Savoir poser des questions : la clé de l’accès à l’anglais
Introduction
« Donner aux élèves la maîtrise du questionnement, c’est d’abord les aider à résoudre le problème de fonctionnement de l’auxiliaire qui constitue une originalité majeure de la grammaire anglaise. Mais c’est aussi créer les conditions d’une plus grande authenticité de l’échange en classe : les questions d’élèves, souvent imprévues, ont toutes les caractéristiques de l’expression personnelle. » Ainsi s’exprimaient en 1985 les auteurs du manuel de collège Hello 6ème (Hatier) parmi lesquels figurait Robert ASSELINEAU, auquel je dois, comme d’autres anciens élèves-professeurs du C.R.F.P.E.G.C. de Paris-Auteuil l’essentiel de ma formation initiale d’angliciste et de professeur. Sans doute faudrait-il méditer avec l’attention nécessaire ces propos d’il y a trente ans. Le francophone maîtrise une langue, le français, ce qui le conduit à poser au quotidien des questions formulées comme suit :
Elle vient ta mère demain ?
Il aime ça ton frère les épinards ?
Il est à qui ce ballon ?
Au fait, il revient quand Pierre ?
Bon, on fait quoi maintenant ?
On peut y aller quand ?
On rapprochera ces questions de leurs contreparties anglaises :
Is your mother coming tomorrow?
Does your brother like spinach?
Whose ball is that?
By the way, when is Peter coming back?
So, what do we do now?
When can we go there?
On comprend d’emblée que le passage du français à l’anglais ne va pas se faire sans mal.
L’enseignement des langues sous-estime toujours le rôle de la langue maternelle – grammaire et phonologie – que ce soit pour comprendre comment s’en démarquer et anticiper les erreurs, ou même, le cas échéant, s’appuyer sur ce que l’élève sait faire, même de façon inconsciente, pour s’en servir de tremplin. Si on ajoute à cela que les évaluations de type baccalauréat n’exigent pas des élèves qu’ils posent des questions et que le schéma « le professeur interroge – les élèves répondent » demeure de fait la norme en classe il est finalement assez normal que les élèves francophones ne sachent pas poser des questions en anglais et, partant, ne maîtrisent pas les outils fondamentaux de cette langue. J’en veux pour preuve le test de rentrée que je fais passer depuis quelques années à mes étudiants de première année de licence d’anglais, tous néo-bacheliers donc, et qui, de surcroit, ont délibérément choisi de venir étudier l’anglais dans l’enseignement supérieur, ce qui laisserait à penser qu’ils ont déjà acquis un niveau de connaissance suffisant. Le test comporte 25 entrées et est présenté comme suit :
Vous faites la connaissance de quelqu’un et vous devez lui poser quelques questions (en anglais). Demandez-lui :
a. quel âge il a :
b. que font ses parents (métier) :
c. s’il a des frères et sœurs :
d. s’il a un chien ou un chat :
e. où il habite :
f. depuis combien de temps il y habite :
g. à quelle école il va :
h. s’il habite loin de l’école :
i. combien il paye pour sa carte de bus :
j. s’il a un/une petit(e) ami(e) ?
k. depuis combien de temps ils se connaissent :
l. depuis combien de temps ils sortent ensemble :
m. ce qu’il veut faire quand il finira l’école :
etc.
Aucune des questions à poser, on le voit, ne requiert plus que la connaissance grammaticale et lexicale normalement exigible à la fin du collège – voire avant pour la plupart. Si les questions a. , c., d. et e. sont « réussies » en général par 75% des étudiants – ce qui laisse quand même 25% d’échec sur ces questions introduites maintenant à l’école primaire me dit-on – la question b. est invariablement « loupée » par 90% des étudiants, et il en est de même des questions f., k. et l. Les questions g., h. et i. posent également beaucoup de problèmes. La question m. montre que la pseudo règle selon laquelle « on ne met pas le futur après when » ne permet pas de produire des énoncés bien construits. Enfin, d’autres questions ne figurant pas dans le test montrent que le recours à whose – Whose car is it? – ou au verbe belong – Who does it belong to? – demeure une énigme pour une immense majorité des étudiants. Il semble bien que les « tâches finales » qui constituent le passage incontournable de la démarche actionnelle n’intègrent pas le questionnement – et pourtant, quoi de plus naturel au quotidien que de questionner l’autre ? J’ajoute que les questions portant sur l’heure, la couleur et la nationalité sont elles aussi loin d’être maîtrisées. Sans vouloir présenter ici un bêtisier, les « questions » formulées comme suit sont récurrentes et non des cas isolés :
*How far you live of school?
*How many cost your car?
*Since how many time you live in x?
*Which hour is it?
etc.
Le travail de début de première année de licence d’anglais consiste donc à apprendre aux néo-bacheliers à poser des questions, ce qui n’était en principe plus à faire à stade, et donc à reprendre l’intégralité des fondamentaux – choix des «conjugaisons» et de l’auxiliaire/opérateur, ordre des mots etc. – autant d’éléments qui constituaient au cours de la décennie 1980-1990 mon quotidien de professeur de collège, et ce dès la classe de 6ème. Dans des exercices dits de révision je demande à mes étudiants de première année de compléter des énoncés par l’équivalent anglais de « x aussi », « x non plus », sur le modèle suivant :
She is late again. (the boss) → So is the boss.
He doesn't smoke. (I) → Neither do I.
Cet exercice, comme on peut s’y attendre dans la foulée du test de rentrée, pose de réelles difficultés, de même que celui qui consiste à compléter des énoncés par le tag approprié :
Your dad is 41, isn't he?
You can't swim, can you?
You've never been to England, have you?
Les francophones auxquels on a inculqué que le tag est l’équivalent du « n’est-ce pas » français – mais quel jeune francophone emploie « n’est-ce pas ? » au quotidien ? – ont bien du mal à faire cet ajout qui est pourtant une des originalités de l’anglais et donc un passage incontournable lors de l’apprentissage. Nombre d’étudiants qui ont obtenu des notes supérieures à 16 sur 20 au baccalauréat – ce qui semble assez fréquent – ne parviennent pas à poser convenablement la moitié des questions que le test attend d’eux. On imagine sans peine le désarroi de ceux qui prennent conscience de lacunes que le système a finalement acceptées en les gratifiant même de bonnes notes. Il est normal que le francophone ait du mal face à l’anglais, mais il n’est pas tout à fait acceptable quand même de ne pas y remédier tout en récompensant des performances insuffisantes.
1ère partie : Les questions : quelques rappels théoriques
En dehors de toute considération exprimée en termes d’obédience à telle ou telle théorie linguistique, tout le monde ne peut qu’être d’accord sur la façon dont une question se construit en anglais. Les professeurs – et les linguistes – peuvent avoir des divergences quant à la façon de présenter tel ou tel outil grammatical et le rôle qu’il joue effectivement dans la grammaire de l’anglais, mais ces divergences ne vont pas concerner le fait de poser des questions. On pourra en revanche émettre des objections sur le recours au mot « auxiliaire ». Pourquoi ? Outre que le mot évoque toute une époque grammaticale que l’on voudrait aujourd’hui voir disparaître, le concept même véhicule une idée d’aide tout à fait subalterne sans que l’on prenne en compte les opérations dont ledit auxiliaire est la trace dans l’énoncé. On parle en français de « l’auxiliaire avoir » ou de « l’auxiliaire être » pour construire le « passé composé » :
J’ai monté les valises au grenier / Je suis monté par les escaliers.
Il a passé le journal à sa voisine / Il est passé par la fenêtre.
et cela sans jamais expliquer pourquoi il en est ainsi – pourquoi a-t-on recours tantôt à avoir et tantôt à être ? Pourquoi dans :
Tiens, je t’ai fait des sandwichs.
est-il strictement impossible d’avoir recours au passé simple :
* Tiens, je te fis des sandwichs.
et ce indépendamment du fait qu’il s’agisse d’un énoncé oral ?
On occulte ainsi le rôle joué par les opérateurs avoir et être. Leur présence est motivée, non par le fait de l’usage ou du hasard, et ils jouent un rôle central. Les appeler « opérateurs » - de la racine opus / opera qui signifie « travail » et qu’on retrouve dans ouvrier, ouvrage, œuvre – permet d’être plus grammatical dans l’approche car ces mots « réfléchissent l’activité structurante des énonciateurs » (Henri ADAMCZEWSKI, 1982, p. 6.) On parle d’opérations en mathématiques ; on peut et doit parler d’opérations en grammaire.
L’ordre canonique des composantes de la question est le suivant :
Opérateur – sujet – (verbe)
Les parenthèses autour de (verbe) s’expliquent par le fait que le verbe peut ne pas être présent – Do you? / Will you? Am I? etc. – quand le contexte fait que la question tronquée suffit à une bonne compréhension – ou dans les tags tout simplement. Cet ordre des composantes ne concerne pas les questions du type :
Who wants coffee?
Who framed Roger Rabbit?
qui visent à découvrir le sujet grammatical mais nous ne nous attarderons pas sur leur cas dans notre travail faute de place. Le non-recours à l’opérateur DO, s’il est facilement explicable à l’université, ne peut concerner l’élève de collège ou de lycée – quoiqu’on ne se formalise pas du tout de l’abstraction en mathématique ou en philosophie au lycée par exemple.
Le bloc fondamental [opérateur – sujet – verbe] n’est pas uniquement retenu pour la question ; d’autres types d’énoncés y ont recours :
Only next morning in the paper did I learn the dreaful result.
Should you fail this exam, you can always re-take it next year.
Not only do we have great golf courses, we also have great bunkers.
Boy! Did it stink!
La place manquera hélas ici pour expliquer ce qui est commun aux énoncés interrogatifs et aux énoncés du type de ceux cités plus haut. Ce qu’il faut retenir c’est que le bloc [opérateur-sujet-verbe] est un fait récurrent et savoir choisir l’opérateur et agencer la suite de l’énoncé est une opération clé qui fait l’originalité de l’anglais. Le fait de placer l’opérateur en tête d’énoncé interrogatif est intéressant ; dans le cas de la question fermée – la yes/no question, et cette appellation sera pratique nous le verrons en conduite de classe – c’est sur l’élément placé en tête d’énoncé que porte l’interrogation. Demander :
revient à se demander si grammaticalement il existe une connexion – un lien, une relation – entre Peter et drink-beer et c’est does qui symbolise cette mise en relation. Dans le monde extra-linguistique bien entendu, on veut savoir plus prosaïquement si Peter boit de la bière ! Les langues divergent sur la façon d’exhiber les opérations grammaticales mises en oeuvre. En plaçant en tête d’énoncé interrogatif l’opérateur qui symbolise la mise en relation, la langue anglaise a une approche qui diffère du français – et cette différence est à prendre en compte. Ne pas maîtriser cela revient à ne pas maîtriser l’anglais au sens fort. Là sans doute réside une ambiguïté qui va grandissante et qui pose la question du degré de sophistication que l’on vise en enseignant l’anglais. Si on veut limiter la maîtrise de la langue à une très vague aptitude à communiquer sans ambition aucune de correction – ce qui est le résultat plus ou moins obtenu actuellement – point n’est besoin de maîtriser le bloc [opérateur-sujet-verbe]. Mais si l’enseignement relève le défi qui est à l’origine le sien, alors il est nécessaire d’avoir des ambitions, raisonnables certes, mais des ambitions quand même. Et le but est alors de faire comme font les Anglophones. L’école n’a pas de rôle à jouer sans une ambition clairement affichée et respectée.
2ème partie : Mise en place du questionnement
Dès les premiers pas en anglais il faut habituer les élèves à devoir poser des questions, et ce à tout moment du cours, la question étant une façon comme une autre de réfléchir sur le fonctionnement de la langue. La Pratique Raisonnée de la Langue annoncée dans les textes officiels de collège en 1985, tout de suite siglée PRL – et oubliée hélas depuis sous la forme initialement annoncée et jamais effectivement mise en place – peut et doit passer par ce type de manipulations qui ne requièrent guère de commentaires. Il n’y pas un moment privilégié pour les questions. On a recours à l’énoncé interrogatif pour mettre des éléments en place à tout moment. Poser des questions doit devenir une activité comme une autre, à la différence qu’elle permet une prise de conscience grammaticale que d’autres productions ne sollicitent pas aussi directement et qu’elle peut intervenir à tout moment. Imaginons que dans un cours l’énoncé suivant soit produit :
She bought a new coat for her daughter.
Outre son intérêt phonologique – bought et daughter ont /ɔ:/ en commun, coat est difficile pour les francophones à cause de /əʊ/ et for est prononcé /fə/ - l’énoncé doit être manipulé pour :
- faire apparaître l’opérateur did
- travailler l’ordre mots de la question en who … for ? sous-jacente.
Donc une fois cet énoncé produit le professeur indique que la yes/no question est requise. Une fois les habitudes mises en place, il suffit de dire : « yes/no question ; » ou de faire un geste connu de tous. Ceci doit donc donner :
Did she buy a new coat for her daughter?
Et il y aura forcément des erreurs telles que :
*Is she bought…?
*Does she bought…?
*Did she bought…?
etc.
Le professeur, ai-je envie de dire, doit finalement espérer que ces erreurs soient produites pour mieux les corriger et en enrayer la fixation. L’erreur fait partie du cheminement.
Une fois les ajustements effectués – cela peut requérir quelques mots d’explication ou simplement quelques schémas au tableau - la bonne question est produite :
Did she buy a new coat for her daughter?
et on demandera la réponse :
She did.
Si « yes, she did » est tentant il ne faut pas oublier que cette réponse « complète » est quand même un énoncé assez fort – on répond par un laconique « I will » lors de la cérémonie de mariage, et non par « Yes I will » qui serait surprenant. On pourra écrire au tableau :
She bought… → Did she buy…?
Pour montrer que l’élément prétérit est passé du verbe à l’opérateur. On peut profiter de l’occasion pour demander le tag approprié – She bought a new coat for her daughter, didn’t she? – et produire ce tag est aussi une façon d’apprendre et de progresser. On tient donc le bloc fondamental [opérateur – sujet – verbe] : did-she-buy. À partir de ce bloc de base on travaille à la production des questions en WH-. Ces questions sont fondées sur le modèle suivant:
WH- [opérateur-sujet-verbe] ?
et selon la question, les compléments éventuels restent ou disparaissent s’ils sont « remplacés » par l’interrogateur en WH-.
On demande donc ensuite « what question » et on obtiendra ce qui est attendu – là encore après quelques erreurs :
What did she buy for her daughter?
Et dans la foulée on demande la réponse qui pourra, elle aussi, ne pas arriver bien formulée du premier coup :
She bought a coat.
À chaque étape, les questions et les réponses produites sont répétées plusieurs fois, les mises au point phonologiques sont faites.
Il restera la « who question » dont on fera comprendre qu’elle porte sur her daughter et non sur le sujet – she bought a new coar for????. Cette question fait partie de ces constructions très anglaises que le francophone « *a des problèmes avec ». Il y aura là aussi des erreurs commises, mais elles sont attendues, anticipées. Le francophone qui en français pose la question comme suit :
« Pour qui elle a acheté un manteau neuf ? » ou « Elle acheté un manteau neuf pour qui ? »
doit parvenir à produire
Who did she buy a new coat for?
ce qui est une des originalités de l’anglais face au français.
Quel que soit le niveau auquel on enseigne, il faut que ce questionnement intervienne à tout moment dans le déroulement du cours. Tout énoncé affirmatif recèle une question qui doit être formulée car seule la question finalement permet de faire apparaître les difficultés auxquelles le francophone se heurte. Lors d’une phase de contrôle du travail en début de cours, il est judicieux d’avoir demandé aux élèves de prévoir – et donc de préparer noir sur blanc – des questions portant sur ce qui a été étudié lors de la séance précédente, et ce que l’on soit au collège ou au lycée et quelle que soit la nature du support. Demander aux élèves de poser des questions et demander à d’autres de répondre permet une participation active des élèves et permet de les « associer à leur apprentissage ». Si c’est le professeur qui questionne systématiquement c’est lui qui se fait plaisir et qui fait le travail à la place des élèves. Le professeur sait poser des questions telles que :
Who do you think she bought a new coat for?
et ses élèves parviennent à le comprendre par déduction. Mais les mêmes élèves ne savent pas poser cette même question. Pour avoir pratiqué ces séances de questions-réponses en début de cours avec des élèves de collège, de lycée et également des étudiants non spécialistes d’anglais inscrits en master je peux affirmer que le travail d’apprentissage à la maison prend tout son sens car poser des questions que l’on destine aux camarades permet de réfléchir à des interrogations de type « why? » auxquels les documents abordés en cours – quels qu’ils soient – ne donnent pas forcément réponse. Ce qui entraîne des prises de positions du type I think, In my opinion, ou, à un niveau plus avancé, la production d’énoncés modalisés – he must be …, she must have been… etc. qui sont là aussi une des originalités de l’anglais.
Les questions les « plus anglaises » doivent impérativement être travaillées ; j’entends par là les questions du type suivant :
« Who [opérateur – sujet – verbe]… with? »
« What [opérateur – sujet – verbe]… … for? »
« What [opérateur – sujet – verbe] with? »
etc.
qui sont de fait celles que les francophones maîtrisent fort mal, à l’instar de ces énoncés dits passifs tels que :
Her bed hasn’t been slept in.
The labrador just blinked. It was used to being rained on by pheasants. (Barry Hines, The Gamekeeper)
qui sont assez insolites quand on a le français comme langue maternelle.
3ème partie : Le questionnement avec les débutants
Cela commencera avec BE quand on présente des personnages ou que des élèves se présentent, quand on travaille les couleurs, l’heure etc. J’ai toujours préconisé de donner des prénoms anglais aux élèves, et ce de l’école primaire au collège. Pour les esprits chagrins qui trouvent cela « ringard » – comme si « faire anglais » était dépassé - cela présente l’intérêt de ne pas rompre le rythme de la phrase lors de la conduite du cours en introduisant des sons étrangers à l’anglais : « Are you ready Nigel? » est quand même plus adéquat que « Are you ready Thibault? » qui a l’inconvénient de mélanger phonèmes anglais et prononciation française, ce qui est néfaste. Cela présente aussi l’avantage de mettre en place le schéma accentuel – accent tonique et donc formes faibles en /ə/ - que le francophone doit travailler. Les élèves ont donc tous été dotés de prénoms « anglais», prénoms qui seront à terme placés devant eux en cours – et donc sur un papier de type bristol de façon à être préservés. Ils vont être cachés dans un premier temps. À la question « What ‘s your name? » on préfèrera « Who are you? » - prononcé /'hu:ə 'ju:/. Cette « simple » question requiert déjà du travail pour la prononciation – l’expiration à l’initiale, le /ə/ de are et l’accent tonique portant sur you. La réponse est sous la forme suivante : « I’m Barbara. » prononcée /aɪm 'bɑ:brə/. Il faut faire circuler cette question, la faire répéter pour être au plus proche du modèle anglophone. Avec les élèves de l’école primaire on y parvient rapidement. Quand cela n’a jamais été travaillé au préalable un élève de 3ème y parvient plus difficilement car la « plasticité de son appareil phonatoire » est déjà bien entamée alors qu’elle est encore très grande à l’âge de 6 ans. Une fois que cette première étape est passée – chacun peut interroger l’autre sur son identité et peut répondre quand lui-même est sollicité – il faut mettre en place la question fermée – on apprendra aux élèves à dire et à reconnaître donc la yes/no question – et à termes on aura la what question, la where question, la why question etc. Il faut que les élèves maîtrisent ces termes. On ôte alors les prénoms. Chaque élève doit deviner le prénom des autres. On accède ainsi à des interrogations telles que : « Are you Mary? »; « Are you Susan? » etc. Et ces questions sont aussi une entrée supplémentaire dans le recours à la forme faible de are : /ə'ju'su:zən/ ?
4ème partie : Les questions avec "what"
Il est important de toujours effectuer des rapprochements, de façon à exhiber autant que faire se peut le caractère systématique de la langue enseignée – toutes les langues possèdent cette systématicité sans laquelle les natifs ne parviendraient pas à acquérir leur langue inconsciemment. Les questions qui ont recours à What sont récurrentes, et en particulier celle qui fonctionnement sur le modèle suivant :
What + Ø nom – nom précédé de l’article zéro
Ce modèle est extrêmement productif mais n’est pas pour autant bien maîtrisé au terme de la scolarité. Si a priori tout nom du dictionnaire peut figurer dans une question en What saisi avec l’article Ø dès qu’il y a indétermination voire même incrédulité – What boy are you talking about? – il convient d’introduire sans tarder les quatre questions suivantes :
What colour is it / are they?
What nationality are you / is she?
What size are you ? What size do you take?
What time is it / did you go to bed?
sans oublier les réponses. On notera que « *What is your nationality? » appellerait une réponse telle que la suivante : « *My nationality is English. » Ce qui n’a pas de sens.
On est alors en mesure de faire comprendre que la question What + Ø nom + [Opérateur – sujet – (verbe)] est un assemblage courant. On découvrira plus tard – et sans surprise - la palette de possibilités :
What car does he drive?
What kind (of music) do you listen to?
What number did you ring?
What song do you like best?
etc.
5ème partie : "Have" ou "Have got" ?
L’introduction de have got très tôt dans l’apprentissage de l’anglais est néfaste. Je dis bien « néfaste ». Pourquoi ? L’assemblage have + got pour exprimer la possession au sens le plus large du mot n’est pas aussi fréquent qu’on veut bien le dire. « Do you have a car? » est aussi bien que « Have you got a car? », et il en est de même de « How many children does she have? » face à « How many children has she got? ». Les professeurs qui doivent mettre en place l’opérateur DO vont perdre - et perdent déjà - un temps précieux si have + got est là en parallèle. Le verbe have, comme TOUS les autres verbes du dictionnaire – à l’exception de be mais on a quand même : « Don’t be stupid! » et également « Do be reasonable! » – a lui aussi recours à DO pour les questions, les tags etc. Il faut toujours lors des premiers pas en anglais privilégier la systématicité. On aura ainsi :
Do you like peanut butter?
Does she smoke?
Do you have a car?
Do they have a dog?
Does she have a boyfriend?
etc.
On pourra objecter qu’on ne peut se passer de have got. On peut et on doit s’en passer en début d’apprentissage sous peine de voir les élèves ne pas savoir poser des questions correctement, ce que révèle le test que je fais passer en 1ère année de licence. Car si DO est l’opérateur des questions au Présent, que va-t-on dire en 6ème de have dans « Have you got a car? » ? Qu’il est opérateur lui aussi ? Et plus tard, devant « She has to leave at 6. » avec pour seule question possible « What time does she have to leave? » il y a bien peu de chances pour que les élèves parviennent à intégrer que have ne peut fonctionner comme opérateur dans ce cas. Je sais que les manuels de collège – et d’école primaire avant eux – introduisent tous have got sans tarder. J’ai souvent parlé de cette précipitation avec certains auteurs qui, quand ils sont conscients du problème, optent néanmoins pour have got pour…. satisfaire une demande de la profession - un peu comme on n’oserait pas publier un manuel sans une liste de verbes dits irréguliers de peur qu’il ne soit pas adopté. Je préconise donc de mettre have got de côté tant que le questionnement en DO n’est pas bien ancré avec tous les verbes, have y compris.
Conclusion
La citation extraite du manuel Hello 6ème de 1985 à laquelle je fais référence en introduction doit être prise avec le plus grand sérieux. Le questionnement doit être mis en place et travaillé de façon systématique. On a je pense mis la langue et ses rouages quelque peu entre parenthèses depuis quelques années. Or on ne peut avoir accès à la culture si on une maîtrise trop rudimentaire de la langue. Le cours de langue anglaise de l’école primaire au lycée doit avant tout être un cours de langue au sens fort – grammaire et prononciation devraient être prioritaires. Il ne s’agit pas de donner des cours de grammaire comme on le fait à l’université avec les spécialistes, mais de faire en sorte que les mécanismes de fonctionnement de la langue, ceux qui font que la langue anglaise pose problème aux francophones, soient au cœur des préoccupations. Poser une question permet de mettre en œuvre ces mécanismes et de favoriser les échanges en classe – et dans la vraie vie.
Références bibliographiques
ADAMCZEWSKI, H., 1982, Grammaire linguistique de l’anglais, Paris, Armand Colin.
Pour aller plus loin
ADAMCZEWSKI, H., et GABILAN J.-P., 1996, Déchiffrer la grammaire anglaise, Paris, Editions Didier.
GABILAN, J.-P., 2006, Grammaire expliquée de l’anglais, Paris, Editions Ellipses.
GABILAN J.-P., Précis de grammaire de grammaire anglaise :
https://cle.ens-lyon.fr/anglais/se-former/les-precis-et-le-workbook/precis-de-grammaire
CRELINGUA – Centre de recherches en linguistique anglaise :
www.crelingua.fr
Pour citer cette ressource :
Jean-Pierre Gabilan, "Savoir poser des questions : la clé de l’accès à l’anglais", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), décembre 2016. Consulté le 11/10/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/langue/linguistique/savoir-poser-des-questions-la-cle-de-l-acces-a-l-anglais