, 2013, 120‑21). Les valeurs qui lui ont été inculquées sont celles qu’elle doit transmettre aux générations suivantes, ce qui justifie la répression aveugle envers les républicains, comme elle-même l’affirme.

Dans le but de renforcer sa tyrannie, le personnage de la Sor prend des airs de monstre difforme, grotesque, voire surnaturel, avec une voix venue d’outre-tombe. Tout comme le grenier et les objets abandonnés dans celui-ci, son aspect physique transmet la décadence morale, qui en tant que fidèle représentante du régime s’octroie le droit de justifier toutes les atrocités commises dans le but de sauver la nation. La cécité de la Sor a également un but particulier. Selon elle, avoir perdu la vue lui a permis d’appréhender la vie d’un point de vue plus spirituel et de se libérer de ses origines républicaines. Ainsi, explique-elle aux enfants que :

La fe en la Santa Madre Iglesia y en la Cruzada me abrió los ojos y me privó de la vista, y pude renegar del mal que portaba, de la repugnante herencia que me dejaron mis mal llamados padres. Ja. Total, para lo que hay que ver… Bendito tracoma, enviado por Dios, que me hizo ver con los ojos del espíritu, con los ojos del alma, y me cegó de los perniciosos ojos de la cara (Ripoll, 2013, 120).

Cependant, nous l’interprétons différemment : sa cécité peut s’expliquer comme une victoire de la propagande du régime franquiste et de l’Église catholique qui avaient besoin d’adeptes pour mener à bien leur répression aveugle (Reyt, 2013). L’endoctrinement qu’elle a subi tout au long de sa vie lui a ôté toute capacité de réflexion. Elle personnifie les valeurs de la dictature, suivant à la lettre ses préceptes. Ainsi à travers ce personnage, Ripoll dénonce-t-elle l’implication directe de l’Église catholique dans le processus de répression politique et idéologique. En effet, la religieuse insulte et maltraite les enfants en se référant à leur origine républicaine. L’Église est perçue comme un instrument de répression à travers la négation des valeurs fondamentales de la religion, telles que l’amour pour son prochain et la tolérance.

Conclusion

Les événements liés aux enfants perdus du franquisme sont une étape de l’Histoire de l’Espagne qui a longtemps été niée et qui actuellement, grâce au travail des journalistes, historiens et artistes, est sur le devant de la scène. Laila Ripoll fait partie de ce processus de récupération de la mémoire historique avec son travail dramaturgique. En s’inspirant du documentaire Els nens perduts del franquisme, la dramaturge relate l’histoire de ces quatre enfants perdus, oubliés aux yeux de la société. Leurs parents, ayant des valeurs contraires à celles du franquisme, ont été assassinés ou emprisonnés et leurs enfants leur ont été arrachés pour être rééduqués en accord avec les valeurs du franquisme.

Pour les éloigner de leur origine républicaine, ces enfants ont été trainés d’une institution à une autre, ont eu de nombreuses familles sans qu’un registre de leurs déplacements soit tenu. De cette manière, ils ne pourront jamais retrouver leur famille. Le processus consistant à effacer l’identité des enfants passe également par la disparition de leur nom et prénom. En perdant leurs origines, ils perdent leur identité et sont forcés d’en adopter une autre. Les institutions où les protagonistes de Los niños perdidos sont placés sont vétustes et insalubres, ils vivent dans des conditions inhumaines et subissent les mauvais traitements des religieuses qui y travaillent. La Sor, elle-même enfant de républicains, a parfaitement assimilé les valeurs du franquisme. Elle terrifie les enfants, les prive de nourriture et les punit aussi bien psychologiquement que physiquement. Sa haine contre eux est sans égal et elle finira par les assassiner. Dans l’ensemble de l’œuvre, les symboles du régime sont omniprésents et la religion y tient la première place. Les jeux des enfants et le lexique qu’ils utilisent mettent en avant le mécanisme de rééducation sous le prisme de la religion.

Toutes les références utilisées ont pour objectif non seulement de montrer l’endoctrinement des enfants qui trouve sa représentante dans le personnage de la Sor, mais ont aussi pour but de faire réfléchir le spectateur, car celui-ci reconnaîtra les éléments culturels permettant ainsi l’identification avec les personnages. L’objectif de Laila Ripoll est de confronter le spectateur à la réalité pour que la catharsis puisse avoir lieu et, ainsi, comprendre le passé pour guérir les blessures du présent par le processus de récupération de la mémoire.

Références bibliographiques

Corpus

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Pour citer cette ressource :

Adelina Laurence, "« Los niños perdidos » de Laila Ripoll : la religion sous le franquisme", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2021. Consulté le 29/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/arts/theatre/theatre-contemporain/los-ninos-perdidos-de-laila-ripoll-la-religion-sous-le-franquisme