Crises, divergences, coopération ? La construction du "franco-allemand" depuis 1945
https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2013/2013-04-10_ALL_Hudemann.mp4
Résumé
Rainer Hudemann est professeur d’histoire contemporaine de l’Allemagne et des pays germaniques à l’université Paris Sorbonne. Il est aussi professeur d’histoire contemporaine à l’université de la Sarre en Allemagne, dont il a été vice-président de 1992 à 1994. Il fut professeur invité à l’université hébraïque de Jérusalem en 1995. Il a été titulaire de la Chaire Alfred Grosser en 1995-96 et professeur invité en 1999 et 2003, à l'institut d’études politiques de Paris.
Il montre comment crises, divergences et coopération sont intimement liées et ont participé à la construction et à la dynamique du couple franco-allemand. Paradoxalement, la coopération entre la France et l’Allemagne fonctionne grâce aux divergences entre les deux voisins. La coopération naît en apprenant à dépasser les antagonismes.
Le traité de l’Élysée dont la signature est célébrée cette année a vu le jour dans des circonstances étonnantes, presque improvisées. Mais ce traité entérine la volonté de rapprochement exprimée officiellement par de Gaulle dès octobre 1945 et couronne des pratiques de coopération effectives à la fin des années cinquante.
Selon Rainer Hudemann, c’est dès la fin de la guerre, en juillet 1945 que de Gaulle affirme la volonté de la France de contribuer à la reconstruction du pays vaincu – dans des directives toutefois non officielles. Les raisons de cette politique sont multiples : la grandeur de la France, en particulier son poids face à l’URSS dans les instances internationales, et le choix d’une politique de sécurité axée sur la démocratisation de l’Allemagne. Les leçons de l’échec du traité de Versailles ont donc été tirées.
Aussi la France mène dans sa zone d’occupation une politique culturelle active, remet sur pied les syndicats et partis politiques, réforme la sécurité sociale… Mais cette politique reste mal perçue par les Allemands et est interprétée comme une politique de revanche. En tout cas, la revanche qu’auraient souhaitée les Français dans l’après-guerre ou encore la sévère censure qu’auraient exercée les autorités françaises dans leur zone d’occupation relèvent, selon Rainer Hudemann, davantage de l’idée reçue que de l’histoire.
Au niveau européen aussi, des intérêts nationaux en partie divergents se révèlent finalement constructifs. Les débuts de l’intégration européenne (le plan Schuman par exemple) sont guidés par la volonté d’amarrer l’Allemagne à l’Occident mais aussi par la volonté de contrôler la production allemande. Finalement, les divergences trouvent leur résolution dans l’institutionnalisation de la coopération (le traité de Rome de 1957) et, malgré le climat tendu qui oppose atlantistes et gaullistes après 1963, l’intégration européenne progresse. À partir des années soixante-dix, le « tandem » franco-allemand, terme apparu à cette période, est à la fois conflictuel et performant car l’intégration se poursuit. Depuis toujours, la priorité des Allemands est l’unification des politiques économiques comme condition de l’intégration politique tandis que la France défend l’unification monétaire comme préalable à l’intégration politique. Cette opposition de vues et, plus généralement, l’ambivalence des relations franco-allemandes restent de mise aujourd’hui encore tandis que, dans la société civile, le traité de l’Élysée s'est pleinement réalisé, créant des connexions fortes et une dynamique de rencontres dont le succès de l'OFAJ est un des plus beaux exemples. Une "normalité" s'est installée dans les relations franco-allemandes, dont les crises ne sont pas exemptes, qui permettent finalement d'avancer.
Ouvrages cités par Rainer Hudemann dans sa communication
Miard-Delacroix Hélène (2011) : Le défi européen. Histoire franco-allemande de 1963 à nos jours, Paris, Presses universitaires du Septentrion.
Miard-Delacroix Hélène / Marcowitz Reiner (dir.) (2012) : 50 ans de relations franco-allemandes, Paris, Nouveau Monde.
Bibliographie sélective de Rainer Hudemann
Miard-Delacroix Hélène / Hudemann Rainer (eds.) (2005) : Wandel und Integration. Deutsch-französische Annäherungen der fünfziger Jahre - Mutations et intégration. Les rapprochements franco-allemands dans les années cinquante, München, Oldenbourg.
Hudemann Rainer (1993) : « Frankreichs Besatzung in Deutschland : Hindernis oder Auftakt der deutschfranzösischen Kooperation? », in: Joseph Jurt (ed.), Von der Besatzungszeit zur deutsch-französischen Kooperation, Freiburg, p. 237-254.
Hudemann Rainer (1994) : « Kulturpolitik in der französischen Besatzungszone - Sicherheitspolitik oder Völkerverständigung? Notizen zur wissenschaftlichen Diskussion », in: Gabriele Clemens (ed.), Kulturpolitik im besetzten Deutschland 1945-1949, Stuttgart, p. 185-199. (aussi sur Google-Books)
Hudemann Rainer (1994) : « L'occupant français et la population allemande après les deux guerres mondiales », Relations internationales 80, p. 471-489.
Hudemann Rainer (1997) : « L'occupation française d'après-guerre dans les relations franco-allemandes depuis 1945 », Vingtième siècle 55, p. 58-68. Sur Internet: persee.fr
Hudemann Rainer (2005) : Mariannes und Michels Erbfreundschaft? Deutschland und Frankreich seit 1945, Trier (= Gesprächskreis Politik und Geschichte im Ka rl-Marx-Haus, Heft 3). Aussi sur : library.fes.de
Hudemann Rainer (2010) : « Partenaires - Opposants – Moteurs ? De la dynamique du franco-allemand depuis 1945 », Francia 37, p. 219-235.
Pour citer cette ressource :
Prof. Dr. Rainer Hudemann, Crises, divergences, coopération ? La construction du "franco-allemand" depuis 1945, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juin 2013. Consulté le 23/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/allemand/civilisation/histoire/le-couple-franco-allemand-et-leurope/crises-divergences-cooperation-la-construction-du-franco-allemand-depuis-1945