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Les journées internationales de la Hanse : l’exemple de Herford 2013

Par Nicolas Escach : Allocataire-moniteur - ENS de Lyon
Publié par mduran02 le 18/07/2013

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Le réseau « Hanse des temps nouveaux », créé en 1980 à Zwolle, s'inscrit dans un mouvement de redécouverte de la Hanse. Aujourd’hui, faire partie d'un réseau régional dont le nom renvoie à une symbolique positive, peut donner les meilleures chances de tirer profit de la mondialisation. Chaque année, les villes de la « Hanse des temps nouveaux » se réunissent au cours des « journées internationales de la Hanse ». En juin 2013, la commune de Herford, située en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, organisait ces journées. L'étude de photographies réalisées pendant ces journées permet d'identifier l'imaginaire, le discours et l'iconographie mis en avant par les organisateurs et les participants. Elle révèle la nécessité, notamment pour des villes de moyenne ou petite taille, de mobiliser un univers culturel teinté de mythes dans un contexte de rivalité exacerbée entre acteurs locaux.

Créé en 1980 après « l’appel de Zwolle », le réseau « Hanse des Temps Nouveaux » rassemble aujourd’hui 181 villes de 16 pays différents. Il participe d’une remobilisation de l’imaginaire hanséatique au cours des décennies 1980 et 1990 par des acteurs politiques baltiques. En Allemagne, le président du land Schleswig-Holstein, Björn Engholm théorise dès 1988 le concept de « Nouvelle Hanse » afin de prévenir une marginalisation de l’espace baltique dans une Europe en pleine recomposition.

La « Hanse des temps nouveaux » ou « Nouvelle Hanse » est certainement le réseau de villes baltiques qui présente les limites géographiques les plus larges. Les critères d’adhésion considèrent la présence de la ville dans les archives médiévales et le caractère urbain de la localité à l’époque du Moyen Âge. Cependant, un certain nombre d’anciens comptoirs sont intégrés notamment en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Le réseau s’étend donc de la Rochelle à l’ouest, à Novgorod à l’est. Il s’organise autour d’un conseil (Präsidium) constitué de représentants de villes (Inger Harlevi, Henk Jan Meijer, Olga Popova, Manfred Schürkamp) et traditionnellement dirigé par le maire de Lübeck. Le suivi administratif des projets et la coordination des activités sont assurés par un bureau, lui aussi situé à Lübeck. Le conseil est appuyé par le travail de la commission (Kommission) qui associe des villes choisies pour représenter les pays membres. Élues pour trois ans, elles sont chargées de proposer des nouveaux projets et appuient l’organisation d’événements. En fonction de l’importance relative du pays dans le réseau, plusieurs représentants nationaux peuvent être élus : l’Allemagne qui rassemble 56% des villes compte ainsi cinq représentants. Le fonctionnement de la commission explique que des journées nationales de la Hanse soient organisées à l’image des rencontres de villes polonaises ou russes. Le réseau chapeaute également des réseaux plus modestes comme la Hanse westphalienne (Westfälischer Hansebund) créée en 1983 ou la Hanse rhénane (Rheinische Hanse) établie en 2010.

Chaque année, les membres de la « Hanse des temps nouveaux » se retrouvent dans une ville différente au cours de journées internationales de la Hanse. Elles sont l’occasion pour les municipalités de se présenter, de nouer de nouveaux contacts et de rechercher des investisseurs et partenaires potentiels. Elles constituent une fête populaire avec la programmation de concerts, de pièces de théâtre et la tenue d’un marché où chaque participant expose ses spécialités culinaires et ses principaux atouts. Parallèlement, des réunions politiques rassemblent les délégués des villes baltiques. Après un travail au sein de groupes thématiques (économie, tourisme, jeunesse), l’assemblée plénière de l'ensemble des villes tranche sur les questions relatives aux activités du réseau. Le slogan choisi chaque année pour promouvoir l’événement reflète l’évolution des préoccupations de l’organisation : d’abord une plus grande convergence entre les villes issues des deux anciens blocs soviétique et atlantiste, puis une européanisation de l’ensemble de la région avec les adhésions nordiques et orientales à l'Union Européenne en 1995 et 2004, avant l’ouverture de discussions sur la meilleure manière de compter dans la mondialisation économique.

Herford, une ville située en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à 15 km de Bielefeld, accueillait, du 13 au 16 juin 2013, les journées internationales de la Hanse. Pour la première fois, elles ont été précédées les 12 et 13 juin 2013 de la création d’une nouvelle Hanse économique (Business Hanse) censée compléter la nouvelle Hanse des villes sous un même label. Le volet économique vise l’intégration d’entreprises, d’universités et de centres de recherche autour de valeurs communes. Elle doit faciliter la prise de contact entre des entrepreneurs situés dans des pays différents recherchant la complémentarité et la synergie de leurs activités autour d’une image de durabilité et de créativité. Les fondateurs du projet de nouvelle Hanse économique, entreprises et municipalités, signent une charte dans laquelle ils s’engagent à respecter les valeurs historiques de la Hanse : l’honnêteté, la probité, la fiabilité, l’équité, la confiance et la responsabilité. La nouvelle Hanse économique doit permettre une meilleure confiance et une plus grande compréhension au-delà des frontières nationales. Les valeurs sont mises en avant comme argument concurrentiel afin de justifier l’existence d’un club fermé, que seules quelques villes pourront rejoindre, et qui garantira vis-à-vis de l’extérieur une certaine éthique dans les rapports commerciaux. Ce discours s’inscrit dans la concurrence généralisée qui touche les villes et les entreprises depuis les années 80 et participe d’une prise en compte du risque de marginalisation de la Baltique dans les processus globaux et européens.

Les journées internationales de la Hanse sont l’occasion de mettre en avant de multiples symboles. Elles sont des outils de communication essentiels pour les villes et pour le réseau. Une étude iconographique à partir du cas de Herford permet d’identifier ces emblèmes et les raisons de leur mobilisation.

Fondation d’une nouvelle Hanse économique (Herford, 12-13 juin 2013)

Photo n°1 :

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Le cogue (Kogge), un bateau à voile carrée et à fond plat utilisé à l’époque de la Hanse pour transporter les marchandises, est devenu le logo du réseau « Hanse des temps nouveaux » créé en 1980 à Zwolle. Il est présent à l’entrée de l’ancienne gare de marchandises de Herford (Alter Güterbahnhof) qui accueille la création d’une nouvelle Hanse économique.

Photo n°2 (à télécharger) et Photo n°3 (à télécharger) :

Les partenaires académiques du projet de nouvelle Hanse économique sont représentés sur une carte à l’aide de fils de laine. L’ensemble laisse apparaître une Baltique aux limites relativement larges, support de liens est/ouest la plupart du temps tournés vers l’Allemagne.

Photos n°4 et 5 :

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En amont de la signature de la charte, plusieurs sessions rassemblent des universitaires, des représentants des villes hanséatiques, des agences marketing, des entreprises et des consultants. Ce forum est par exemple l’occasion pour les acteurs publics de présenter les atouts de leurs villes afin d’attirer des investisseurs.

La ville de Riga, à travers l’intervention du directeur de la division investissement au sein de la municipalité, met en avant l’intérêt d’une coopération régionale dans un monde où la Baltique risque de se trouver marginalisée. L’économie des villes hanséatiques ne représenterait que 3% à 4% de l’économie mondiale. Le directeur débute son intervention par un sondage et les questions qu’il pose à l’assistance visent à révéler cette situation de périphérie. Où le plus grand centre commercial du monde se trouve-t-il ? Où l’immeuble le plus haut a-t-il été construit ? Dans quel pays l’homme le plus riche de la planète habite-t-il ? Les réponses montrent l’absence des pays européens dans un monde en recomposition. Dans ces conditions, la coopération offre l’opportunité de panser cette fragilité et de développer une stratégie plus cohérente à petite échelle. La plupart des conférenciers insistent également sur les valeurs véhiculées par la marque « Hanse » : le respect, la réussite, la sympathie, la confiance. Celles-ci sont régulièrement associées à une image de durabilité et d’éthique sociale : les entreprises hanséatiques respecteraient l’environnement, leurs employés et leurs partenaires. Cette position reflète bien sûr la réinterprétation romantique de la Hanse en Allemagne au XIXe siècle. La question des valeurs morales est particulièrement pertinente pour un discours marketing qui s’inscrit dans un contexte de crise économique et politique, et de défiance des citoyens européens vis-à-vis des gouvernements et du système économique.

Photo n°6 (à télécharger) :

Des panneaux publicitaires sont installés sur le podium qui accueille les intervenants du séminaire inaugural de la nouvelle Hanse économique. La volonté de construire une identité régionale afin de peser plus fortement dans la mondialisation est clairement affichée à travers deux slogans : « des valeurs anciennes pour une nouvelle époque », et « des stratégies gagnantes pour des marchés globalisés ». En bas à gauche, le logo de la Nouvelle Hanse des villes représentant un cogge doté d’une voile blanche et rouge.

Journées internationales de la Hanse (Herford, 13-16 juin 2013)

Photo n°7 :

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Les soirées sont un moment important des journées internationales de la Hanse. Au cours de ces réceptions, les négociations s’amorcent et les contacts se nouent. Traditionnellement quatre soirées se succèdent. La première est organisée par la ville hôte des journées internationales de la Hanse et a lieu le jour de la cérémonie d’ouverture. Le deuxième jour, la soirée de Lübeck, financée par la ville, assez select, rassemble les délégués des villes invitées. La troisième soirée est prise en charge par la municipalité qui organisera les journées de la Hanse l’année suivante. Enfin, la Hanse-party, moins guindée et ouverte aux habitants, à la Hanse de la jeunesse et à tous les participants, conclut la semaine. La soirée de Lübeck est donc la soirée la plus sollicitée. Au cours de celle-ci, le maire de Lübeck découpe un Marzipan géant, gâteau à base de pâte d’amande et de crème pâtissière, et le sert aux invités.

Photos n°8, 9, 10, 11 :

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Tout au long des journées internationales de la Hanse, un programme culturel est proposé. Des chorales de toutes les villes hanséatiques se produisent dans l’église Sainte-Marie, symbole de la ferveur religieuse des marchands, ou sur la scène principale du marché hanséatique. Le nombre de chorales dans les villes baltiques est relativement important. Les groupes jouent également dans les rues à l’image d’une formation venue de Pskov en Russie. Chaque année, une pratique artistique est choisie afin que des artistes des villes hanséatiques réalisent des installations dans la ville hôte (HANSEartWORKS). À Herford, le thème du graffiti avait été retenu. L’œuvre du graffeur rochelais El Péon montre le visage d’une femme sous des traits sensuels et violents.

Photo n°12 :

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La géographie des stands sur le marché des villes hanséatiques reflète la nature des coopérations politiques. La plupart des villes d’un même pays sont situées le long de la même allée ou sur la même place. Des pays comme les Pays-Bas ont même un stand unique qui rassemble l’ensemble des villes (Elburg, Kampen, Deventer). Les villes des pays nordiques (Visby, Bergen, Kalmar, Turku) ont organisé une réception privée au centre de leurs stands réceptifs, rebaptisé le « Nordic Village ». Cela reflète une solidarité nordique relativement ancienne puisque le premier jumelage nordique est contracté entre Thisted au Danemark et Uddevalla en Suède dès 1939. Certaines petites villes ont fait le choix d’un stand commun pour des raisons économiques ou de cohérence marketing à l’image d’Alfeld (Leine) et Gronau (Leine). Les villes de Francfort-sur-l’Oder et de Słubice ont également un même stand : les deux municipalités ont d’ailleurs organisé conjointement les journées de la Hanse en 2003.

Les plus grandes villes ont davantage de moyens et n’utilisent pas des stands classiques. Elles ont la possibilité d’aménager des tentes personnalisées et plus spacieuses. Souvent localisées à des positions de carrefour du marché hanséatique, elles proposent des activités ludiques de dégustation (Riga), de réalisation de cartes postales imprimées (Tartu) ou des shootings photos (Pärnu).
Les villes jouent sur plusieurs méthodes de promotion. L’iconographie est abondamment utilisée et met en avant les principaux monuments et curiosités de chaque ville. Les stands permettent de déguster voire d’acheter des produits régionaux. Des événements privés sont organisés afin d’attirer les délégations étrangères sur le stand à l’image de la réception de Viljandi ou du « Nordic Village ». Les villes n’hésitent pas à distribuer des tracts lors des réunions de délégués. Enfin, des mascottes traversent le marché médiéval afin de promouvoir la ville en dehors des limites du stand. Cette technique a nomment été utilisée par la ville allemande de Lemgo.

Photo n°13 :
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Les négociations politiques se terminent par l’assemblée générale des délégués qui au cours d’une séance de plusieurs heures synthétise les débats des commissions thématiques, élit les nouveaux membres du conseil et de la commission, choisit les prochaines villes hôtes des journées internationales de la Hanse, réfléchit à d’éventuels remaniements dans les statuts de l’association. Au cours de cette assemblée, présidée par le conseil et animée par le maire de Lübeck, les votes ont lieu à main levée. Chaque ville possède deux bulletins : un bulletin vert pour une approbation et un bulletin rouge pour un refus. Chaque question posée appelle une réponse par oui ou par non. Les votes sont ensuite décomptés par des membres du comité d’organisation. Chaque ville, quelle que soit sa taille, a donc une voix et une seule. Les plus grandes villes ne pèsent pas plus lourd dans la décision que les villes moyennes ou petites. Les langues de travail sont principalement l’allemand, l’anglais et le russe. L’allemand reste très utilisé et est encore qualifié de « langue hanséatique ». Les villes allemandes sont avec les villes néerlandaises et les villes russes, les plus impliquées dans les débats.

Clichés :  © Escach, 2013

 

Pour citer cette ressource :

Nicolas Escach, "Les journées internationales de la Hanse : l’exemple de Herford 2013", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juillet 2013. Consulté le 29/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/allemand/civilisation/civilisation/la-ville/les-journees-internationales-de-la-hanse-l-exemple-de-herford-2013