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Mémoires sud-africaines ; une courte histoire de l'Afrique du Sud

Par Grégory Gauthier
Publié par Clifford Armion le 18/11/2014

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Vous trouverez sur cette page les textes et images réunis à l’occasion de l’Exposition Afrique du Sud, réalisée par la bibliothèque de l’Université d’Evry dans le cadre du colloque SCRIPT. Grégory Gauthier évoque ici les grandes dates et les grandes figures de l’Afrique du Sud, dressant une chronologie synthétique et illustrée de la Nation arc-en-ciel.

1. L’arrivée des européens

L’Afrique du Sud, avant l’arrivée des Européens, est composée principalement de peuples bantous qui viennent essentiellement du Delta du Niger. Les premiers royaumes remontent au Xe siècle. Leurs principales ressources proviennent de l’extraction de l’or et de l’ivoire. Un des royaumes les plus connus et anciens, Mapungubwe, commerce essentiellement avec les ports de l’Afrique de l’Est, l’Inde, et la Chine.

1.1 Le Cap de Bonne Espérance

Les Portugais sont les premiers Européens à débarquer en Afrique du Sud ; Vasco De Gama franchit en 1497 le Cap de Bonne Espérance à la recherche d’une route maritime pour rejoindre les Indes. Les Portugais ne réussissent pas à s’installer durablement et finissent par s’établir sur les côtes du Mozambique.
Portrait de Vasco De Gama

Portrait de Vasco De Gama d’après une lithographie par C. Legrand, 1841. Bibliothèque Nationale du Portugal

1.2 La Compagnie Néerlandaise des Indes orientales

Les premiers Hollandais s’échouent sur les côtes sud africaines à la suite de tempêtes en 1644. Afin de sécuriser les lieux, la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales établit par la suite quelques comptoirs et une base fortifiée à Mouille Point ; cette dernière permet aux navires hollandais de mouiller avant de poursuivre leur route vers les Indes. Les échanges avec les populations locales restent pacifiques, notamment avec les Khoïkhoïs que les Hollandais appellent les Hottentots (bégayeurs).

En 1657, les Hollandais présents dans la région du Cap sont autorisés par la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales à s’y installer durablement et à coloniser les terres. Le début des colonies de peuplement s’accompagne de l’importation d’esclaves, de la création de missions et de l’exploitation des terres. Les Hollandais accueillent aussi au sein de leurs colonies des réfugiés français huguenots.

L’expansion intensive de la colonisation à l’intérieur des terres génère des conflits meurtriers avec les populations locales bantoues. D’autres conflits naissent entre les autorités hollandaises du Cap et les « Trekboers » (colons ayant migré vers l’intérieur des terres). Les Boers accusent les autorités du Gouverneur de corruption, de manque d’autonomie, et surtout de ne pas les protéger suffisamment des populations noires autochtones.

2. La colonisation britannique

A suite de la faillite de la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales, de la défaite française de Trafalgar et des guerres napoléoniennes, les Britanniques prennent possession de la colonie du Cap au début du XIXe siècle afin de protéger et de développer leurs voies de communications.

Après avoir laissé une relative autonomie aux Afrikaners (autre nom des Boers), la Grande Bretagne prend petit à petit l’ascendant en s’assurant le contrôle économique et politique de la région. La vision « libérale » des Britanniques, de plus en plus opposés à l’esclavage, ainsi que l’imposition de leur langue entrent en conflit avec la vision traditionnelle et conservatrice des Boers.

2.1 Les grands treks Boers de 1835 à 1839

La République Sud-Africaine et l’État libre d’Orange se sentant menacés par les Britanniques et les populations noires, les Boers se lancent dans de grandes migrations vers le centre et le Nord Est de l’Afrique du Sud à la recherche d’une « terre promise ». Ces grands treks deviennent un mythe fondateur chez les Boers et affirment leurs sentiments nationalistes.

Entre 1852 et 1854, les Boers fondent deux États : La République sud-africaine (Transvaal) et l’État libre d’Orange. Ces deux Républiques sont reconnues par le traité britannique de Sand River. Elles maintiennent une séparation stricte entre les Blancs, les Métis et les Noirs. Ces derniers peuvent demeurer librement dans les Républiques boers, mais ils sont exclus de la vie politique et administrative.

2.2 Les guerres des Boers et les premiers camps de concentrations

Ce sont principalement des raisons économiques qui décident la couronne britannique à annexer les Républiques sud-africaines. Se déclenche alors la première guerre des Boers de décembre 1880 à mars 1881. Durant ce conflit, les Britanniques subissent une lourde défaite face aux Boers qui possedent une meilleure connaissance du terrain et sont beaucoup plus mobiles.

Lors de la seconde guerre des Boers d’octobre 1899 à janvier 1900, les Britanniques sortent vainqueurs du conflit. L’ensemble de l’Afrique du Sud passe alors sous domination de la couronne.

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Afin de contrer le ravitaillement des Boers, les Britanniques instaurent de véritables camps de concentration où sont parquées les populations civiles. La mortalité, dûe principalement à la malnutrition, l’isolement et la maladie, y est très élevée. Ces camps de concentration sont les premiers de l’histoire.
National Army Museum

3. L’Union d’Afrique du Sud

Le 31 mai 1910, l’Union d’Afrique du Sud est créée, elle obtient le statut de Dominion au sein du Commonwealth. L’Afrique du Sud accède à son indépendance tout en faisant partie de l’Empire britannique. Sa capitale est Pretoria, tandis que le siège du Parlement se situe au Cap. Elle a pour langues officielles l’anglais et le néerlandais, remplacées en 1925 par l’afrikaans.

L’Afrique du Sud participe à la Première Guerre mondiale au côté des Alliés. À la suite du conflit, elle reçoit de la SDN (Société des Nations) la Namibie, ancienne colonie allemande, en mandat.

La vie politique, administrative et économique est entièrement dominée par les élites blanches. De fortes divergences réapparaissent entre Britanniques (plus libéraux) et Afrikaners (conservateurs) quant au gouvernement du pays.

Les élites anglophones, bien que ségrégationnistes, favorisent l’émergence des Métis ou Coloureds, en leur accordant le droit de vote.

En revanche, parmi la population noire, si certaines personnes peuvent accéder à des corps de métiers comme les avocats ou les fonctionnaires, elles ne participent à aucun organe de décision. Leurs représentants n’ont qu’un avis consultatif.

Entre 1919 et 1948, les politiques sud-africaines oscillent entre un assouplissement et une application stricte de la ségrégation vis à vis des Noirs.

L’élite noire tente de s’organiser en créant son propre parti, l’ANC (African National Congress) en 1912. Le but de ce parti est de revendiquer la pleine égalité entre les Blancs et les Noirs, ainsi que la fin de la ségrégation.

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Face aux élites blanches qui tiennent les principaux leviers économiques, les Afrikaners se font les avocats de leur communauté, principalement composée d’une classe moyenne, d’agriculteurs et d’ouvriers. Les Afrikaners ouvriers se sentent en concurrence avec les Noirs qui sont une main d’oeuvre bon marché et plus malléable. Ce sentiment nationaliste et identitaire se renforce avec la crise économique de 1929 durant laquelle l’Afrique du Sud est durement touchée.
Manifestation nationaliste Afrikaner commémorant les grands treks boers du XIXe Siècle. Photographie, Anonyme, 1938

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Jan Smuts (1870-1950), Afrikaner d’origine, participe aux différentes guerres anglo-boers. Partisan d’un compromis avec le Royaume-Uni, il devient Premier Ministre de l’Union sud-africaine de 1919 à 1924. Revenu au pouvoir en 1939, il engage résolument son pays durant le second conflit mondial malgré les très fortes oppositions de certains nationalistes extrémistes afrikaners.
Photo couleur, Anonyme, Imperial War Museum © IWM

3.1 La seconde guerre mondiale

A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, les Sud-Africains se montrent divisés: certains nationalistes restent neutres et affichent parfois même ouvertement leurs sympathies nazies, tandis que d’autres, plus libéraux, souhaitent s’engager auprès du Royaume-Uni.

L’Afrique du Sud finira par rejoindre les Alliés et participera principalement aux campagnes d’Angleterre, d’Éthiopie, de Madagascar et de Libye.

4. L’apartheid

En 1948 à la suite des éléctions générales, les nationalistes Afrikaners accèdent pour la première fois au pouvoir. Dès lors, les nationalistes vont instaurer une politique de séparation stricte (« apartheid » en afrikaans) entre les communautés vivant en Afrique du Sud (blancs, noirs, métis, indiens).

A partir de février 1950 sont votées des lois de cloisonnement des populations. Les territoires sud-africains sont attribués selon des critères raciaux. Ceux où sont regroupées les populations noires prennent la dénomination de « Bantoustans ». à l’intérieur des Bantoustans, les noirs s’entassent dans des « townships » et tentent de survivre. Ils doivent parcourir des kilomètres pour se rendre sur leurs lieux de travail munis de pièces d’identités spéciales (passeports intérieurs).

Au début des années 60, la politique de l’apartheid se durcit. Le gouvernement en place est sévèrement critiqué, notamment par les Britanniques dont l’Empire englobe toujours l’Afrique du Sud. Cette dernière quitte alors le Commonwealth et devient le 31 mai 1961 une République. L’application de l’apartheid et les violences qu’elle suscite met ce pays au ban des Nations Unies.

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Panneau interdisant l’accès des plages aux Noirs, Métis et Indiens, rédigé en anglais, en afrikaans et en zoulou.
cc photo de Guinnog, 1989, Durban, plage de Natal

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Mémorial commémorant le soulevement de Soweto, Musée Oscar Pieterson, Johannesburg.
cc photo Mark Turner

L’opposition noire sous l’égide de l’ANC et du Congrès Panafricain (PAC) va tenter d’organiser la lutte. Ces deux partis furent interdit dès 1960. Plusieurs manifestations ont lieu ; elles sont toutes violemment réprimées. Parmi les plus emblématiques :

  • Le massacre de Shaperville (21 mars 1960). Cette manifestation organisée par le PAC contre les passeports intérieurs et pour une meilleure rémunération salariale coûte la vie de 69 personnes et fait 178 blessés.
  • Les émeutes de Soweto (16 juin 1976). Lors de cette journée, les étudiants noirs se rassemblent pour protester contre l’enseignement en afrikaans obligatoire à l’école. La répression est très lourde : on compte 23 morts et 220 blessés. Certains chiffres avancent un bilan de plus de 570 morts.

4.1 Les leaders anti-apartheid

Si la plupart des symboles de la lutte anti-apartheid sont noirs, quelques figures anglophones ou afrikaners ont pris part à la lutte contre les discriminations (Sailor Malan, Alan Paton ou encore Helen Suzman).

Desmond Tutu né en 1931 : Archevêque anglican prêchant la non-violence, Desmond Tutu est l’un des leaders pacifiques de la lutte contre l’apartheid. Il reçoit le prix Nobel de la paix en 1984. Il préside en 1995 la Commission « vérité et réconciliation » chargée d’enquêter sur les crimes de l’apartheid et de promouvoir la réconciliation nationale.

Albert Lutuli (1898-1967) : Leader de l’ANC dans les années 1950 et 1960, Albert Lutuli participe aux campagnes de non-violence et de désobéissance civile. Le prix Nobel de la paix lui est décerné en 1961. Confiné dans sa région natale avec interdiction de la quitter, Albert Lutuli meurt dans un accident de voiture en 1967.

Sailor Malan (1910-1963) : Ancien combattant sud-africain, héros de la bataille d’Angleterre durant la seconde guerre mondiale, Sailor Malan, libéral, est hostile à la politique de l’apartheid mise en place par le gouvernement nationaliste. Il participe régulièrement aux campagnes contre les discriminations faites aux Noirs et aux Métis.

Alan Paton (1903-1988) : Écrivain, et militant pacifique anti-apartheid. Alan Paton est l’auteur du roman « Pleure, ô mon pays bien aimé », un des premiers livres dénonçant la ségrégation raciale dont sont victimes les noirs. Cet ouvrage a été adapté au cinéma en 1952 par le réalisateur Zoltan Korda, puis en 1995 par Darrell Roodt, sous le titre Cry, the Beloved Country.

5. Nelson Mandela 1918 - 2013

Nelson Mandela fait ses études à Fort Hare, la seule université d’Afrique du Sud acceptant les Noirs. Avocat brillant, très tôt intéressé par la politique, il rejoint l’ANC dès 1943. Il devient rapidement l’un des leaders de la lutte contre l’apartheid. Il prône tout d’abord une politique non violente inspirée de Gandhi.

Après le massacre de Shaperville en 1960, l’ANC et Nelson Mandela abandonnent la lutte pacifique et créent une branche armée chargée d’effectuer des campagnes de sabotage et des opérations de guérilla.

Arrêté en 1963 et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, il passera 27 années en détention dont 18 ans à la prison de Robben Island.

Durant les années 80, Nelson Mandela, toujours en détention entame des négociations avec le gouvernement nationaliste pour mettre fin à l’apartheid qui est un échec pour les Afrikaners.

Le président sud-africain Frederik De Klerk le libère le 11 février 1990. Le prix Nobel de la paix leur est conjointement décerné trois années plus tard. Nelson Mandela devient le premier président noir d’Afrique du Sud en 1994.

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Prison de Roben Island. La plupart des dirigeants qui ont luttés contre le régime de l’apartheid furent enfermés dans cette prison située sur une ile. Les conditions de détention étaient très difficiles, en particulier pour les militants noirs de l’ANC victimes des vexations de leurs gardiens.
Photo, CC Matthew C Wright.

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Cellule de Nelson Mandela sur l’ile de Roben Island. Au début de sa détention, ses conditions de vie furent particulièrement rudes. Tout objet personnel (livres, montre...) lui était interdit et ses lettres à ses proches pouvaient être censurées. Il passait la plupart du temps par son avocat pour faire sortir clandestinement son courrier et ses écrits.
Sources : Nelson Mandela Centre of Memory.
Photo, CC Rê Moares.

6. La longue marche vers la réconciliation

Les différents gouvernements nationalistes n’ont jamais réellement réussi à contenir les populations noires ; l’Afrique du Sud ayant été régulièrement soulevée par des révoltes confinant parfois à la guerre civile. L’isolement international et économique du pays oblige les Afrikaners à « assouplir » l’apartheid durant les années 80.

Le 21 mars 1990, la Namibie gagne son indépendance, un peu plus d’un mois après la libération du leader enblématique de la lutte anti-apartheid, Nelson Mandela.

6.1 « Une nation arc en ciel »

En 1995, Nelson Mandela met en place la commission d’enquête « Vérité et réconciliation » présidée par Desmond Tutu, chargée d’enquêter sur les crimes de l’apartheid. Cette commission est fondée sur un système de « confessions-amnisties ».

A partir de la fin des années 1990 pour compenser les effets de l’apartheid le gouvernement met également en place une politique de discrimination positive dans les secteurs économique et administratif.
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A gauche, Frederik de Klerk, dernier président de l’apartheid en Afrique du Sud, et son successeur Nelson Mandela lors d’un discours à Philadelphie, Pennsylvanie.
Photo Carol M. Hightsmith,1993, Library of Congress

Malgré les politiques de réconciliation et la mise en place d’une discrimination positive, l’Afrique du Sud reste un des pays les plus inégalitaires au monde, avec un très fort taux de criminalité.

La plupart des leviers économiques sont encore détenus par les Blancs, tandis que les Noirs conservent majoritairement les pouvoirs politiques.

Même si certains Noirs font partie de l’élite économique suite au programme du Black Economic Empowerment, la majeure partie d’entre eux est
encore très pauvre et vit difficilement dans les « townships ».

L’Afrique du Sud reste toutefois l’Etat le plus riche du continent, grâce à ses riches sous-sols miniers et son fort potentiel touristique qui en font un pays très attractif.
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« Township » de Soweto.
Photo CC Matt-80

Sources textes et légendes

FAUVELLE-AYMAR François-Xavier. Histoire de l’Afrique du Sud. Paris : Points, éditions du Seuil ; première édition janvier 2006.

LORY, Georges. L’Afrique du Sud. Paris : Karthala RFI, 2010

Nelson Mandela Centre of Memory, archive.nelsonmandela.org

CESSOU, Sabine et TSHABANGU, Andrew. Johannesburg : la fin de l’apartheid après ? Paris : Autrement, 2008.

GERVAIS-LAMBONY, Philippe. L’Afrique du Sud : histoire et civilisations. Paris : Le Cavalier bleu, 2009.

GERVAIS-LAMBONY, Philippe, LANDY, Frédéric et OLDFIELD, Sophie. Espaces arc-en-ciel : identités et territoires en Afrique du Sud et en Inde. Paris : IFAS, 2003.

Cette ressource est issue d'une communication donnée lors du colloque SCRIPT « Cinéma d'Afrique du Sud », qui s’est déroulé les 8, 9 et 10 Octobre 2014 à l'Université d'Evry et aux Cinoches de Ris Orangis à l'initiative de Brigitte Gauthier, directrice du laboratoire de recherche SLAM (Synergies Langues Arts Musique).

 

Pour citer cette ressource :

Grégory Gauthier, "Mémoires sud-africaines ; une courte histoire de l'Afrique du Sud", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2014. Consulté le 19/04/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/commonwealth/memoires-sud-africaines-une-courte-histoire-de-l-afrique-du-sud