Les "Newgate Novels" : esthétique d'un genre populaire
Les années 1830-1847 virent naître une série d'œuvres de fiction criminelles regroupées sous le nom de « Newgate Novels ». Cette étiquette, qui fait écho au nom de la célèbre prison londonienne, n'est pas, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le nom d'une école littéraire à laquelle aurait appartenu un groupe d'auteurs. Le terme « Newgate Novels », que l'on doit à William Makepeace Thakeray, est le nom donné a posteriori à un genre mineur et éphémère composé d'une vingtaine de romans plus ou moins connus. Ces œuvres fictionnelles ont comme point commun de dépeindre, avec une sympathie fort contestée, des portraits de criminels. Parmi les auteurs de ce genre mineur, on compte entre autres Edward Bulwer Lytton qui lança la mode des Newgate Novels en 1830 avec son roman Paul Clifford ; on trouve aussi William Harrison Ainsworth, auteur de Rookwood, A Romance (1834) et de Jack Sheppard, A Romance (1839), ou encore Charles Dickens pour son célèbre roman Oliver Twist, or, The Parish Boy's Progress (1837-38). Même si ces romans succombèrent à une forte controverse, ils n'en furent pas moins des best-sellers. L'impact qu'ils eurent sur le lectorat victorien, et avant tout sur les lecteurs de plus en plus nombreux de la middle class, fut sans précédent.
Face à l'attrait suscité par ces romans, la question est de savoir et de comprendre comment il était possible de représenter le crime alors même que le crime était perçu comme transgression suprême. Cette question en cache une autre : quels sont les atouts qui ont fait de cette littérature mineure un genre qui répondait parfaitement aux attentes du grand public friand de distractions ? De même, de quel droit peut-on écrire (et par la force des choses, lire) des romans qui s'inscrivent en faux contre les conventions de l'époque ? C'est à travers une étude de trois romans, Paul Clifford, Jack Sheppard et Oliver Twist, que nous allons tenter de répondre à ces interrogations.
1. Quand l'imagination rencontre les faits : crime et représentation
Au moment de la parution des Newgate Novels, la représentation du crime n'était pas quelque chose de foncièrement nouveau dans le paysage artistique anglais ; au contraire, les thèmes de la prison, du criminel et de l'échafaud - déjà présents dans certaines pièces de théâtre de la Renaissance (on pense à Bartholomew Fair (1614), The Jovial Crew (1641) ou encore The Squire of Alsatia (1688)) ainsi que dans de nombreuses ballades du XVIIe siècle - avaient eu un rôle notoire dans les arts populaires du XVIIIe siècle. On les retrouve dans les créations théâtrales, depuis les représentations de Punch and Judy jusqu'aux pièces de théâtre telles que The Beggar's Opera de John Gay (1728) ; le crime eut aussi une place de choix dans les arts visuels avec William Hogarth, mais également dans la littérature romanesque avec des auteurs de renom tels que Daniel Defoe et son roman Moll Flanders, Henry Fielding et son roman Jonathan Wild dédié au brigand et « thief-taker » éponyme, et enfin William Godwin et son célèbre roman Caleb Williams. On voit donc qu'à l'aube du XIXe siècle, la représentation artistique du crime n'était pas chose nouvelle. Cependant, l'attrait que manifesta le peuple pour les Newgate Novels fut d'autant plus grand que les lois criminelles étaient à l'époque en profond bouleversement : le XIXe siècle fut en effet l'époque d'un renforcement sans précédent de l'appareil législatif, mais aussi un moment de l'histoire anglaise où surgit une controverse sur le contrôle étatique des mœurs. Le crime s'est alors retrouvé au centre des débats, et par la force des choses au centre des productions littéraires. (voir l'article précédent, « Norme et criminalité à l'aube de l'ère victorienne »)
Les Newgate Novels ont pour particularité première d'être inspirées de la vie de criminels du XVIIIe siècle. Ces criminels étaient connus de tous et leur parcours de brigand était décrit, entre autres, dans le Newgate Calendar : cet ouvrage, qui fut souvent réédité tant il était plébiscité, propose une compilation de courtes biographies des grands bandits du XVIIIe siècle. Grâce au Newgate Calendar, les exploits des criminels étaient diffusés à l'échelle nationale. Les Newgate Novels mettent donc en scène ces mêmes brigands généralement connus du grand public : c'est le cas par exemple de l'œuvre d'Ainsworth, Jack Sheppard, dont le héros éponyme vécut entre 1702 et 1724. Dans le Newgate Calendar, il est décrit ainsi : « A Daring Housebreaker, who made Ingenious Escapes from Prison and even tried to foil his Executioner at Tyburn on 16th of November, 1724 » [J.L. Rayner & G.T. Crook, 1926, Volume III, p.13]. Dans le même roman d'Ainsworth, on rencontre aussi d'autres criminels de renom tels que, entre autres, Jonathan Wild et Joseph Blake (mieux connu sous le nom de Blueskin). Dans Oliver Twist, aucun criminel de renom n'est mentionné, mais de nombreux critiques on souligné la ressemblance de Fagin (vieux brigand juif qui était à la tête d'un réseau londonien de jeunes délinquants et qui recueillit Oliver à son arrivée à Londres) avec son modèle du siècle précédent, le brigand Ikey Solomons. De même, aucun criminel connu n'apparaît comme personnage central de Paul Clifford, dont le héros est un criminel purement imaginaire. Quoi qu'il en soit, ces romans mettent en scène des criminels dont les actes sont plus ou moins largement inspirés des grands brigands et bandits de grand chemin du XVIIIe siècle.
A la lumière de ces précisions, on se rend compte que ce qui pose problème dans l'écriture des Newgate Novels, c'est la question du rapprochement entre crimes avérés et création littéraire, ou en d'autres termes, entre faits et fiction. En effet, ces romans se situent à la croisée de deux principes d'écriture : d'une part, ils se veulent une chronique de la vie de ces célèbres criminels, et d'autre part ils vont au-delà d'une simple narration de faits pour laisser place à l'imagination. Ce conflit entre deux tendances, la chronique et la fiction, est en fait, comme nous l'avons laissé entendre, plus ou moins marqué selon le roman : Paul Clifford par exemple est définitivement plus marqué du sceau de l'imagination, étant donné que le personnage central du criminel est fictif ; cependant, le mélange entre fiction et faits demeure, de près ou de loin, intrinsèque à la production de tous les Newgate Novels.
Le paradoxe entre fiction et réalité historique est présent dès le titre du roman d'Ainsworth, Jack Sheppard, A Romance ; ce titre inscrit l'ensemble de l'ouvrage sous le signe d'une dichotomie : le nom de Jack Sheppard semble augurer un roman de type historique (voire biographique), et pourtant l'auteur précise qu'il s'agit d'un « romance », c'est-à-dire d'une création littéraire. Le roman lui-même hésite entre le vrai destin de Jack et la fictionalisation de sa vie et de ses actes criminels. Dès le départ, Ainsworth donne l'impression d'être fidèle à l'histoire de Jack Sheppard, tout d'abord dans son choix de circonscrire l'ensemble de son roman dans une période délimitée par les dates de naissance et de mort de Jack. Le roman est en effet divisé en trois parties non pas nommées « Part I, II and III » mais « Epoch the First, 1703 », « Epoch the Second, 1715 » et « Epoch the Third, 1724 » : l'auteur calque la chronologie du roman sur celle de la vie du héros, à tel point que certains détails biographiques (tels que la date d'exécution de Sheppard, le 16 novembre 1724) sont scrupuleusement respectés. Ces indications d'ordre temporel donnent une certaine valeur de vérité à ce roman, valeur renforcée par de multiples descriptions d'ordre historique : Ainsworth consacre en effet un chapitre au conflit de religions qui régnait au XVIIIe siècle entre Jacobites et Protestants (Epoch I, Chapter III), ainsi qu'un autre chapitre à la prison de Newgate et son évolution à travers les siècles (Epoch III, Chapter IX). Mais surtout Ainsworth reste fidèle à ce que l'on connaît des grandes lignes de la vie tumultueuse de Sheppard : à la lecture du Newgate Calendar, on apprend que Jack Sheppard est célèbre pour s'être maintes fois évadé de prison, et ces mêmes évasions sont reprises de manière assez fidèle dans le roman, comme le montre cette comparaison entre les deux ouvrages :
On the evening of the above-mentioned 30th of August, two women of Sheppard's acquaintance going to visit him, he broke off the spike and, thrusting his head and shoulders through the space, the women pulled him down, and he effected his escape, notwithstanding some of the keepers were at that time drinking at the other end of the lodge. [J.L. Rayner & G.T. Crook, 1926, Volume III, p.7]
That's well! cried Jack. Now, stand before me, Poll. I've got the watch-spring saw in my sleeve. Pretend to weep both of you as loudly as you can. This spike is more than half cut through. I was at work at it yesterday and the day before. Keep up the clamour for five minutes, and I'll finish it. Thus urged, the damsels began to raise their voices in loud lamentation. What the devil are you howling about? cried Langley [one of the keepers]. Do you think we are to be disturbed in this way? Make less noise, hussies, or I'll turn you out of the Lodge. [...] Give me your hand, Poll, to help me through, cried Jack, as he accomplished the operation. Keep a sharp look out, Bess. [Ainsworth, 1839, pp.229-30]
On voit aisément que Ainsworth sut coller au plus près de l'histoire de Sheppard, comme le souligne Keith Hollingsworth : « Ainsworth takes minor liberties with the facts [...]. [H]e keeps the three major escapes [...] just as history records them, only filling in suitable details. » [Hollingsworth, 1963, p.136]. Les ajouts de détails mentionnés par Hollingsworth se lisent comme l'intervention de l'auteur-narrateur sur la matière brute que constituent les faits ; or, Hollingsworth explique qu'Ainsworth s'était documenté suffisamment pour que ses descriptions soient historiquement exactes. Ce roman a donc vraisemblablement tous les atouts du roman historique, genre qui ne se définit pas simplement comme une mise en scène d'événements historiques, mais qui, selon Georg Lukacs, tente « de ressusciter poétiquement les êtres humains qui ont figuré dans ces événements » en faisant « revivre aux hommes les mobiles sociaux et humains qui ont conduit les hommes à penser, sentir et agir précisément comme ils l'ont fait dans la réalité historique» [Lukacs, 1965, pp.43-4].
Cependant, il semble qu'Ainsworth aille plus loin : il fait se mêler à l'histoire de Jack Sheppard celle d'un demi-frère imaginaire du nom de Thames Darrell. L'histoire de Darrell, jeune homme en quête de ses origines qui se frotte au monde des criminels sans pour autant se laisser corrompre, est également une histoire d'amour avec la jeune Winny, aimée à la fois de Thames et de Jack. Jack devient ainsi acteur de la part fictionnelle du récit : Ainsworth dépasse donc la simple histoire (biographique) de ce criminel, l'impliquant dans un destin romanesque. A travers l'intervention de la fiction qui s'insinue et s'enchevêtre avec les détails plus factuels, le récit revêt les couleurs d'un « romance ». Ce genre littéraire se définit ainsi : « [it] can mean either a medieval narrative composition or a love affair, or, again, a story about a love affaire, generally one of a rather idyllic or idealized type » [The New Encylcopaedia Britannica, 1998, Vol 15, p.1020]. On retrouve le même genre d'influence dans Paul Clifford où il est fait clairement allusion au « romance » dans le corps du texte. Le lecteur découvre en effet que Paul est déchiré entre son destin de criminel et son amour pour la jeune Lucy Brandon avec qui il partage, selon le narrateur, des moments d'intensité romantique : « those burning moments in love, when romance has just mellowed into passion » [Bulwer, 1887, p.170]. C'est le « romance », avec ses traits caractéristiques, qui confère au texte une impression de sympathie envers un criminel porté au rang de héros, voire d'idole. Le crime dans les Newgate Novels est donc mis en scène : il est le produit d'une rencontre entre faits et imagination, une rencontre qui donne aux Newgate Novels une tonalité singulière, à la limite de la subversion des codes de l'époque.
2. L'hybridité esthétique des Newgate Novels : illégalisme littéraire
Nous avons vu que les Newgate Novels sont fortement inspirés par le « romance ». Ce genre littéraire, avec ses descriptions héroïques et ses intrigues spectaculaires, trouva en la montée du réalisme, genre majeur du XIXe siècle, un adversaire de taille. Nombreux furent les critiques à condamner toute littérature qui s'écartait des préceptes du réalisme ; les Newgate Novels firent les frais de ces critiques. Voici la diatribe que lança Thackeray dans un de ses articles publiés dans Fraser's Magazine :
There is in some of these histories more fun - in all, more fancy and romance - than are ordinarily found in humble life; and we recommend the admirer of such scenes, if he would have an accurate notion of them, to obtain his knowledge at the fountainhead, and trust more to the people's description of themselves, than to Bulwer's ingenious inconsistencies, and Dickens's startling, pleasing, unnatural caricatures. [Thackeray, 1839, p.407]
Dans cet article, Thackeray cherche à démontrer l'infériorité des Newgate Novels directement désignés à travers les noms de Bulwer et de Dickens. Pour Thackeray, les Newgate Novels constituaient un sous-genre fort subversif, car ils s'éloignaient trop des conventions réalistes, de sorte qu'ils n'étaient jugés bons que pour divertir le petit peuple.
En réponse à la critique acerbe lancée par Thackeray, Dickens décida d'ajouter une nouvelle préface à Oliver Twist, en 1841. Dans celle-ci, il s'efforçait de convaincre ses lecteurs et critiques de la motivation réaliste de son entreprise. Dickens voulait à tout prix différencier son roman des autres Newgate Novels qui dépeignaient, selon lui, des histoires trop romancées : « thieves by scores - seductive fellows (amiable for the most part), faultless in dress, plump in pocket » [Dickens, 2003 (1837-8), p.457]. Dickens préférait dépeindre ce qu'il nommait « the miserable reality » : « to paint [the criminals] in all their deformity, in all their wretchedness, in all the squalid poverty of their lives, to show them as they really are, forever skulking uneasily through the dirtiest paths of life, with the great, black, ghastly gallows closing up their prospects » [Dickens, 2003 (1837-8), p.457]. Cependant, comme le souligne Juliet John, cette préface rédigée a posteriori est en décalage par rapport au roman, qui, à l'instar des autres Newgate Novels, est bien plus qu'une simple peinture de mœurs [John, 2001, p.129]. Tous les Newgate Novels offrent certes des portraits de personnages ou des descriptions de lieux très réalistes. C'est le cas de nombreuses descriptions de Londres que l'on retrouve notamment dans Jack Sheppard ou Oliver Twist, descriptions dont la qualité est presque photographique, et dont les « détails inutiles » forment ce que Roland Barthes nommait « l'effet de réel », comme l'illustre cet extrait :
A dirtier or more wretched place he had never seen. The streets were very narrow and muddy, and the air was impregnated with filthy odours. [...] Covered ways and yards, which here and there diverged from the main street, disclosed little knots of houses where drunken men and women were positively wallowing in the filth [...]. [Dickens, 2003 (1837-8), p.63]
Cependant, les Newgate Novels ne sont pas uniformément réalistes : ils sont largement teintés d'autres influences. Parmi ces influences littéraires ou esthétiques, on en remarque deux qui vont puiser dans des codes antérieurs au réalisme. La première de ces influences est celle du style gothique qui vient rehausser de nombreuses descriptions. Rookwood, le premier Newgate Novel de Ainsworth, est directement inscrit, par Ainsworth lui-même, dans la droite lignée de ses mentors Ann Radcliffe et C. R. Maturin dont il cite les noms dans sa préface [Dickens, 2003 (1837-8), xxxviii]. Ce roman est largement consacré à des descriptions où intervient le surnaturel, avec spectres et intrigues fantomatiques. Les autres Newgate Novels sont certes moins orientés vers le gothique que ce dernier, mais contiennent néanmoins des passages qui rappellent ce genre né au XVIIIe siècle. C'est ce qu'illustre par exemple l'épisode du meurtre de Nancy par Bill Sykes dans Oliver Twist :
[Nancy] staggered and fell, nearly blinded with the blood that rained down from a deep gash in her forehead, but raising herself with difficulty on her knees, drew from her bosom a white handkerchief [...] and holding it up in her folded hand as high towards heaven as her feeble strength would let her, breathed one prayer for mercy to her Maker. It was a ghastly figure to look upon. The murderer staggering backward to the wall, and shutting out the sight with his hand, seized a heavy club and struck her down. [Dickens, 2003 (1837-8), p.396]
On reconnaît dans ce passage quelques traits typiques du roman gothique tels qu'ils sont décrits par David Punter : « an emphasis on portraying the terrifying [...] and the attempt to deploy and perfect techniques of literary suspense » [Punter, 1996, p.1]. Le suspense est ici maximal et les détails sanglants rappellent au lecteur du XXIe siècle le genre de descriptions que l'on retrouve plus tard dans les contes d'Edgar Poe. On reconnaît aussi par certains aspects, dans le parcours de Nancy, le schéma typique des romans de Radcliffe où la jeune héroïne tente de fuir la maison d'un tyran où elle est emprisonnée. Pour Nancy, jeune prostituée, la seule porte de sortie est la mort.
La seconde influence qui se retrouve dans les Newgate Novels est celle de l'esthétique picaresque : les romans offrent des portraits de jeunes hommes semblables à des picaros, jeunes héros inexpérimentés qui parcourent la ville ou la campagne et constatent que le monde est corrompu. Cette influence est nettement marquée dans Jack Sheppard : dans un des derniers épisodes du roman, lorsque Jack est enfermé à Newgate, il reçoit la visite de William Hogarth et de John Gay. Ce dernier, que l'on découvre fasciné par l'histoire de Jack, s'écrie :
Egad, Jack [...] you should write your adventures. They would be quite as entertaining as the histories of Guzman D'Alfranche, Lazarillo de Tormes, Estevanillo Gonzalez, Meriton Latroon, or any of my favourite rogues - and far more instructive.' [Ainsworth, 1839, p.285]
La référence à la littérature picaresque telle qu'elle fut inventée au XVIe siècle par les Espagnols est ici clairement nommée, et le personnage de John Gay ne fait que souligner la ressemblance entre les péripéties de Jack et celles décrites dans cette littérature d'aventures.
Au final, le lecteur s'aperçoit que la co-présence d'influences que sont le « romance », le réalisme, le roman historique, le gothique et le picaresque fait des Newgate Novels un « sous-genre » hybride qui puise dans les grands classiques de la littérature pour mieux s'en démarquer. Or, à la lecture du passage précédent, un signifiant (que nous avons déjà mentionné) apparaît une nouvelle fois pour qualifier le récit criminel : c'est le signifiant « entertaining », qui renvoie au divertissement. Ce dont le lecteur se rend compte, c'est que le divertissement n'est pas seulement le fruit des Newgate Novels : il en est aussi le moteur de production.
Cette remarque nous conduit à aborder en dernier lieu l'influence du mélodrame, genre du divertissement par excellence. C'est une forme théâtrale fort populaire qui apparaît en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, à la suite du modèle français souvent associé au nom de Pixérécourt. Le mélodrame se reconnaît avant tout par ses conventions : recherche de sensationnalisme, intrigue souvent moralisatrice, émotions exacerbées, caractérisation maximale des personnages. Comme l'explique Richard Stang, la forme théâtrale s'imposa de plus en plus à l'écriture romanesque au XIX° siècle, créant ce qu'il nomme « the novel-drama analogy » [Stang, 1959, p. 123]. Les Newgate Novels suivent cette tendance et sont rythmés de dialogues ponctués d'exclamations qui confèrent au texte son émotion souvent exagérée, comme l'illustre le passage suivant issu de Jack Sheppard, dans lequel Jonathan Wild et son compère juif Mendez viennent de sacrifier un de leurs opposants en le jetant au fond d'un gouffre, et se retrouvent malgré eux enfermés dans un passage secret :
All's over,' muttered Jonathan. Shall ve go back to de other room?' asked the Jew. I shall breathe more freely dere. O Christ! De door's shut! It must have schwung to during de schuffle !' Shut !' exclaimed Wild. Then we're imprisoned. [...]' Dere's de other door !' cried Mendez, in alarm. It only leads to the fencing crib,' replied Wild. [...] [Ainsworth, 1839, p.249]
La maîtrise maladroite de la langue anglaise de Mendez, qui est transcrite dans ses répliques, participe de la caractérisation du personnage, et les répliques, rapides et enflammées, n'ont autre intérêt que de pousser à l'extrême l'émotion qui saisit les personnages, ainsi que de mettre littéralement l'intrigue en scène.
La littérature inspirée du mélodrame était relativement mal perçue au XIXe siècle. Il faut savoir que le théâtre en Angleterre était à l'époque très régulé, et ce depuis le « Licensing Act » de 1737 qui séparait le théâtre dit « légitime », celui des pièces d'échanges verbaux, du théâtre « illégitime » qui regroupait tous les autres types de représentation. Le théâtre légitime était donc réservé à l'élite, et le théâtre illégitime aux autres couches de la société ; cette distinction resta en vigueur jusqu'en 1843. Comme l'explique Juliet John, le mélodrame, lorsqu'il émergea en Angleterre, était exclusivement réservé aux théâtres « illégitimes » : les principaux spectateurs en étaient les artisans et la classe ouvrière. Le fait que les Newgate Novels sont imprégnés de mélodrame renforce l'idée que, bien plus qu'une littérature hybride, ces romans formaient davantage ce que l'on pourrait nommer une « littérature illégitime ».
Ce sentiment d'illégitimité est d'autant plus vrai qu'il émane aussi du mode de publication choisi pour les Newgate Novels : contrairement au canon de la publication que représentait le « three-decker », ouvrage coûteux en trois volumes qui faisait autorité au début du XIXe siècle, les Newgate Novels furent pour la plupart publiés suivant le processus de sérialisation. Les auteurs envoyaient leurs romans par fragments, et ces fragments étaient publiés toutes les semaines ou tous les mois dans des périodiques ou magazines ; de fait, les romans devenaient financièrement plus accessibles aux petites gens. Charles Dickens, qui commenta le « three-decker » dans son article « Small Beer Chronicles » (paru dans All the Year Round), qualifia non sans ironie ce modèle de publication de « Legitimate novel » (Dickens, 1863, p. 309-10). Si l'on suit le raisonnement de Dickens, il faut donc ranger les Newgate Novels, de par leur publication, du côté des productions littéraires illégitimes. Le lecteur s'aperçoit donc que les Newgate Novels sont des romans qui défient toutes les normes littéraires de leur temps, ce qui contribua à nourrir à l'époque la controverse à laquelle ils durent faire face.
3. Fiction de crime et plaisir : The Amusements of the People'
Une grande partie de la controverse portant sur les Newgate Novels est due au fait que, comme nous venons de le voir, ces romans ne s'inscrivent pas dans la droite lignée de la tradition littéraire. Ce qui était le plus gênant pour les critiques de l'époque, c'est que ces romans soient appréciés par une majorité de lecteurs issus des classes moyennes et laborieuses, pour qui les fictions criminelles avaient un attrait indiscutable. Ces romans, surtout par leur ressemblance avec le mélodrame, étaient donc d'une certaine façon destinés au divertissement du plus grand nombre ; c'est cette idée de divertissement des petites gens que Charles Dickens défendit plus tard dans un article intitulé « The Amusements of the People » paru dans Household Words en 1850. Dickens explique que le théâtre, aussi populaire soit-il, est un moyen efficace de développer la cohésion sociale et culturelle ainsi qu'une opportunité pour les petites gens (sans cela cantonnés à une vie de dur labeur) de s'évader un temps par l'imagination. Dickens va jusqu'à défendre l'idée que l'imagination suscitée par les arts peut apporter aux petites gens ce qu'il nomme « escapes out of the literal world » [Dickens, 1850, p.13]. Les Newgate Novels, tout comme le mélodrame et les autres formes de théâtre « de bas étage », font donc partie de ces arts populaires qui font marcher l'imagination du petit peuple pour qui la lecture de romans criminels se conçoit comme un divertissement. Selon Dickens, les arts populaires vont donc de pair avec la notion de plaisir. C'est aussi la thèse soutenue par Albert Borowitz dans son article intitulé « The History and Traditions of Fact-base Crime Literature » : il explique que la littérature criminelle suscite ce qu'il nomme une « fascination » chez les lecteurs britanniques de tous temps :
The devotion of the British to their crimes must remain as great a mystery as many of the cases they treasure. It is possible, though, that this national trait is related to other more significant aspects of British culture. The appeal of murder cases draws to some extent on violent instincts, but certainly it also responds to the love of drama and exciting and suspenseful narrative. [Borowitz, 2005, p.957]
Borowitz convient du fait que la fascination pour le crime n'est pas seulement un phénomène culturel mais relève aussi d'un certain plaisir dérivé de l'art (« the love of drama and exciting suspenseful narrative »). Or, on peut tenter de démontrer que si les Newgate Novels ont eu à l'époque un succès sans précédent, c'est parce que la notion de plaisir est au cœur même de ceux-ci, et plus particulièrement au cœur même de la composition de leur intrigue.
Les intrigues des Newgate Novels sont des intrigues à rebondissements où l'on suit le parcours du criminel, et c'est avant tout le dénouement de ces intrigues (à savoir le traitement infligé au héros) qui intéresse le lecteur. Tout ce qui se passe entre le début et la fin de l'intrigue relève de circonvolutions qui ne font qu'augmenter, selon Peter Brooks, le désir de lecture [Brooks, 1984, pp.90-112]. Prenons par exemple Jack Sheppard : le roman expose le parcours chronologique de Jack depuis sa naissance jusqu'au moment tant attendu de sa mort sur l'échafaud, et pourtant l'intrigue est parcourue de circonvolutions et surtout de répétitions. En effet, Jack semble reproduire sans cesse le même schéma : il est maintes fois emprisonné et parvient à plusieurs reprises à échapper à la surveillance de ses geôliers. De même, dès qu'il échappe aux hommes de loi, il se retrouve immédiatement confronté à son ennemi Jonathan Wild, qui croise son chemin peu importe où il se trouve, que ce soit à travers le labyrinthe de Londres ou même la campagne anglaise : leur rencontre se rejoue sans cesse et les coïncidences se multiplient. Le roman semble donc être construit autour de ces répétitions à travers lesquelles le destin héroïque de Jack semble à tout jamais scellé, jusqu'à ce que son exécution en public vienne mettre un terme à cette intrigue à répétition. Il en est de même dans Oliver Twist : ce roman expose le portrait d'Oliver depuis sa naissance jusqu'à la révélation de sa véritable identité. L'intrigue est parcourue de péripéties : on découvre Oliver depuis son plus jeune âge, son passage par l'asile de pauvres (workhouse), sa fuite à Londres et son éducation de voleur, sa rencontre avec Mr Brownlow ainsi que ses tentatives d'échapper aux griffes de Fagin. Cependant, la progression de l'intrigue n'est pas purement linéaire ; à l'instar de celle de Jack Sheppard, elle semble suivre un schéma répétitif. En effet, Oliver se retrouve toujours dans le même genre de situations ou de décors : des décors gris et moroses dans lesquels il se trouve assujetti à une instance supérieure, emprisonné, voire aliéné. L'asile de pauvres dans lequel il se trouve dès le début est le modèle d'incarcération qui fait constamment retour tout au long du récit. Oliver se retrouve de nouveau enfermé lorsqu'il vit chez les Sowerberry, la famille de croque-morts, où il dort dans ce qui est décrit comme une cellule : « a stone cell, damp and dark » [Dickens, 2003 (1837-8), p.33]. Par la suite, il échappe à cette famille et rejoint Londres où il revit l'emprisonnement dans l'étouffant labyrinthe des rues de la capitale, puis dans l'antre lugubre de Fagin qui l'accueille. L'image de l'emprisonnement fait donc retour dans le roman : elle semble symboliser l'impossibilité du héros d'accéder à ses origines et empêche la progression de l'intrigue. Son destin est bloqué, et c'est cela que l'abondance d'images d'incarcération semble métaphoriser.
Les récits des Newgate Novels donnent donc l'impression d'être animés par le moteur de la répétition, qui est selon l'analyse de Brooks la dynamique même de toute intrigue romanesque. Brooks propose de concevoir le fonctionnement de l'intrigue littéraire en le comparant avec les fonctionnements psychiques tels qu'ils ont été décrits par Freud dans Au-delà du principe de plaisir : Freud décrit un enfant qui, en lançant à l'envi une bobine, rejoue et répète l'absence de sa mère tout en la maîtrisant, et de cette répétition maîtrisée, l'enfant semble tirer un certain plaisir. Selon Brooks, toute intrigue fonctionnerait selon le même modèle de répétitions provoquées qui permettent de repousser le moment où le dénouement surgira, accroissant ainsi le plaisir et le désir de lecture : « Desire is the wish for the end, for fulfillment, but fulfillment must be delayed so that we can understand it in relation to origin and desire itself » [Brooks, 1984, p.111]. Dans la répétition interne à l'intrigue des Newgate Novels, on peut lire le destin inextricable des héros qui sont pris dans une logique du même qui fait retour et les rattrape sans cesse.
On peut même aller plus loin que Brooks pour qui le phénomène de répétition est le moteur interne à l'intrigue d'un roman : ce qui semble unir les Newgate Novels et qui en un sens contribua à leur succès, c'est le fait qu'ils rejouent entre eux ce phénomène de répétitions. En effet, l'intrigue de chaque Newgate Novel semble être sensiblement analogue à celle des autres Newgate Novels. En effet, il s'agit toujours dans ces romans du même questionnement des origines, de filiation cachée et d'héritage auquel le héros ne peut avoir droit. Que ce soit Oliver Twist, Jack Sheppard ou Paul Clifford, tous demeurent dans l'espérance de comprendre d'où ils viennent et tous goûtent à leur tour au monde du crime, seule chose qui leur reste en commun et où ils peuvent triompher dans cette société où on les écarte du droit à l'origine qui est le leur. La répétition peut donc se concevoir comme le succès des Newgate Novels : les lecteurs rejouent, d'un roman à l'autre, la même intrigue déclinée différemment, retrouvant le même désir d'accéder à la fin du roman pour mieux voir si le héros parvient ou non à récupérer ses droits, son héritage et son nom.
Les Newgate Novels se lisent donc comme des romans qui tranchent avec la tradition de l'époque victorienne, mais qui, par leur mise en scène du crime, viennent à réunir le grand public autour d'une fascination pour le thème du crime, un thème riche de péripéties et par conséquent propice à la fictionalisation.
Références
Ainsworth, William Harrison, Jack Sheppard, A Romance, London, Routledge, The Original Illustrated Edition, 1839.
Barthes, Roland, « L'Effet de réel » (1968), in Littérature et réalité, Paris, Seuil, Collection « Points » », 1982.
Brooks, Peter, Reading for the Plot, Harvard University Press, 1984.
Borowitz, Albert, The History and Traditions of Fact-based Crime Literature, in Legal Studies Forum, Volume 29, Number 2, Crimes Gone By, Collected Essays of Albert Borowitz 1966-2005, 2005.
Bulwer Lytton, Edward, Paul Clifford, London, Routledge, 1887 (1830).
Dickens, Charles, Oliver Twist, or, The Parish Boy's Progress, Introduction by Philip Horne, London, Penguin Classics, 2003 (1837-8). ---, The Amusements of the People, Household Words I (March, 30th, 1850) p. 13-5. ---, Small Beer Chronicles, All the Year Round IX (May, 23rd, 1863) p. 309-12.
The New Encyclopaedia Britannica, Volume 15, Chicago, 1998.
Hollingsworth, Keith, The Newgate Novel 1830-1847, Detroit, Wayne State University Press, 1963.
John, Juliet, Dickens's Villains. Melodrama, Character, Popular Culture, Oxford, Oxford University Press, 2001.
Lukacs, Georg, Le Roman historique, trad. Robert Sailley, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1965.
Punter, David, The Literature of Terror; a History of Gothic Fictions from 1765 to the Present Day, Volume 1, The Gothic Tradition, London, Longman, Second Edition, 1996.
Rayner, J.L. and Crook, G.T. (eds), The Complete Newgate Calendar, London, The Navarre Society Limited, 1926.
Stang, Richard, The Theory of the Novel in England 1850-1870, London, Routledge and Kegan Paul, 1959.
Thackeray, William Makepeace, Horae Catnachianae, Fraser's Magazine, 19, (April 1839), p. 407-24.
Extraits à exploiter en classe
Jack Sheppard (William H. Ainsworth)
Jack Sheppard and his friend Blueskin arrive at Dollis Hill, where the Wood family (Jack Sheppard's foster family when he was a child) live, in order to steal from the Woods. Jack and Blueskin just got into the house where everyone is asleep, and they are about to enter the master bedroom.
Covering his face with a crape mask, and taking the candle from his associate, Jack entered the room: and, pistol in hand, stepped up to the bed, and approached the light to the eyes of the sleepers. The loud noise proceeding from the couch proved that their slumbers were deep and real; and, unconscious of the danger in which she stood, Mrs Wood turned over to obtain a more comfortable position. [Blueskin] threw a piece of wash-leather over a bureau, so as to deaden the sound, and instantly broke it open with a small crowbar. While he was filling his pockets with golden coin from this store, Blueskin had pulled the plate-chest from under the bed, and having forced it open, began filling a canvass bag with its contents - silver coffeepots, chocolate-dishes, waiters, trays, tankards, goblets and candlesticks. It might be supposed that these articles, when thrust together into the bag, would have jingled; but these skilful practitioners managed matters so well that no noise was made. After rifling the room of everything portable, including some of Mrs Wood's ornaments and wearing apparel, they prepared to depart. [...] The next moment a struggle was heard, and Blueskin appeared at the door, followed by Mrs Wood.
Jack instantly extinguished the light and called to his comrade to come after him.
But Blueskin found it impossible to make off - at least with the spoil - Mrs Wood having laid hold of the canvass bag.
Give me back the things! cried the lady. Help! Help - Mr Wood!
Leave go! thundered Blueskin - leave go - you'd better! - and he held the sack as firmly as he could with one hand, while with the other he scratched for his knife.
No, I won't leave go! screamed Mrs Wood. Fire! - murder! - thieves! - I've got one of'em!
Come along, cried Jack.
I can't! answered Blueskin. This she-devil has got hold of the sack. Leave go, I tell you! and he forced open the knife with his teeth.
Help! - murder! - thieves! - screamed Mrs Wood; - Owen! [...] - help!
Coming! cried Wood, leaping from the bed. Where are you?
Here, replied Mrs Wood. Help - I'll hold him!
Leave her, cried Jack, darting down-stairs amid a furious ringing of bells - the house is alarmed - follow me!
Curse light on you! cried Blueskin, savagely; since you won't be advised, take your fate.
And seizing her by the hair, he pulled back her head, and drew the knife with all his force across her throat. There was a dreadful groan, and she fell heavily upon the landing.
William H. Ainsworth, Jack Sheppard: A Romance, London, Routeldge, The Original Illustrated Edition, 1839, p. 180-2.
Oliver Twist (Charles Dickens)
Oliver Twist was momentarily placed under the responsibility of Mr Bill Sikes, a London bandit. The latter took him on a nocturnal expedition to Chertsey, where he and his friends planned on robbing a house. This passage begins when they arrive in front of the house and Oliver understands the purpose of the expedition, which had not been revealed to him.
And now, for the first time, Oliver, well-nigh mad with grief and terror, saw that housebreaking and robbery, if not murder, were the objects of the expedition. He clasped his hands together, and involuntarily uttered a subdued exclamation of horror. A mist came before his eyes, the cold sweat upon his ashy face, his limbs failed him, and he sunk upon his knees.
Get up!' murmured Sikes, trembling with rage, and drawing the pistol from his pockets; get up, or I'll strew your brains upon the grass!'
Oh! For God's sake let me go!' cried Oliver; let me run away and die in the fields. I will never come near London - never, never! Oh! pray have mercy upon me, and do not make me steal: for the love of all the bright angels that rest in heaven, have mercy upon me!
The man to whom this appeal was made swore a dreadful oath, and had cocked the pistol, when Toby, striking it from his grasp, placed his hands upon the boy's mouth and dragged him to the house.
Hush! cried the man; it won't answer here. Say another word and I'll do your business myself with a crack on the head. [...]
[There] was a little lattice window, about five feet and a half above the ground, at the back of the house, belonging to a scullery or small brewing place at the end of the passage: the aperture was so small that the inmates had probably not thought it worth while to defend it more securely; but it was large enough to admit a boy of Oliver's size nevertheless. A very brief exercise of Mr Sikes's art sufficed to overcome the fastening of the lattice, and it soon stood wide open also.
Now listen, you young limb!' whispered Sikes, drawing a dark lantern from his pocket, and throwing the glare full on Oliver's face; I'm a-going to put you through there. Take this light, go softly up the steps afore you, and along the little hole to the street-door. Unfasten it, and let us in.' [...]
Take this lantern,' said Sikes, looking into the room. You see the stairs afore you?'
Oliver, more dead than alive, gasped out, Yes;' and Sikes, pointing to the street-door with the pistol barrel, briefly advised him to take notice that he was within shot all the way, and that if he faltered he would fall dead that instant. [...]
In the short time he had to collect his senses, the boy had firmly resolved that, whether he died in the attempt or not, he would make one effort to dart up the stairs from the hall and alarm the family. Filled with this idea, he advanced at once, but stealthily.
Come back!' suddenly cried Sikes aloud. Back! back!'
Scared by the sudden breaking of the dead stillness of the place, and a loud cry which followed it, Oliver let his lantern fall, and knew not whether to advance or fly. The cry was repeated - a light appeared - a vision of two terrified half-dressed men at the top of the stairs swarmed before his eyes - a flash - a loud noise - a smoke - a crash somewhere, but where he knew not, - and he staggered back.
Charles Dickens, Oliver Twist, or, the Parish Boy's Progress, 1837-8, London, Penguin Classics, 2002, p. 180-3.
Pour citer cette ressource :
Hubert Malfray, "Les "Newgate Novels" : esthétique d'un genre populaire", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), octobre 2007. Consulté le 04/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/litterature/litterature-britannique/epoque-victorienne/les-newgate-novels-esthetique-d-un-genre-populaire