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L'emploi des articles définis et indéfinis

Par Stefano Corno : Professeur agrégé - Lycée du Parc - Lyon
Publié par Alison Carton-Kozak le 12/10/2023
Le fonctionnement des articles définis et indéfinis en italien est assez proche de l’emploi qu’en fait la langue française. Néanmoins, on observe souvent des erreurs persistantes dues à certaines difficultés morphosyntaxiques posées par l’italien. De plus, on observe aussi des différences dans l’emploi de l’article défini ou indéfini dans les deux langues.

1. Cadre historique : du latin à l’italien

Il peut être intéressant de faire réfléchir les élèves dès le collège (notamment s’ils sont également latinistes) sur le fait qu’il existe une grande différence sur ce point grammatical entre le latin, d’un côté, et l’italien, le français et les autres langues romanes de l’autre.

Les articles sont en effet une innovation des langues romanes car le latin, qui est l’ancêtre commun à ces idiomes, ne connaît pas ce genre de déterminants : les langues romanes développent trois types de déterminants, qui sont inconnus au latin : les définis, les indéfinis et les partitifs. On observe qu’en latin tardif les emplois des démonstratifs se banalisent et que parfois ils sont employés pour signaler de façon redondante un référent que l’on veut mettre en relief dans l’énoncé (Selig, 1990, 233). Nous verrons plus bas (exemple (1)) comment ce phénomène se présente.

L’article défini italien dérive, comme l’article français, du démonstratif latin ILLU / ILLA (en latin classique : ille, illa, illud). Selon Serianni (1988, 144), les deux formes concurrentes de masculin il et lo supposent une base commune lo, dérivée de la forme de l’accusatif masculin illum. Ce lo, précédé d’un mot se terminant par une voyelle, avait tendance à se réduire au seul l. Rohlfs (1968, 101) ajoute que le i de il pourrait être dû au besoin d’un appui vocalique pour ‘l. En revanche, Genot (1997, 97-99) présente des formes ello, elli qui auraient évolué soit par syncope (devenant el, ei), soit par aphérèse (lo, li). Les deux articles il (avec sa variante el) et lo se sont concurrencées pendant plusieurs siècles, avec des flottements dans les règles d’emploi. De plus, pour la poésie, le choix de l’article peut être déterminé aussi par les contraintes d’ordre métrique.

En revanche, la forme du féminin (la), dérivée par syncope de ILLA et au pluriel de ILL(A)E, est beaucoup plus stable. 

Une telle évolution n’est pas commune à toutes les langues romanes car le sarde, par exemple, forme l’article défini sur le pronom démonstratif latin ipse, ipsa, ipsum : cf. su casu = le fromage, où SU < IPSU(M) ; sa domu = la maison, où SA < IPSA(M).

Quant à l’article indéfini un, uno, il tire de toute évidence son origine du numéral. Par ailleurs, il n’est répertorié comme article dans les grammaires que depuis le XIXe siècle. Auparavant, la définition d’article s’appliquait exclusivement à l’article défini. L’indétermination était exprimée par Ø. Même le Vocabolario della Crusca, à l’entrée uno, devant signaler les fonctions que nous appellerions d’article indéfini, utilisaient le terme générique de "accompagnanome" (Lauta, 2020, 353).

Toutes les langues romanes ont développé des articles : dans la majorité des cas, il précède le substantif qui le sélectionne (le cas du roumain, avec un article défini postposé, est particulier). Il faut donc supposer que les articles se sont développés à l’époque du "proto-roman", voire déjà en latin. En effet, on observe, même en latin classique, des structures comme

(1) Cicéron, Pro Archia, 7
M. Catonem illum senem
'Marcus Caton le Vieux',

où le démonstratif n’a pas de caractère déictique (il ne se propose pas d’indiquer la personne à laquelle il se réfère), mais où il fonctionne comme déterminant de l’adjectif substantivé qui suit. Brigitte Bauer (2017, 278-281) montre bien que ce genre de structure était très fréquent dans plusieurs langues indo-européennes (cf. le gotique Iesus sa magus, litt. "Jésus, l’enfant", Luc, 2.43, ou le vieil anglais Wulfmæ̃r se geonga, "Wulfmæ̃r le Jeune") et très répandu dans les noms des rois de France (comme Clotaire le Grand, Clovis II le Fainéant, Pépin le Bref, etc.). En s’appuyant sur des concepts chers à la grammaire générative, Bauer montre qu’il y a raison de croire que dans des énoncés comme civitas illa magna, l’élément ille n’était pas senti par le locuteur comme suivant le substantif ([civitas illa] + [magna]), mais plutôt comme précédant l’adjectif substantivé ([civitas] + [illa magna]).

Un des premiers documents rédigés dans une langue que l’on peut définir comme "italienne" est une inscription que l’on fait remonter au IXe siècle de notre ère, située dans une crypte dans les catacombes romaines de Commodilla. Le texte devait rappeler au prêtre qu’il ne fallait pas prononcer à voix haute les prières que l’on appelait "secrètes". Il s’agit de parties de la messe qui devaient être prononcées à voix basse. Selon Antonelli (2018, 24), il s’agissait d’une nouveauté introduite peu de temps auparavant dans la liturgie. Voici le texte :

(2) NON DICERE ILLE SECRITA A BBOCE

Ce que l’on pourrait traduire par : “Ne prononce pas les (prières) secrètes à voix (haute)". 

Or on voit bien que ILLE ici n’est pas utilisé comme un démonstratif (*ces prières), comme l’usage du latin le demandait. À cette époque, la fonction de ce pronom s’était donc banalisée : il n’aurait pas tardé à subir l’aphérèse (c’est-à-dire la chute de la première syllabe) qui aurait donné l’article défini italien le (féminin pluriel) que nous connaissons.

2. L’emploi contemporain : il vs. lo (et i vs. gli) ; un vs. uno

Dans l’italien contemporain, l’emploi des articles définis et indéfinis devant un substantif est stable. Ce qui nous intéresse véritablement dans notre enseignement est la façon de transmettre de manière claire les principes qui régissent la sélection des articles.

La difficulté qui se présente, par rapport au français, est bien entendu le flottement dans la sélection de la forme il ou lo au masculin singulier (et, respectivement, i et gli au pluriel).

La règle est la suivante :

- les articles définis il et i et l’indéfini un s’emploient devant un mot commençant par une consonne simple ou par une consonne autre que s suivie de l ou r (ex : prato, clamore, frate, etc.) ;
- les articles définis lo et gli et l’indéfini uno s’emploient devant une voyelle (lo et uno dans leur variante élidée, à savoir l’ et un), devant s suivi d'une consonne, devant gn et z, devant x et d’autres groupes consonantiques n’ayant pas l ou r comme deuxième élément.

Les domaines d’emploi de il et de lo n’ont pas toujours été définis si clairement. Dans les textes du XIIe au XVIIe siècle, on observe plusieurs oscillations qui contredisent la règle énoncée ci-dessus, qui en revanche est respectée unanimement dans l’italien standard contemporain, à l’exception de quelques expressions comme per lo più et per lo meno, qui font état d’un emploi de lo après r attesté aussi chez Leopardi (cf. per lo libero ciel, dans Il passero solitario, v. 10). À côté de ces exemples, Rohlfs (1968, 100) cite également per lo meglio, qui aujourd’hui apparaît désuet, remplacé par per il meglio.

Encore une fois le féminin apparaît comme plus stable, bien qu’une oscillation puisse s’enregistrer au singulier, lorsque l’article précède un nom commençant par voyelle. Dans ce cas, l’élision est conseillée, mais non obligatoire. En effet, la résiste parfois devant voyelle, notamment dans le langage journalistique (cf. Serianni 1988, 141, où il fait état d’un sondage qui a permis de relever la fréquence des formes élidées ou non élidées dans les quotidiens : il enregistre 19 cas de la urgenza contre 45 de l’urgenza). Cet usage, plus fréquent dans la presse journalistique, est probablement dû à l’écriture en colonne des journaux imprimés. Dans le cas du retour à la ligne, l'élision est à proscrire (aussi bien au féminin qu'au masculin). L'Encyclopédie Treccani déconseille aussi de réintroduire la voyelle élidée de l'article: elle propose de diviser autrement le mot, afin de garder sur la même ligne l'article élidé et le début du mot suivant. Par exemple: del/l'albero.

La règle n’est pas difficile et, de plus, elle constitue la base de l’apprentissage de l’italien dès les premiers cours. Mais alors, pourquoi assiste-t-on à des fautes d’article si fréquentes, même chez des apprenants de niveau confirmé ?

J’ai remarqué qu’en général la règle de l’emploi de lo ou de uno devant des noms commençant pas "s impur" ou z est connue, mais qu’elle est souvent interprétée (peut-être même de manière inconsciente) comme une question d’appartenance : ainsi, les substantifs studente, stadio, zio doivent être précédés de lo. Cet automatisme les conduit parfois à des aberrations comme *lo bravo studente ; *lo vecchio zio. Une suggestion, certainement empirique, serait donc de proposer dès le début des exercices avec des syntagmes incluant des adjectifs interposés entre l’article défini et le substantif, de manière à induire l’idée que le choix entre il et lo n’est pas tant une question lexicale, mais qu’elle dépend du phénomène phonotactique connu sous le nom sanskrit de sandhi, c'est-à-dire le fait qu’un son puisse se modifier en fonction de la nature du son qui suit. On peut donc présenter des exercices conçus de la façon suivante :

(3) _il / un_ libro                       _lo / uno_ splendido libro

     _lo / uno_ stadio                   _il / un_ grande stadio

En ce qui concerne les articles indéfinis, une autre erreur persistante concerne la possibilité de faire suivre l’article un d’une apostrophe. Cela est possible seulement pour les noms féminins, car un’ n’est autre que la forme apocopée de una (par ailleurs, encore une fois, l’élision est conseillée mais non obligatoire ; on voit souvent des formes, notamment dans le langage journalistique, qui maintiennent le hiatus : ex. una amica). En cas d’élision, en revanche, l’apostrophe demeure obligatoire. Autrement dit, la traduction de une amie est

(4) a. un’amica                   (conseillé)

     b. una amica                 (possible), mais en aucun cas

     c. *un amica                  (faute d’ailleurs lourdement sanctionnée)

En revanche, le masculin un n’a aucune raison de porter une apostrophe car l’article un existe déjà en tant que tel, donc il n’y a pas d’apocope.

Là aussi, on peut essayer de mettre en place des exercices de remplacement par un synonyme commençant par consonne : on peut faire réfléchir les élèves sur la nature de l’apostrophe, qui signale que quelque chose "est tombé". Cela ne peut pas s’appliquer dans le cas de un amico, puisqu’on dit aussi un libro. En revanche, c’est le cas de un’amica, parce qu’on dit una sedia. Mais la façon la plus efficace de montrer la différence entre le masculin et le féminin est peut-être d’utiliser des mots épicènes (communs au masculin et au féminin) commençant par voyelle et de montrer que dans ce cas seul l’apostrophe peut communiquer l’information de genre :

(5) un insegnante → masculin

     un’insegnante → féminin

3. Différences d’emploi entre l'italien et le français

a) Reprise

On remarque certaines différences dans l’emploi des articles entre l'italien et le français. Il faut d’abord observer quelle est la différence sémantique entre les deux séries d’articles que nous avons étudiées. En italien, ces deux séries prennent le nom de determinativo (défini) et indeterminativo (indéfini). Le choix de l’un ou de l’autre dépend, comme l’observe Renzi (1976), de deux oppositions :

- l’opposition "classe" / "membre", où l’article défini indique la classe ("il leone è il re degli animali") : cet état de définitude le rend équivalent à un pluriel (ici, on pourrait remplace "il leone" par "i leoni") ; l’article indéfini montre qu’il s’agit d’un membre de cette classe ("ho visto un leone per le scale") ;
- l’opposition "connu" / "nouveau" : une nouvelle information est signalée par un article indéfini ("voglio comprarmi un cane" ; "un caffè, per favore!"), tandis que l’article défini mentionne un élément déjà connu ("bisogna portar fuori il cane" : de toute évidence, il s’agit du chien de famille ; "allora, arriva il caffè?").

Les oppositions définies ci-dessus sont communes à l’italien et au français. Mais on observe une différence concernant la possibilité de distinguer l’emploi de l’article défini comme marque d’une référence générique ou plutôt comme référence spécifique. Cf. Riegel et alii (20187, 284) :

(6) "Le sens générique peut être mis en évidence par le test de la dislocation avec reprise par ça : Le(s) chien(s), ça aboie. Le(s) roman(s), j’aime ça. La reprise d’un G[roupe] N[ominal] spécifique se fait par le pronom personnel : Le chien, il a encore aboyé."

Cette différence est impossible en italien, qui est une langue pro-drop (c’est-à-dire qui permet d’omettre les pronoms sujets).

b) Le partitif

Une bonne partie des différences dans l’emploi concernent le choix de l’article dans des contextes d’indéfinitude. En effet, le français emploie le partitif du, de la, de l’, des, qui est moins conseillé en italien et même parfois déconseillé dans les manuels de traduction car il est considéré comme un gallicisme. En effet, si les grammaires italiennes contemporaines s’accordent à définir un / uno / una comme "article indéfini", elles disent également qu’il n’y a pas d’article indéfini au pluriel :

(7) J’ai un ami : ho un amico

     J’ai des amis : ho Ø amici

Comme cela a été mentionné plus haut, les grammaires italiennes avant le XVIIIe siècle opposaient à l’article défini il lo la un article indéfini nul (Ø). On peut dire que cette situation, qu’elles présentaient comme générale, est encore valable de nos jours pour le pluriel.

Néanmoins, l’emploi du partitif (del / dello / della) est attesté depuis les textes fondateurs : cf. Dante, Inferno, XXXIII, vv. 38-39 : "pianger senti’ fra ‘l sonno i miei figliuoli | ch’eran con meco, e dimandar del pane". De plus, l’article nul au pluriel est parfois gênant et l’insertion d’un partitif ou d’adjectifs comme alcuni / -e permet d’étoffer l’énoncé, notamment quand le terme indéfini est en début de phrase :

(8) Des remarques ont été faites par les députés.
      Alcune osservazioni sono state fatte dai deputati.

Par ailleurs, on observe une particularité avec les aliments. Là où le français utilise le partitif, on a en italien deux stratégies opposées : on peut aussi bien avoir un article nul (Ø) que l’article défini.

(9) Je vais acheter du pain, de la viande et des biscuits :

     Vado a comprare il pane, la carne e i biscotti.

     Vado a comprare Ø pane, Ø carne e Ø biscotti.

c) Le possessif

À la différence du français, l’italien fait précéder obligatoirement le possessif d’un article défini. Seuls les noms de parenté au singulier, non modifiés par un adjectif ou des suffixes, font exception. Telle est la règle qui est adoptée dans l’italien standard, même si au niveau régional on peut observer quelques fluctuations dans l’usage.

Mis à part cette différence connue, on remarque que le français a tendance à utiliser plus souvent le possessif. Au lieu du possessif, l’italien peut utiliser l’article défini :

(10) Le Président est allé à l’inauguration accompagné par sa femme.

        Il Presidente è andato all’inaugurazione accompagnato dalla moglie.

Cette tendance apparaît encore plus clairement lorsqu’il s’agit de vêtements. Dans ce cas, l’italien utilise un article défini et la nuance donnée par le possessif français est souvent rendue en mettant le verbe à la forme réfléchie :

(11) Il a mis son manteau.
       Si è messo il cappotto.

d) Questions de pragmatique

On observe des cas en italien où on peut utiliser aussi bien l’article défini que l’article indéfini, tandis qu’en français on utilisera l’article indéfini :

(12) À Noël, on lui a offert un chien.

        A Natale gli / le hanno regalato un / il cane.

Andorno (2011) met en évidence la faculté de l’article défini italien de rendre "pragmatiquement actif" un élément du discours. Dans les deux énoncés suivants,

(13) a. Lo prendete un caffè?

        b. Lo prendete il caffè?

si on situe l’action dans un bureau où un employé adresserait vers dix heures l’une de ces deux phrases à ses collègues, la question (10b) renverrait à une habitude ancrée dans leur vie quotidienne, à savoir le fait de prendre une pause pour boire un café (ce qui revient à l’opposition connu → défini ; inconnu → indéfini, citée ci-dessus).

e) Allocutifs

Lorsqu’on s’adresse à quelqu’un, le français accompagne toujours le nom par un article, ce qui n’est pas possible en italien :

(14) Au revoir, les enfants ! : Arrivederci, Ø ragazzi!

       Monsieur le directeur ! : Signor Ø direttore!

Dans ce dernier cas, il faut remarquer que dans un syntagme nominal, l’article défini est bien présent, mais, contrairement au français, le mot signore/signora fait partie du groupe nominal et l’article apparaît au tout début, contrairement à ce qui se produit en français (cf. Ferdeghini-Niggi 1996, 164-165) :

(15) Monsieur le directeur et sa femme étaient présent à la cérémonie.
        Il signor direttore e la moglie / e sua moglie erano presenti alla cerimonia.

Par ailleurs, les mots signore / signora / signorina sont toujours précédés d’un article :

(16) Monsieur Rossi : Il signor Rossi

Comme on peut l’observer en (14), (15) et (16), le mot signore est élidé (signor) lorsqu’il est suivi d’un nom propre (il signor Rossi) ou d’un autre qualificatif (il signor direttore). Cela se produit également avec les autres qualificatifs se terminant par -e, qu’ils soient employés comme allocutifs (Ingegner Bianchi!) ou dans un contexte phrastique (l’ingegner Bianchi sostiene che…). Les mots féminins correspondants ne subissent pas d’élision.

f) Les chiffres

α. Pour terminer, en italien la mention des années est toujours précédée de l’article défini.

(17) a. 1789 est l’année de la prise de la Bastille.

            Il 1789 è l’anno della presa della Bastiglia.

        b. Jules-César a été tué en 44 avant Jésus-Christ.

            Giulio Cesare è stato ucciso nel 44 avanti Cristo.

Dans le langage de la bureaucratie, on peut parfois observer un emploi qui s’est perpétré au fil des siècles et qui consiste à faire précéder la mention de la date par li (ancienne forme de i) :

(18) Milano, li 25 maggio 1985.

β. Les pourcentages sont aussi toujours précédés de l’article défini :

(19) Le chômage a baissé de 2%.

        La disoccupazione è calata del 2%.

γ. L’expression de l’heure est toujours précédée également de l’article défini (avec omission du mot "heure") :

(20) a. Il est huit heures : Sono le otto.

        b. Il est une heure : È l’una.

Conclusion

Il ressort que, bien que faisant partie d’une innovation panromane, à savoir commune à toutes les langues issues du latin, le développement et l’emploi de l’article en italien a subi des variations dans l’histoire de la langue et que, si l’on considère son emploi contemporain, il présente des écarts avec celui du français.

Comme on peut l’observer dans les domaines évoqués dans la troisième partie, il s’agit de contextes qui configurent des situations communicationnelles banales et qui peuvent provoquer souvent des erreurs chez les élèves. On peut essayer de prévoir des stratégies pour induire les élèves à percevoir les règles de sandhi qui régissent l’emploi de il et lo (et de un et uno) et qui constituent une source de fautes grammaticales assez fréquentes. De même, l’emploi de l’article avec signore conduit souvent à des gallicismes. C’est la raison pour laquelle il convient d’organiser des exercices pour faire réfléchir à la position de l’article à l’intérieur du groupe nominal ou à son absence.

Comme en français, en Italie les articles font aussi l’objet de débats concernant le langage inclusif. Plusieurs propositions ont été faites : la plus traditionnelle est celle d’évoquer constamment masculin et féminin (gli studenti e le studentesse), ce qui n’implique aucun changement particulier dans l’emploi des articles. La féminisation des noms (la presidente, la direttrice d’orchestra, la sindaca, la ministra, etc.) est de plus en plus fréquente, mais elle fait parfois débat lorsque des femmes souhaitent qu’on les désigne en utilisant le masculin, qu’elles considèrent comme plus professionnel. On voit bien qu’il s’agit ici d’un débat politique plus que grammatical. Quant à la possibilité d’une véritable écriture inclusive, capable de résumer masculin et féminin et même de représenter les personnes non binaires, les principales propositions sont l’emploi d’un astérisque (*), de l’arobase (@) ou du schwa (ә). En effet, si en français il s’agit souvent d’isoler le e du féminin qui précède la marque commune du pluriel -s (ex : tout.e.s), en italien la désinence change entièrement : il s’agit donc de la modifier par un symbole neutre, qui n’évoque ni le masculin, ni le féminin. Toutefois, les solutions proposées sont l'objet de débats, qui sont souvent liés au fait qu’elles ne correspondent pas à la prononciation effective.

Bibliographie

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SERIANNI, Luca (1988). Grammatica italiana. Italiano comune e lingua letteraria. Torino: UTET.

Pour citer cette ressource :

Stefano Corno, "L'emploi des articles définis et indéfinis", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), octobre 2023. Consulté le 27/04/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/se-former/porte-cles-grammatical/emploi-des-articles-definis-et-indefinis