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Luigi Comencini, «Pane, Amore e Fantasia»

Par Lionel Gerin : Professeur d'anglais et cinéphile - Lycée Ampère de Lyon
Publié par Damien Prévost le 08/11/2013
Cette page propose une critique du film ((Pane, Amore e Fantasia)) (((Pain, Amour et Fantaisie))), réalisé par Luigi Comencini en 1953.

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Parlons cuisine!

Il y a les grandes tables. Tout y est pensé, équilibré. Fête des sens, à un certain prix.

Les petits restos, à la bonne franquette, entre amis. De la cuisine traditionnelle, mitonnée, qui fait plaisir sans chichi, abordable.

Les fast-food. Souvent pas si fast et toujours pas très food. On n'y mange peu mais on s'y nourrit. La satisfaction est à l'aune du goût: ni bon ni mauvais, ni chaud ni froid.

Et puis il y a la nourriture du pauvre qui n'a rien d'autre à se mettre sous la dent, quand il lui reste des dents: le pain.

Mais le pain sait être excellent.

Quand Comencini entreprend Pane, amore e fantasia il a déjà 5 films, très disparates, à son actif et une forte envie de passer à des choses plus "substantielles". Son projet initial, très incisif et ironique (notamment envers les carabinieri), va devenir, contre son gré, et pour des raisons de financement, la comédie légère que l'on connaît, et remporter un succès colossal.

L'argument est mince. Amour toujours. Un officier des carabinieri (Vittorio De Sica), célibataire et séducteur est nommé dans un petit village. Il y découvre entre autre Maria, la Bersagliera (Gina Lollobrigida) amoureuse d'un jeune carabinier nigaud et emprunté. L'officier vieillissant, après quelques quiproquos, s'entichera finalement de la sage-femme du village. C'est en effet très mince.

D'où vient alors le charme indéniable du film? De sa profonde, réelle, sincère gaîté tout d'abord, qui est un élément totalement disparu, inconnu du cinéma contemporain (à l'exception de Bollywood). Nous savons encore faire quelques films drôles, heureux parfois, gais jamais. Trop d'argent sans doute, tant il est vrai que les riches savent être heureux mais seuls les pauvres savent être gais et joyeux. C'est aussi un cinéma du premier degré, sans cynisme.

Gina Lollobrigida est craquante, d'une grande fraîcheur. Tout cela est gentiment érotique, terme désormais désuet, pour ne pas dire ringard, à l'heure où le moindre clic nous permet un porno hard. Mais, comme le disait François Truffaut: "Quand tout est possible, plus rien n'est important."

Satire légère, ambiance bonne enfant, happy end. Je ne sais vraiment plus si ce type de film peut encore être apprécié ou s'il est définitivement irregardable car mièvre et dépassé.

Kubrick ou Bergman, Tarentino ou Antonioni ne s'intéressent pas à ces histoires "à deux sous", à ces gens sans histoire.

Ils ne s'occupent que de grande cuisine. Mais la grande cuisine ne peut se manger tous les jours au risque de l'indigestion.

Il est question donc ici des plus simples nourritures.

"Que manges-tu?" demande l'officier à un homme du village, assis sur un banc."Du pain!" répond-t-il. "Que mets-tu dans ton pain?" redemande l'officier. "De la fantaisie" répond l'autre dans un éclat de rire.

Tout est assez bien résumé. Quand on n'a pas de gros moyens, on les remplace par un simple rire, qui reste jusqu'à aujourd'hui, avec le sexe, le seul plaisir accessible à tous.

Nous aurions tort de nous en priver.

 

Pour citer cette ressource :

Lionel Gerin, "Luigi Comencini, «Pane, Amore e Fantasia»", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2013. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/luigi-comencini-pane-amore-e-fantasia