Les grands courants de la politique étrangère américaine : De l'isolationnisme à l'internationalisme
1. Les racines de l'isolationnisme
En 1783, à la fin de la guerre avec la Grande-Bretagne, les Etats-Unis nouvellement indépendants adoptèrent une politique d'isolationnisme et de neutralité, et restèrent à l'écart des bouleversements agitant l'Europe. Ce choix n'allait pourtant pas de soi, du fait de l'engagement de la France dans la guerre d'indépendance aux côtés des américains, puis, plus tard, de la proximité idéologique entre les Révolutionnaires français et les « pères fondateurs » américains, qui se voulaient les uns comme les autres héritiers des Lumières. Plusieurs raisons expliquent cette attitude.
1.1 La République commerçante
Les Etats-Unis ne possédaient pas lors de leur indépendance de système gouvernemental viable : les « articles de la confédération », dont la ratification fut achevée en 1781, s'avérèrent rapidement insuffisants pour gouverner réellement le pays (le gouvernement de la confédération, en particulier, ne disposait pas du pouvoir de lever l'impôt). Les premières années de la jeune République furent donc consacrées à l'élaboration d'une nouvelle Constitution instaurant un véritable système fédéral, adoptée en 1788. Par ailleurs, les pères fondateurs de la nation américaine avaient le souci de préserver l'unité du pays, mise à mal après la guerre d'indépendance. Celle-ci avait en effet été, en partie, une guerre civile puisqu'un nombre non négligeable d'américains loyalistes avaient pris le parti de la Grande-Bretagne : prendre part à la politique européenne et s'allier à un Etat plutôt qu'à un autre eût risqué de réveiller ces affrontements.D'autre part, les pères fondateurs avaient conscience de la grande faiblesse des Etats-Unis face aux Puissances européennes et en particulier face à la Grande-Bretagne, qui jouissait d'une hégémonie presque complète sur les mers et dont ils craignaient qu'elle ne tente de reprendre le contrôle de son ancienne colonie. Pour ne pas risquer de perdre leur liberté chèrement acquise, il leur paraissait plus sage de rester à l'écart des affaires du monde. Washington déclare ainsi dans son discours d'adieu (doc. 1 - President George Washington's Farewell Address) :
The great rule of conduct for us in regard to foreign nations is in extending our commercial relations, to have with them as little political connection as possible. [...] It is our true policy to steer clear of permanent alliances with any portion of the foreign world. (1796)
Ce tropisme d'une nation neutre et commerçante et ce refus des alliances de temps de paix devaient marquer profondément et durablement la conception américaine de la politique étrangère jusqu'au début du XXème siècle. Ils sont résumés sous forme d'une maxime par l'autre figure tutélaire de la jeune République, Thomas Jefferson, dans sa correspondance : « Commerce with all nations, alliance with none, should be our motto. » (1799). Et en effet, les rares tentatives américaines de prendre part au jeu des Puissances se soldèrent dans un premier temps par des échecs cuisants : la guerre américano-britannique de 1812-1814, en particulier, déclenchée par les Etats-Unis (cf infra), n'aboutit qu'à un statu quo et à la destruction de Washington D.C. par la marine britannique. Remarquons enfin l'exceptionnel atout défensif que représentent les océans Atlantique et Pacifique, qui, de 1814 à 1941, contribuèrent à empêcher toute attaque sur le territoire américain, dispensant ainsi les Etats-Unis de maintenir des bases à l'étranger et de contracter des alliances défensives.
Mais l'idée, typique du libéralisme américain, selon laquelle une nation peut être neutre et commercer avec tous, se heurta rapidement aux réalités politiques. Dès le début des années 1800, le blocus continental imposé par la Grande-Bretagne à lEurope sous domination napoléonienne mit les Etats-Unis au pied du mur, rendant incompatible neutralité et commerce. Cette atteinte à leurs intérêts commerciaux et au principe de liberté des mers, qu'ils défendaient avec force comme un principe du droit international, est l'une des raisons principales qui les poussèrent à déclarer en 1812 la guerre à la Grande-Bretagne, avec les résultats que l'on sait. Les limites de l'isolationnisme furent ainsi rapidement atteintes : les Etats-Unis, sommés de choisir entre la paix et leurs intérêts commerciaux, choisirent ces derniers. Bien plus, les Etats-Unis n'hésitèrent pas à recourir à la force pour obliger d'autres nations à s'ouvrir au commerce international, selon un raisonnement un peu paradoxal : il s'agissait bel et bien d'exporter par la force les valeurs du libéralisme américain (pour l'instant uniquement dans sa dimension économique). Ce « libéralisme botté », pour paraphraser P. Hassner, se traduisit en 1853 par l'expédition du Commodore Perry, véritable « diplomatie de la canonnière », semblable à celle que pratiquaient à l'époque les Européens. La flotte de Perry força, sous la menaces des armes, le gouvernement japonais à ouvrir les ports du pays aux navires et marchandises américains (Traité d'Amitié et de Commerce de 1858). Notons néanmoins qu'à la différence notable des Puissances européennes, les Etats-Unis, qui n'avaient pas, eux, de colonies, mais disposaient de la deuxième marine marchande au monde, se firent, dans une conjonction bien pratique entre intérêts et principes, l'avocat de la politique dite de la « porte ouverte », c'est-à-dire de l'ouverture des colonies au commerce avec tous les Etats, et pas seulement avec la métropole.
1.2 L'exceptionnalisme américain
A ces facteurs s'ajoute le mythe de l'exceptionnalisme américain, en d'autres termes le sentiment que les Etats-Unis, que le pasteur puritain John Winthrop avait comparés en 1630 à une « cité sur la colline » observée et prise pour exemple par le monde entier, occupent une place à l'écart des autres nations. De par leur nature (nation puritaine, démocratie, Etat de droit) les Etats-Unis seraient ainsi en toutes circonstances un parangon de vertu. En effet, contrairement à la tradition de la pensée politique européenne, héritée de Machiavel, pour qui les considérations morales n'ont pas de place dans les relations entre Etats, les Etats-Unis, selon cette doctrine, respectent toujours l'éthique et le droit. La conséquence paradoxale de cette conception fut longtemps un refus presque complet de l'action, et en particulier de l'action armée hors des frontières américaines. Ainsi, John Quincy Adams, devenu par la suite Président des Etats-Unis, mettait-il ses compatriotes en garde (doc. 2 - John Quincy Adams on foreign policy) contre les compromissions morales inhérentes à toute politique étrangère interventionniste visant à imposer les valeurs américaines au reste du monde :
[America] well knows that by once enlisting under other banners than her own, were they even the banners of foreign independence, she would involve herself beyond the power of extrication, in all the wars of interest and intrigue, of individual avarice, envy, and ambition, which assume the colors and usurp the standard of freedom. [...] She might become the dictatress of the world. She would be no longer the ruler of her own spirit... (1821)
Cette crainte de devenir semblable aux nations européennes, condamnées pour leur absence de sens moral, informe longtemps la pensée politique et même les conceptions militaires américaines : les Etats-Unis préfèrent aujourd'hui encore des guerres de mouvement courtes se déroulant hors de leur territoire, à l'image des expéditions punitives envoyées en 1801-1805 puis en 1815 contre les corsaires de Barbarie : il s'agit de redresser un tort, de protéger un intérêt spécifique, mais pas d'être durablement engagé dans une guerre d'occupation. D'où également, pour partie, le rejet des guerres du Vietnam et d'Irak, perçues comme des « bourbiers » (quagmires) par l'opinion publique américaine.
1.3 Le front pionnier et la destinée manifeste
C'est enfin l'existence d'un front pionnier à l'Ouest qui dissuada d'abord les Etats-Unis d'intervenir dans les affaires européennes, l'expansion vers le Sud et l'Ouest accaparant l'attention des dirigeants américains. Cette expansion, conformément au tropisme de la République commerçante évoqué plus haut, prit d'une part la forme d'achat de territoires à des puissances européennes : la Louisiane, achetée à la France en 1803, la Floride, achetée à l'Espagne en 1821 ou encore l'Alaska, acheté à la Russie en 1867. Mais c'est surtout l'exploration et la colonisation de territoires dits « vierges » (quoique occupés par des tribus indiennes) qui constitua la priorité des dirigeants américains de la fin du XVIIIème siècle à la fin du XIXème siècle. En effet, avec l'achat de la Louisiane (qui s'étendait à l'époque jusqu'à la Colombie britannique actuelle et comprenait l'ensemble du Midwest), le Président Jefferson se retrouva à la tête d'un territoire immense et largement inconnu, d'où son envoi en 1804 d'une expédition commandée par Meriwether Lewis et William Clark, pour explorer ces nouvelles possessions. Surtout, fait révélateur des conceptions raciales de l'époque, l'annexion, au besoin par la force, des territoires occupés par des tribus indiennes ne fut pas conçue par les Américains comme une infraction aux principes moraux qui fondaient le caractère exceptionnel des Etats-Unis, ni même comme une politique « étrangère ».
Ce sentiment confus que le continent nord-américain constituait l'arrière-cour des Etats-Unis et non un territoire « étranger » fut formulé en 1845, à propos de l'annexion du Texas (République indépendante ayant fait sécession du Mexique en 1836), par le journaliste John O'Sullivan (doc. 3 - "Annexation", John O'Sullivan on Manifest Destiny). Cette doctrine dite de la destinée manifeste affirmait ainsi le droit des Etats-Unis à s'étendre à l'ensemble du continent américain (O'Sullivan y incluant même l'Amérique latine et le Canada). Selon cette conception téléologique de l'Histoire, l'expansion territoriale américaine porterait la marque de la Providence et de la supériorité raciale des Anglo-saxons (dont la croissance démographique était plus forte que celle que les autres races du continent). Par ailleurs, l'annexion du Texas déclencha la guerre américano-mexicaine de 1846-1848, première guerre menée par les Etats-Unis pour des raisons territoriales, qui se solde à son tour par l'annexion de deux nouveaux territoires : le Nouveau-Mexique et la Californie. Déjà, la neutralité américaine s'effaçait devant les impératifs de l'expansion vers l'Ouest.
2. Les contradictions de l'isolationnisme : de la doctrine Monroe à l'empire américain
Le début du XIXème siècle vit accéder à l'indépendance la majeure partie de l'Amérique latine, à l'issue de guerres menées contre le colonisateur espagnol. C'est dans ce contexte que le Président James Monroe énonça en 1823 la « doctrine » portant son nom (doc. 4 - The Monroe doctrine), à savoir que la neutralité des Etats-Unis à l'égard des Puissances européennes devait avoir pour contrepartie la non-intervention de celles-ci dans les affaires du continent américain :
[We] should consider any attempt on [the part of the European powers] to extend their system to any portion of this hemisphere as dangerous to our peace and safety. With the existing colonies or dependencies of any European power we have not interfered and shall not interfere, but with the Governments who have declared their independence and maintained it, and whose independence we have, on great consideration and on just principles, acknowledged, we could not view any interposition for the purpose of oppressing them, or controlling in any other manner their destiny, by any European power in any other light than as the manifestation of an unfriendly disposition toward the United States. (Monroe, 1823)
Cet avertissement adressé aux Puissances européennes constitue une première rupture avec les conceptions américaines traditionnelles en la matière. On est loin de la passivité bienveillante prônée par John Quincy Adams deux ans seulement auparavant :
Wherever the standard of freedom and Independence has been or shall be unfurled, there will her heart, her benedictions and her prayers be. But she goes not abroad, in search of monsters to destroy. (1821)
En effet, affirmer que toute intervention des Puissances européennes sur le continent américain serait considérée comme un acte « inamical » revenait à menacer l'Espagne de représailles au cas où elle aurait tenté de reprendre le contrôle de ses anciennes colonies. Ainsi, lors de l'intervention européenne au Mexique de 1862-1867 (lancée à l'origine par la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne pour obtenir de la République mexicaine le paiement de ses dettes), le Congrès, quoique empêché par le contexte de la Guerre de Sécession d'intervenir militairement, vota en 1864 une résolution condamnant l'instauration de l'Empire mexicain. Dès 1865, les Etats-Unis fournirent des armes à l'armée républicaine mexicaine et en 1866, après avoir exigé le retrait des troupes françaises du Mexique, ils mirent en place un blocus naval du pays visant à empêcher la France d'envoyer des renforts aux partisans de l'Empereur. On remarquera néanmoins que ces interventions restèrent d'ampleur limitée, et concernaient un Etat voisin : à l'inverse, les Etats-Unis ne s'opposèrent par exemple pas à l'annexion des îles Malouines par la Grande-Bretagne en 1833.
La doctrine Monroe trouva une signification nouvelle à la fin du XIXème siècle, dans un contexte social interne profondément bouleversé. En effet, comme l'analyse l'historien Turner dans The Significance of the Frontier in American History (doc. 5 - The Significance of the Frontier in American History), la disparition du front pionnier révélé par le recensement de 1890 constitue une rupture fondamentale dans l'histoire des Etats-Unis. Pour Turner, la société et la psyché américaine ont été forgées par l'existence d'un front pionnier (« frontier » en anglais), c'est-à-dire non pas une frontière politique fixe et bien définie, mais une surface mouvante, pouvant toujours accueillir de nouveaux arrivants. L'absence de terres libres à partir des années 1890 modifie la donne. Le front pionnier ne pouvant plus jouer son rôle de soupape de sécurité pour les tensions socio-économiques liées notamment à la forte croissance démographique américaine, Turner prédit qu'il faudra d'autres débouchés à l'expansion des Etats-Unis :
Since the days when the fleet of Columbus sailed into the waters of the New World, America has been another name for opportunity, and the people of the United States have taken their tone from the incessant expansion which has not only been open but has even been forced upon them. He would be a rash prophet who should assert that the expansive character of American life has now entirely ceased. Movement has been its dominant fact, and, unless this training has no effect upon a people, the American energy will continually demand a wider field for its exercise. But never again will such gifts of free land offer themselves. (1893)
Par ailleurs, les théories sur la supériorité raciale des Anglo-Saxons trouvent lors de cette période une vigueur renouvelée grâce à l'intérêt suscité par les recherches de Darwin. C'est ainsi le cas du pasteur Josiah Strong, qui dans un ouvrage qui rencontre un grand écho, Our country (doc. 6 - "Our Country", La destinée manifeste de l'Anglo-Saxon), prédit l'extermination ou la soumission des autres races du continent américain et l'expansion des Etats-Unis à l'ensemble de celui-ci :
If I read not amiss, this powerful race will move down upon Mexico, down upon Central and South America, out upon the islands of the sea, over upon Africa and beyond. And can any one doubt that the result of this competition of races will be the "survival of the fittest"? [...]There are no more new worlds. The unoccupied arable lands of the earth are limited, and will soon be taken. The time is coming when the pressure of population on the means of subsistence will be felt here as it is now felt in Europe and Asia. Then will the world enter upon a new stage of its history - the final competition of races, for which the Anglo-Saxon is being schooled. (Strong, 1885)
Ce texte, par-delà sa grande violence, est emblématique du désarroi de la société américaine de la fin du XIXème siècle : une fois sa « destinée manifeste » accomplie, elle se trouvait dépourvue d'horizon clairement identifiable et était confrontée à des problèmes sociaux nouveaux, et que seule l'expansion au-delà de ses frontières politiques (et non plus simplement de la « frontier » interne) semblait pouvoir résoudre.
Cette situation inédite, faite de la conjonction de la « destinée manifeste » et de la doctrine Monroe, constitue un terreau fertile pour les aspirations coloniales qui se développent alors aux Etats-Unis. C'est la guerre avec l'Espagne de 1898 qui fournit l'occasion de concrétiser ces aspirations. Les Etats-Unis, qui soutenaient depuis plusieurs années le mouvement nationaliste cubain, étaient confrontés à l'hostilité croissante de la faction loyaliste de l'île. L'explosion du navire américain USS Maine dans le port de La Havane, attribuée (sans réelles preuves) à une mine sous-marine espagnole fournit le prétexte du déclenchement des hostilités. Après un conflit court et déséquilibré, où se distingua Théodore Roosevelt, alors secrétaire d'Etat adjoint à la Marine et impérialiste convaincu, l'Espagne fut écrasée. Le traité de paix de Paris accorda aux Etats-Unis la quasi-totalité des possessions espagnoles outre-mer : les Philippines, Guam, et Porto Rico (Cuba se voyant accorder une indépendance limitée sous protectorat américain), les Etats-Unis se trouvant ainsi du jour au lendemain en possession d'un vaste empire colonial. Ironie de l'Histoire, les Etats-Unis, nés d'une longue et difficile guerre d'indépendance, durent aussitôt mener une guerre coloniale aux Philippines (1899-1902), qui avaient déclaré leur indépendance dès la défaite des troupes espagnoles stationnées dans l'archipel. Cette guerre, théâtre de nombreuses atrocités commises par les soldats américains, fit entre 500 000 et 1 000 000 morts, pour la plupart civiles. Elle suscita, à l'instar de la guerre Vietnam ou plus récemment de la guerre d'Irak, la violente opposition d'une partie de l'intelligentsia, notamment de William Jennings Bryan, candidat démocrate aux élections présidentielles de 1896, 1900 et 1908, ainsi que de Mark Twain, pour qui cette guerre, « bourbier » (quagmire, cf supra) moralement injustifiable, constituait une trahison des valeurs américaines. La prophétie de John Quincy Adams (« She would no longer be the ruler of her own spirit ») paraissait réalisée.
Cette nouvelle vague d'expansion coloniale américaine, bien que motivée largement par des intérêts économiques (notamment ceux des firmes américaines implantées à Cuba ou impliquées dans la construction du Canal de Panama), fut justifiée par les partisans de l'impérialisme au moyen d'arguments très semblables à ceux que développaient à cette époque les Puissances européennes. Les Etats-Unis, affirmaient-ils, étaient investis d'une mission civilisatrice à l'égard du reste du monde : il ne s'agissait plus pour eux d'être un exemple, une « cité sur la colline », mais bien d' « assumer le fardeau de l'Homme Blanc » célébré par Rudyard Kipling (1899) à propos précisément de la conquête américaine des Philippines. Ainsi, dans le contexte du soutien américain à l'indépendance du Panama (qui fit sécession de la Colombie en 1903-1904), en échange de l'obtention de la souveraineté américaine sur la zone entourant le Canal de Panama, Roosevelt (par ailleurs ami et correspondant de Rudyard Kipling) énonça son « Corollaire à la doctrine Monroe » (doc. 7 - The "Roosevelt Corollary" to the Monroe doctrine) :
Chronic wrongdoing, or an impotence which results in a general loosening of the ties of civilized society, may in America, as elsewhere, ultimately require intervention by some civilized nation, and in the Western Hemisphere the adherence of the United States to the Monroe Doctrine may force the United States, however reluctantly, in flagrant cases of such wrongdoing or impotence, to the exercise of an international police power.
Le raisonnement de Roosevelt, aussi habile que paradoxal, est le suivant : la « civilisation » doit être défendue partout dans le monde, et puisque la doctrine Monroe interdit aux Puissances européennes d'intervenir en Amérique, c'est donc aux Etats-Unis qu'il revient de le faire. D'un refus des ingérences étrangères, Roosevelt glisse ainsi à la justification de l'hégémonie des Etats-Unis en Amérique latine. Et en effet, durant la plupart du XXème siècle, les Etats-Unis menèrent bien une politique de puissance en Amérique latine (ainsi du débarquement raté de la Baie des Cochons en 1962 ou du soutien apporté au régime de Pinochet au Chili), mue par le double souci de défendre les valeurs américaines (contre le communisme, principalement) et les intérêts stratégiques et économiques américains.
3. La montée de l'internationalisme libéral
3. 1 L'internationalisme wilsonien et son échec
En 1912, lors de l'élection à la Présidence de Woodrow Wilson, gouverneur démocrate de l'Etat du New Jersey et universitaire, le contexte géopolitique international était donc bien différent de ce qu'il était un siècle auparavant : les Etats-Unis s'étendaient de la côté Est à la côté Ouest, étaient une puissance industrielle de premier ordre et possédaient, à l'instar des Puissances européennes, un empire colonial. Ils n'étaient plus un Etat embryonnaire, faible, protégé par son isolement géographique et sa neutralité : une part importante des arguments en faveur de l'isolationnisme avait donc disparu. Bien plus, la présidence de Théodore Roosevelt (1901-1909) avait été marquée par une intervention accrue dans les grandes questions de politique internationale : ainsi, Roosevelt avait joué les médiateurs à la conférence d'Algésiras de 1906 (visant à régler la crise franco-allemande de 1905 sur le Maroc) ; de même pour le traité de Portsmouth, qui conclut la guerre russo-japonaise de 1905. Remarquons que si cette implication dans les affaires européennes allait à rebours de la doctrine Monroe elle restait marquée par la volonté de ne pas prendre parti : il s'agissait pour les Etats-Unis, nation exemplaire planant au-dessus de la mêlée, de rétablir la paix par leurs bons offices.
Wilson apparaît quant à lui au début de sa présidence beaucoup plus hésitant que Roosevelt à intervenir dans les affaires du monde. En effet, Wilson, pacifiste convaincu, chercha d'abord à maintenir les Etats-Unis à l'écart du conflit (dans sa campagne de réélection, il utilise le slogan « he kept us out of the war »). Néanmoins, ses sympathies pour la Grande-Bretagne (qu'il appréciait pour sa tradition démocrate et libérale), et son embarras face au « viol » de la Belgique (envahie par l'Allemagne alors qu'elle était neutre, en violation du droit international) rendaient la neutralité américaine très bienveillante envers la Triple Entente. Ainsi, le commerce avec la Grande-Bretagne et la France explosa à partir du début de la guerre, dopé par le blocus imposé aux Empires Centraux par les marines britannique et française (que Wilson se gardait bien de contester), et alimenté par les prêts accordés par les financiers américains à ces pays.
Or, dans un contexte où la guerre n'était plus, comme au XVIIIème siècle, affaire de gentlemen, mais était devenue une guerre « totale », mobilisant tous les aspects de la société, cette alliance économique de fait des Etats-Unis avec la Triple Entente était inacceptable pour les Empires Centraux : comme en 1812, la question de la liberté des mers rendait la neutralité impraticable. Les sous-marins du Reich commencèrent ainsi dès 1915 à prendre pour cible des navires civils : or, à la différence des navires de surface, qui peuvent faire des prisonniers ou laisser l'équipage et les passagers gagner les canots de sauvetage, les sous-marins doivent attaquer par surprise, tuant ainsi tous les occupants du navire. Malgré tout, l'indignation causée par ces méthodes (la destruction du Lusitania, en mai 1915, fit environ 1200 morts, dont plus de 100 américains), ne suffit pas à déclencher la guerre. Ce n'est qu'en 1917, avec l'intensification de la guerre sous-marine allemande et l'affaire du télégramme Zimmerman (télégramme secret envoyé par l'Allemagne au Mexique, lui demandant d'attaquer les Etats-Unis) que les Etats-Unis, se sentant directement menacés, se décidèrent à entrer en guerre. Le discours prononcé par Wilson à cet effet, le 2 avril 1917, est particulièrement révélateur (doc. 8 - L'entrée en guerre des Etats-Unis en 1917). Il y insiste sur l'aspect universel du combat contre l'Allemagne : il ne s'agit pas seulement de défendre les intérêts américains, ou de venger la mort des civils américains tués par les sous-marins allemands, mais de défendre des principes de droit communs à l'humanité tout entière. Ces principes - démocratie, Etat de droit, liberté du commerce, liberté des mers - sont en réalité des valeurs bien américaines, dont Wilson affirme le caractère universel, et qu'il cherche à appliquer à l'échelle du monde :
International law had its origin in the attempt to set up some law which would be respected and observed upon the seas, where no nation had right of dominion and where lay the free highways of the world. [...]This minimum of right the German Government has swept aside under the plea of retaliation and necessity and because it had no weapons which it could use at sea except these which it is impossible to employ as it is employing them without throwing to the winds all scruples of humanity or of respect for the understandings that were supposed to underlie the intercourse of the world. [...] The present German submarine warfare against commerce is a warfare against mankind.
Cette volonté de remodeler le monde à l'image des Etats-Unis se retrouve très clairement dans les « Quatorze points » énoncés par le Président moins d'un an plus tard (8 janvier 1918) dont six visent à établir un nouvel ordre mondial et de nouvelles règles pour les relations interétatiques : interdiction de la diplomatie secrète, liberté des mers, abaissement généralisé des tarifs douaniers, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, désarmement, établissement d'une Société des Nations pour assurer le maintien de la paix.
On peut s'interroger sur les raisons de l'échec du projet wilsonien après la fin de la guerre. Citons, d'une part, la lassitude de l'opinion publique américaine face aux querelles des alliés et à la volonté française d'écraser l'Allemagne, bien loin de la « paix sans vainqueurs » que préconisait Wilson. Citons également la personnalité de Wilson, qui, par intransigeance et messianisme, refusa tout compromis avec le Sénat sur la question de la SDN, ce qui joua pour beaucoup dans le refus de celui-ci de ratifier le Pacte. C'est enfin à mon sens le tropisme des expéditions de Barbarie qui ramena les Etats-Unis à l'isolationnisme après 1918 : une fois l'ennemi vaincu, la tentation de « rentrer à la maison » et de se désintéresser du sort des Etats européens l'emporta. C'est le sens que l'on peut donner à la non ratification par le Sénat du Pacte de la SDN. Henry Cabot Lodge, leader républicain de la majorité (doc. 9 - Henry Cabot Lodge on the League of nations), déclara à cette occasion : I will go as far as anyone in world service, but the first step to world service is the maintenance of the United States. Rappelons par ailleurs que l'opposition du Sénat portait principalement sur l'article X du Pacte :
Les Membres de la Société s'engagent a respecter et a maintenir contre toute agression extérieure l'intégrité territoriale et l'indépendance politique présente de tous les Membres de la Société.
Deux raisons à cela : l'une, politique, relevait de la crainte de devenir le « gendarme du monde » et d'être obligé d'envoyer des soldats mourir pour des affaires ne concernant pas directement les Etats-Unis ; l'autre, juridique, tenait à la Constitution américaine ; celle-ci prévoit que c'est le Sénat qui déclare la guerre (article I, section 8) : or, le Pacte constituait une forme d'alliance permanente et risquait de rendre automatique l'entrée en guerre des Etats-Unis en cas d'attaque contre un autre membre, ce qui aurait dépossédé le Congrès de sa prérogative en la matière.
On peut, plus généralement, rapprocher cette attitude du slogan du Président Harding (élu en 1920) : America First. De fait, les années 1920 et le début des années 1930, dominées par le courant anti-internationaliste du parti républicain, constituèrent la dernière grande période d'isolationnisme que connurent les Etats-Unis au XXème siècle. Ce repli sur soi prit plusieurs formes : refus de prendre position sur les questions de politique européenne, fermeture à l'immigration, peur du communisme et lutte anti « Rouges » aux relents xénophobes, protectionnisme économique (en contradiction avec la tradition libérale américaine), en particulier après le krach de 1929. Mais l'isolationnisme devenait difficile à défendre : le Pacte Briand-Kellogg (du nom des Ministre français des Affaires Etrangères et Secrétaire d'Etat américain) de 1928, auquel adhérèrent treize autres pays (dont l'Allemagne, l'Italie et le Japon !), et qui visait à « mettre la guerre hors la loi », est typique de l'idéalisme wilsonien. Il en va de même de la dénonciation par le Secrétaire d'Etat Stimson de l'invasion japonaise de la Mandchourie en 1931 : les Etats-Unis énoncèrent à cette occasion la « doctrine Stimson », c'est-à-dire le refus de reconnaître les modifications territoriales opérées par la force, position de principe qui s'avéra par la suite tout sauf neutre (ainsi, les Etats-Unis ne reconnurent jamais l'annexion des pays baltes par l'URSS). Enfin, la politique de protectionnisme douanier, dans un contexte de mondialisation de l'économie et de la finance (du fait des énormes prêts accordés aux pays européens durant et après la guerre), s'avéra désastreuse après 1929. Privant les industriels étrangers (débiteurs des banques américaines) d'accès aux marchés américains, elle obéra leur capacité à rembourser leurs dettes, aggravant le « credit crunch » aux Etats-Unis ; les mesures de rétorsion adoptées par les Etats européens, à leur tour, privèrent les firmes américaines de débouchés, acculant nombre d'entre elles à la faillite.
3. 2 Roosevelt, Truman et l'arrêt de mort de l'isolationnisme
Les quatre présidences de Franklin Delano Roosevelt (1933-1945) et les deux présidences d'Harry Truman (1945-1953) virent véritablement la fin de l'isolationnisme. La politique étrangère de Roosevelt, qui à la différence de Wilson, n'avait pas d'idées bien arrêtées en la matière lors de son élection, fut d'abord très prudente, et d'une ampleur limitée. Elle consista dans un premier temps à solder l'héritage impérial légué par son parent Théodore tout en restant neutre vis-à-vis de la montée des tensions en Europe : en 1934, le Congrès accorda l'indépendance aux Philippines et le protectorat sur Cuba fut levé ; parallèlement, en 1936, les Etats-Unis se déclarèrent neutres à propos de l'invasion italienne de l'Ethiopie et de la guerre d'Espagne. Lors de sa deuxième présidence (1937-1941), Roosevelt, qui disposait, avec la reprise de la croissance économique, de marges de manœuvres plus importantes, évolua peu à peu vers la conviction que l'agressivité de l'Allemagne et du Japon rendait, à terme, la guerre inévitable et que les Etats-Unis ne pourraient durablement éviter le conflit : il lança en 1938 un vaste programme de réarmement (de la flotte en particulier), et, dès 1940, accorda une importante aide économique à la Grande-Bretagne (intensifiée en 1941 avec la Loi prêt-bail), qui fit des Etats-Unis « l'arsenal des démocraties » (Lacroix, p 388), et qui trouva son aboutissement dans la Charte de l'Atlantique (août 1941). Ce texte, socle de l'alliance contre le totalitarisme qui se mit en œuvre à partir de 1942, rappelait l'attachement commun des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne aux valeurs défendues par Wilson (primat du droit sur la force, démocratie libérale...) et leur volonté d'œuvrer à la « destruction finale de la tyrannie nazie ».
Les Etats-Unis restèrent pourtant jusqu'en 1941, non pas neutres (posture intenable en l'occurrence), mais non-belligérants, l'opinion publique américaine n'étant pas prête pour une guerre : pacifiste et largement favorable aux accords de Munich, à l'instar des sociétés européennes, elle subissait en outre les pressions de lobbies pro allemands (l'industriel Henry Ford et le journaliste H.L. Mencken, par exemple) et isolationnistes (l'association America First présidée par Charles Lindbergh). L'attaque surprise de la flotte japonaise contre la base de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 prit dans ce contexte un caractère providentiel pour Roosevelt, malgré la destruction de la majeure partie de la flotte américaine, puisqu'elle lui permit d'entrer en guerre en état de légitime défense : la sensibilité isolationniste du peuple américain restait sauve. Le lendemain de l'attaque, les Etats-Unis déclarèrent la guerre au Japon, et, le 11 décembre, l'Allemagne déclara la guerre aux Etats-Unis.
L'engagement colossal des Etats-Unis dans la 2ème Guerre Mondiale, excluait, une fois les hostilités terminées, un retour à la situation d'avant-guerre. La tentation était pourtant forte de se retirer à nouveau une fois la « tyrannie nazie » écrasée. Ainsi, Roosevelt écrivait-il à Churchill en 1944 : « Ne me demandez surtout pas de maintenir des troupes en France. C'est simple, je ne le peux pas ! » (cité in Kissinger, 352). Mais, par ailleurs, Roosevelt comptait bien poursuivre l'engagement des Etats-Unis dans les affaires du monde : désireux, en digne héritier de Wilson, de recréer un système d'institution internationales visant à assurer la paix et la prospérité à l'échelle mondial, il n'avait pas la naïveté de son prédécesseur, qui avait compté sur la bonne volonté de chacun. Dès 1944, Roosevelt émit au contraire l'idée que ce système de sécurité collective devrait être garanti militairement par les nations alliées contre le nazisme : la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Chine, l'URSS. Cette doctrine dite des « quatre policiers », ancêtre des membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, traduit bien le fait que, sous Roosevelt, les Etats-Unis se résignèrent à assumer pleinement leur statut de grande puissance et donc leur responsabilité dans la sécurité du monde.
Cet internationalisme institutionnel donna ainsi naissance, sous l'égide des Etats-Unis, à toute une série d'organisations internationales où ceux-ci jouent aujourd'hui encore un rôle prépondérant : le FMI, dont le rôle était d'éviter le retour des crises de balance de paiements et de change de l'après-1929, la Banque Mondiale, qui devait aider à la reconstruction des pays dévastés par la guerre, l'ONU enfin, évidemment, première organisation internationale à vocation proprement universelle, chargée plus particulièrement d'assurer la sécurité collective de l'ensemble du monde.
Par ailleurs, la montée en puissance de l'URSS inquiétait de nombreux responsables américains, dont le Président Harry Truman (qui avait succédé à Roosevelt à la mort de celui-ci en avril 1945), leur interdisant de retirer leur troupes d'Europe. Le début de la Guerre froide en 1947-1948, années où éclatèrent les grandes grèves insurrectionnelles en France et en Italie, où fut créé le Kominform et où furent instaurées, par des coups de force, les premières « démocraties populaires » en Europe de l'Est, rendit illusoire un retrait rapide des troupes américaines. La doctrine de l'endiguement (containment) prônée par le diplomate américain George Kennan dans son « long télégramme » de 1947 cherchait ainsi à répondre aux visées expansionnistes de l'URSS par une politique active de soutien aux Etats menacés par le communisme, d'abord avec des moyens purement civils (tels le Plan Marshall de 1947, vaste programme de prêts destinés à financer la reconstruction de l'Europe et à ancrer à l'Ouest les Etats européens), puis dans un deuxième temps par un appui militaire (la guerre de Corée de 1950-1953 puis la guerre du Vietnam de 1964-1975). En effet, selon cette doctrine et son prolongement conceptuel, la « théorie des dominos », le communisme était par nature un système ayant vocation à s'étendre à l'ensemble de la planète : chaque pays passant sous contrôle communiste risquait de faire, à son tour, « tomber » ses voisins, et à terme, menacer les Etats-Unis eux-mêmes.
Remarquons enfin que le développement d'armes nucléaires de très longue portée (les missiles intercontinentaux en particulier) limita fortement l'avantage stratégique conféré par les océans Pacifique et Atlantique, rendant nécessaire le maintien de bases (de radars et de missiles) dans l'ensemble du monde. La sécurité des Etats-Unis passait donc par une grande profondeur stratégique, et, dès lors, par la sécurité des pays de l'Europe de l'Ouest.
Cette situation explique le coup de grâce porté à l'isolationnisme, la création de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, première alliance permanente de l'histoire des Etats-Unis. Le Sénat, d'abord hostile à cette idée, pour les raisons évoquées plus haut à propos de la SDN, vota finalement la résolution Vandenberg en juin 1948 (avec 64 voix pour, soit tout juste la majorité des 2/3 requise), par laquelle il acceptait le principe d'une participation américaine à des accords de défense régionaux. L'année suivante, dans un contexte de tension extrême avec l'URSS (soit en plein blocus de Berlin) le Traité de l'Atlantique Nord fut ratifié par le Sénat à une très large majorité (82 pour, 13 contre), révélatrice du changement de mentalité opéré par la Guerre Froide : les Etats-Unis avaient définitivement renoncé à l'isolationnisme des origines.
4. L'isolationnisme aujourd'hui
Si les Etats-Unis n'ont pas eu de président isolationniste depuis Herbert Hoover, rappelons néanmoins en guise de conclusion la subsistance de tentations isolationnistes aux Etats-Unis, tant au sein du parti démocrate que du parti républicain : côté démocrate, on pense aux polémiques sur l'ALENA (Accord de Libre Echange Nord-Américain avec le Canada et le Mexique) lors de la campagne présidentielle de 2008, fruits des tendances protectionnistes de l'aile du parti proche des syndicats ouvriers ; côté républicain, citons les critiques de la guerre d'Irak lancées par le Sénateur Ron Paul, représentant de la frange libertaire du parti et candidat malheureux à la nomination républicaine, qui, bien que se défendant d'être isolationniste, développait en 2005 une conception de la politique étrangère fondée sur le commerce, la neutralité et l'exemplarité des Etats-Unis, que George Washington ou Thomas Jefferson n'auraient sans doute pas reniée :
Isolationism is not the only alternative to intervention in other nations' affairs. Freedom works! Free markets supported by sound money, private property, and respect for all voluntary contracts can set an example for the world - since the resulting prosperity would be significant and distributed more widely than any socialist system. Instead of using force to make others do it our way, our influence could be through the example we set that would motivate others to emulate us. Trade, travel, exchange of ideas, and friendly relationships with all those who seek friendship are a far cry from a protectionist closed border nation that would serve no one's interest. (Paul)
Mais, en fin de compte, le débat aux Etats-Unis ne porte plus sur l'opportunité de participer aux affaires du monde, mais bien sur les modalités et les objectifs de cette participation : unilatéralisme ou multilatéralisme, valeurs ou intérêt national, soft power ou hard power, respect ou non du droit international, telles sont les lignes de fractures qui parcourent aujourd'hui la société américaine. L'internationalisme, décliné en de nombreuses variantes libérales et conservatrices, appartient désormais au mainstream de la politique américaine. Quant à l'isolationnisme, il a, semble-t-il, été laissé de côté par la marche de l'histoire.
Références bibliographiques
ADAMS, John Quincy. 1821. Speech to the House of Representatives, 4 juin 1821. – http://historyofideas.org/jefferson/quotations/jeff1400.htm
JEFFERSON, Thomas. 1799. Letter to Thomas Lomax (ME 10:124). – http://historyofideas.org/jefferson/quotations/jeff1400.htm
KIPLING, Rudyard. 1899. The White Man's Burden. Mc Clure's Magazine, n°12. http://historymatters.gmu.edu/d/5478/
KISSINGER, Henry. 1994. Diplomacy. New York: Simon and Schuster.
LACROIX, Jean-Michel. 2007 (1996). Histoire des Etats-Unis. Paris: PUF.
MONROE, James. 1823. Annual Message to Congress, 2 décembre 1823. – http://www.presidency.ucsb.edu/ws/print.php?pid=29465
O'SULLIVAN, John. 1845. Annexation. United States Magazine and Democratic Review 17, no.1 (Juillet-Août 1845), p 5-10. http://web.grinnell.edu/courses/HIS/f01/HIS202-01/Documents/OSullivan.html
PAUL, Ron. 2005. The Hidden Cost of War. Speech to the House of Representatives, 14 juin 2005. – http://www.house.gov/paul/congrec/congrec2005/cr061405.htm
ROOSEVELT, Théodore. 1904. Annual Message to Congress, 6 décembre 1904. http://www.latinamericanstudies.org/us-relations/roosevelt-corollary.htm
STRONG, Josiah. 1885. Our Country. – http://www.assumption.edu/users/McClymer/hi119net/Josiah_Strong1
TURNER, Fredrick Jackson. 1893. The Significance of the Frontier in American History. – http://www.learner.org/channel/workshops/primarysources/corporations/docs/turner.html
WASHINGTON, George. 1796. Farewell Address to Congress. http://www.yale.edu/lawweb/avalon/washing.htm
WILSON, Woodrow. 1917. Speech to Congres, 2 April 1917 – http://www.firstworldwar.com/source/usawardeclaration.htm
Pour aller plus loin
KISSINGER, Henry. 1994. Diplomacy. New York: Simon and Schuster, chapitres I et II.
LACROIX, Jean-Michel. 2007 (1996). Histoire des Etats-Unis. Paris: PUF.
PARMENTIER, Guillaume, 2000. « Politique étrangère et politique intérieure aux Etats-Unis : la parenthèse du XXe siècle ? ». Politique étrangère, Volume 65, Numéro 3. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/polit_0032-342x_2000_num_65_3
ROTH, Philip. 2005. The Plot Against America. New York : Vintage. – Un habile roman uchronique, où Roth imagine que l'aviateur Charles Lindbergh (antisémite et isolationniste notoire) gagne les élections de 1940 et engage les Etats-Unis dans la voie de la collaboration avec l'Allemagne.
[voir le dossier que consacre la revue Transatlantica à ce roman]
Documents pour la classe
Doc.1 - President George Washington's Farewell Address
Dans son discours d'adieu au Congrès, George Washington énonce quelques principes pour préserver l'avenir de la jeune République, qui est encore très faible, à une époque où s'affrontent les grandes puissances européennes. Il recommande ainsi de suivre à l'extérieur une politique isolationniste, composée d'ouverture commerciale et de neutralité politique. Toute amitié ou antipathie permanente envers un autre pays reviendrait en effet pour Washington à remettre en cause l'indépendance chèrement acquise des Etats-Unis : une guerre mettrait en péril leur liberté, tandis qu'une alliance permanente ferait d'eux le satellite d'un protecteur plus puissant. Ce refus des alliances de temps de paix et cette volonté de ne pas voir leur destinée liée à celle de l'Europe devaient marquer durablement la politique étrangère des Etats-Unis jusqu'en 1949, date de la création de l'OTAN.
[...] Observe good faith and justice towards all nations; cultivate peace and harmony with all. Religion and morality enjoin this conduct; and can it be, that good policy does not equally enjoin it. It will be worthy of a free, enlightened, and at no distant period, a great nation, to give to mankind the magnanimous and too novel example of a people always guided by an exalted justice and benevolence. Who can doubt that, in the course of time and things, the fruits of such a plan would richly repay any temporary advantages which might be lost by a steady adherence to it? Can it be that Providence has not connected the permanent felicity of a nation with its virtue? The experiment, at least, is recommended by every sentiment which ennobles human nature. Alas! is it rendered impossible by its vices?
In the execution of such a plan, nothing is more essential than those permanent, inveterate antipathies against particular nations, and passionate attachments for others should be excluded; and that, in place of them, just and amicable feelings towards all should be cultivated. The nation which indulges towards another a habitual hatred or a habitual fondness is in some degree a slave. It is a slave to its animosity or to its affection, either of which is sufficient to lead it astray from its duty and its interest. Antipathy in one nation against another disposes each more readily to offer insult and injury, to lay hold of slight causes of umbrage, and to be haughty and intractable, when accidental or trifling occasions of dispute occur. Hence, frequent collisions, obstinate, envenomed, and bloody contests. The nation, prompted by ill-will and resentment, sometimes impels to war the government, contrary to the best calculations of policy. The government sometimes participates in the national propensity, and adopts through passion what reason would reject; at other times it makes the animosity of the nation subservient to projects of hostility instigated by pride, ambition, and other sinister and pernicious motives. The peace often, sometimes perhaps the liberty, of nations, has been the victim.
So likewise, a passionate attachment of one nation for another produces a variety of evils. Sympathy for the favorite nation, facilitating the illusion of an imaginary common interest in cases where no real common interest exists, and infusing into one the enmities of the other, betrays the former into a participation in the quarrels and wars of the latter without adequate inducement or justification. It leads also to concessions to the favorite nation of privileges denied to others which is apt doubly to injure the nation making the concessions; by unnecessarily parting with what ought to have been retained, and by exciting jealousy, ill-will, and a disposition to retaliate, in the parties from whom equal privileges are withheld. And it gives to ambitious, corrupted, or deluded citizens (who devote themselves to the favorite nation), facility to betray or sacrifice the interests of their own country, without odium, sometimes even with popularity; gilding, with the appearances of a virtuous sense of obligation, a commendable deference for public opinion, or a laudable zeal for public good, the base or foolish compliances of ambition, corruption, or infatuation.
As avenues to foreign influence in innumerable ways, such attachments are particularly alarming to the truly enlightened and independent patriot. How many opportunities do they afford to tamper with domestic factions, to practice the arts of seduction, to mislead public opinion, to influence or awe the public councils. Such an attachment of a small or weak towards a great and powerful nation dooms the former to be the satellite of the latter.
[...] The great rule of conduct for us in regard to foreign nations is in extending our commercial relations, to have with them as little political connection as possible. So far as we have already formed engagements, let them be fulfilled with perfect good faith. Here let us stop. Europe has a set of primary interests which to us have none; or a very remote relation. Hence she must be engaged in frequent controversies, the causes of which are essentially foreign to our concerns. Hence, therefore, it must be unwise in us to implicate ourselves by artificial ties in the ordinary vicissitudes of her politics, or the ordinary combinations and collisions of her friendships or enmities.
Our detached and distant situation invites and enables us to pursue a different course. If we remain one people under an efficient government, the period is not far off when we may defy material injury from external annoyance; when we may take such an attitude as will cause the neutrality we may at any time resolve upon to be scrupulously respected; when belligerent nations, under the impossibility of making acquisitions upon us, will not lightly hazard the giving us provocation; when we may choose peace or war, as our interest, guided by justice, shall counsel.
Why forego the advantages of so peculiar a situation? Why quit our own to stand upon foreign ground? Why, by interweaving our destiny with that of any part of Europe, entangle our peace and prosperity in the toils of European ambition, rivalship, interest, humor or caprice?
It is our true policy to steer clear of permanent alliances with any portion of the foreign world; so far, I mean, as we are now at liberty to do it; for let me not be understood as capable of patronizing infidelity to existing engagements. I hold the maxim no less applicable to public than to private affairs, that honesty is always the best policy. I repeat it, therefore, let those engagements be observed in their genuine sense. But, in my opinion, it is unnecessary and would be unwise to extend them. [...]
President George Washington's Farewell Address, 1796. Source : http://www.yale.edu/lawweb/avalon/washing.htm
Doc. 2 - John Quincy Adams on foreign policy
Pour les cérémonies du 4 juillet, le futur Président John Quincy Adams, fils du deuxième Président des Etats-Unis, John Adams, et alors Secrétaire d'Etat, prononce un discours sur ce que doit être la politique étrangère américaine. Partant des désormais classiques arguments de l'exceptionnalisme américain, il attribue aux Etats-Unis un rôle d'exemple et de passivité, selon le raisonnement suivant : l'Amérique, seule parmi les nations, est une démocratie, dont la simple existence constitue un progrès pour la liberté. Précisément, son amour de la liberté et son respect du droit lui interdisent non seulement de mener des guerres « d'intérêt et d'intrigue », mais même de défendre par la force ses principes, si ce n'est quand elle est elle-même menacée, car tout engagement dans les affaires du monde autrement qu'en paroles et par le commerce constituerait une compromission morale qui corromprait l'identité américaine, la rabaissant au rang des autres Etats. Ce refus de principe de mettre les moyens de la puissance au service des valeurs américaines devait prévaloir durant presque tout le XIXème siècle.
And now, Friends and Countrymen, if the wise and learned philosophers of the elder world, the first observers of nutation and aberration, the discoverers of maddening ether and invisible planets, the inventors of Congreve rockets and Shrapnel shells, should find their hearts disposed to enquire what has America done for the benefit of mankind?
Let our answer be this: America, with the same voice which spoke herself into existence as a nation, proclaimed to mankind the inextinguishable rights of human nature, and the only lawful foundations of government. America, in the assembly of nations, since her admission among them, has invariably, though often fruitlessly, held forth to them the hand of honest friendship, of equal freedom, of generous reciprocity.
[...] Wherever the standard of freedom and Independence has been or shall be unfurled, there will her heart, her benedictions and her prayers be.
But she goes not abroad, in search of monsters to destroy.
She is the well-wisher to the freedom and independence of all. She is the champion and vindicator only of her own.
She will commend the general cause by the countenance of her voice, and the benignant sympathy of her example.
She well knows that by once enlisting under other banners than her own, were they even the banners of foreign independence, she would involve herself beyond the power of extrication, in all the wars of interest and intrigue, of individual avarice, envy, and ambition, which assume the colors and usurp the standard of freedom.
The fundamental maxims of her policy would insensibly change from liberty to force.... She might become the dictatress of the world. She would be no longer the ruler of her own spirit....
[America's] glory is not dominion, but liberty. Her march is the march of the mind. She has a spear and a shield: but the motto upon her shield is, Freedom, Independence, Peace. This has been her Declaration: this has been, as far as her necessary intercourse with the rest of mankind would permit, her practice.
Doc. 3 - "Annexation", John O'Sullivan
En 1845, peu avant le vote par le Congrès de la loi d'annexion du Texas à l'Union, le journaliste John O'Sullivan, dans cet article, plaide avec vigueur pour l'annexion sur la base d'un double argument téléologique et racial. La constance de l'expansion vers l'ouest des Etats-Unis ne peut « manifestement » ainsi que traduire la volonté de la Providence de les voir s'étendre jusqu'au Pacifique voire sur l'ensemble du continent. Bien plus, la plus grande fertilité de la race anglo-saxonne et la pression migratoire qu'elle induit la destinent tout aussi « manifestement » à se répandre jusqu'en Californie, au Mexique, et même au Canada. Au-delà de son ton messianique, ce texte vaut pour sa formulation sans ambiguïtés d'un sentiment jusque là diffus mais pourtant bien présent : l'idée que le continent nord-américain dans son ensemble est un territoire américain en devenir, et que le telos des Etats-Unis est de s'étendre de la côte Est à la côté Ouest.
It is now time for the opposition to the Annexation of Texas to cease, all further agitation of the waters of bitterness and strife, at least in connexion with this question, - even though it may perhaps be required of us as a necessary condition of the freedom of our institutions, that we must live on for ever in a state of unpausing struggle and excitement upon some subject of party division or other. But, in regard to Texas, enough has now been given to party. It is time for the common duty of Patriotism to the Country to succeed; - or if this claim will not be recognized, it is at least time for common sense to acquiesce with decent grace in the inevitable and the irrevocable.
[...] Why, were other reasoning wanting, in favor of now elevating this question of the reception of Texas into the Union, out of the lower region of our past party dissensions, up to its proper level of a high and broad nationality, it surely is to be found, found abundantly, in the manner in which other nations have undertaken to intrude themselves into it, between us and the proper parties to the case, in a spirit of hostile interference against us, for the avowed object of thwarting our policy and hampering our power, limiting our greatness and checking the fulfillment of our manifest destiny to overspread the continent allotted by Providence for the free development of our yearly multiplying millions. [...]
California probably, next fall away from the loose adhesion which, in such a country as Mexico, holds a remote province in a slight equivocal kind of dependence on the metropolis. Imbecile and distracted, Mexico never can exert any real governmental authority over such a country. The impotence of the one and the distance of the other, must make the relation one of virtual independence; unless, by stunting the province of all natural growth, and forbidding that immigration which can alone develop its capabilities and fulfil the purposes of its creation, tyranny may retain a military dominion, which is no government in the legitimate sense of the term. In the case of California this is now impossible. The Anglo-Saxon foot is already on its borders. Already the advance guard of the irresistible army of Anglo-Saxon emigration has begun to pour down upon it, armed with the plough and the rifle, and marking its trail with schools and colleges, courts and representative halls, mills and meeting-houses. A population will soon be in actual occupation of California, over which it will be idle for Mexico to dream of dominion. They will necessarily become independent. [...]
Away, then, with all idle French talk of balances of power on the American Continent. There is no growth in Spanish America! Whatever progress of population there may be in the British Canadas, is only for their own early severance of their present colonial relation to the little island three thousand miles across the Atlantic; soon to be followed by Annexation, and destined to swell the still accumulating momentum of our progress. And whosoever may hold the balance, though they should cast into the opposite scale all the bayonets and cannon, not only of France and England, but of Europe entire, how would it kick the beam against the simple, solid weight of the two hundred and fifty, or three hundred millions--and American millions - destined to gather beneath the flutter of the stripes and stars, in the fast hastening year of the Lord 1845!
John O'Sullivan, "Annexation," United States Magazine and Democratic Review 17, no.1 (July-August 1845): pp 5-10. Source : http://web.grinnell.edu/courses/HIS/f01/HIS202-01/Documents/OSullivan.html
Doc. 4 - The Monroe Doctrine
Au début des années 1820, pendant la vague d'indépendance des anciennes colonies espagnoles d'Amérique du Sud et d'Amérique Centrale, le Président James Monroe énonce le doctrine qui porte son nom : à la neutralité américaine dans les affaires européennes doit répondre la non-intervention des puissances européennes sur le continent américain. Monroe prend ici le contre-pied complet de la passivité prônée deux ans seulement auparavant par John Quincy Adams, en se fondant sur deux types d'arguments. D'une part, la présence de puissances européennes sur le continent américaine constitue une menace pour la sécurité des Etats-Unis. C'est d'autre part une question de principe pour cette ancienne colonie que de défendre l'indépendance et s'opposer à « l'oppression » de l'Amérique du Sud par l'Espagne. La fin du discours suggère un dernier mobile : l'expansion américaine est en train de faire des Etats-Unis un pays dont « la force et la respectabilité en tant que puissance » lui permettent de délimiter une zone d'influence exclusive en Amérique Latine. L'affirmation des Etats-Unis en tant que puissance rendra ainsi au XIXème siècle l'intervention dans les affaires de ses voisins de plus en plus tentante.
The citizens of the United States cherish sentiments the most friendly in favor of the liberty and happiness of their fellow men on that side of the Atlantic. In the wars of the European powers in matters relating to themselves we have never taken any part, nor does it comport with our policy so to do.
It is only when our rights are invaded or seriously menaced that we resent injuries or make preparation for our defense. With the movements in this hemisphere we are of necessity more immediately connected, and by causes which must be obvious to all enlightened and impartial observers.
[...] We owe it, therefore, to candor and to the amicable relations existing between the United States and those powers to declare that we should consider any attempt on their part to extend their system to any portion of this hemisphere as dangerous to our peace and safety. With the existing colonies or dependencies of any European power we have not interfered and shall not interfere, but with the Governments who have declared their independence and maintained it, and whose independence we have, on great consideration and on just principles, acknowledged, we could not view any interposition for the purpose of oppressing them, or controlling in any other manner their destiny, by any European power in any other light than as the manifestation of an unfriendly disposition toward the United States.
In the war between those new Governments and Spain we declared our neutrality at the time of their recognition, and to this we have adhered, and shall continue to adhere, provided no change shall occur which, in the judgment of the competent authorities of this Government, shall make a corresponding change on the part of the United States indispensable to their security. [...]
But in regard to those continents circumstances are eminently and conspicuously different. It is impossible that the allied powers should extend their political system to any portion of either continent without endangering our peace and happiness; nor can anyone believe that our southern brethren, if left to themselves, would adopt it of their own accord. It is equally impossible, therefore, that we should behold such interposition in any form with indifference. If we look to the comparative strength and resources of Spain and those new Governments, and their distance from each other, it must be obvious that she can never subdue them. It is still the true policy of the United States to leave the parties to themselves, in the hope that other powers will pursue the same course.
[...] If we compare the present condition of our Union with its actual state at the close of our Revolution, the history of the world furnishes no example of a progress in improvement in all the important circumstances which constitute the happiness of a nation which bears any resemblance to it. At the first epoch our population did not exceed 3,000,000. by the last census it amounted to about 10,000,000, and, what is more extraordinary, it is almost altogether native, for the immigration from other countries has been inconsiderable. [...]
That it has eminently augmented our resources and added to our strength and respectability as a power is admitted by all, but it is not in these important circumstances only that this happy effect is felt. It is manifest that by enlarging the basis of our system and increasing the number of States the system itself has been greatly strengthened in both its branches. Consolidation and disunion have thereby been rendered equally impracticable.
President James Monroe, 7th annual message to Congress, December 2nd 1823. Source : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/print.php?pid=29465
Doc. 5 - The Significance of the Frontier in American History
Dans cette conférence de 1893, l'historien Turner analyse l'influence de la disparition du front pionnier américain sur la composition et les valeurs de la société américaine. Son sentiment d'un déclin généralisé est emblématique du désarroi qui frappe une partie de l'intelligentsia américaine à partir du recensement de 1890, qui constate que le front pionnier n'existe plus. La disparition de l'archétype du pionnier, qui avait informé la société américaine, et la perte de pertinence de la doctrine de la destinée manifeste, qui avait longtemps constitué l'unique horizon de la politique étrangère américaine, remet profondément en cause, non seulement les relations sociales internes aux Etats-Unis, mais également leur vision d'eux-mêmes comme un système-monde auto-suffisant. La politique étrangère américaine, longtemps largement épargnée par les pressions socio-économiques internes, va en être profondément modifiée.
From the conditions of frontier life came intellectual traits of profound importance. The works of travelers along each frontier from colonial days onward describe certain common traits, and these traits have, while softening down, still persisted as survivals in the place of their origin, even when a higher social organization succeeded. The result is that, to the frontier, the American intellect owes its striking characteristics. That coarseness and strength combined with acuteness and inquisitiveness, that practical, inventive turn of mind, quick to find expedients, that masterful grasp of material things, lacking in the artistic but powerful to effect great ends, that restless, nervous energy, that dominant individualism, working for good and for evil, and withal that buoyancy and exuberance which comes with freedom - these are traits of the frontier, or traits called out elsewhere because of the existence of the frontier.
Since the days when the fleet of Columbus sailed into the waters of the New World, America has been another name for opportunity, and the people of the United States have taken their tone from the incessant expansion which has not only been open but has even been forced upon them. He would be a rash prophet who should assert that the expansive character of American life has now entirely ceased. Movement has been its dominant fact, and, unless this training has no effect upon a people, the American energy will continually demand a wider field for its exercise. But never again will such gifts of free land offer themselves.
For a moment, at the frontier, the bonds of custom are broken and unrestraint is triumphant. There is not tabula rasa. The stubborn American environment is there with its imperious summons to accept its conditions; the inherited ways of doing things are also there; and yet, in spite of environment, and in spite of custom, each frontier did indeed furnish a new field of opportunity, a gate of escape from the bondage of the past; and freshness, and confidence, and scorn of older society, impatience of its restraints and its ideas, and indifference to its lessons, have accompanied the frontier.
What the Mediterranean Sea was to the Greeks, breaking the bond of custom, offering new experiences, calling out new institutions and activities, that, and more, the ever retreating frontier has been to the United States directly, and to the nations of Europe more remotely. And now, four centuries from the discovery of America, at the end of a hundred years of life under the Constitution, the frontier has gone, and with its going has closed the first period of American history.
Fredrick Jackson Turner, The Significance of the Frontier in American History, 1893. Source : http://www.learner.org/channel/workshops/primarysources/corporations/docs/turner2.html
Doc. 6 - "Our Country", Josiah Strong
Dans cet ouvrage, publié en 1885, le pasteur Josiah Strong, tente d'opérer un syncrétisme entre théorie darwinienne, justification de l'expansionnisme américain, et croyance en la Providence. Selon son raisonnement, l'accomplissement de la « destinée manifeste » des Etats-Unis traduit à la fois une supériorité raciale et l'action de la Providence, qui a « manifestement » choisi la race anglo-saxonne et la prépare à l'élimination des races « inférieures » et impies. Pour Strong, la disparition du front pionnier rend nécessaire l'expansion anglo-saxonne au-delà des frontières des Etats-Unis. Par-delà son caractère choquant pour un lecteur contemporain, ce texte constitue l'un des fondements théoriques du colonialisme américain qui se développe à la fin du XIXème, quoique heureusement pas sous la forme qu'envisageait Strong : le besoin de débouchés économiques, le sentiment de supériorité raciale, la volonté évangélisatrice vont se combiner pour amener, comme en Europe, à la constitution d'un véritable empire colonial.
[...] Mr. Darwin is not only disposed to see, in the superior vigor of our people, an illustration of his favorite theory of natural selection, but even intimates that the world's history thus far has been simply preparatory for our future, and tributary to it. He says: "There is apparently much truth in the belief that the wonderful progress of the United States, as well as the character of the people, are the results of natural selection; for the more energetic, restless and courageous men from all parts of Europe have emigrated during the last ten or twelve generations to that great country, and have there succeeded best. Looking at the distant future, I do not think that the Rev. Mr. Zincke takes an exaggerated view when he says: 'All other series of events - as that which resulted in the culture of mind in Greece, and that which resulted in the Empire of Rome - only appear to have purpose and value when viewed in connection with, or rather as subsidiary to, the great stream of Anglo-Saxon emigration to the West.'"
[...] What is the significance of such facts? These tendencies infold the future; they are the mighty alphabet with which God writes his prophecies. May we not, by a careful laying together of the letters, spell out something of his meaning? It seems to me that God, with infinite wisdom and skill, is training the Anglo-Saxon race for an hour sure to come in the world's future. Heretofore there has always been in the history of the world a comparatively unoccupied land westward, into which the crowded countries of the East have poured their surplus populations. But the widening waves of migration, which millenniums ago rolled east and west from the valley of the Euphrates, meet today on our Pacific coast. There are no more new worlds. The unoccupied arable lands of the earth are limited, and will soon be taken. The time is coming when the pressure of population on the means of subsistence will be felt here as it is now felt in Europe and Asia. Then will the world enter upon a new stage of its history - the final competition of races, for which the Anglo-Saxon is being schooled. Long before the thousand millions are here, the mighty centrifugal tendency, inherent in this stock and strengthened in the United States, will assert itself. Then this race of unequaled energy, with all the majesty of numbers and the might of wealth behind it - the representative, let us hope, of the largest liberty, the purest Christianity, the highest civilization - having developed peculiarly aggressive traits calculated to impress its institutions upon mankind, will spread itself over the earth. If I read not amiss, this powerful race will move down upon Mexico, down upon Central and South America, out upon the islands of the sea, over upon Africa and beyond. And can any one doubt that the result of this competition of races will be the "survival of the fittest"?
[...] Certain it is, whatever expectations we may indulge, that there is a tremendous overbearing surge of power in the Christian nations, which, if the others are not speedily raised to some vastly higher capacity, will inevitably submerge and bury them forever. These great populations of Christendom - what are they doing, but throwing out their colonies on every side, and populating themselves, if I may so speak, into the possession of all countries and climes? To this result no war of extermination is needful; the contest is not one of arms, but of vitality and of civilization. "At the present day," says Mr. Darwin, "civilized nations are everywhere supplanting barbarous nations, excepting where the climate opposes a deadly barrier; and they succeed mainly, though not exclusively, through their arts, which are the products of the intellect." Thus the Finns were supplanted by the Aryan races in Europe and Asia, the Tartars by the Russians, and thus the aborigines of North America, Australia and New Zealand are now disappearing before the all-conquering Anglo-Saxons. It seems as if these inferior tribes were only precursors of a superior race, . . .
Josiah Strong, "Our Country," 1885. Source : http://www.assumption.edu/users/McClymer/hi119net/Josiah_Strong1
Doc. 7 - The "Roosevelt Corollary" to the Monroe doctrine
En novembre 1903, les Etats-Unis soutiennent activement la sécession du Panama de la Colombie, car celle-ci refusait de les laisser achever la construction du Canal. Le gouvernement américain reconnaît aussitôt l'indépendance du Panama et signe quelques jours plus tard avec le nouvel Etat un traité accordant aux Etats-Unis la souveraineté sur une zone de 5 miles de part et d'autre du futur canal. Pour justifier cette expansion coloniale, Roosevelt énonce un an plus tard son « Corollaire » à la doctrine Monroe : puisque aucune Puissance européenne ne doit intervenir sur le continent américain, il revient à la seule Puissance américaine, les Etats-Unis, d'exercer un « pouvoir de police internationale » sur les Amériques, non seulement pour défendre ses intérêts, mais également pour le bien de l'humanité en général. Ce texte effectue ainsi un remarquable syncrétisme (qui n'est d'ailleurs pas exempt d'une certaine mauvaise foi) entre Realpolitik, rhétorique colonialiste et une conception du droit d'ingérence qui préfigure l'idéalisme wilsonien. Il marque enfin un aboutissement conceptuel de la doctrine Monroe qui informe pendant tout le XXème siècle les relations avec l'Amérique Latine : les Etats-Unis passent du refus de toute ingérence extérieure à une politique de puissance en Amérique centrale et du Sud.
It is not true that the United States feels any land hunger or entertains any projects as regards the other nations of the Western Hemisphere save such as are for their welfare. All that this country desires is to see the neighboring countries stable, orderly, and prosperous. Any country whose people conduct themselves well can count upon our hearty friendship. If a nation shows that it knows how to act with reasonable efficiency and decency in social and political matters, if it keeps order and pays its obligations, it need fear no interference from the United States. Chronic wrongdoing, or an impotence which results in a general loosening of the ties of civilized society, may in America, as elsewhere, ultimately require intervention by some civilized nation, and in the Western Hemisphere the adherence of the United States to the Monroe Doctrine may force the United States, however reluctantly, in flagrant cases of such wrongdoing or impotence, to the exercise of an international police power. If every country washed by the Caribbean Sea would show the progress in stable and just civilization which with the aid of the Platt Amendment Cuba has shown since our troops left the island, and which so many of the republics in both Americas are constantly and brilliantly showing, all question of interference by this Nation with their affairs would be at an end. Our interests and those of our southern neighbors are in reality identical. They have great natural riches, and if within their borders the reign of law and justice obtains, prosperity is sure to come to them. While they thus obey the primary laws of civilized society they may rest assured that they will be treated by us in a spirit of cordial and helpful sympathy. We would interfere with them only in the last resort, and then only if it became evident that their inability or unwillingness to do justice at home and abroad had violated the rights of the United States or had invited foreign aggression to the detriment of the entire body of American nations. It is a mere truism to say that every nation, whether in America or anywhere else, which desires to maintain its freedom, its independence, must ultimately realize that the right of such independence can not be separated from the responsibility of making good use of it.
In asserting the Monroe Doctrine, in taking such steps as we have taken in regard to Cuba, Venezuela, and Panama, and in endeavoring to circumscribe the theater of war in the Far East, and to secure the open door in China, we have acted in our own interest as well as in the interest of humanity at large. There are, however, cases in which, while our own interests are not greatly involved, strong appeal is made to our sympathies. Ordinarily it is very much wiser and more useful for us to concern ourselves with striving for our own moral and material betterment here at home than to concern ourselves with trying to better the condition of things in other nations. We have plenty of sins of our own to war against, and under ordinary circumstances we can do more for the general uplifting of humanity by striving with heart and soul to put a stop to civic corruption, to brutal lawlessness and violent race prejudices here at home than by passing resolutions and wrongdoing elsewhere. Nevertheless there are occasional crimes committed on so vast a scale and of such peculiar horror as to make us doubt whether it is not our manifest duty to endeavor at least to show our disapproval of the deed and our sympathy with those who have suffered by it. The cases must be extreme in which such a course is justifiable. There must be no effort made to remove the mote from our brother's eye if we refuse to remove the beam from our own. But in extreme cases action may be justifiable and proper. What form the action shall take must depend upon the circumstances of the case; that is, upon the degree of the atrocity and upon our power to remedy it. The cases in which we could interfere by force of arms as we interfered to put a stop to intolerable conditions in Cuba are necessarily very few. Yet it is not to be expected that a people like ours, which in spite of certain very obvious shortcomings, nevertheless as a whole shows by its consistent practice its belief in the principles of civil and religious liberty and of orderly freedom, a people among whom even the worst crime, like the crime of lynching, is never more than sporadic, so that individuals and not classes are molested in their fundamental rights - it is inevitable that such a nation should desire eagerly to give expression to its horror on an occasion like that of the massacre of the Jews in Kishenef, or when it witnesses such systematic and long-extended cruelty and oppression as the cruelty and oppression of which the Armenians have been the victims, and which have won for them the indignant pity of the civilized world.
President Theodore Roosevelt's Annual Message to Congress, December 6, 1904. Source : http://www.latinamericanstudies.org/us-relations/roosevelt-corollary.htm
Doc. 8 - President Wilson asks Congress to declare war on Germany
Wilson, pacifiste convaincu, passe les premières années de la 1ère Guerre Mondiale à tenter de maintenir la neutralité des Etats-Unis. Mais, comme en 1812, la question du commerce rend en 1917 la neutralité impraticable : la guerre sous-marine menée par l'Allemagne contre tous les navires tentant de rallier les ports de la Triple Entente pousse Wilson à entrer en guerre pour protéger les intérêts commerciaux et les citoyens américains. Mais au-delà de ce qui n'est après tout qu'une réponse à un acte d'agression, c'est l'insistance de Wilson à défendre un ordre mondial nouveau qui est révolutionnaire. Par ce discours, qui porte déjà en germe les « Quatorze points » de 1918, Wilson renonce clairement à l'isolationnisme des débuts de la République en affirmant que « le droit est plus précieux que la paix », et jette les bases conceptuelles de l'idéalisme qui marquera tout au long du XXème siècle la politique étrangère américaine : primat du droit sur la force, refus de la diplomatie secrète, liberté du commerce, propagation de la démocratie et multilatéralisme.
I have called the Congress into extraordinary session because there are serious, very serious, choices of policy to be made, and made immediately, which it was neither right nor constitutionally permissible that I should assume the responsibility of making.
On the 3d of February last I officially laid before you the extraordinary announcement of the Imperial German Government that on and after the 1st day of February it was its purpose to put aside all restraints of law or of humanity and use its submarines to sink every vessel that sought to approach either the ports of Great Britain and Ireland or the western coasts of Europe or any of the ports controlled by the enemies of Germany within the Mediterranean. [...] I was for a little while unable to believe that such things would in fact be done by any government that had hitherto subscribed to the humane practices of civilized nations. International law had its origin in the attempt to set up some law which would be respected and observed upon the seas, where no nation had right of dominion and where lay the free highways of the world. By painful stage after stage has that law been built up, with meagre enough results, indeed, after all was accomplished that could be accomplished, but always with a clear view, at least, of what the heart and conscience of mankind demanded. This minimum of right the German Government has swept aside under the plea of retaliation and necessity and because it had no weapons which it could use at sea except these which it is impossible to employ as it is employing them without throwing to the winds all scruples of humanity or of respect for the understandings that were supposed to underlie the intercourse of the world. I am not now thinking of the loss of property involved, immense and serious as that is, but only of the wanton and wholesale destruction of the lives of noncombatants, men, women, and children, engaged in pursuits which have always, even in the darkest periods of modern history, been deemed innocent and legitimate. Property can be paid for; the lives of peaceful and innocent people can not be. The present German submarine warfare against commerce is a warfare against mankind.
It is a war against all nations. American ships have been sunk, American lives taken, in ways which it has stirred us very deeply to learn of, but the ships and people of other neutral and friendly nations have been sunk and overwhelmed in the waters in the same way. There has been no discrimination. The challenge is to all mankind. Each nation must decide for itself how it will meet it. The choice we make for ourselves must be made with a moderation of counsel and a temperateness of judgment befitting our character and our motives as a nation. We must put excited feeling away. Our motive will not be revenge or the victorious assertion of the physical might of the nation, but only the vindication of right, of human right, of which we are only a single champion.
[...] A steadfast concert for peace can never be maintained except by a partnership of democratic nations. No autocratic government could be trusted to keep faith within it or observe its covenants. It must be a league of honour, a partnership of opinion. Intrigue would eat its vitals away; the plottings of inner circles who could plan what they would and render account to no one would be a corruption seated at its very heart. Only free peoples can hold their purpose and their honour steady to a common end and prefer the interests of mankind to any narrow interest of their own.
President Woodrow Wilson, Special session, April 2nd 1917. Source : http://www.firstworldwar.com/source/usawardeclaration.htm
Doc. 9 - Henry Cabot Lodge on the League of Nations
En 1919, après de nombreuses tractations, le projet de Société des Nations voulu par Wilson n'est finalement pas ratifié par le Sénat. Les raisons de ce refus sont exposées par Henry Cabot Lodge, chef de la majorité républicaine au Sénat et figure politique majeure de l'époque. Reprenant les arguments classiques de l'exceptionnalisme américain et de la « cité sur la colline », Lodge affirme son opposition à l'internationalisme, dénoncé comme antipatriotique et « cosmopolite » (et comparé au bolchevisme). On voit néanmoins se déplacer quelque peu le débat : si l'idéalisme de Wilson n'est pas condamné en tant que tel, Lodge rappelle qu'il n'est pas partagé par les nations européennes, ce qui fera selon lui de la Société des Nations le théâtre d'affrontements inextricables et conduira, de compromissions en compromissions, à miner la « force morale » des Etats-Unis. L'idéal à défendre, conclut Lodge, est donc l'intérêt national des Etats-Unis, puisque ce qui est bon pour les Etats-Unis est bon pour le monde.
C'est bien l'avènement de nouvelles oppositions idéologiques au sein de la classe politique américaine que traduit ce texte : il ne s'agit plus seulement de savoir si les Etats-Unis doivent intervenir ou non à l'extérieur de leurs frontières, mais aussi de décider au nom de quels objectifs et selon quelles modalités ils doivent le faire. Pour Wilson et les tenants de l'internationalisme, la politique étrangère des Etats-Unis doit être fondée sur des valeurs et mise au « service du monde » ; pour Lodge et les tenants de l'intérêt national, elle doit servir avant tout leurs propres intérêts. Pour les internationalistes libéraux, elle doit être multilatérale et fondée sur les institutions et le droit international ; pour ces nouveaux « réalistes », elle doit au contraire être unilatérale, pour ne pas limiter la marge de manœuvre des Etats-Unis.
Mr. President,
The independence of the United States is not only more precious to ourselves but to the world than any single possession. Look at the United States today. We have made mistakes in the past. We have had shortcomings. We shall make mistakes in the future and fall short of our own best hopes. But none the less is there any country today on the face of the earth which can compare with this in ordered liberty, in peace, and in the largest freedom?
I feel that I can say this without being accused of undue boastfulness, for it is the simple fact, and in making this treaty and taking on these obligations all that we do is in a spirit of unselfishness and in a desire for the good of mankind. But it is well to remember that we are dealing with nations every one of which has a direct individual interest to serve, and there is grave danger in an unshared idealism.
Contrast the United States with any country on the face of the earth today and ask yourself whether the situation of the United States is not the best to be found. I will go as far as anyone in world service, but the first step to world service is the maintenance of the United States.
I have always loved one flag and I cannot share that devotion [with] a mongrel banner created for a League.
You may call me selfish if you will, conservative or reactionary, or use any other harsh adjective you see fit to apply, but an American I was born, an American I have remained all my life. I can never be anything else but an American, and I must think of the United States first, and when I think of the United States first in an arrangement like this I am thinking of what is best for the world, for if the United States fails, the best hopes of mankind fail with it.
I have never had but one allegiance - I cannot divide it now. I have loved but one flag and I cannot share that devotion and give affection to the mongrel banner invented for a league. Internationalism, illustrated by the Bolshevik and by the men to whom all countries are alike provided they can make money out of them, is to me repulsive.
[...]
No doubt many excellent and patriotic people see a coming fulfilment of noble ideals in the words 'league for peace.' We all respect and share these aspirations and desires, but some of us see no hope, but rather defeat, for them in this murky covenant. For we, too, have our ideals, even if we differ from those who have tried to establish a monopoly of idealism.
Our first ideal is our country, and we see her in the future, as in the past, giving service to all her people and to the world. Our ideal of the future is that she should continue to render that service of her own free will. She has great problems of her own to solve, very grim and perilous problems, and a right solution, if we can attain to it, would largely benefit mankind.
We would have our country strong to resist a peril from the West, as she has flung back the German menace from the East. We would not have our politics distracted and embittered by the dissensions of other lands. We would not have our country's vigour exhausted or her moral force abated, by everlasting meddling and muddling in every quarrel, great and small, which afflicts the world.
Our ideal is to make her ever stronger and better and finer, because in that way alone, as we believe, can she be of the greatest service to the world's peace and to the welfare of mankind.
Henry Cabot Lodge, Senate Majority leader, August 12th 1919. Source : http://www.firstworldwar.com/source/lodge_leagueofnations.htm
Pour citer cette ressource :
François Devoto, Les grands courants de la politique étrangère américaine : De l'isolationnisme à l'internationalisme, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), août 2008. Consulté le 01/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/domaine-americain/la-place-des-etats-unis-dans-le-monde/les-grands-courants-de-la-politique-etrangere-americaine-de-l-isolationnisme-a-l-internationalisme