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«José María Blanco White» de Juan Goytisolo

Par Elodie Pietriga
Publié par Elodie Pietriga le 17/10/2016

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Présentation du livre de Juan Goytisolo sur José María Blanco White, grand penseur espagnol du dix-neuvième siècle, souvent visionnaire. Pour réhabiliter son image, Juan Goytisolo s'appuie sur ses écrits publiés dans ((El Español)) entre mai 1810 et juin 1814 car Blanco White, a publié de nombreux articles bien documentés et qui révèlent une analyse pertinente de la situation, en particulier des tensions entre les possessions espagnoles sur le continent américain et la couronne d'Espagne.

Juan GoytisoloJosé María Blanco White, traduit de l'espagnol par l'atelier de traduction hispanique de l'ENS de Lyon, dirigé par Philippe Dessommes, 2016, Lyon, PUL, 366 pages. ISBN : 978-2-7297-0906-8

José Maria Blanco White de Luis Goytisolo
José María Blanco White (1775-1841) naquit à Séville dans une famille aisée. Il choisit de devenir prêtre au lieu de reprendre le commerce de son père afin de poursuivre ses études. Puis, il s'installa à Madrid mais repartit en Andalousie après l'entrée des troupes napoléonniennes dans la capitale (1808). En effet, malgré ses idées très libérales, il ne supportait pas l'invasion et préféra défendre la monarchie plutôt que d'accepter une modernité venant de l'étranger.

C'est à Séville qu'il se vit confier l'analyse politique des événements pour le journal Semanario Político. Mais cette rubrique fut bientôt suspendue par ordre des Cortes et après l'entrée des troupes napoléonniennes à Séville (1810), Blanco White se réfugia à Cadix, puis décida de partir en Angleterre où il fonda son propre journal El Español. De là, il publia, en toute liberté, de nombreux articles sur les événements qui secouaient le pays et surtout sur les colonies espagnoles qui réclamaient de plus en plus d'indépendance.
Blanco White ne revint jamais en Espagne et après sa mort, tomba rapidement dans l'oubli.

Blanco White, fut considéré à l'époque, comme un traître à la patrie, accusé de soutenir l'indépendance des colonies, alors que ce n'était pas le cas. Juan Goytisolo tente de réhabiliter l'image d'un grand penseur, souvent visionnaire, du dix-neuvième siècle, en s'appuyant sur ses écrits publiés dans El Español entre mai 1810 et juin 1814. En effet, Blanco White, a publié des articles bien documentés et qui révèlent une analyse pertinente de la situation, en particulier des tensions entre les possessions espagnoles sur le continent américain et la couronne espagnole, alors que les membres des Cortès étaient bien souvent aveuglés par la peur de perdre les colonies et que les commerçants gaditans, qui souhaitaient préserver leur monopole du commerce avec ces colonies, exerçaient de grandes pressions.

En Angleterre, Blanco White eut la possibilité de rencontrer des représentants des possessions espagnoles d'Amérique, en particulier Simón Bolívar, et d'écouter leurs revendications. Il comprit rapidement que le gouvernement espagnol était beaucoup trop éloigné des terres américaines pour pouvoir régler rapidement les affaires urgentes et que laisser davantage de liberté aux représentants de la couronne en Amérique était d'autant plus indispensable que l'Espagne était elle-même en proie à une situation interne pour le moins compliquée, suite à l'invasion napoléonnienne. Blanco White envisageait une sorte de confédération des colonies américaines qui resterait dans le giron de l'Espagne et espérait ainsi éviter la guerre. Mais, après avoir préconisé en vain l'intermédiation de l'Angleterre, il comprit que l'intransigeance de la Régence face aux revendications des criollos n'offrait plus qu'une solution, l'indépendance, qu'il défendit pour éviter de prolonger les atrocités d'une guerre civile.

Dans bien des domaines, Blanco White fut un visionnaire et proposa des solutions pour tenter de résoudre les difficultés. Lecteur attentif de Humboldt, il fut, avec lui, l'un des premiers à faire remarquer les problèmes d'inégalité liés aux castes dans les colonies, problème qui se pose encore aujourd'hui dans de nombreux pays d'Amérique latine. Il perçut aussi que la concentration du pouvoir dans les mains d'un seul homme, le caudillo, présentait de grands dangers ce que l'histoire postérieure de l'Amérique latine ne manqua pas de montrer.

Après la fermeture de son journal El Español, qui coincide avec le retour sur le trône d'Espagne de Ferdinand VII, Blanco White s'intéressa davantage au poids néfaste de la religion, en donnant parfois son vibrant témoignage personnel des pressions de l'Inquisition sur la vie intellectuelle et sociale, et surtout à la lutte contre l'esclavage mais continua à adresser des recommandations aux peuples de l'Amérique, comme celle d'étudier la Constitution anglaise, modèle du genre à ses yeux.

Ses écrits connurent une grande diffusion à l'époque, non seulement en Espagne, mais aussi dans de nombreux territoires du Nouveau-Monde, comme le Mexique ou le Venezuela. Et même si ses conseils ne furent pas pris en compte, ou trop peu, et que les  guerres et les luttes entre castes qu'il avait prévues se produisirent, on retrouve l'influence de sa pensée dans les écrits de plusieurs hommes politiques, notamment dans ceux de Simón Bolívar.

Afin que le lecteur puisse se rendre compte de la finesse de Blanco White, de sa capacité à évoluer, quitte à paraître se contredire, et aussi de son influence, Juan Goytisolo a sélectionné dans la deuxième partie de l'ouvrage trente de ses articles publiés dans El Español. Ces articles sont également l'occasion de découvrir (ou redécouvrir) l'histoire de l'Espagne du début du dix-neuvième siècle à travers une réflexion sur ses institutions, ainsi que celle de la décolonisation du continent américain et de la création des premiers états indépendants. Enfin, ils permettent de voir le lien qui unit les deux écrivains et l'admiration de Juan Goytisolo pour Blanco White dont il avait déjà utilisé les écrits dans son livre L'Espagne et les Espagnols[1].
 

Note :
[1] L'Espagne et les Espagnols, traduit de l'espagnol par l'Atelier de Traduction Hispanique de l'ENS de Lyon, À plus d'un titre - Collection Athisma, 2012, 176 pages.

 
Pour citer cette ressource :

Elodie Pietriga, "«José María Blanco White» de Juan Goytisolo", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), octobre 2016. Consulté le 05/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/litterature/litterature-espagnole/auteurs-contemporains/jose-maria-blanco-white-de-juan-goytisolo