Le corps dans les réécritures zombies de «Pride and Prejudice»
Introduction
Nombreuses sont les réécritures fantastiques de textes canoniques datant du XIXe siècle. Ce phénomène à la mode se caractérise par l’introduction de créatures surnaturelles au sein d’œuvres réalistes. Pride and Prejudice de Jane Austen est l’une de ces œuvres prisées des auteurs contemporains se livrant à ce type de pratique littéraire. C’est ainsi que deux auteurs différents, Seth Grahame-Smith et Steve Hockensmith, se sont intéressés à cette œuvre. Seth Grahame-Smith a, le premier, « révisé » le texte de Jane Austen en une version zombie intitulée Pride and Prejudice and Zombies (2009), suite à quoi Steve Hockensmith a écrit un prequel et un sequel respectivement intitulés Pride and Prejudice and Zombies, Dawn of the Dreadful (2010) et Pride and Prejudice and Zombies, Dreadfully Ever After (2011) (nous utiliserons le système de référence suivant : PPZ pour Pride and Prejudice and Zombies de Seth Grahame-Smith, DD pour Dawn of the Dreadfuls and DEA pour Dreadfully Ever After). Ce type de combinaison réaliste / fantastique n’est pas sans rappeler ce que l’article de Rachel A. Bowser et Brian Croxall dans le Journal of Neo-Victorian Studies appelle « steampunk », un mouvement alliant là aussi deux visions, l’une d’époque (steam), l’autre moderne (punk). Dans le cas présent, l’œuvre semble plutôt donner une vision moitié d’époque, moitié fantastique mais la technique est néanmoins transférable car l’improbabilité réside non pas dans le caractère technologique typique de la science fiction et que l’on trouve dans le « steampunk » mais dans le caractère irréel des zombies. Dans les deux cas, la science fiction autant que les zombies paraissent incompatibles au sein d’un récit réaliste de l’époque romantique. Toutefois, preuve en est que Seth Grahame-Smith et Steve Hockensmith ont tous deux su allier ces personnages semble-t-il inconciliables.
Dans ces hypertextes, les zombies sont présentés comme une menace pour toute la société britannique perçue comme décadente. Les morts-vivants sont-ils alors symptomatiques de la dégénérescence du monde des vivants ? L’hybridité de leur corps reflète ainsi l’hybridité du texte et leur morbidité celle des vivants et de la société toute entière.
1. Les morts-vivants : un monde de l’entre-deux
1.1 Un texte hybride
L’hybridité du texte commence par son anachronisme entre l’époque d’écriture et l’époque du récit. En effet, le sujet de l’œuvre originale a non seulement été repris mais il a été conservé dans le style et le contexte historique de sa première publication. Bien qu’écrit au XXIe siècle, l’intrigue de Pride and Prejudice and Zombies et du prequel et sequel se déroule à l’époque de la Régence avec les mêmes personnages empreints de la culture du début du XIXe siècle et auxquels les zombies viennent seulement s’ajouter. L’œuvre se place donc entre deux époques comme un pont entre le passé et le présent, entre l’époque de la Régence et le monde contemporain. Cette performance est sans doute rendue possible par le fait que Pride and Prejudice est une œuvre atemporelle qui a su traverser les âges. C’est un roman qui est toujours lu et étudié dans les écoles anglaises et les universités du monde entier et de nouvelles éditions apparaissent régulièrement. Cela s’explique par la part d’actualité de l’intrigue. L’histoire d’amour contrarié, voire improbable, de deux personnes de milieux sociaux différents peut aussi bien s’imaginer à l’époque de Jane Austen qu’à notre époque où cette intrigue pourrait également s’adapter en histoire d’amour contrarié entre deux personnes d’origines ethniques ou religieuses différentes. L’aspect transférable de l’intrigue facilite donc son « voyage » dans le temps.
De plus, certains éléments dans la réécriture laissent entendre une certaine modernité telle que, par exemple, l’invention d’une voiture « blindée » contre les attaques de zombies. L’usage de « chasse corps » sur le même principe que le chasse-neige est un autre exemple de cette technologie en décalage avec son temps, rappelant le mouvement « steampunk » :
As the bodies were unsafe to touch, the coachman was forced to lift the iron beak from the undercarriage and to affix it to the horses – hanging it with leather strap from their necks, so that it rested front of their feet, forming a plow, which pushed the bodies aside as they continued. (PPZ 228)
L’usage de cet instrument évoque l’industrialisation et la mécanisation (encore très artisanale ici) de la révolution industrielle naissante.
Par ailleurs, le texte d’origine et sa réécriture forment un autre type de pont, non plus entre deux époques, mais entre deux continents. Il ne faut pas oublier que Jane Austen est un auteur britannique, alors que Seth Grahame–Smith et Steve Hockensmith sont tous deux des auteurs américains. Il est clair que cela, ajouté aux siècles qui les séparent, crée un décalage entre eux. L’hybridité temporelle du texte se double donc d’une hybridité culturelle. Cependant, Seth Grahame-Smith s’est clairement employé à ne pas montrer ses origines américaines dans son texte n’hésitant pas à utiliser du vocabulaire et une orthographe britanniques tels que le terme ‘fortnight’ (PPZ 9) qui vient du vieil anglais et n’est pas en usage aux Etats-Unis, ou l’orthographe ‘favourable’ (PPZ 11), elle aussi typiquement britannique.
Enfin, Pride and Prejudice and Zombies et les œuvres de Steve Hockensmith sont des textes hybrides tout autant qu’originaux dans la mesure où ils combinent deux genres littéraires : le romantisme et le fantastique au sein du même texte. Par contre, une grande différence existe entre les deux auteurs car Grahame-Smith mêle son texte à celui de Jane Austen alors qu’Hockensmith crée une nouvelle histoire quasiment ex nihilo. L’aspect romantique de ces œuvres n’est que le reflet de l’original écrit par Jane Austen où les sentiments des personnages sont un des thèmes centraux du texte. Le romantisme est un mouvement en lutte contre la raison, le romantique se laisse aller à ses sentiments. Cependant, la véritable originalité de l’œuvre des deux auteurs américains repose sur l’intégration de zombies. Le texte présente donc une hybridité cette fois littéraire alliant deux genres apparemment divergents. Toutefois, le fantastique, d’après la définition de Todorov ne dure que pendant l’instant d’hésitation où le lecteur est amené à se demander si l’inexplicable est réaliste ou « visionnaire », pour reprendre le terme de Marthe Robert dans Roman des origines, origines du roman (77). Cette hésitation est absente dans Pride and Prejudice and Zombies car dès la première phrase, le lecteur est averti qu’il entre dans un univers avec ses propres codes, ses propres lois où les zombies font partie intégrante de la société et où leur présence est une occurrence acceptée. Le pacte de lecture, concept inventé par Philippe Lejeune dans les années 70, place immédiatement le lecteur dans un monde merveilleux qui se définit par le fait que l’on doive « admettre de nouvelles lois de la nature, par lesquelles le phénomène peut être expliqué» (Todorov, 1970, 46). Aussi la phrase d’introduction du roman, « It is a truth universally aknowledged that a zombie in possession of brains must be in want of more brains » (PPZ 7), montre clairement qu’aucun doute ne plane sur l’existence des zombies et le lecteur comprend ainsi que le roman s’inscrit dans le merveilleux.
C’est cette triple hybridité qui fait des œuvres de Seth Grahame-Smith et de Steve Hockensmith des textes riches et originaux. Mais cette hybridité se retrouve également à l’intérieur du texte.
1.2 Un corps hybride
Les zombies sont des créatures qui se situent à mi-chemin entre le monde des morts et celui des vivants, ce dernier s’apparentant à des limbes éternels auxquels le zombie est condamné s’il n’est pas délivré de son mal par une décapitation. Ils sont dépeints comme des revenants sans âme, ni sentiments, des êtres grotesques qui ne gardent une apparence humaine que par le biais de leur corps. Le retour à la vie de Mr Ford qui ouvre Dawn of the Dreadfuls devient l’occasion d’une scène tragi-comique opposant la veuve Mrs Ford au comble du bonheur de voir son mari ressuscité à un Mr Ford qui ne voit en elle qu’un alléchant repas de chair fraîche qu’il délaisse bientôt pour essayer de se repaître du révérend avant de finalement se délecter de son propre corps : « Mr Ford chose that moment (and a fine one it was) to jerk toward Mr Cummings simultaneously roaring and snapping his teeth. In doing so, he managed to bite off most of his own tongue. It fell, gray and flaccid as an old kipper, into his lap, where it remained until he noticed it, snatched it up, and greedily gobbled it down, moaning happily as he feasted upon his own rancid flesh » (DD 17). Le comique de la scène naît des commentaires ironiques du narrateur insérés entre parenthèses mais surtout du portrait du zombie esquissé par l’auteur en créature aussi répugnante que stupide. Son manque de discernement est en adéquation avec la définition traditionnelle du zombie qui est, par exemple, proposée par l’Encyclopedia Britannica : « Although the word zombie has been applied to different types of creatures, they generally share a few defining characteristics, perhaps most importantly a lack of free will. Zombies are usually wholly subordinate, either to an outside force, such as a sorcerer, or to an overwhelming desire, such as the need for human flesh. »
Les descriptions des zombies offertes au lecteur cherchent à révulser ce dernier car les morts-vivants s’apparentent à des corps purulents, décomposés dont on détermine l’âge en fonction de leur état de putréfaction. Les zombies peuvent alors être considérés comme des figures modernes des memento mori qui offrent aux personnages, et par ce biais au lecteur, un rappel horrifiant de leur nature mortelle. Ainsi, lors de la mise à l’épreuve des filles Bennet après leurs premières leçons d’arts martiaux, le monstre qu’elles doivent décapiter est représentatif du grotesque répugnant habituellement associé aux zombies : « A dripping, bedraggled figure was struggling to pull itself out of the water. From its waterlogged dress and long, brown hair it was easy to see it had once been a woman. The rest of it, though, hardly seemed human. The flesh was bloated and green, and a swollen tongue protruded obscenely from its mouth, giving the creature the look of a giant frog » (DD 59). Cet épisode du lac constitue un clin d’œil ironique à l’adaptation du début du volume 3 de Pride and Prejudice par la BBC (1995) lors duquel Mr Darcy, incarné par Colin Firth, plonge, puis sort de l’étang situé à proximité de Pemberley arborant une chemise et une chevelure ruisselantes. Ici, c’est un corps grotesque qui est mis en scène entre humain et animal, donnant ainsi naissance à un monstre inqualifiable.
Identifier les zombies constitue pourtant un enjeu de taille car c’est le seul moyen de les exterminer, ou tout au moins de les fuir afin de ne pas être contaminé. Certains sont facilement repérables, en raison de leurs corps décomposés, mais d’autres peuvent arborer une apparence trompeuse lorsqu’il s’agit de zombies tout juste morts, à l’image de celui capturé par le Dr Keckilpenny et que ce dernier nomme Mr Smith : « It almost could have passed for a living man – a youngish, not altogether unhandsome one out sleepwalking or staggering around drunk – if not for the putrid smell, the dingy tint of its skin, and the viscous black fluid that trickled from its ears and nose and mouth » (DD 195). L’apparence humaine est néanmoins tenue à distance tout au long de la description par la comparaison de Mr Smith à une créature animée, certes, mais constamment réifiée par l’utilisation du pronom « it ». Le mouvement du passage passe de la description d’un être « vivant » au rappel de son identité mortifère par l’accumulation de détails introduits par la répétition insistante de « and ». Toutefois, ce jeu des apparences trompeuses est également vrai dans le sens inverse dans la mesure où des humains essaient de se faire passer pour des zombies. Ainsi, le Dr Keckilpenny, dans une visée scientifique, n’hésite pas à se déguiser en zombie : « By the time the unmentionable had helped Elizabeth to her feet, it was obvious he wasn’t an unmentionable at all. He was a man – albeit one with tousled hair, filthy clothes, and face and hands smeared with either thick green greasepaint or pea soup » (DD 96). Dans cette citation le mouvement observé est celui inverse du passage précédent concernant Mr Smith : en effet, on passe d’un mort à un être bel et bien humanisé qui n’hésite pas à ruser afin de se rapprocher de son objet d’étude.
Le corps des zombies suscite horreur mais aussi attrait afin d’amener le lecteur à maîtriser sa répulsion non seulement envers celui-là mais également face à la représentation mentale de son propre corps voué à plus ou moins long terme à une inexorable décomposition.
2. Les vivants : des corps aux frontières de la souffrance et de la mort
2.1 Des vivants zombies
Darcy et sa cousine Anne de Bourgh, ainsi que le roi George III, constituent une catégorie à part dans la gamme des créatures imaginées par Steve Hockensmith. En effet, aux catégories des vivants et des zombies s’ajoute un troisième type d’êtres : les vivants qui ont été contaminés mais qui sont maintenus en vie par le biais d’un sérum expérimental. Cette palette variée d’êtres plus ou moins vivants contribue à semer le doute au sujet de qui est vraiment vivant, qui est vraiment mort et qui est vraiment zombie. Contrairement aux zombies dépourvus de finesse de raisonnement, les vivants zombies possèdent une perception aiguë de la réalité, notamment de la richesse de l’obscurité :
Darcy was about to make some neutral reply when he noticed a glimmer of light just beyond the nearest flowers. The little points of light were back – two of them, close together, hovering not a foot from him. When he squinted at them, he saw that they were suspended on a lattice of thin, interconnected lines stretching from one rose stem to another.
He was looking at a web, and the lights were a spider and the cocooned fly over which it hovered. (DEA 88-89)
L’acuité sensorielle de Darcy et de sa cousine vient du fait qu’étant donné qu’ils appartiennent en partie au royaume des morts ils perçoivent le jour et la nuit de la même manière, mais tout être vivant se trouve auréolé dans leur regard d’une lumière attirante d’autant plus visible la nuit, ce qui leur permet de localiser plus facilement une proie. Les vivants zombies se trouvent ainsi transformés en prédateurs qui cherchent à contrôler leurs pulsions afin de garder un semblant d’apparence humaine.
2.2 Des vivants plus morbides que les morts
Cependant, le corps des « vrais » vivants ne permet pas d’offrir un solide contrepoids au corps putrescent des zombies ou à celui animalisé des vivants morts dans la mesure où il se démarque plus par ses échecs et ses dysfonctionnements que par sa vitalité. Ce sont des corps souvent mutilés en raison d’amputations, parfois jusqu’à l’extrême, des membres contaminés, comme avec le corps de Captain Cannon réduit à l’état de torse (« Strapped to a seatback mounted on a small cart was a big, bluff officer with bushy white eyebrows and mustache and mutton chops… and no arms or legs » (DD 103) ) ou bien celui du maître en arts martiaux des filles Bennet, Master Hawksworth, condamné à rester éternellement dans une boîte rassemblant ses quelques restes (« the bandage-wrapped homunculus strapped inside » (DD 286) ). La faiblesse du corps des vivants est également symbolisée par le biais de nombreux épisodes de vomissement collectif face à l’horreur des zombies qui permettent aux personnages de tenter d’opérer une forme de purgation de leur peur. Le corps vivant mis en scène dans les réécritures zombies pourrait être évocateur du corps grotesque défini par Mikhaïl Bakhtine dans son œuvre canonique sur Rabelais et qui insiste sur « accouplement, grossesse, accouchement, croissance du corps, vieillesse, désagrégation et dépeçage du corps, etc, dans toute leur matérialité immédiate […] » (Bakhtine, 1970, 34) mais est complètement dépourvu du pouvoir séminal associé au corps rabelaisien.
La dimension mortifère associée aux vivants est mise en exergue par leur sexualité très souvent ridicule ou stérile privant l’espèce humaine d’un pouvoir de régénération. Ainsi, la sexualité des parents Bennet est décrite sur un mode comique qui laisse, néanmoins, percevoir toute la frustration de leur couple. Mrs Bennet n’hésite pas à batifoler avec Captain Cannon, l’homme-torse, afin de combler la frustration sexuelle que lui réserve son époux :
Beside it in the dim light was a hunched form in a shroud-like gown, its back to the girls.
There was another rattle, and the thing at the end of the hall shifted its weight and moaned softly.
“It’s trying to get into Father’s room,” Jane whispered. […]
Both girls raised their weapons and readied themselves for a charge. They froze, however, when the creature pressed itself to Mr Bennet’s door and spoke.
“Mr Bennnn-nnnnnet…Mr Bennnnn-nnnnnnet…open uuu-uuu-uuuuuup.”
“I’m exhausted, woman,” Elizabeth heard her father say. “Let me rest.”
“Oh, I won’t disturb you. I just want a little company.”
“You just want a male heir, you mean. And I’m too tired to give you one.”
Jane gasped.
“Oh, my,” said Elizabeth.
This was worse than finding a zombie in the house. (DD 84-86)
Le comique de la scène repose sur la transformation d’un corps désirant en corps grotesque proche de celui des zombies, mais aussi sur la confrontation des filles Bennet à la sexualité « monstrueuse » de leurs parents vieillissants. Cependant, la sexualité même des filles après leur mariage n’est pas dotée de plus de vitalité : certes, Jane s’avère une épouse féconde mais sa transformation en simple ventre explique la répulsion que la maternité inspire à Elizabeth qui se refuse à enfanter, comparant les enfants de sa sœur à des zombies :
“When I see little Philippa nursing at her mother’s breast, do you know what I think of ?” Elizabeth said.
“Tell me.” […]
“A dreadful,” she said. “A monstrous parasite intent on sucking the very life from the living.” (DEA 14)
L’opinion d’Elizabeth sur la nature délétère des enfants, qui apparaît aux yeux de son mari comme étant contre nature, est ironiquement confirmée dans les lignes suivantes lorsque Darcy est mordu par un zombie arborant les traits d’un enfant.
Ce premier chapitre de Dreadfully Ever After laisse bien peu d’espoir quant à l’avenir de l’humanité étant donné que les zombies s’avèrent finalement plus fertiles que les vivants en raison de leur pouvoir de contamination.
2.3 Des vivants monstrueux
Malheureusement, certains vivants bien en vie et possédant encore tous leurs membres ne se montrent pas moins monstrueux que les monstres qu’ils combattent. En effet, la vie des vivants ne paraît pas tenir une grande place dans l’estime des personnages de l’intrigue. Il semble que la mort fasse tant partie du quotidien qu’il n’est pas nécessaire de s’arrêter sur chaque décès (certes nombreux tout au long du roman). Ainsi, lorsque tout son personnel de cuisine est massacré par deux zombies, Bingley regrette surtout que le dessert qu’ils allaient servir soit couvert de sang et de morceaux de cerveau et donc immangeable. Le monstre n’a donc pas toujours l’apparence attendue et il est tout aussi monstrueux de mépriser ainsi une vie humaine. La mort est banalisée déshumanisant par là-même les personnages qui restent impassibles. Pour pousser le vice jusqu’à l’extrême, même tuer apparaît comme une activité ludique. Elizabeth, par exemple, prend plaisir à tuer les ninjas de Catherine de Bourgh. Elle va même jusqu’à arracher le cœur de l’un d’entre eux et le manger cru se livrant au cannibalisme, comble de la monstruosité pour un être humain.
Le ton léger avec lequel ces décès sont traités est peut-être dû au fait qu’il ne s’agit dans ces exemples que de serviteurs dont les membres des classes supérieures ne font pas grand cas, exemple de Darwinisme social où seuls les plus forts survivent. Cependant, l’indifférence face à la mort concerne aussi le décès de personnes de la bonne société. C’est le cas, par exemple, lorsque, le soir du bal chez Bingley, une horde de zombies attaque les invités et brise le crâne d’une malheureuse femme. Cet « incident » est totalement banalisé et semble même être présenté comme un désagrément au bon plaisir des filles Bennet :
Apart from the attack, the evening altogether passed off pleasantly for the whole family. Mrs Bennet had seen her eldest daughter much admired by the Netherfield party. Mr. Bingley had danced with her twice, and she had been distinguished by his sisters. (PPZ 14)
L’attaque de zombies est totalement occultée pour ne garder en tête que le côté agréable de la soirée. Cette ironie de l’auteur reflète la satire qu’il fait d’une société centrée sur elle-même qui n’a à cœur que son confort personnel. En outre, la cruauté des vivants va jusqu’à l’utilisation de leurs semblables. C’est ce que fait Catherine de Bourgh avec une petite fille qu’elle place en appât pour attraper des zombies. Le sort de la petite fille n’a aucune importance pour Lady Catherine de Bourgh qui ne la considère que comme une employée. De la même manière, la vie d’un étranger pèse bien peu. La course de zombies organisée en lieu et place du champ de courses d’Ascot en est un exemple. Les chevaux sont ici remplacés par des zombies que l’on lance à la poursuite d’un irlandais qui n’aura la vie sauve que s’il parvient à atteindre et grimper à la corde au bout du champ de courses avant que les zombies ne le rattrapent. Ce divertissement qui rassemble toute la haute société de Londres, y compris le Prince Regent, dévalue le prix d’une vie pour le simple plaisir des plus puissants. Même Kitty Bennet trouve ce loisir divertissant : « Kitty picked out an unmentionable to root for – a young female dressed in pink gaining quickly on the frantically fleeing bait. She cheered it on until it tumbled clumsily over a hurdle and impaled itself on the spikes on the other side […] » (DEA 94). Quant à son père, il semble en avoir été un grand amateur lorsqu’il était plus jeune: « ‘Somehow I find all this less entertaining than I once did,’ Mr Bennet said » (DEA 94). Il apparaît ici blasé plus que choqué par ce genre de pratique.
Pas étonnant alors que la « vie » des zombies ne représente rien et que leur « mort » soit mise en scène comme un divertissement. La famille Bennet, accompagnée des autres gentlemen de la région partent ainsi « à la chasse » aux zombies comme ils partiraient à la chasse aux renards, fusil sur l’épaule. Dans Dawn of the Dreadfuls, Mr Bennet invite en effet son voisin Lord Lumpley à organiser une partie de chasse pour se débarrasser des zombies qui peuplent leur région, partie de chasse pendant laquelle les zombies sont clairement associés à du gibier (« ‘It is bigger game we are after today’ » (DEA 52) ) traqués à l’aide de chiens sur le principe de la chasse à courre. Seul compte ici le jeu qui consiste à tuer des « ex » -êtres vivants qui peuvent être aussi bien des inconnus que leurs propres voisins.
La monstruosité des vivants repose donc sur leur déshumanisation et leur goût pour la morbidité, le meurtre et même le cannibalisme. Ces portraits d’individus offrent donc un tableau très pessimiste en adéquation avec la représentation de la société élaborée par les différents auteurs.
3. Une société mutilée
3.1 Des échecs institutionnels
Le corps social se caractérise par l’anomie de ses institutions. La sexualité frustrée du couple Bennet et de leurs filles témoigne de l’échec du mariage qui est également illustré par le couple Collins. En effet, Charlotte contaminée se transforme petit à petit en morte-vivante sous les yeux de son époux qui, la dédaignant, ne voit pas l’affligeante réalité : « The wedding took place, and no other than Elizabeth seemed to suspect the bride’s condition. Mr Collins appeared happier than he ever had despite the fact that Charlotte had to be reminded to use her fork several times over the course of the dinner » (PPZ 110). La transformation de Charlotte symbolise la nature morne de son mariage, le manque de passion qui la poussa à épouser le révérend afin d’échapper à un autre fléau limité cette fois-ci à la gent féminine : la peur de finir vieille fille, autre figure terrifiante de l’époque. La seule alternative à ce destin funeste est la vie de femme mariée mais, pour arriver à ce statut tant enviable, il faut accepter d’être transformée en proie et chassée par Lord Lumpley, symbole des hommes en quête d’une épouse :
Young ladies were always the most difficult quarry to corner, for they were ever surrounded by protectors: parents, patrons, governesses, guardians, chaperones. That’s why he loved orphans and working girls so – and so often! […] Such naifs were his bread and butter.
Yet a gentleman cannot survive on bread alone, even buttered. He must have fine caviar. Champagne. Fresh meat. Like Jane Bennet.
He even thought he might make a full meal of her instead of the usual snack. She was so very, very proper – and so wonderfully passive. Just what he needed in a wife. An impenetrable veneer of propriety, and not a lot of questions. (DD 49-50)
Les jeunes filles dans cet extrait sont transformées en chair vivante et en proies appétissantes pour Lord Lumpley qui adopte de la sorte un comportement évocateur de celui des zombies. Le danger peut revêtir un masque trompeur car finalement Lord Lumpley se révèle plus inhumain que les zombies par sa perfidie, sa débauche sexuelle exacerbée et son funeste sadisme qui sera ironiquement puni par la proie qu’il considérait comme le trophée de son tableau de chasse.
Un autre échec institutionnel émerge à travers celui de la science. Cette dernière s’avère incompétente face aux zombies : les expérimentations de Dr Keckilpenny ne portent aucun fruit, sa tentative de réhumanisation de Mr Smith ne conduit qu’à sa propre perte. La fin funeste du docteur peut être perçue comme un instrument de némésis venant sanctionner son hybris. En effet, Keckilpenny tâche d’œuvrer tel un dieu capable de transformer les morts-vivants en vivants mais son ambition démiurgique passe par la réification des zombies mais aussi des vivants qui deviennent uniquement des objets d’expérimentation méprisés entre les mains de ce savant fou qu’Elizabeth n’hésite pas à fustiger :
“And you. Do you know what you are ?”
“Mad?” The doctor ventured.
“Yes! Mad! And cold, despite all your jokes. You treat the dead as your playthings, and the living – they don’t enter into the equation at all! Not so long as you’ve got your toys in your ivory tower!” (DD 249-250)
Néanmoins, le Dr Keckilpenny n’est pas le seul personnage à incarner l’échec de la science. Ainsi, dans Dreadfully Ever After, Elizabeth doit voler un sérum enfermé dans la section 11 de Bedlam qui inspire la même répulsion que son modèle historique, temple de la folie. Cependant, Bedlam dans l’œuvre de Steve Hockensmith cache derrière son activité traditionnelle liée aux maladies mentales un lieu d’expérimentation pour lequel les scientifiques n’hésitent pas à kidnapper, maintenir en captivité et saigner des adultes, mais également des enfants, afin d’élaborer le sérum capable de stopper la contamination par les zombies. Ici, encore, il s’agit d’une science funeste réifiant les zombies mais aussi les vivants afin de parvenir laborieusement à ses fins.
3.2 Une société décapitée
Comble de l’échec institutionnel, même la noblesse située en haut de l’échelle sociale manque à ses devoirs. Cette partie de la société qui se considère comme l’exemple à suivre s’avère faible et débauchée comme le montre l’exemple de Lord Lumpley. Ainsi, les gens censés défendre et protéger l’Angleterre contre l’invasion des zombies ne se révèlent pas vraiment héroïques. Catherine de Bourgh, par exemple, est une guerrière hors pair mais elle utilise son art plus contre ses serviteurs ou Elizabeth elle-même, lorsqu’elle veut l’obliger à renoncer à épouser Darcy, que pour se lancer dans des campagnes d’éradication des zombies. Ainsi, dans Dawn of the Dreadfuls, lors de l’attaque finale du château de Netherfield par une horde de plusieurs centaines de zombies, Catherine de Bourgh reste bien sagement à l’écart du champ de bataille. Perchée sur son cheval blanc, elle surveille ce qui se passe avec sa longue vue mais elle ne se mêle pas au combat. Enfin, l’avenir de l’Angleterre semble définitivement compromis quand le roi lui-même fait les frais d’une attaque de zombies et meurt le jour même de son re-couronnement après son arrêt prolongé suite à la morsure de zombie dont il avait été victime. Lorsque la guérison est enfin officielle, le jour même où l’Angleterre allait retrouver son roi et que toute l’aristocratie londonienne est réunie pour célébrer l’événement, une horde de zombies se lance à l’assaut des invités qui pour la plupart finissent en chair à pâté, y compris le Prince Régent et le roi : « Through it all, Mr Crickett gnawed on. […] He had the brains of George III, last English king of the house of Hanover, all to himself » (DEA 251). Cette phrase est lourde de sens car elle laisse entendre que l’Angleterre arrive à sa fin, qu’elle est condamnée à périr. La société est décapitée de son chef. Cette scène est alors doublement ironique car en tant que roi, c’est la tête de l’état qui est attaquée et parallèlement la tête du roi qui est dévorée. La cacophonie de cet épisode où règne le plus grand désordre se présente comme une scène d’émeute où rien ne va plus. Cette image symbolise une société en plein démantèlement où il faut tout reprendre à zéro, à commencer par un nouveau roi issu d’une nouvelle dynastie puisque celle des rois de Hanovre est éteinte. A ce stade du roman la question de l’avenir de l’Angleterre est préoccupante.
Ainsi, cette société en état de décrépitude (et finalement décapitée) cherche de nouveaux repères pour sortir de l’impasse et doit pour cela faire appel à des aides inattendues pour un pays à l’idéologie patriarcale qui rejette l’ailleurs.
3.3 Une société en quête de nouveaux repères
La noblesse, par ses dysfonctionnements, offre peu d’espoir pour l’avenir de la nation, mais ce constat affligeant s’applique également à la gent masculine défaillante en majorité et offrant un faible rempart contre les menaces internes ou externes. Les hommes s’avèrent être des soldats couards et les nobles censés protéger les âmes placées sous leur responsabilité un piètre exemple comme en témoigne la citation suivante : « Mr. Bennet threw a look toward the front steps, which was now dotted with guffawing men stumbling from the manor house with half-filled glasses in their hands » (DD 53). Face à l’échec de ces bastions non seulement face à la menace napoléonienne, mais aussi zombie, les femmes apparaissent comme le dernier espoir de la nation britannique. Néanmoins, il ne s’agit pas de toutes les femmes mais des Amazones qui ont choisi par le biais de la maîtrise de l’art de la guerre de faire fi de la tradition et des conventions, acceptant de braver les condamnations au sujet de la masculinisation de leur identité qui met à mal les barrières traditionnellement établies entre les sexes : « Unmarried ladies taking up arms could be tolerated (barely) as long as Britain remained in peril. Yet for a wife to wade into battle would be an affront not just to her husband, whose duty it was to protect her, but to all English manhood. Elizabeth, despite her formidable skills, could be seen in public wielding nothing more deadly than a lace-fringed parasol » (DEA 34).
Les femmes guerrières apportent donc un nouvel espoir pour l’avenir de la Grande-Bretagne, malgré le bouleversement que cela implique en termes de codes identitaires, mais un autre espoir est également incarné par « l’Orient » car la nation britannique est le seul pays infecté par le fléau des morts-vivants : « It had always been a mystery why the plague never spread beyond Great Britain. It had something to do with their island isolation, some said. A peculiarity born of the purity of English blood » (DEA 263). Elle est, par conséquent, contrainte de dépasser l’insularité qui la caractérise et de se tourner vers d’autres pays qu’elle considérait comme inférieurs pour trouver de l’aide. Ainsi, l’Asie (que ce soit la Chine ou le Japon) apporte aux Anglais des maîtres en arts martiaux, mais aussi l’Afrique qui offre, au même titre que l’Inde, des étrangers dont le sang est utilisé pour fabriquer le sérum expérimental capable de sauver les vivants contaminés par les zombies. Le fléau des morts-vivants sert de rétribution au désir des Anglais de maintenir la « pureté » de leur sang et de rejeter l’« étranger ». Mrs Bennet incarne tout particulièrement, à la fin de Dreadfully Ever After, cet immobilisme bourgeois que l’auteur fustige et tient comme responsable des pires maux sociaux symbolisés par l’invasion des zombies :
“But I don’t want a new England! I want my old England! Some things were not meant to change! Some things should be eternal!” […]
She crossed her arms and set her feet and threw back her head, as if to make herself into a statue – the very embodiment of the everlasting, unaging, unchanging England she so believed in. She would stand there forever, mute monument to all that was timeless and true.
“Forever” lasted about twenty seconds. Then the sun broke through the morning clouds and a shaft of light shot down upon Mrs Bennet and she realized that she was thirsty and a little overheated and really, really needed to sit down and massage her corns. (DEA 287)
La vieille Angleterre incarnée par Mrs Bennet semble condamnée à une mort certaine comme en témoigne sa statufication mais également son passage du sublime au ridicule qui accompagne son hymne à la pureté nationale. Les zombies peuvent être amenés à symboliser bien des maux de la société du XXIe siècle, ici Steve Hockensmith choisit d’en faire le symptôme d’un mal sociétal qui consiste en un repli identitaire capable de menacer n’importe quel pays.
L’intégration de personnages fantastiques permet à Seth Grahame-Smith et Steve Hockensmith de se livrer à une critique de la société romantique et, à travers elle, de la société du XXIe siècle. Ce procédé, évocateur du néo-victorianisme, permet d’apporter une nouvelle vision sur l’hypotexte, mettant en tension la notion de canon littéraire, et d’en offrir une relecture avec un regard contemporain. Les créatures fantastiques peuvent alors s’intégrer sous différentes formes, par l’ajout de personnages à l’intrigue comme c’est le cas ici ou, en d’autres circonstances, par la transformation de certains personnages. Pride and Prejudice, par exemple, existe en différentes versions vampires, où les vampires sont Mr Darcy ou Elizabeth eux-mêmes. Ce phénomène à la mode amène le lecteur à repenser l’œuvre originelle, à s’interroger en termes de perte ou de gain dans la relation intertextuelle, et, dans tous les cas, à faire une expérience déterritorialisante.
Bibliographie
Corpus de référence
AUSTEN, Jane et Seth Grahame-Smith. Pride and Prejudice and Zombies. Philadelphia: Quirk Books, 2009.
HOCKENSMITH, Steve. Pride and Prejudice and Zombies. Dawn of the Dreadfuls. Philadelphia: Quirk Books, 2010.
---, Pride and Prejudice and Zombies. Dreadfully Ever After. Philadelphia: Quirk Books, 2011.
Analyses critiques
BAKHTINE, Mikhaïl. 1970. L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance. Trad. Andrée Robel. Paris : Galimard.
BOWSER, Rachel A. et Brian CROXALL. 2010. « Introduction : Industrial Evolution », Journal of Neo-Victorian Studies 3:1. Consulté le 30 avril 2015. www.neovictorianstudies.com
ELDRIDGE, Alison. « Zombie. Fictional Creature », dans Encyclopedia Britannica. Consulté le 4 avril 2015. http://global.britannica.com/EBchecked/topic/1879735/zombie
ROBERT, Marthe. 1972. Roman des origines, origines du roman. Paris : Gallimard.
TODOROV, Tzvetan. 1970. Introduction à la littérature fantastique. Paris : Editions du Seuil.
« Pour aller plus loin »
BELANGER-MICHAUD, Sara Danièle. 2011. « La transposition comme zombification », dans Pouvoirs de la Transpositions. La Pensée disciplinaire en question. Dir. Mathilde Branthome. Montréal. http://www.academia.edu/598304/Que_reste-t-il_de_queer_%C3%A0_la_Recherche.
GUTLEBEN, Christian. 2001. Nostalgic Postmodernism. The Victorian Tradition and the Contemporary British Novel. New York : Rodopi.
The Jane Austen Society of the United Kingdom, http://www.janeaustensoci.freeuk.com
LETISSIER, Georges. 2009. Rewriting/Reprising: Plural Intertextualities. Cambridge: Cambridge Scholars Publishing.
WINCHESTER, Henry. 2014. Steampunk. Londres: Flame Tree Publishing.
Documents pour la classe
Les illustrations paratextuelles
Les trois réécritures étudiées dans cet article sont accompagnées de nombreuses illustrations. Un bon moyen d’entrer dans ces transpositions pourrait être de travailler sur l’illustration présente sur la page de garde de Pride and Prejudice and Zombies de Seth Graham-Smith présentant Elizabeth Bennet en guerrière. Le sous-titre du roman et la référence aux auteurs présents sur cette page permettent également de pointer du doigt la notion d’hybridité du texte.
Le chapitre 1 de Pride and Prejudice and Zombies
Il peut être intéressant de confronter le 1er chapitre de l’œuvre de Jane Austen et celui de Seth Grahame-Smith afin d’identifier plus précisément le type de réécriture en jeu :
IT IS A TRUTH universally acknowledged that a zombie in possession of brains must be in want of more brains. Never was this truth more plain than during the recent attacks at Netherfield Park, in which a household of eighteen was slaughtered and consumed by a horde of the living dead.
“My dear Mr. Bennet,” said his lady to him one day, “have you heard that Netherfield Park is occupied again?”
Mr. Bennet replied that he had not and went about his morning business of dagger sharpening and musket polishing – for attacks by the unmentionables had grown alarmingly frequent in recent weeks.
“But is is,” returned she.
Mr. Bennet made no answer.
“Do you not want to know who has taken it?” cried his wife impatiently.
“Woman, I am attending to my musket. Prattle on if you must, but leave me to the defense of my estate!”
This was invitation enough.
“Why, my dear, Mrs. Long says that Netherfield is taken by a young man of large fortune; that he escaped London in a chaise and four just as the strange plague broke through the Manchester line.”
“What is his name?”
“Bingley. A single man of four or five thousand a year. What a fine thing for our girls!”
“How so? Can he train them in the ways of swordsmanship and musketry?”
“How can you be so tiresome! You must know that I am thinking of his marrying one of them.”
“Marriage? In times such as these? Surely this Bingley has no such designs.”
“Designs! Nonsense, how can you talk so! It is very likely that he may fall in love with one of them, and therefore you must visit him as soon as he comes.”
“I see no occasion for that. And besides, we mustn’t busy the roads more than is absolutely necessary, lest we lose more horses and carriages to the unfortunate scourge that has so troubled our beloved Hertfordshire of late.”
“But consider our daughters!”
“I am considering them, silly woman! I would much prefer their minds be engaged in the deadly arts than clouded with dreams of marriage and fortune, as your own so clearly is! Go and see this Bingley if you must, though I warn you that none of our girls has much to recommend them; they are silly and ignorant like their mother, the exception being Lizzy, who has something more of the killer instinct than her sisters.”
“Mr. Bennet, how can you abuse your own children in such a way? You take delight in vexing me. You have no compassion for my poor nerves.”
“You mistake me, my dear. I have a high respect for your nerves. They are my old friends. I have heard of little else these last twenty years at least.”
Mr. Bennet was so odd a mixture of quick parts, sarcastic humour, reserve, and self-discipline, that the experience of three-and-twenty years had been insufficient to make his wife understand his character. Her mind was less difficult to develop. She was a woman of mean understanding, little information, and uncertain temper. When she was discontented, she fancied herself nervous. And when she was nervous – as she was nearly all the time since the first outbreak of the strange plague in her youth – she sought solace in the comfort of the traditions which now seemed mere trifles to others.
The business of Mr Bennet’s life was to keep his daughters alive. The business of Mrs. Bennet’s was to get them married. (PPZ 7-9)
Pour compléter, deux tableaux traduits de Palimpsestes de Genette pourraient être utiles :
Theme Style |
Noble |
Vulgar |
Noble |
Noble genres (epic, tragedy) |
Parodies (parody, pastiche) |
Vulgar |
Burlesque rewriting |
Comic genres (comedy) |
Function |
Satirical |
Not satirical |
Genre |
parody |
pastiche |
Le chapitre 1 de Seth Grahame-Smith permet de faire travailler les élèves sur l’écriture mais également sur l’évolution des personnages et des codes genrés, l’introduction du fléau des zombies…
Les book trailers des œuvres de Steve Hockensmith
https://www.youtube.com/watch?v=S1JdPvyy93I
Le book trailer de Dawn of the Dreadfuls revêt un intérêt dans la mesure où certains passages peuvent permettre de travailler avec les élèves sur des références intergénériques (le zombie sortant d’un marécage est un clin d’œil à la version de la BBC avec Colin Firth), ou intertextuelles (Elizabeth sous sa cape évoque le Petit Chaperon Rouge et symbolise la maturation sexuelle à laquelle les filles Bennet sont amenées par le biais de leur apprentissage des arts martiaux)… Ames sensibles néanmoins à ménager !
Pour citer cette ressource :
Véronique Maillard, Virginie Thomas, Le corps dans les réécritures zombies de Pride and Prejudice, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mai 2015. Consulté le 05/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/litterature/litterature-britannique/le-corps-dans-les-reecritures-zombies-de-pride-and-prejudice