Le rêve américain dans la rhétorique présidentielle américaine moderne (1937-2010)
Introduction
Même lorsqu'ils attribuent l'invention de l'expression à James Truslow Adams, auteur en 1931 d'une histoire des États-Unis intitulée The Epic of America ((Pour cet historien, écrivant deux ans avant l'élection de Franklin Roosevelt, l'épopée américaine s'expliquait par l'existence d'un rêve dont la définition était livrée dès la préface : « that American dream of a better, richer and happier life for all our citizens of every rank which is the greatest contribution we have as yet made to the thought and welfare of the world ». James Truslow ADAMS, The Epic of America (1931), Simon Publications, 2001, p. viii.)), la majorité des universitaires qui se sont penchés sur l'histoire du « rêve américain » peinent à considérer celui-ci comme un slogan historiquement daté. Ils préfèrent le présenter comme un « idéal-type » wébérien, un concept qui permet de comprendre la spécificité du projet américain dans ce qu'il a d'essentiel, comme si l'expérience américaine dans son ensemble pouvait se définir par la réalisation toujours recommencée d'une sorte de rêve structurel. Dans une étude publiée en 2003, Jim Cullen a ainsi passé en revue les différentes manifestations du rêve tout au long de l'histoire américaine : le rêve de la « bonne vie » dans sa version puritaine, l'expression du rêve sous forme de « charte » (la déclaration d'indépendance), le rêve d'ascension sociale de Lincoln, le rêve d'égalité de Martin Luther King et, pour finir, les rêves plus personnels d'accession à la propriété et de la réalisation de soi, à la californienne (ce que Cullen a nommé poétiquement « le rêve de la côte ») (Cullen, 2003).
L'épaisseur idéologique de l'American dream a pareillement été négligée. Il existe bien quelques articles sur l'instrumentalisation politique du rêve à des périodes données (on pense notamment au travail de Bernard Genton sur les affiches de propagande de la National Association of Manufacturers pendant la Grande dépression ou à celui d'Alan DeSantis sur la façon dont le mythe du rêve américain a été « vendu » aux travailleurs noirs du Sud par les journaux du Nord lors de la Grande migration des années 1915-1919) (Genton, 2005 ; Desantis, 1998), mais guère d'étude synthétique sur les usages politiques du rêve au vingtième siècle. Sans prétendre combler totalement ce manque, nous voudrions au moins lancer le débat en analysant les références à l'American dream dans la rhétorique présidentielle, autrement dit au niveau le plus élevé et le plus symbolique de la vie politique américaine. Partant d'un constat simple (les occurrences du concept n'ont cessé d'augmenter depuis que Roosevelt a, le premier, employé l'expression en 1937), on se demandera si le contenu du rêve tel que défini par les présidents est resté le même ou s'il s'est modifié au gré de besoins politiques conjoncturels. Est-il possible, notamment, d'établir une dichotomie pertinente entre « rêve américain démocrate » et « rêve américain républicain » ? Notre conclusion sera que la référence au rêve, si elle a bien une portée délibérative, s'apparente surtout à une ressource rhétorique destinée à accroître l'avantage du président dans le jeu politique.
1. Une augmentation spectaculaire des références au «rêve américain» dans les discours présidentiels depuis 1960
1.1 Parcours statistique de la période 1937-2010
Pour qui s'intéresse de près à la rhétorique présidentielle, le site Internet de l'American Presidency Project (www.presidency.ucsb.edu) fait figure de mine d'or. Créé en 1999 par John Woolley et Gerhard Peters - deux professeurs de l'université de Californie à Santa Barbara -, il permet de consulter gratuitement l'ensemble des discours prononcés par les présidents américains depuis George Washington ((Le 30 juin 2010, le site revendiquait la mise à disposition de 88 135 documents ayant trait à la présidence des États-Unis.)). Surtout, il est doté d'un moteur de recherche extrêmement performant qui autorise l'investigation par mots-clés (seuls ou en combinaison) ainsi que par dates ((Précisons que ce moteur de recherche est issu d'une collaboration entre l'American Presidency Project et la bibliothèque présidentielle Truman, située à Independence, dans le Missouri.)).
Une première requête, composée des mots « American » et « dream » réunis au sein d'un même syntagme, révèle que l'expression « rêve américain » a été utilisée pour la première fois par Franklin Roosevelt dans un « message au Congrès » daté du 6 février 1937. Le 32e président s'y lamente de l'augmentation du nombre de métayers depuis la fermeture de la « frontière » dans les années 1880 et appelle le gouvernement fédéral à sauver le « rêve américain de la ferme familiale » en mettant en place un programme de réhabilitation du monde rural :
The American dream of the family-size farm, owned by the family which operates it, has become more and more remote. The agricultural ladder, on which an energetic young man might ascend from hired man to tenant to independent owner, is no longer serving its purpose. [...] A nationwide program under federal leadership and with the assistance of states, counties, communities and individuals is the only solution (Roosevelt, 1937).
On trouve, bien entendu, des occurrences du mot « rêve » avant 1937 : une requête basée sur le mot « dream » fait apparaître 59 résultats entre 1832 et le début du second mandat de Roosevelt ((Recherche effectuée sur le site de l'American Presidency Project le 30 juin 2010.)). Mais le terme, privé de son qualificatif, y est constamment doté de connotations négatives. Ainsi, le président Harrison l'emploie dans son discours d'investiture du 4 mars 1841 pour condamner l'esprit « utopique » des réformateurs. Le temps n'est selon lui plus aux rêves, mais à l'action :
If this [that ardent patriotism, that devoted attachment to liberty, that spirit of moderation and forbearance for which our countryman were once distinguished] continues to be the ruling passion of our soul, the weaker feeling of the mistaken enthusiast will be corrected, the Utopian dreams of the scheming politician dissipated, and the complicated intrigues of the demagogue rendered harmless (Harrison, 1941).
Roosevelt est donc le premier président chez qui le « rêve » se voit, d'une part, associé à l'adjectif « américain » et, d'autre part, doté d'un contenu explicitement positif (ceci expliquant peut-être cela). Cet usage semble avoir fait école puisque, toujours selon la base de données de l'American Presidency Project, le concept d'« American dream » est réapparu 1869 fois dans les discours des présidents américains depuis le 6 février 1937 ((Recherche effectuée sur le site de l'American Presidency Project le 29 juin 2010.)).
Le nombre total d'occurrences de l'expression n'étant, en soi, guère indicatif d'une augmentation ou d'une diminution au cours du temps, les résultats obtenus lors de notre requête initiale ont été classés par président et par année, puis traduits sous forme de graphiques (voir illustrations ci-dessous) .
Trois remarques s'imposent à l'issue de ce travail statistique :
- Alors qu'on aurait pu s'attendre à ce que Ronald Reagan soit le président qui ait utilisé l'expression « American dream » le plus fréquemment (l'importance du « rêve » pour le 40e président a souvent été soulignée par les universitaires et les journalistes depuis 1981 ((Lire à ce sujet Kurt RITTER et David Henry, Ronald Reagan: The Great Communicator, New York, Greenwood Press, 1992 ; G. Thomas GOODNIGHT, « Ronald Reagan and the American Dream: A Study in Rhetoric Out of Time », in Leroy G. DORSEY (dir.), The Presidency and Rhetorical Leadership, College Station, TX, Texas A&M University Press, 2002, pp. 200-230 ; Jim CULLEN, op. cit., 2003.))), c'est finalement à Bill Clinton, suivi des Bush père et fils, que revient la palme. Notons cependant que Barack Obama pourrait bien détrôner ses prédécesseurs d'ici la fin de son mandat, tant les références au rêve sont nombreuses dans ses discours depuis sa prise de fonctions en janvier 2009 (sa moyenne annuelle dépasse d'ores et déjà celle de George H.W. Bush et de George W. Bush).
- Une étude plus détaillée du graphique montre qu'un cap numérique a été franchi au début des années 1960. Alors qu'on ne comptait qu'une seule occurrence du syntagme « American dream » dans les discours de Franklin Roosevelt, 3 dans ceux de Harry Truman, 5 dans ceux de Dwight Eisenhower et 2 dans ceux de John Kennedy, on compte 31 occurrences des deux mots chez Lyndon Johnson.
- Enfin, notre analyse fait apparaître une augmentation quasi continue des références au « rêve américain » depuis les années 1930, et ce, quelle que soit l'orientation politique des présidents.
Comment expliquer cette popularité croissante ?
1.2 Tentatives d'explication
a) L'influence de James Truslow Adams et de Martin Luther King
Il faut tout d'abord rappeler que, s'il arrive que les présidents innovent en matière rhétorique (Franklin Roosevelt a ainsi forgé le concept de « nouvelle donne » en 1932, John Kennedy celui de « nouvelle frontière » en 1960), ils s'inspirent le plus souvent de discours prononcés par d'autres acteurs de la vie politique et/ou culturelle américaine. L'apparition de l'expression « American dream » chez Roosevelt en 1937 et sa généralisation à partir des années 1960 peuvent ainsi être rapprochées de deux événements extérieurs à la sphère présidentielle : la publication de The Epic of America de James Truslow Adams en 1931 et l'allocution de Martin Luther King sur les marches du Lincoln Memorial en 1963.
Le livre d'Adams, s'il est aujourd'hui un peu oublié, a connu un tel succès dans les années 1930 qu'un an à peine après sa parution, le président de l'association des historiens américains y a fait une référence appuyée dans son allocution annuelle, regrettant toutefois que l'épopée soit limitée un peu frileusement aux frontières des États-Unis (Bolton, 1932). En 1935, un long extrait de la conclusion du livre a paru dans Scholastic Review, revue pédagogique de grande diffusion, sous le titre « The American Dream » (Adams, 1935). Rien d'étonnant, donc, à ce que le « rêve » d'Adams ait accédé au premier plan du discours politique national cinq ans plus tard.
En 1963, Martin Luther King a donné une nouvelle jeunesse à l'expression « rêve américain » en en faisant le sujet principal de son sermon « I have a dream », prononcé devant plus de 200 000 militants pour l'égalité des droits. Ce discours, qui a valu au pasteur baptiste une renommée durable, a profondément influencé Lyndon Johnson et explique très certainement pourquoi le discours sur l'état de l'Union qu'il a prononcé devant le Congrès en 1965 mentionne le « rêve américain » à cinq reprises.
Encore aujourd'hui, l'influence de Martin Luther King se fait sentir dans certains discours présidentiels. On en voudra pour preuve les propos de Barack Obama devant la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) en juillet 2009 :
That's why my administration is working so hard not only to create and save jobs in the short-term [...] but to lay a new foundation for growth and prosperity that will put opportunity within the reach of not just African Americans, but all Americans. All Americans. Of every race. Of every creed. From every region of the country. We want everybody to participate in the American Dream (Obama, 2009).
b) Les contraintes rhétoriques propres aux discours présidentiels
Comme l'a rappelé l'historienne Vanessa Beasley en 2004, les présidents ne disposent pas de ressources rhétoriques infinies :
Rather than being viewed as an unlimited, renewable resource speakers can use to get things done, rhetoric is, from this perspective, an ancient map, somehow always and already present, revealing the paths of past users, paths that are dug deep enough to limit future travelers' options (Beasley, 2004).
La « règle du précédent » s'applique notamment aux discours inauguraux et aux discours sur l'état de l'Union. Dans ces « discours obligatoires » ((Elvin LIM, art. cit., p. 330.)), les présidents font souvent référence à leurs prédécesseurs (y compris lorsqu'ils sont issus du parti adverse) afin de placer leur action dans une continuité historique et de montrer que leurs valeurs correspondent à celles de la nation tout entière. C'est ainsi qu'en 1972, le républicain Richard Nixon a rendu hommage à l'ancien président démocrate Harry Truman dans son discours sur l'état de l'Union :
As all of you are aware, I had some differences with President Truman. He had some with me. But I remember that on that day - the day he addressed that joint session of the newly elected Republican 80th Congress, he spoke not as a partisan, but as President of all the people - calling upon the Congress to put aside partisan considerations in the national interest (Nixon, 1972).
Dès lors, on comprend mieux que l'usage de certaines formules comme « Manifest Destiny » au dix-neuvième siècle, « Melting Pot » au début du vingtième et « American dream » depuis 1937 ait pu faire boule de neige dans les discours présidentiels.
c) Une attirance de plus en plus marquée pour l'abstraction chez les présidents
Sur la base d'une étude statistique précise de l'ensemble des discours d'investiture et des discours annuels sur l'état de l'Union prononcés par les présidents depuis George Washington, le politologue Elvin Lim a fait en 2002 le constat suivant : depuis l'avènement de la « présidence moderne » au début du vingtième siècle, la rhétorique présidentielle est devenue de plus en plus anti-intellectuelle, abstraite, assertive, démocratique et conversationnelle ((Elvin LIM, art. cit., pp. 328-348.)). Les successeurs de Theodore Roosevelt ont ainsi tendance à éviter les références aux processus cognitifs et évaluatifs (les occurrences des verbes tels que « penser » et « juger » ont fortement décru depuis les années 1910), à taire leurs doutes et à exhiber leur confiance en l'avenir (on en voudra pour preuve l'augmentation des références au « renouveau » depuis Woodrow Wilson ou l'usage de plus en plus répandu de termes comme « objectif » et « réforme »). Ils négligent par ailleurs les connecteurs logiques caractéristiques du discours argumentatif (« mais », « par conséquent », « cependant ») et tendent à abandonner le registre soutenu pour un registre plus familier. Là où William Henry Harrison comparait la liberté à un « baume souverain pour toutes les blessures infligées à nos institutions » dans son discours d'investiture, George H.W. Bush a préféré recourir à une image plus prosaïque en 1989, celle du cerf-volant : « Freedom is like a beautiful kite that can go higher and higher with the breeze » (Harrison, 1941 ; Bush, 1989). Clairement, les présidents du vingtième siècle ont assimilé le principe d'Aristote selon lequel « [l]a fonction de la rhétorique est de traiter des sujets dont nous devons délibérer et sur lesquels nous ne possédons point de techniques, devant des auditeurs qui n'ont pas la faculté d'inférer par de nombreux degrés et de suivre un raisonnement depuis un point éloigné » ((ARISTOTE, Rhétorique I, 1357a, Paris, Belles Lettres, 1932, p. 76. Dans la section précédente, Aristote identife trois preuves techniques de la rhétorique : les preuves éthiques, relatives au caractère de l'orateur ; les preuves pathétiques, relatives aux dispositions où l'on met l'auditeur ; les preuves logiques, relatives au discours même, par ce qu'il démontre ou paraît démontrer. Les résultats de Lim suggèrent une disparition de ces dernières au profit des preuves éthiques et pathétiques.)).
Curieusement, il semble que l'anti-intellectualisme de la rhétorique présidentielle moderne s'accompagne d'un certain penchant pour l'abstraction. Selon Lim, les invocations à Dieu ont considérablement augmenté au vingtième siècle (particulièrement durant les années Reagan) tandis que l'usage des mots « liberté », « bonheur » et « égalité » s'est généralisé depuis Theodore Roosevelt. Fait révélateur de l'ampleur de la transformation qui s'est opérée : les références aux idéaux fondateurs de la nation américaine se sont propagées jusque dans les messages annuels au Congrès, censément plus « terre-à-terre » que les discours d'investiture.
Les observations de Lim font écho aux analyses de Jeffrey Tulis aux États-Unis et de Luc Benoît à la Guillaume en France. Pour ces deux spécialistes de politique américaine, il est clair que la rhétorique présidentielle moderne est de plus en plus marquée par la démagogie au détriment de la négociation et de la recherche d'un consensus politique (Tulis, 1987 ; A La Guillaume, 2001) Ils constatent tous deux la disparition progressive du style oratoire délibératif (destiné à présenter un programme d'action concernant l'avenir et donc explicitement politique) au profit d'un style épidictique ((On doit à Aristote d'avoir introduit cette distinction entre genre délibératif, genre judiciaire et genre épidictique. Cf. ARISTOTE, Rhétorique III, 1418a, Paris, Belles Lettres, 1973, pp. 91-92.)), en apparence apolitique, consensuel et cérémonial ((Un extrait vidéo de la célèbre conférence de presse donnée par le général à l'Elysée est disponible sur le site de l'INA : http://m.ina.fr/video/CAF89032821/conference-de-presse-du-general-de-gaulle-a-l-elysee-video.html)).
Pour qui prend au sérieux cette hypothèse d'une abstraction croissante de la rhétorique présidentielle américaine et d'une substitution progressive de l'épidictique au délibératif, l'augmentation des références au « rêve américain » dans les discours de l'exécutif n'a, là encore, rien d'étonnant.
d) Importance du rêve pour unifier une nation de plus en plus diverse
Le recours croissant des présidents au « rêve américain» dans leurs discours peut cependant être rattaché à des considérations plus pragmatiques. Les hommes politiques savent depuis longtemps qu'un discours abstrait et idéaliste, dans lequel l'orateur évite toute controverse, suscite plus facilement l'approbation de l'auditoire. C'est ce que le critique littéraire américain Wayne C. Booth a désigné en 1974 sous le terme de « rhétorique de l'assentiment » ((Cf. Wayne C. BOOTH, Modern Dogma and the Rhetoric of Assent, 1974. Le discours inaugural de George W. Bush en 2001 illustre parfaitement le pouvoir de la « rhétorique de l'assentiment » tant les formulations utilisées rendent l'orateur virtuellement inattaquable : « America has never been united by blood or birth or soil. We are bound by ideals that move us beyond our backgrounds, lift us above our interests and teach us what it means to be citizens ». George W. BUSH, « Inaugural Address », 20 janvier 2001. Source : John T. WOOLEY et Gerhard Peters, The American Presidency Project, Santa Barbara, CA. Disponible à l'adresse suivante : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=25853)).
Par ailleurs, le concept de « rêve américain » permet aux présidents d'unifier rhétoriquement une nation américaine de plus en plus diverse et fragmentée. « Throughout America's history, political candidates have typically aligned themselves with or the other versions of this myth in order to forge a unified national identity », notait justement Joanne Morreale en 1991 (Morreale, 1991). Depuis les années 1970, l'augmentation spectaculaire des chiffres de l'immigration légale (+ 100 % entre 1970 et 2000) et illégale (le nombre d'immigrés clandestins serait passé de 8 à 12,5 millions entre 2000 et 2007, selon le bureau du recensement américain ((Ces statistiques peuvent être consultées sur le site Internet du Bureau du recensement : http://www.census.gov/compendia/statab/cats/population.html))) a rendu ce besoin d'unification encore plus pressant. La conclusion du discours prononcé par Bill Clinton devant le Congrès américain en 2000 (« As long as our dreams outweigh our memories America will be forever young. That is our destiny ») peut ainsi être lue comme un message adressé aux nouveaux arrivants : ce n'est qu'en oubliant leur passé et en adoptant les idéaux américains qu'ils parviendront à s'intégrer et qu'ils assureront la survie de leur patrie d'adoption (Clinton, 2000). Le « rêve américain », en incitant l'immigrant à regarder au-delà de sa condition individuelle et à prendre conscience de la communauté qu'il rejoint, permet de recréer le lien social et de préserver l'intégrité de la nation.
e) Importance du rêve pour redonner confiance à un électorat désabusé
Si le concept de « rêve américain » est de plus en plus présent dans la rhétorique présidentielle depuis les années 1960, c'est peut-être, enfin, parce que la perspective de voir ce rêve se réaliser s'éloigne, paradoxalement, pour une majorité de citoyens. Certes, les États-Unis se sont considérablement enrichis en termes globaux depuis les années 1970, mais cet enrichissement n'a pas profité à l'ensemble de la population. Les revenus du centile le plus riche ont augmenté de 176 % entre 1970 et 2000, là où le revenu médian des foyers américains n'a augmenté que de 21 %. Selon les économistes Heather Boushey et Christian E. Weller, c'est pendant la période 1979-1989 que les inégalités ont explosé aux États-Unis, quand les salaires des travailleurs les plus pauvres se sont mis à chuter brutalement tandis que ceux des travailleurs moyens demeuraient stables (Bouchey & Weller, 2005).
Parallèlement à l'accroissement des inégalités, la mobilité sociale a fortement décliné entre les années 1970 et les années 2000 ((À en croire Boushey et Weller, parmi les fils dont les pères se situaient dans le quart inférieur de l'échelle socio-économique en 1973 (une position définie en fonction du revenu, de l'éducation et de l'activité), 23 % sont parvenus à s'élever pour atteindre le quart de tête. En 1998, seuls 10 % d'entre eux ont pu accomplir une ascension semblable. Source : Heather BOUSHEY et Christian E. Weller, art. cit., pp. 30-40.)). Or, c'est cette mobilité qui est au cœur du « rêve américain ». Ce dernier n'a jamais signifié une croyance dans l'égalité réelle, mais a toujours renvoyé à un idéal d'égalité des chances - la classe sociale dans laquelle un individu naissait ne devait pas déterminer son destin économique. La conclusion de Paul Krugman semble donc justifiée : « America looks more and more like a class-ridden society. [...] Goodbye, Horatio Alger. And goodbye, American Dream » (Krugman, 2004).
Comme Krugman, de plus en plus d'Américains doutent de la validité du « rêve américain ». Deux tiers des citoyens interrogés en 1995 estimaient que le rêve américain était plus difficile à réaliser à leur époque que dans les années 1970 et 1980 ((Sondage cité dans David KAMP, « Rethinking the American Dream », Vanity Fair, avril 2009, p. 141.)). Au début de l'année 2003, 50 % des Américains affirmaient que « le rêve américain [était] devenu impossible à atteindre » ((Idem)). En 2006, ils étaient 54 % à le faire, conduisant un magazine à se poser la question : « Is the American Dream Still Possible? » (Wallenchinsky, 2006)
Les présidents ne peuvent feindre d'ignorer ces interrogations. « For too many families, even when both parents were working, the American Dream has been slipping away », a ainsi admis Bill Clinton dans son second discours sur l'état de l'Union en 1994 ; « Some people aren't sure that dream extends to them », a quant à lui regretté George W. Bush en 2002, tandis que Barack Obama est allé jusqu'à parler d'un « rêve américain à l'envers » en janvier 2009 (Clinton, 1994 ; Bush, 2002 ; Obama, 2009). Pour autant, ils n'ont pas renoncé à faire du rêve un slogan de campagne. Pourquoi ?
Sans doute parce qu'en convoquant le rêve dans leurs discours, ils espèrent conjurer le sort. Ces dernières années, le rêve américain a ainsi survécu comme cliché généraliste dans les discours présidentiels chaque fois qu'il a été question de « relancer » la machine économique américaine. « Perhaps the most durable interest most voters have is the maintenance of the American dream' itself; the promise of a better life, and particularly the promise of a better life for one's children. [...] Reagan promised above all that the American dream could be revitalized », notait ainsi Walter Dean Burnham en 1980 à propos de la campagne présidentielle de Reagan (Burnham, 1981).
Des interprètes plus cyniques du fonctionnement de la politique discerneront dans ces références croissantes au « rêve américain » une volonté de masquer la réalité des inégalités économiques et sociales. La politologue Jennifer Hochschild décrit ainsi le « rêve américain » comme une « idéologie impressionnante » qui permet d'attirer des migrants du monde entier en rendant invisibles les conditions de vie réelles des Américains : « It can be used to club the poor into accepting their lot but it can also be used to make the rich squirm about their luxuries. It encourages people not even to see those aspects of society that make the dream impossible to fulfil for all the Americans » (Hochschild, 1995).
Une chose est sûre en tout cas : le « rêve américain » est devenu une ressource rhétorique indispensable pour les représentants de l'exécutif moderne depuis Roosevelt. Est-ce à dire que tous les présidents donnent à ce rêve le même contenu ?
2. De quel rêve parle-t-on ?
2.1 Un contenu global stable
Selon l'économiste Joseph Daleiden, l'expression « American dream » a été « employée dans des contextes si différents qu'elle ne peut être reliée à aucune signification précise » (« The American dream is a term used in so many different contexts that today it is probably devoid of a common understanding », Daleiden, 1999). S'il est vrai que de multiples définitions du « rêve » existent, il semble néanmoins que le contenu du rêve puisse être ramené à trois ingrédients essentiels : la revendication de la mobilité sociale comme valeur fondamentale, l'espoir d'une vie confortable mais aussi d'un supplément d'âme et le sentiment d'appartenance à une nation à nulle autre pareille. Autrement dit, le « rêve américain » combinerait des valeurs que l'on se plaît d'ordinaire à opposer : égalité et liberté, matérialisme et spiritualité, exceptionnalisme et uniformité ((On doit à Walter Fisher d'avoir exploré ces dichotomies dans un article influent publié en 1973. Cf. Walter FISHER, « Reaffirmation and Subversion of the American Dream », Quarterly Journal of Speech 47, 1973, pp.160-167.)).
Les discours des présidents américains depuis Roosevelt illustrent bien ces tensions et ambiguïtés. Ils attribuent souvent au « rêve américain » un double contenu, tout à la fois matérialiste et moral, individuel et collectif. Ils encouragent les citoyens à travailler dur afin de s'élever dans l'échelle sociale et insistent sur les valeurs d'initiative, de persévérance et d'autonomie qui sont au cœur de l'éthique protestante du travail. « The American dream that we were all raised on is a simple but powerful one - if you work hard and play by the rules you should be given a chance to go as far as your God-given ability will take you », insistait ainsi Bill Clinton devant le Democratic Leadership Council en 1993 (Clinton, 1993). Mais ils les exhortent également à se soucier de la communauté dans laquelle ils vivent et font référence à des valeurs telles que la tolérance, la charité, la compassion et le respect de la dignité humaine. Le discours prononcé par Barack Obama lors de la convention démocrate de 2004, alors qu'il n'était encore que sénateur de l'Illinois, illustre parfaitement cette idée : « It's that fundamental belief - I am my brother's keeper, I am my sister's keeper - that makes this country work. It's what allows us to pursue our individual dreams, yet still come together as a single American family. 'E pluribus unum.' Out of many, one » (Obama, 2004).
Une autre idée apparaît immuable, presque intouchable, dans les discours de l'exécutif moderne : c'est le rêve américain qui aurait permis de construire les États-Unis. C'est notamment lui qui aurait attiré des millions d'immigrants. « Our nation is the enduring dream of every immigrant who ever set foot on these shores, and the millions still struggling to be free », a ainsi déclaré George H.W. Bush dans son discours sur l'état de l'Union de 1990 (Bush, 1990). C'est également lui qui aurait inspiré les principaux mouvements sociaux, politiques et religieux qui ont jalonné l'histoire américaine. On ne compte plus les références au « rêve des Puritains », au « rêve des Pères fondateurs », au « rêve des pionniers » ou au « rêve de Martin Luther King » dans les discours majeurs des présidents depuis Roosevelt :
Why did men come to that once forbidding land? There was a dream - a dream of a place where a free man could build for himself and raise his children to a better life - a dream of a continent to be conquered, a world to be won, a nation to be made. [...] It existed when the first settlers saw the coast of a new world and when the first pioneers moved westward. It has guided us every step of the way (Johnson, 1965).
Martin Luther King's dream was the American Dream. His quest is our quest: the ceaseless striving to live out our true creed. Our history has been built on such dreams and labours (Johnson, 1965).
D'un seul coup, généralement vers la fin de ces discours, la thématique du rêve apparaît, comme si la chose allait de soi, comme si elle constituait un fond de perspective indépassable et qu'on pouvait lui attribuer des vertus explicatives pour l'ensemble de l'histoire commencée à Jamestown en 1607.
Parallèlement cependant, les présidents continuent de présenter le rêve américain comme un idéal jamais totalement réalisé, un projet constamment à (re)construire. « Shall we pause now and turn back upon the road that lies ahead? Shall we call this the promised land? Or, shall we continue on our way? For 'each age is a dream that is dying, or one that is coming to birth' », se demandait ainsi Franklin Roosevelt en 1937 dans son deuxième discours inaugural (Johnson, 20 janvier 1965)
Tout se passe donc comme si, dans la bouche des présidents, le rêve pouvait résumer le passé, le présent et l'avenir des États-Unis, comme s'il pouvait échapper à la contingence, être transhistorique. Le mélange des temps (passé, présent, futur) dans les extraits reproduits ci-dessous exprime bien cette pérennité du rêve :
This nation, this idea called America, was always and always will be a new world - our new world (Roosevelt, 1937).
Much time has passed since Jefferson arrived for his inauguration. The years and changes accumulate. But the themes of this day he would know: our nation's grand story of courage and its simple dream of dignity (Bush, 2001).
2.2 Mais des différences non négligeables
Si le contenu global du rêve semble immuable dans les discours de l'exécutif depuis 1937, chaque président apporte néanmoins sa touche personnelle. Chez Lyndon Johnson, par exemple, le rêve est devenu synonyme d'activisme en faveur de l'égalité politique et économique des citoyens américains. Pour le 36e président, rêver, c'était déjà agir. Et lorsqu'il a rappelé à ses concitoyens le contenu des rêves de son prédécesseur dans la première section du discours sur l'état de l'Union qu'il a prononcé le 27 novembre 1963, il a simultanément exposé son programme d'action pour les années à venir :
The dream of conquering the vastness of space - the dream of partnership across the Atlantic - and across the Pacific as well-the dream of a Peace Corps in less developed nations - the dream of education for all of our children - the dream of jobs for all who seek them and need them - the dream of care for our elderly - the dream of an all-out attack on mental illness - and above all, the dream of equal rights for all Americans, whatever their race or color - these and other American dreams have been vitalized by his drive and by his dedication. And now the ideas and the ideals which he so nobly represented must and will be translated into effective action (Jonhson, 1963).
Jimmy Carter, lui, a proposé une vision beaucoup plus modeste du rêve dans son discours inaugural de 1977. Loin de promettre une ère de changement et de progrès social, il a appelé les Américains à se contenter de leurs vieux idéaux et à reconnaître les limites de ce que les États-Unis pouvaient accomplir : « The bold and brilliant dream which excited the founders of our nation still awaits consummation. I have no new dream to set forth today, but rather urge a fresh faith in the old dream » (Carter, 1977). Beaucoup de commentateurs se sont étonnés de cette alliance entre « rhétorique du rêve » et « rhétorique de la stagnation », si peu commune chez les présidents. De fait, le discours de Carter a été assez mal perçu par l'opinion publique ((Lire sur ce point Halford R. RYAN (dir.), U.S. Presidents as Orators: A Bio-Critical Sourcebook, Westport, CN, Greenwood Press, 1995, pp. 303-304.)).
L'arrivée de Reagan au pouvoir en 1980 a sonné l'heure de la réconciliation entre « rêve américain » et ambition. Pour le 39e président, tout citoyen américain était un héros potentiel et le rêve était accessible à tous ceux qui se donnaient les moyens de réussir :
We have every right to dream heroic dreams. Those who say that we are in a time when there are no heroes just don't know where to look. [...] Now, I have used the words « they » and « their » in speaking of these heroes. I could say « you » and « your » because I am addressing the heroes of whom I speak - you, the citizens of this blessed land (Reagan, 1981).
Afin d'en convaincre le peuple américain, Reagan n'a cessé de parsemer ses discours de récits modelés sur ceux d'Horatio Alger. Ainsi, il a fait en 1985 l'éloge du sergent Jean Nguyen, immigrée vietnamienne qui avait choisi de servir son pays d'adoption en rejoignant l'académie militaire de West Point :
Ten years ago a young girl left Vietnam with her family, part of the exodus that followed the fall of Saigon. They came to the United States with no possessions and not knowing a word of English. Ten years ago - the young girl studied hard, learned English, and finished high school in the top of her class. And this May, May 22nd to be exact, is a big date on her calendar. Just ten years from the time she left Vietnam, she will graduate from the United States Military Academy at West Point. I thought you might like to meet an American hero named Jean Nguyen (Reagan, 1985).
Ailleurs, il a célébré les vertus de l'entrepreneur qui, parti de rien, contribue à relancer la machine économique et à préserver la bonne santé morale de la nation:
They are the entrepreneurs, the builders, the pioneers, and a lot of regular folks - the true heroes of our land who make up the most uncommon nation of doers in history. You know they're Americans because their spirit is as big as the universe and their hearts are bigger than their spirits (Reagan, 1987).
La référence à ces « héros ordinaires » (ou, pour reprendre une expression du politologue Craig Smith, « extraordinairement ordinaires ») (Smith, 1987) était censée suffire à démontrer l'existence du rêve.
L'insistance du président sur l'actualisation du rêve à différentes époques, y compris dans les années 1980, n'était pas innocente. Il s'agissait pour Reagan d'envoyer un message politique clair : les Américains n'avaient pas besoin du gouvernement pour atteindre leurs objectifs. L'intervention du gouvernement dans l'économie risquait même d'entraver la mobilité sociale en remplaçant l'égalité des chances qui était au cœur du concept de « rêve américain » par une égalité de fait. Ce n'est qu'en se concentrant sur les valeurs individuelles (la foi, la famille et le travail) que la nation américaine pourrait progresser. Ainsi, le concept de « rêve américain » s'est trouvé chez Reagan mis au service d'un programme économique visant à substituer au paradigme traditionnel keynésien un nouveau paradigme basé sur la dérégulation et la déréglementation. Lorsqu'il a quitté la Maison-Blanche, le 39e président s'est éloigné de cette vision « néo-libérale », rappelant la nécessité de l'intervention étatique dans l'économie pour créer les conditions du progrès social ((Cf. John M. JONES et Robert C. Rowland, « A Covenant-Affirming Jeremiad: The Post-Presidential Ideological Appeals of Ronald Wilson Reagan », Communication Studies 56, 2005, pp. 157-74.)). Il n'empêche que ses discours ont permis l'émergence d'une nouvelle conception du « rêve américain », à la fois plus individualiste et matérialiste. Cette redéfinition du concept a profondément modifié le paysage politique américain de la fin du vingtième siècle.
Ce n'est pas la moindre réussite de Bill Clinton que d'avoir (momentanément) brisé cette association entre « rêve américain » et néo-libéralisme. Dans le discours qu'il a prononcé lors de la Convention nationale démocrate en juillet 1992, il a souligné le besoin d'associer de nouveau responsabilité individuelle et responsabilité collective au sein d'une « nouvelle alliance » (New Covenant) (Clinton, 1992). Après avoir rappelé qu'au centre du concept de « rêve américain » se situait l'idée selon laquelle « tout travail mérite récompense » (« the American dream was built on rewarding hard work »), il a ajouté « We can do better », comme pour indiquer que la communauté ne faisait pas assez pour aider ceux qui travaillaient dur à réaliser leur rêve. Plus loin, dans une longue section consacrée aux problèmes négligés par son concurrent républicain durant son mandat, il s'est emparé d'une célèbre réplique d'Abraham Lincoln au général McClellan (« If you're not going to use your army, may I borrow it? »)pour indiquer son intention de mettre le pouvoir de l'exécutif (et, plus largement, de l'État) au service de tous les Américains : « George Bush, if you won't use your power to help people, step aside, I will » (Clinton, 1992) Si la notion de responsabilité individuelle n'a pas complètement disparu du discours (Clinton y a fait allusion plus loin afin de préparer l'électorat à la nécessaire réforme de l'aide sociale), la version clintonienne du « rêve américain » a néanmoins accordé plus d'importance à la responsabilité collective. « We need a new government for a new century, humble enough not to try to solve all our problems but strong enough to give us the tools to solve our problems for ourselves », a d'ailleurs répété le 41e président dans son second discours inaugural (Clinton, 1997).
En juillet 2004, Barack Obama a repris le flambeau de Bill Clinton, insistant lui aussi sur la double dimension, individuelle et communautaire, du « rêve américain » dans son discours de soutien à John Kerry (Obama, 2004). Après avoir décrit les États-Unis comme un « lieu magique », un « modèle de liberté et d'opportunité » et rappelé que sa propre ascension n'aurait pas pu avoir lieu dans un autre pays (« In no other country on earth is my story even possible »), le sénateur de l'Illinois a insisté sur le fait que le succès ne dépendait pas que de qualités individuelles mais également du dégré de solidarité d'une société : « Alongside our famous individualism, there's another ingredient in the American saga, a belief that we are connected as one people » (Obama, 2004). Plus loin, il a insisté sur le caractère inachevé du « projet américain » tel qu'il se présentait en 2004, évoquant d'abord le sort de ces travailleurs qui, suite à la délocalisation de leur entreprise au Mexique, « devaient concurrencer leurs propres enfants sur des emplois rémunérés sept dollars de l'heure », puis celui de ce père qui, ayant perdu son travail, ne pouvait plus payer les médicaments dont son fils avait besoin. Il a relié ces deux anecdotes au moyen de l'expression : « We have more work to do ». Que désignait ce « we » ? La fin du paragraphe a montré qu'il s'agissait de l'État fédéral. « [Americans] sense, deep in their bones, that with just a slight change in priorities, we can make sure that every child in America has a decent shot at life and that the doors of opportunity remain open to all. They know we can do better », a assuré le futur candidat à l'élection présidentielle (Obama, 2004). Derrière la critique de la politique économique de l'administration Bush s'est profilé ici un autre message : le « rêve américain » ne peut être réalisé qu'avec la collaboration d'un État efficace et généreux. Au « rêve individualiste » de Reagan, centré sur des figures héroïques, Obama a opposé le « rêve communautaire » élargi à la nation toute entière. Durant la campagne présidentielle de 2008, c'est le mot « espoir » qui en est venu à résumer ce rêve collectif. En entrelaçant de la sorte les notions de responsabilité individuelle et de responsabilité collective, Barack Obama a donc permis au Parti démocrate de réutiliser l'expression « rêve américain » sans renier les grands principes qui le guident depuis les années 1930 ((Lire à ce sujet Robert C. ROWLAND et John M. Jones, « Recasting the American Dream and American Politics: Barack Obama's Keynote Address to the 2004 Democratic National Convention », Quarterly Journal of Speech, 93 : 4, novembre 2007, pp. 425-448.)).
2.3 Derrière l'épidictique, le délibératif
Ce que ce bref parcours fait apparaître, c'est que les références au rêve ne sont jamais neutres dans les discours présidentiels. Alors qu'elles semblent relever de l'épidictique, du consensuel, de la « religion civile américaine » ((Ce concept, forgé par le sociologue américain Robert Bellah dans les années 1960, fait référence à l'association du religieux et du politique cultivée par les dirigeants américains depuis le XVIIIe siècle.)), on s'aperçoit finalement qu'elles sont chargées idéologiquement et qu'elles relèvent par conséquent du délibératif. Chez Johnson, l'évocation du « vieux rêve » a ainsi servi à lancer un programme ambitieux de « Grande société » fondé sur l'intervention de l'État fédéral. Chez George W. Bush, elle a été mise au service de la promotion d'une politique de lutte contre la pauvreté fondée, non plus sur l'État-providence, mais au contraire sur l'action caritative, les fameuses « faith-based and community initiatives » chères aux Républicains conservateurs. Ainsi, par-delà son apparence constatative, l'expression « American dream » se révèle posséder un rôle performatif de création des valeurs. On pourrait en cela la rapprocher d'autres formules plus anciennes comme celles de « Manifest destiny » et de « Melting pot », par exemple.
Globalement, il semble que les présidents démocrates aient tendance à souligner les limites du rêve, son caractère jamais entièrement accompli. Ainsi, le second discours d'investiture de FDR en 1937 a repris en l'adaptant aux années 1930 la rhétorique du Pilgrim's Progress de John Bunyan : l'homme liberal progresse vers la Cité céleste américaine, c'est-à-dire le welfare state, en évitant les embûches et en repoussant les tentations. Quant au discours d'investiture de Lyndon B. Johnson en 1965, il a adapté à l'Amérique des années 1960 la vieille rhétorique puritaine du covenant. Les présidents républicains tendent, eux, à préconiser un retour aux recettes du passé. Pour eux, le rêve est un acquis que seule l'intervention de l'État dans le domaine économique pourrait mettre en danger. Tout Américain, dès lors qu'il s'y emploie avec suffisamment de détermination et de discipline, peut atteindre le confort matériel et spirituel.
Ainsi, le concept de « rêve américain » fait l'objet d'une lutte constante entre démocrates et républicains, tous deux désireux de se l'approprier afin de rassembler les Américains autour de leur projet politique ((Le mot « liberal » a été au centre d'une lutte similaire entre démocrates et républicains dans les années 1930 aux États-Unis. Roosevelt, au grand dam de son prédécesseur Herbert Hoover qui se voulait le gardien de la vraie tradition « libérale », l'a détourné de son sens traditionnel pour lui donner son sens moderne interventionniste en politique étrangère et en politique intérieure.)). Ce qui est en jeu dans cette lutte, ce n'est rien de moins que l'avenir de l'Amérique.
3. Le « rêve américain » au service de la présidence
On vient de voir que les références au « rêve américain » dans les discours présidentiels ne visaient pas simplement à rassembler le peuple américain mais servaient également à promouvoir un programme politique précis. Cet aspect, aussi important soit-il, ne doit pas faire oublier un troisième usage du « rêve », qui est de renforcer la fonction présidentielle elle-même.
3.1 Un rêve dont le président est le héros
Depuis les années 1960, et de manière encore plus marquée depuis les années 1980, les présidents n'hésitent plus à se présenter comme l'incarnation la plus aboutie de l'American dream. Le caractère à la fois individuel et collectif de leur fonction (ils sont les seuls détenteurs du pouvoir exécutif, mais ils représentent l'ensemble du peuple américain) favorise indubitablement cette association.
En 1992, lorsque le service postal des États-Unis (U.S. Postal Service) a proposé à Gerald Ford de parrainer sa collection de timbres « American dream », destinée à fêter le 500e anniversaire du débarquement de Christophe Colomb en Amérique, le successeur de Nixon a ainsi tenu à rappeler combien la fonction présidentielle incarnait à merveille les promesses du « rêve américain » :
« As President, I had a rare opportunity to discover the American Dream in a way that might never have been open to me otherwise. [...] I invite you to celebrate with me both Columbus's dream of a new world and your and my American Dream as well. The connection, I believe, is most appropriate » ((« The American Dream: The People, the Hope, the Glory, 1492-1992 », United States Postal Brochure, 1992. Cité dans Jennifer L. HOCHSCHILD, Facing Up to the American Dream, p. xxii.)).
La même année, Bill Clinton a fait de son ascension depuis la petite ville de Hope, dans l'Arkansas, jusqu'aux portes de la Maison-Blanche l'emblème du succès « à l'américaine ». « When I think about opportunity for all Americans, I think about my grandfather. He ran a country store in our little town of Hope. [...] My fellow Americans, I end tonight where it all began for me - I still believe in a place called Hope », a-t-il déclaré lors de la convention nationale du Parti démocrate le 16 juillet (Clinton, 1992). Les spots télévisés crées par Harry Thomason et Linda Bloodworth-Thomason pour la campagne présidentielle de 1992 ont bien souligné cet arc narratif typique des histoire d'Horatio Alger. On y voit le candidat Clinton, rebaptisé pour l'occasion « The Man from Hope », évoquer son enfance modeste, sa rencontre avec John Kennedy en 1963 (« I remember just thinking what an incredible country this was, if somebody like me would be given the opportunity to meet the president ») puis le travail qu'il accompli en tant que sénateur de l'Arkansas ((Ces clips de campagne peuvent être visionnés sur Internet à l'adresse suivante : http://www.livingroomcandidate.org/commercials/1992/journey)). Là encore, l'accession à la Maison-Blanche est présentée comme le couronnement ultime d'une carrière, la concrétisation parfaite du « rêve américain » ((Clinton reviendra de nouveau sur la valeur exemplaire de son parcours en 2001 : « I believe in the American Dream. I have lived it. Where else could an ordinary boy from Hope, Arkansas, grow up to become President? [...] During the eight years I was privileged to serve as President of the United States, I thought about the American Dream every day ». Bill CLINTON, « Preface », in Andreas BLUHM et Stephen L. WHITE (dir.), The Photograph and the American Dream, 1840-1940, Amsterdam, Van Gogh Museum, 2001.)).
George W. Bush a tenté de faire revivre la promesse de mobilité sociale qui animait la rhétorique de son prédécesseur en escamotant ses origines privilégiées (son statut de fils de président et de petit-fils de sénateur, en particulier) et en se présentant sous les traits d'un « cow-boy texan » au parcours semé d'embûches. Dans son allocution du 21 mai 2001 à l'université de Yale, il a ainsi insisté sur sa propre médiocrité intellectuelle, expliquant qu'il avait passé de nombreuses heures à ronfler dans la bibliothèque universitaire (Bush, 21 mai 2001). Le paradoxe de ce discours, c'est qu'il mêle l'autocritique à la célébration. En évoquant sa paresse et son ignorance, Bush montre que tous les Américains, y compris ceux dont les aptitudes intellectuelles sont limitées, peuvent devenir président : « And to the C students I say: you too can be president of the United States » (Bush, 21 mai 2001). Et donc, que le rêve américain est une réalité.
Plus qu'aucun autre homme politique, Barack Obama s'est présenté comme l'incarnation du « rêve américain ». Dans son discours à la convention nationale démocrate de 2004, celui qui n'était encore que sénateur de l'Illinois a évoqué les « grand rêves » conçus par son grand-père paternel et que son père a réalisés en venant étudier dans un « endroit magique : l'Amérique » (Obama, 2004). Un peu plus loin, il a souligné l'importance des valeurs de travail et d'effort pour son grand-père maternel en rappelant que celui-ci avait travaillé sur des plates-formes pétrolières et dans des exploitations agricoles avant de s'engager volontairement dans l'armée du général Patton au moment de l'attaque de Pearl Harbor. Dans le quatrième paragraphe de son discours, il a explicitement fait le lien entre son histoire personnelle et le destin de la nation américaine lorsqu'il a déclaré : « [M]y story is part of the larger American story » (Obama, 2004).
À première vue, les discours de Ronald Reagan semblent s'être moins appesantis sur l'héroïsme du détenteur du pouvoir exécutif que ceux d'Obama, Clinton, Bush Jr. et Ford. Le 39e président n'a-t-il pas fait l'éloge des « Américains ordinaires » dans son second discours d'investiture (« the quiet everyday heroes of American life ») ? (Reagan, 20 janvier 1985) Mais, à bien y regarder, les figures qui s'y trouvent célébrées sont toujours, soit des héros militaires comme Jean Nguyen ou Jeremiah Denton (ex-prisonnier de guerre devenu sénateur républicain de l'Alabama), soit des entrepreneurs comme Carlos Perez (réfugié cubain qui a créé sa propre entreprise d'import-export avec 27 dollars en poche) ou Barbara Proctor (directrice d'une grande agence de publicité née dans un quartier pauvre de Chicago), soit des artistes comme Michael Jackson ou James Cagney. Pourquoi ? Sans doute parce que ces personnages ont permis à Reagan de célébrer les principes qui le guidaient lui-même en tant que président : patriotisme, capitalisme et populisme. Derrière Denton, Perez et les autres, il faut voir l'ancien acteur, divorcé, malheureux, qui a pris en main son destin et décidé de se lancer dans la politique afin de faire triompher les valeurs du Parti républicain. Le vrai héros du « rêve reaganien », c'est ainsi le président lui-même.
3.2 Sans le président, pas de rêve ?
Pourquoi les présidents tiennent-ils absolument à présenter leur itinéraire comme l'incarnation parfaite du « rêve américain » ? D'abord, parce qu'un tel récit accrédite l'idée selon laquelle la mobilité sociale est toujours possible aux États-Unis et donc entretient la croyance dans le rêve. C'est ce qu'ont bien noté les politologues Robert C. Rowland et John M. Jones en 2007 :
The particular actions of the hero in stories enacting the American Dream [...] provide a kind of rhetorical proof that commitment to the values inherent in the American Dream will lead to its achievement. The victory of the hero in the American Dream romance is proof of the validity of the American Dream itself (Rowland & Jones, 2004).
Mais surtout, parce qu'il permet aux présidents de conforter leur statut d'interlocuteur privilégié de leurs concitoyens.
Depuis le début du vingtième siècle, la présidence n'a cessé d'accroître son poids au sein du système politique américain. Avec l'ascension des États-Unis comme puissance mondiale, elle a gagné de nouvelles responsabilités dans la gestion des affaires nationales. Elle s'est impliquée plus directement dans le travail des bureaucraties et des commissions du Congrès ; elle a sollicité directement le soutien de groupes sociaux particuliers. Avec l'émergence de nouveaux moyens de communication de masse, la mondialisation et l'intensification de la concurrence internationale dans les années 1970, l'institution a pris un tour moins pluraliste. La sélection des candidats à la présidence est passée des conventions des partis aux élections primaires centrées autour de la personne des candidats. Les présidents depuis Roosevelt cultivent une relation politique de plus en plus directe avec le public. Ils cherchent constamment à passer par-dessus la tête des élites de l'establishment washingtonien, dans l'espoir que leur stature publique contraindra celles-ci à suivre leur leadership.
Ce tournant plébiscitaire, bien décrit par Richard Neustadt, Barbara Hinckley et Stephen Skowronek (Neustadt, 1960 ; Hinckley, 1990 ; Skowronek, 1997), est facilement attesté par une étude comparée des discours d'investiture et des « messages annuels au Congrès » prononcés par les présidents au XIXe et au XXe siècles. Tandis qu'au moment de son entrée en fonction, Martin Van Buren exprimait sa peur de « ne pas s'acquitter de manière adéquate d'une charge si difficile » (« If such men in the position I now occupy felt themselves overwhelmed by a sense of gratitude for this the highest of all marks of their country's confidence, and by a consciousness of their inability adequately to discharge the duties of an office so difficult and exalted, how much more must these considerations affect one who can rely on no such claims for favor or forbearance! », Van Buren, 1837) et que Franklin Pierce se lamentait de n'être pas « né pour assumer une fonction que d'autres étaient mieux à mêmes d'exercer » (« It is a relief to feel that no heart but my own can know the personal regret and bitter sorrow over which I have been borne to a position so suitable for others rather than desirable for myself », Pierce, 1853), Franklin Roosevelt a annoncé sur un ton triomphant qu'il était prêt à « assumer [...] la direction de cette grande armée, le peuple américain » (« With this pledge taken, I assume unhesitatingly the leadership of this great army of our people dedicated to a disciplined attack upon our common problems ». Roosevelt, 1933) et Bill Clinton a déclaré, non sans une certaine dose de mauvaise foi, que son élection traduisait une approbation indubitable de son programme de campagne : « You have raised your voices in an unmistakable chorus » (Clinton, 1993). De manière générale, les références au pouvoir législatif (« Sénat », « Chambre des représentants ») et au pouvoir judiciaire (« Cour Suprême », « Constitution ») ont été supplantées par les références au pouvoir exécutif et au peuple américain depuis les années 1930 ((Elvin LIM, art. cit., pp. 339-341.)). Les présidents modernes sont de plus en plus enclins à se présenter comme les uniques porte-paroles de la volonté populaire et à minimiser le pluralisme du système gouvernemental américain.
Ce statut de porte-parole n'est pas incontesté. En plus des contraintes institutionnelles qui pèsent sur sa fonction, le président moderne fait l'objet de pressions constantes de la part d'autres acteurs du jeu politique tels que l'opinion publique, les groupes d'intérêt et les médias. Dans ce contexte, il a tout intérêt à faire appel aux mythes fondateurs de la nation américaine pour renforcer sa position. En se décrivant comme l'unique dépositaire des rêves de ses concitoyens, le chef de l'exécutif peut prendre l'avantage sur le plan rhétorique et, éventuellement, sur le plan électoral. L'équation « présidence = personnification du rêve américain » a, de ce fait, tendance à devenir « sans président = pas de rêve américain » dans la rhétorique présidentielle moderne. En 1933, Roosevelt s'est ainsi présenté comme l'unique rempart contre la crise économique et les « money changers » dans son discours d'investiture :
The joy and moral stimulation of work no longer must be forgotten in the mad chase of evanescent profits. [...] The people of the United States have not failed. In their need they have registered a mandate that they want direct, vigorous action. They have asked for discipline and direction under leadership. They have made me the present instrument of their wishes. In the spirit of the gift I take it (Roosevelt, 1933).
Ronald Reagan s'est exprimé en des termes similaires en 1981 :
Now, I have used the words « they » and « their » in speaking of these heroes. I could say « you » and « your, » because I'm addressing the heroes of whom I speak - you, the citizens of this blessed land. Your dreams, your hopes, your goals are going to be the dreams, the hopes, and the goals of this administration, so help me God. [...] Can we solve the problems confronting us? Well, the answer is an unequivocal and emphatic "yes." To paraphrase Winston Churchill, I did not take the oath I've just taken with the intention of presiding over the dissolution of the world's strongest economy (Reagan, 1981).
En 2009, Barack Obama a lui aussi tenu à rappeler qu'il était le seul gardien des aspirations de ses concitoyens lors du sommet du G-20 à Londres :
I'm not the President of China, I'm not the President of Japan, I'm not the President of the other participants here. And so I have a direct responsibility to my constituents to make their lives better. That's why they put me in there. That accounts for some of the questions here, about how concretely does me being here help them find a job, pay for their home, send their kids to college, live what we call the American Dream. And I will be judged by my effectiveness in meeting their needs and concerns (Obama, 2 avril 2009).
On le voit ici, la référence au rêve américain dans la rhétorique présidentielle n'a pas pour seuls objectifs d'unifier la nation américaine et de soutenir un programme politique partisan : elle sert également à conforter l'avantage de l'exécutif au sein du système politique américain en donnant du président l'image d'un homme prêt à tout pour que ses concitoyens prospèrent économiquement et moralement. Dans tous les cas, elle apparaît comme une ressource rhétorique et politique indispensable pour une institution qui, depuis Roosevelt, semble en quête permanente de crédibilité.
Conclusion
Partis d'une simple étude statistique des occurrences de l'expression « American dream » dans les discours présidentiels depuis les années 1930, nous avons pu constater à quel point la popularité du concept s'était accrue au cours des XXe et XXIe siècles (Barack Obama l'utilise aujourd'hui au rythme de deux fois par semaine environ). Cinq grandes raisons ont été avancées pour expliquer ce succès grandissant : l'influence de la prose de James Truslow Adams et de Martin Luther King sur la rhétorique présidentielle moderne ; les contraintes rhétoriques propres aux discours présidentiels, qui poussent le chef de l'exécutif à reprendre des formules héritées de ses prédecesseurs afin de renforcer sa légitimité ; une propension de plus en plus marquée à l'abstraction rhétorique à la recherche du consensus, qui se traduit par l'émergence d'un style épidictique ; la nécessité d'unifier une nation de plus en plus diverse du fait de l'immigration ; le besoin, enfin, de redonner confiance à une population consciente du renforcement des inégalités sociales et économiques depuis les années 1970.
Dans la seconde partie de l'article, nous nous sommes attachés à décrire de manière plus détaillée le contenu du rêve tel qu'évoqué par les présidents américains depuis Roosevelt. Nous avons alors observé qu'en dépit de son apparente neutralité idéologique, le concept masquait des tensions fortes entre liberté et égalité, entre individualisme et collectivisme, entre matérialisme et moralisme. Tandis que Richard Nixon et Ronald Reagan ont insisté sur son aspect matériel et individuel, Lyndon Johnson et Bill Clinton ont plutôt mis en avant sa dimension égalitaire et collective, par exemple. Ces observations nous ont conduits à émettre l'hypothèse d'un conflit entre deux grandes versions du rêve américain : une version démocrate et une version républicaine.
La distance qui sépare le « rêve démocrate » du « rêve républicain » ne doit cependant pas être exagérée. Dans la troisième et dernière partie de ce texte, nous avons montré que la référence présidentielle à l'« American dream », plus qu'un moyen de réaffirmer l'identité partisane du chef de l'exécutif, constituait avant tout un moyen de séduire le peuple américain et, partant, d'accentuer l'avantage politique du président au sein d'un système gouvernemental devenu de plus en plus complexe et compétitif. Il faut donc relier l'histoire des usages présidentiels du « rêve américain » à l'histoire de l'institution elle-même, et notamment au tournant plebiscitaire qui la marque depuis les années 1960. Derrière la rhétorique, il y a, encore et toujours, la politique.
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Pour citer cette ressource :
Aurélie Godet, Le rêve américain dans la rhétorique présidentielle américaine moderne (1937-2010), La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), août 2010. Consulté le 22/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/domaine-americain/le-reve-americain/le-reve-americain-dans-la-rhetorique-presidentielle-americaine-moderne-1937-2010