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Pratique raisonnée de la phonologie : prise de conscience, travail articulatoire, regroupements

Par Jean-Pierre Gabilan : Maître de conférences - Université de Savoie Mont-Blanc
Publié par Marion Coste le 03/07/2017
Le francophone face à l’anglais doit affronter un système phonologique bien différent de celui de sa langue maternelle. Le professeur d’anglais doit avoir, outre une solide maîtrise du fonctionnement de la langue qu’il enseigne, une connaissance tout aussi pointue de la langue maternelle de ses élèves, et ce de façon à pouvoir comprendre pourquoi ils rencontrent telle ou telle difficulté et à être en mesure de les aider à les résoudre. Le domaine des voyelles étant celui qui pose incontestablement le plus de difficultés, c’est à lui que cet article est consacré.

Introduction

Une langue est avant tout une manifestation orale. C’est par l’oral que tous les natifs découvrent et acquièrent leur langue maternelle. Apprendre une autre langue signifie s’approprier de nouvelles habitudes articulatoires, et donc découvrir un nouveau système de fonctionnement, différent de la langue maternelle et forcément dépaysant, mais comparable en ce sens qu’il s’agit dans les deux cas d’un système organisé. L’anglais a un système phonologique propre qui n’est pas une déformation de celui de la langue française. Mais il suffit de demander à un francophone qui a étudié l’anglais au collège puis au lycée pendant quelques années de prononcer Britain, future, temperature, particularly, ou inadequate pour comprendre l’ampleur du travail à mettre en place. On peut affirmer que le relatif échec de l’anglais en France est majoritairement lié à l’oral. C’est lui qui fait écran. Les instructions officielles de collège de 1985 avaient introduit le principe de la Pratique Raisonnée de la Langue (PRL) comme suit : « Grâce à la Pratique Raisonnée de la Langue, l’élève atteint aussi un troisième objectif. Il exerce sa réflexion sur les grands principes du fonctionnement de l’anglais : sa compétence en langue maternelle s’en trouve partiellement explicitée et l’appropriation d’autres langues facilitée. » Après un démarrage plutôt hésitant – affirmer l’existence de grands principes de fonctionnement sans en préciser les contours était sans doute trop hardi à l’époque - cette PRL semble surtout avoir été retenue pour la grammaire, mais, plus de trente ans après, il n’est pas déraisonnable de dire que le concept au sens fort n’a jamais vraiment pris et a été abandonné dans les faits, même si on mentionne encore du bout des lèvres « Pratique Raisonnée » ici et là. La phonologie aurait dû elle aussi faire partie de la « réflexion sur les grands principes du fonctionnement de l’anglais » mais cela ne fut pas le cas, bien que les instructions officielles pour la classe de seconde de 1987 eussent pourtant laissé espérer pour la phonologie des lendemains meilleurs : « Des trois domaines de la langue – Phonologie, Lexique et Grammaire – le premier paradoxalement (pour un enseignement des langues qui insiste sur l’importance de l’oral) était jusqu’ici absent des programmes officiels, peut-être parce que l’apprentissage du système phonologique, dès le premier stade, semblait aller de soi. L’année 1987 fera date dans l’histoire de l’enseignement de l’anglais puisque, pour la première fois, est publié un contenu phonologique avec l’Annexe Phonologique » qui a été jointe au ‘Programme grammatical de consolidation’ destiné aux nouvelles classes de Seconde. » Si l’année 1987 devait faire date, on ne constate pas pour autant que le CAPES d’anglais, pour ne citer que ce cas, se soit vu adjoindre une épreuve de phonologie, ce qui, pour un concours de recrutement de professeurs d’anglais confrontés à l’enseignement de la langue dans ses aspects les plus techniques, devrait être une priorité. Mais rien n’a été fait pour que le concours soit réellement en adéquation au métier. Les textes de 1987 auront donc fait date sur le papier, mais pas dans la pratique. Et l’adossement au CRCRL deux décennies plus tard n’a pas renforcé l’oral dans ses fondamentaux, tant s’en faut. La question est aussi de savoir ce qui est visé précisément : si l’apprentissage de l’anglais a pour objectif l’anglais tel qu’il est parlé par les natifs – d’où qu’ils soient – on ne peut faire l’économie d’une réelle prise de conscience et d’une réelle initiation à l’oral, et il est dans ce cas question d’une réelle formation. Il ne paraît pas saugrenu de considérer que l’anglais oral du natif doive être le modèle fixé, la cible à atteindre en quelque sorte. Mais si le but recherché est de se faire comprendre tant bien que mal de tout le monde, souvent plus mal que bien, mais pas des anglophones, alors bien entendu on fera fi – ne le fait-on pas déjà ? – des spécificités orales de la langue anglaise car le but fixé n’est pas d’approcher la cible. Alors quel modèle retenir ? On peut se contenter bien entendu, et on ne s’en prive pas, de vagues approximations, mais ce qui est « compréhensible » du professeur d’anglais habitué aux productions de ses élèves ne l’est pas nécessairement d’autres destinataires. Notre élève francophone doit-il être sous-titré pour les anglophones? Les lignes qui suivent ont pour but une approche qui a pour ambition de s’approcher aussi près que possible de l’anglais du natif sur le plan phonologique. Avoir une ambition ne signifie pas que l’on gagne à chaque fois ; mais ne pas avoir d’ambition, mettre la barre très bas en faisant encore en sorte de passer en dessous, ne peut être le but de l’enseignement d’une langue. D’un point de vue théorique, les études portant sur la prononciation de l’anglais sont très au point et disponibles, et ce depuis longtemps. Pour ne parler que de la France nous avons eu de grands noms associés à la phonologie de l’anglais et des publications – et méthodes pour les anciens laboratoires de langue – tout à fait remarquables. Nous ne sommes donc pas démunis devant cet aspect de l’anglais. Avant de devenir professeur d’anglais les anglicistes peuvent donc recevoir dans ce domaine la formation requise. Il n’est pas assuré que ce soit le cas pour tous en ce premier quart du 21ème siècle, soit un plus d’un siècle après la parution de The pronunciation of English de Daniel Jones (1909). La prononciation moyenne que je constate chez les étudiants de première année de LLCE anglais est, pour My father is in the garden, à peu près ce qui suit : « maille fazeur iz in ze gardène. ». Doit-on s’en contenter ?

1. Prise en compte de la langue maternelle : les caractéristiques orales et articulatoires des voyelles du français (esquisse)

La langue maternelle est la seule et unique référence en matière de langues pour tout natif. Tel académicien français qui trouve que sa langue est la plus belle au monde, la plus logique etc. ne parle que le seul français ! La langue maternelle est donc bien plus qu’une langue pour chacun d’entre nous, et est souvent porteuse d’enjeux qui la dépassent. D’un point de vue plus technique c’est aussi elle qui conditionne le passage à la langue 2, puisque c’est à travers elle que tout natif a eu accès au langage. Le natif sait inconsciemment des choses sur sa langue, et donc les langues en général, mais en l’absence d’une prise de conscience il aborde une langue 2 sans outils, à l’aveuglette. On ne dit rien à l’école primaire ou au collège – et a fortiori au lycée - sur la façon dont le français oral fonctionne. La langue française a des caractéristiques, une combinatoire spécifique, qui font que tout en anglais ou presque va poser des problèmes. La langue française ne connaît par exemple pas les agrégats consonantiques que l’anglais semble affectionner ; la langue anglaise utilise des sons, et donc des positions des organes de la parole, que la langue française ne connaît pas – et inversement. Si le professeur sait anticiper les inévitables erreurs, il est aussi tout à fait possible, en comprenant d’où viennent les difficultés précisément d’y remédier. Nous ne regarderons, faute de place, que le système que forment les voyelles du français ; et il n’est pas question ici d’orthographe mais de phonèmes. La confusion induite par la terminologie est plus grande qu’on ne le croit. Le mot VENT en français se termine par la consonne T si on parle d’orthographe. Mais si on parle de prononciation, le même mot comporte deux phonèmes : /vɑ̃/ et le dernier est donc la voyelle nasale /ɑ̃/. Le mot VENTE quant à lui se termine par écrit par la voyelle E mais oralement par la consonne /t/. Il faut être vigilant dans le choix des mots. Parle-t-on de phonèmes ou de lettres de l’alphabet ? Les mots consonnes et voyelles sont hélas utilisés pour à la fois les lettres et les sons. Et partir à l’assaut de l’anglais avec pour toute connaissance l’existence de 5 voyelles – a, e, i, o, u – auxquelles on ajoute « y » est une entreprise vouée à l’échec. Voici le tableau des voyelles du français organisé de la façon suivante : de gauche à droite du tableau nous allons de l’avant vers l’arrière de la bouche – dernière colonne exceptée puisqu’il s’agit des voyelles dites nasales. Les 16 voyelles présentées ici ne tiennent pas compte des variations régionales ; il s’agit ici de la variété de français dit « standard », sans connotation péjorative aucune pour les variations, et donc des lecteurs pourront ne pas se reconnaître tout à fait dans la description qui est faite ici. La plupart des francophones aujourd’hui utilisent 14 des voyelles présentées ici.

Les 16 voyelles du français
/i/ fi /y/ fut /u/ fou  /ɛ̃/ faim
 /e/ fée /ø/ feu /o/ faux /ɔ̃/ font
/ɛ/ fait /œ/ feuille /ɔ/ Foch /œ̃/ funt
/a/ fa /ɘ/ fenêtre /ɑ/ fâche /ɑ̃/ faon

Seule la consonne /f/ a été choisie pour illustrer chaque voyelle de façon à ce que les distinctions, les oppositions soient bien audibles. Ce qui est en en rouge et en vert va faire l’objet de remarques et de développements. Une première lecture de cette grille phonologique du français restreinte aux voyelles est révélatrice :

  • Les voyelles nasales – inexistantes en anglais – s’obtiennent en nasalisant des voyelles dites buccales, c’est-à-dire qui passent par la bouche et non par le nez. Si on part de /fɛ/ et qu’on nasalise on obtient /fɛ̃/. Le mot « cocon » /kokɔ̃n/ est intéressant de ce point de vue, car la seconde syllabe ne se distingue de la première par la nasalisation : /ko/ passe par la bouche et /kɔ̃n/ par le nez. Mais la position en bouche reste la même dans les deux cas, un peu comme le /m/ de rhume qui devient /b/ quand on est « enrhubé ». Les phonèmes /m/ et /b/ - comme /n/ et /d/ - ne se distinguent que par la nasalisation de /m/ et de /n/. C’est la luette, petite excroissance de chair qui pend à l’entrée de la gorge qui permet de contrôler l’écoulement de l’air quand nous parlons ; elle s’abaisse pour qu’une partie de l’air expiré passe par les fosses nasales. Le francophone qui est habitué à nasaliser ce qui s’orthographie -en, -an, -on, -om etc. nasalise le /æ/ de land qu’il prononce comme le mot français « lande », et il en est de même de friend, bend etc. Il faut s’entraîner pour savoir « nasaliser » une voyelle française, et savoir ainsi « dénasaliser » quand les francophones prononcent l’anglais et se trompent. Dans « l’accent de Marseille » les voyelles nasales sont absentes ; dans la suite « un bon vin blanc » aucune voyelle nasale n’est prononcée. On prononce d’abord la voyelle buccale suivie de /ŋ/ - /œŋ bɔŋ vɛŋ blaŋ/ - à comparer à la version nasalisée : /œ̃ bɔ̃ vɛ̃ blɑ̃/. Tous les francophones ne produisent pas les quatre voyelles nasales du système. Nombreux sont ceux qui prononcent «brin» comme « brun », «Ain » comme « un » etc. Le phonème /ɛ̃/ de brin est un /ɛ/ nasalisé tandis que le /œ̃/ de brun est un /œ/ nasalisé. Il y a si peu de possibilités de confusion en contexte qu’il n’est pas anormal qu’en l’absence de paires minimales sujettes à opposition la différence se neutralise peu à peu. Pour ceux qui prononcent « brin » et « brun », « empreint » et « emprunt » de la même façon, on parvient à « bien » prononcer « brun » ou « -prunt » en partant du /œ/ de « bœuf » que l’on nasalise : /bœf/ → /bʁœf/ → /bʁœ/ → /bʁœ̃/ (brun).
  • Il n’existe pas en français de voyelles tendues (cf. en anglais les mots tels que bead /bi:d/, bard /bɑ:d/, bored /bɔ:d/, bird /bɜ:d/. Les /:/ présents dans les transcriptions codent la tension et non pas la longueur. J’insiste sur ce point ; ce qui oppose beat à bit n’est pas une question de longueur mais de tension. Parler dès lors de « i long » ou de « i court » n’a pas de sens car c’est tout simplement faux. Même pour des raisons de simplification, parler aux jeune élèves de «i long » ou de «i court » est plus pernicieux qu’il n’y paraît. Le francophone soit apprendre à « tendre » une voyelle. On parle en anglais de l’opposition lax / tense et en français de l’opposition non tendu / tendu. Comment produit-on une tension ? Que faut-il faire pour y parvenir ? Le professeur doit faire prendre conscience aux élèves du phénomène de tension. On ressent très bien cette tension musculaire à la base de la gorge si on prononce correctement. On passe sinon à côté d’une des caractéristiques de l’anglais.
  • Il n’existe pas en français de diphtongues sur le modèle anglais de paint /peɪnt/, pint /paɪnt/, point /pɔɪnt/ etc. Des mots français tels que « faille », « feuille » ou « fouille » ne comportent pas de diphtongue mais une voyelle suivie de /j/ : /faj/ ; /fœj/ ; /fuj/. Comment produit-on une diphtongue ? On sait que le francophone, tel Eliza Doolittle dans My Fair Lady, ne parvient pas sans travail à produire le /eɪ/ de « The rain in Spain stays mainly in the plains » ; il peine aussi devant le /əʊ/ de coat ou de shoulder. Il faut apprendre à produire une diphtongue, et cela requiert de la part du professeur un savoir dans ce domaine. Une diphtongue est avant tout un glissement (glide) d’une première voyelle vers une seconde. La première est prononcée avec plus d’importance, et le phonème meurt sur la seconde. Pour prononcer des mots tels que coat, nose, shoulder contenant /əʊ/ il faut avant tout bien commencer par /ə/. Le francophone prononce un /o/ français à la place. Une diphtongue, ça se travaille ! La diphtongue /aɪ/ de bike, kite, my, etc. n’a pas de point commun avec ce que produit le francophone qui prononce « maille » /maj/ pour my /maɪ/. Il faut songer « arrière toute » pour l’attaque de cette diphtongue. Malgré la représentation /a/ de la première partie de la diphtongue, il faut plutôt songer au /ɑ/ qui est l’entrée du /ɑ:/ de car. Plus on attaque en arrière donc, mieux c’est. Dans une suite telle que « five miles by bike » le francophone qui commence bien avec five, termine souvent avec bike /bajk/ prononcé à la française. Songeons que dans les Midlands, night est prononcé comme si ce mot s’écrivait noight /nɔɪt/ !
  • Les mots « feuille » et « Foche » contiennent respectivement les voyelles /œ/ et /ɔ/. Elles présentent la particularité suivante : elles ne peuvent être placées en position finale d’un mot. En clair, il n’existe en français aucun mot terminé par les phonèmes /œ/ ou /ɔ/. On ne trouve donc pas de mots en français sur le modèle de */fɔ/ ou */fœ/ car la langue française n’a pas retenu cet agencement en finale de mot, n’a pas retenu cette combinatoire. Il y a forcément une consonne (phonème) à la suite de /ɔ/ ou de /œ/. Dans le cas de /œ/ cela a des répercussions sur l’apprentissage de l’anglais. Le francophone ne produit qu’avec difficulté les finales de mots tels que colour, doctor, future, teacher et même Canada, toutes prononcées /ə/ - en General American bien sûr ceci est à moduler. Le /œ/ français étant très proche du /ə/ anglais, il n‘est dès lors pas étonnant que le francophone ait du mal à prononcer un /ə/ qui termine un mot quand dans sa langue cela n’existe pas.
  • Le phonème /e/ contenu dans «fée» – et aussi dans «chez», «été» etc. ne peut pas être suivi d’une consonne dans une syllabe finale. (On fera attention au fait que /e/ en transcription du français code le son que produit la lettre «é»). Demandons à un francophone d’ajouter un /d/ ou /t/, un /s/ ou un /z/ après un /e/ et cela pose d’emblée des problèmes. Des suites telles que /ɛd/, /ɛt/, /ɛs/ ou encore /ɛz/ ne posent aucun problème /ed/, mais /et/, /es/ ou /ez/ n’existent pas en français. Or en anglais, à commencer par English /‘ɪŋglɪʃ/, cette suite est fréquente. Ce qui se transcrit /e/ en français n’est rien d’autre que le /ɪ/ anglais de it ou trip – et encore de village /‘vɪlɪʤ/. Le francophone produit /ingliʃ/ avec le /i/ français et ne parvient pas à produire correctement le simple «it is English». Les francophones qui prononcent «français» ou «laid» avec en finale le phonème /e/ et non /ɛ/ prononcent tous «française» et «laide» avec /ɛz/ et /ɛd/ en finale et jamais /ez/ ou /ed/. Par exemple, pour qu’un francophone parvienne à prononcer un mots tels que bid – qui ne se prononce pas comme le français «bide» - il faut d’abord partir du français «bé» – de «bébé» – et après répétition de «bé» demander l’ajout de /d/. Et on obtient «béd« et donc bid. Très exactement. On peut dupliquer cette manipulation chaque fois que cela s’avère nécessaire en prenant un mot français terminé par le son que code par écrit le «é» et lui ajouter le son /d/. Ex : fé + ch = féch = /fɪʃ/ = fish ; vélé + dj = vélédj = /‘vɪlɪʤ/ = village . Ces manipulations ont l’avantage d’éradiquer le /i/ français là où /N/ est requis. Tous les moyens sont bons pour parvenir à obtenir une prise de conscience articulatoire et donc une meilleure prononciation.
  • On voit apparaître avec le mot fenêtre la voyelle /ə/ qui rappelle bien entendu le schwa de l’anglais. Son emploi est différent du schwa anglais qui est LA réduction vocalique par excellence. En français ce /ə/ apparaît par exemple à l’initiale de mots tels que « besace », « cheval », « petit », et aussi dans des positions centrales – appartement /apaʁtəmɑ̃/ etc. Si on décide de peser sur ces syllabes initiales, le /ə/ cède la place à /ø/.

Ce que ne montre pas la grille ci-dessus est l’absence en français d’accent tonique de mot, ce qui fait de la langue française un cas à part au sein de l’Europe, pour nous cantonner aux langues voisines. Au plus le français connaît-il un allongement de la dernière syllabe d’un mot, de la dernière syllabe du mot d’un énoncé. Ex :

« Alors ? »
« Eh bien alors j’ai sonné ! »

Les deux occurrences de « alors » ne sont pas tout à fait réalisées de la même façon, la première occurrence subissant un allongement sur la deuxième syllabe, ce qui n’est pas le cas pour la deuxième occurrence. On ne peut donc pas parler d’accent tonique de mot en français. Dans le cas de l’anglais, la présence d’un accent tonique de mot a pour conséquence une réduction très forte des syllabes voisines. Tout dans ce domaine est donc à apprendre : comment produit-on un accent tonique ? Qu’est-ce que la réduction vocalique qui fait que le -pan de Japan /dʒəˈpæn/ devienne /pə/ dans Japanese /ˌdʒæpəˈniːz/ ? Combien de lycéens prononcent-ils correctement ces deux mots ?

Les accents toniques n’apparaissent pas au petit bonheur la chance. Il existe des régularités de fonctionnement – cf. les règles d’accentuation des polysyllabiques - et derrière l’apparente jungle – jungle si on ne donne pas aux élèves les outils requis pour se frayer un chemin – il existe des repères. Pour prendre un seul exemple, il n’est pas difficile dès les premiers pas en anglais de regrouper des mots tels que : Atlantic , domestic, electric, fantastic, terrific etc. et de montrer qu’il existe un moyen de prévoir l’accentuation des mots terminés par -ic(s). On ne dira rien pour commencer de la petite poignée de mots en écart à cette règle – il vaut mieux quatre ou cinq fautes très occasionnelles que plusieurs milliers de fautes par ignorance d’un principe de fonctionnement fiable. Au moment où j’écris ces lignes j’entends dans un bulletin d’informations de BBC1 la chose suivante :

A company has been heavily fined for making automated unsolicited phone calls.

Les deux mots en gras entrent chacun dans une règle d’accentuation. Expose-t-on les lycéens à ces règles ? (cf. l’impact des finales -ate et -it sur le schéma accentuel du mot). Le professeur doit non seulement connaître les règles d’accentuation mais les enseigner, en donnant la priorité à celles dont la présentation reste raisonnable et pas trop abstraite. La pratique reste bien entendu la seule façon de fixer les savoir. Connaître des règles sur le papier seulement est à peu près inutile.

Ce que ne montre pas non plus la grille est que la langue française, de façon comparable à l’anglais mais dans une bien moindre mesure, connaît le principe d’une forme de réduction vocalique. Le francophone qui, lorsqu’elle est isolée prononce la conjonction de coordination « mais » /mɛ/, la prononce /me/ en contexte : « Mais /me/ enfin pourquoi veux-tu qu’il parte? ». Il en est de même de l’article « les », des adjectifs possessifs « mes », « tes », « ses » qui passent de la forme de citation /ɛ/ à la forme en contexte /e/. Quand from dans : « Where are you from ? » est prononcé /frɒm/ mais devient /frəm/ dans : « Peter’s from Worcester. », le phénomène est comparable à la légère réduction vocalique du français, mais bien entendu beaucoup plus généralisé.

Enfin, bien que phonèmes du français et phonèmes de l’anglais constituent des systèmes différents, il existe des points de contact que le professeur peut exploiter. Voici quelques exemples :

  • Le /i/ français peut servir de tremplin au /i:/ (tendu) de l’anglais à condition de partir de l’articulation du français et d’ajouter la tension requise (et non la longueur). On part de « fi » en français et en ajoutant la tension on obtient fee /fi:/. On note que si on allonge au lieu de tendre, on va obtenir */fiiiiiiiiiiiiiii/ mais pas le mot recherché.
  • Le /a/ français de « papa », ou de « lave » est quasi identique au /ʌ/ anglais contenu dans brother, cousin, love, money, mother, pup, son, sun etc. L’orthographe n’aide pas le francophone qui devant les lettres « o », « ou » et « u » a d’autres réflexes, et prononce de trois façons différentes ce qui est un seul et même phonème. Avec un /m/ et un /n/ appropriés, le mot français « manie » est très utile pour bien prononcer money /’mʌni/ quand les francophones prononcent « monnaie » à la place. Si on écrit un mot français inventé tel que « sanne », la proximité avec son et sun est quand même intéressante à exploiter ; le francophone prononce ces deux homophones de deux façons différentes, influencé par l’orthographe. On peut comme cela partir de mots français – existants ou inventés - pour arriver au /ʌ/ : banne / bun ; *catte / cut ; chatte / shut etc. Le /æ/ de cat étant très difficile pour les francophones, l’effet domino suivant se produit : cat /kæt/ est prononcé /kʌt/, c’est-à-dire cut, et dès lors cut est lui prononcé avec le /œ/ français de «boeuf». C’est avec ce /œ/ que les francophones prononcent les mots qui comportent la lettre «u» dans les mots suivants : bun, duck, fuck, fun, hurry, pub, run etc. simplement parce qu’inconsciemment – et en l’absence de la correction requise – le francophone ne peut intégrer que la lettre «u» puisse être prononcée avec l’équivalent d’un /a/ français. Il faut par exemple veiller à ce que dans : «Number one is a duck», les trois /ʌ/ soient bien présents – l’erreur classique est que duck soit prononcé à la française : /'nʌmbə'wʌnɪzɘ'dœk /.
  • Le /ɑ/ de « pâte » ou de « gâteau », pour ceux des francophones qui le prononcent ainsi – nombre de francophones ne produisent pas la différence entre « patte /pat/ » et « pâte /pɑt/ » - est un bon tremplin pour le /ɑ:/ contenu dans bra, car ou laugh, à condition là aussi de partir de la position /ɑ/ et d’ajouter la tension. Quand le médecin fait tirer la langue aux patients, insère une spatule en bois dans la bouche et demande de faire «â’’’’’’’’’’’ » le point d’attaque du /ɑ:/ anglais n’est pas loin ; il reste à appliquer la tension.
  • Des remarques comparables concernent le /o/ de « faux ». Il peut servir d’attaque au /ɔː/ de fought à condition bien entendu d’ajouter la tension requise. Ce qui distingue le français faute /fot/ de l’anglais fought /fɔːt/ est une attaque plus en arrière – le /ɔː/ « gratte » davantage la gorge – et la tension exercée. C’est aussi le phonème de broad et abroad – et Broadchurch –, mots que les francophones prononcent en général avec difficulté.

Face aux 25 phonèmes vocaliques de l’anglais – 12 voyelles de base avec des oppositions non tendu/tendu et 13 diphtongues et triphtongues – le francophone avec 16 voyelles sans opposition non tendu / tendu et des points d’articulation différents part avec un gros handicap. Ce sont les voyelles, bien plus que les -th de this ou Thatcher, qui posent les plus gros problèmes.

2. Prise de conscience et regroupements

On trouve dans des manuels d’anglais qui ont marqué leur époque des présentations qui sur le plan phonologique étaient très intéressantes. Dans L’anglais vivant 6ème de P. et M. Carpentier-Fialip (Hachette 1931) les mots des leçons étaient systématiquement regroupés selon le phonème vocalique de la syllabe accentuée. On trouvait ainsi des tableaux tels que le suivant : (Leçon 17, p. 47)

ɑ: əʊ ʊ ʌ
shape brass wide gold foot come
made glass high stone good cover
radiator hard iron stove wood rubble

Si cela peut sembler banal aujourd’hui, tous les collégiens et lycéens ne sont pourtant pas rompus à ce type de travail pourtant capital.

Dans l'Anglais par l'illustration 6ème  (P.M. Richard and Wendy Hall, Hachette 1965), la première partie du livre était consacrée aux « sons de la langue anglaise ». Chaque son était associé à un animal et/ou un objet. Si le professeur s’en sentait capable il pouvait faire chanter à ses élèves la petite chanson qui suit :

Number one is a duck /ʌ/
Number two is a goose /u:/
Number three is a bee /i:/
Number four is a stork /ɔ:/ 
Number five is a fly /aɪ/
Number six is a pig /ɪ/
Number seven is a hen /e/
Number eight is a snake /eɪ/

Ainsi, dès le début de l’apprentissage un mot symbole était associé à un deuxième, puis un troisième etc., le but étant une prise de conscience du fait que les phonèmes sont en nombre fini. Quand on parvient à prononcer un phonème dans un mot donné, on est ainsi en mesure de le prononcer correctement dans un autre mot, même si l’orthographe est différente. En préface de l’Anglais par l’illustration 6ème les auteurs écrivaient ce qui suit : « Tout le monde est d’accord pour dire que l’étude de la prononciation en Sixième soit être l’objet de soins tout particuliers et qu’une véritable formation phonétique est indispensable. Les avis peuvent toutefois différer sur la place de la transcription phonétique proprement dite. De bons résultats peuvent être obtenus par divers moyens, à condition que l’étude soit menée avec méthode, patience et ténacité, pendant toute l’année et chaque heure du cours. » On ne peut qu’adhérer à cette prise de position qui remonte donc à 1965. 

La place manque ici pour faire le point sur la grille phonologique de l’anglais. Les professeurs peuvent, entre autres, se référer à Adamczewski & Keen, 1973. 
Face à l’anglais les difficultés des élèves sont deux types :
  • Articulatoires : un francophone a de façon attendue du mal à produire certains phonèmes et suites de phonèmes car sa langue maternelle ne l’y a pas préparé. Il faut que le professeur ait la formation requise – et donc le bagage requis en phonétique et phonologie – pour aider les élèves à prendre conscience de la façon dont ils doivent utiliser leur appareil phonatoire pour bien prononcer tel ou tel phonème. Comment placer la langue ? Le phonème est-il articulé en haut ou en bas, en avant ou en arrière de la bouche ? Les cordes vocales vibrent-elles ou non ? Qu’est-ce qui distingue le /æ/ de cat du /ʌ/ de cut ? Quel est le secret de réalisation des diphtongues ? 
  • La graphie masque l’accès aux phonèmes, parfois à des phonèmes assez faciles à reproduire. Prononcer sun /sʌn/ et même Worcestershire /ˈwʊstəʃə/ n’est pas insurmontable du tout ; mais l’orthographe est une entrave. Face à cette entrave, il faut impérativement procéder à des regroupements.

Regrouper des mots signifie que devant une difficulté portant sur le phonème accentué d’un mot donné on va faire appel à un autre mot, déjà rencontré et déjà travaillé, de façon à montrer qu’il s’agit d’un phonème qui n’est pas inconnu. Un élève qui prononce mal brother en raison d’une erreur sur le /ʌ/ de bro- se trompe sans le savoir sur tous les mots qui comportent ce phonème en syllabe accentuée. Le corriger sur brother ne suffit pas. Il faut lui faire produire dans la foulée sunsonmummotherspongecousinonioncutone / won etc. Les regroupements peuvent aussi être proposés en exercice. Les mots suivants qui figurent par exemple dans une leçon donnée sont à écouter et à regrouper par phonème accentué : (exercice proposé dans E for English 4ème – Unit 7).

beat - clique - cool - geek - leader - mean - nerd - pupils - school - students - tease - treat - girl

Le tableau ci-dessous donne déjà des indices (en rouge) avec 3 phonèmes et des mots clés qui les illustrent. A un niveau plus avancé on peut envisager de donner le tableau à construire sans indices.

/i:/ /u:/ /ɜ:/
sheep tool work
beat cool nerd
clique school girl
geek students  
leader    
mean    
tease    
treat    

Ce type de travail doit être aussi fréquent que possible si on veut parvenir à instaurer une réelle prise de conscience. Tout nouveau mot n’est pas une nouvelle difficulté mais est à rapprocher d’un ensemble de mots déjà étudiés, déjà rencontrés. Il en sera de même pour les syllabes accentuées quand une règle se profile. Tel mot dont la finale est -ity, -ion, -ian, -ic etc. doit dans la foulée être comparé à ceux qui répondent au même schéma accentuel. D’autres types de regroupements sont possibles. En voici un exemple : les mots qui suivent comportent deux syllabes ; la première, accentuée comporte la voyelle /ʌ/ et la deuxième, inaccentuée, /ə/ :

borough ; brother ; bugger ; butler ; butter ; colour ; comfort ; cover ; govern ; mother ; onion ; other ; shutter ; stomach ; thorough.

Quand plusieurs de ces mots sont apparus en cours il faut impérativement les réunir, les faire prononcer tour à tour, seuls et dans des énoncés. Toute personne qui a enseigné l’anglais sait comment chacun de ces mots est invariablement prononcé par les francophones. Rapprocher borough de butter permet de bien comprendre que la finale de butter n’est pas prononcé à la française - « eur » - et aussi de bien prononcer comfort /ˈkʌmfət/ – puis éventuellement comfortable /ˈkʌmftəbl/ - mot dont on sait que les interférences avec le français sont inévitables et néfastes si non corrigées. Le mot clé en langue est « systématicité » qu’il faut décliner chaque fois que la pertinence s’impose. 

3. La clé de l'anglais oral : /ə/

La plupart des francophones sont déroutés face à l’anglais oral. Les clichés vont bon train : « Sept ans d’anglais et je ne comprends rien ! » entend-on souvent. Ce qu’il faut mettre en place dès que possible est au cœur du problème : une syllabe accentuée par mot et les autres réduites au son /ə/. Ceci au niveau du mot ; au niveau de la phrase, les opérateurs de base – la tradition les appelle « auxiliaires » – sont la plupart du temps eux aussi réduits à /ə/, ce que l’orthographe bien entendu ne laisse pas présager :

There is no certificate . /ðəz'nəʊsəˈtɪfəkət/
There are some bananas for you: /ðərəsəmbəˈnɑːnəzfəjuː/
There can be no nonsense about it. /ðəkənbɪ'nəʊˈnɒnsənsəˈbaʊtɪt/
But of course… /bətəf'kɔːs/
I should have told you ! /aɪʃədəf'təʊldju/
There were lots of of people at Trafalgar. /ðəwə'lɒtsəfˈpiːplətrə'fɑ:lgə/

Les simples there is / there are / there was / there were ont une prononciation toujours réduite qui déroute, mais qui ne devrait pas dérouter car le propre du fonctionnement de l’anglais oral est là superbement exhibé. Il faut exiger en classe que tous ces mots outils soient prononcés en forme faible – ou réduite – dès les premiers pas en anglais et dès que cela s’impose. Laisser produire des there are sans réduction et sans correction aucune revient à empêcher les élèves de s’approprier l’anglais oral.

Voici un petit exercice tout simple qui permet de prendre conscience de l’existence de ce /ə/.
L’exercice a pour titre ; « Is ou are ? »
A priori, tout francophone pense savoir faire la différence entre is et are - mais on a toujours l’écrit en tête, et oralement c’est autre chose. On peut faire enregistrer les énoncés suivants, enregistrés comme dans une conversation normale, ce qui va entraîner contractions et réductions en /ə/.

The boy is late /ðə'bɔɪz'leɪt/
The boys are late /ðə'bɔɪzə'leɪt/
My brother is talking /'maɪˈbrʌðəzˈtɔːkɪŋ/
My brothers are talking /'maɪˈbrʌðəzəˈtɔːkɪŋ/
The rose is red /ðəˈrəʊzɪz'red /
The roses are red /ðəˈrəʊzɪzə'red/
etc.

Là où la grammaire de l’écrit oppose is à are, boy à boys, brother à brothers, rose à roses, l’oral ne retient que /ə/ comme seule distinction.

On peut faire un rapprochement avec le français sur ce point :

Le petit garçon joue dans la cour    ≠      Les petits garçons jouent dans la cour
    /lœ p(ə)ti gaʁsɔ̃ ʒu dɑ̃ la kuʁ/     ≠             /le p(ə)ti gaʁsɔ̃ ʒu dɑ̃ la kuʁ/

La seule distinction orale repose sur la prononciation des articles le/les : /lœ/  ≠  /le/. La grammaire de l’oral et celle de l’écrit sont deux choses différentes. On comprend sans peine la difficulté du jeune francophone qui maîtrise parfaitement la nuance entre ces deux phrases à l’oral et qui découvre à partir de l’âge de 6 ans et son arrivée à l’école primaire que ce qui ne s’entend pas s’écrit : -s du pluriel, porté par le nom et l’adjectif, -ent porté par le verbe. Quant au non francophone, il peine bien sûr à saisir la différence entre les deux énoncés.

Voici à la suite un petit récapitulatif portant sur /ə/ :

Terminaisons toujours inaccentuées comportant /ə/

-a, -ar, -er, -or, -ire, -ure, -ious, -our, -ous, -us
(en gras, les syllable accentuées)

delta beggar doctor opener Yorkshire delicious parlour
Africa collar tractor smoker culture religious enormous
Toyota particular inventor teacher future colour
octopus
Les francophones, et il faut enrayer cette habitude, prononcent les terminaisons -ious ou -ous à la française, c’est-à-dire en prononçant /jus/ ou /us/. Les adjectifs tels que :

dangerous, famous, enormous, nervous doivent être regroupés en fonction de leur point commun qui est /ə/ en dernière syllabe, syllabe forcément inaccentuée. Une autre erreur récurrente porte sur les mots de type future ou Yorkshire pour lesquels le francophone prononce les finales à la française. Dans la variété d’anglais appelée Southern British English, il est intéressant pour le francophone de constater que les finales en -a (Canada) ou toutes celles qui comportent un -r se prononcent /ə/.

Grammaire et formes réduites prononcées /ə/

are, was, were

The boys are late again  Peter was in the attic
There are two policemen at the door I was out at the time
Are you coming or what? There were four men in the car
Who are you? My parents were very nice to him

 Dès les premiers pas en anglais – et donc à l’école primaire aujourd’hui – il est par exemple plus pédagogique de mettre en place la question «Who are you ?» prononcée correctement /’hu: ə ’ju:/ en lieu et place de «What is your name ?». Cela présente non seulement l’intérêt de mettre dans les oreilles la prononciation adequate de are en forme réduite. La prononciation de were /wə/ et de weren’t /wənt/ doit être surveillée de près !

has, have

She has never been to England He should have told me
Peter has brought some wine He must have met her on the bus

Has et have peuvent respectivement être encore plus réduits et le /ə/ disparaît même :

has → /s/ ou /z/
have → /v/

there is, there are, there was, there were

There is no butter in the fridge There are more tourists than last year
There was no time for me to call Peter There were not any tools missing
There are lots of students in the pub tonight Were your sisters out?

La découverte de la forme faible de there se fait toujours très tard dans l’enseignement. Les étudiants de 1ère année de licence d’anglais, voire des lauréats du CAPES, sont souvent incrédules devant cette réalité.

can, must

I think I can do it too I must go now
Can you swim? You must be eighteen to vote
When can you move? There must be no delay

Lors de la présentation au collège des modaux can et must, la prononciation doit être privilégiée. Si les formes pleines /kæn/ et /mʌst/ existent bel et bien, ce sont en priorité les realisations en formes réduites /kən/ - voire /kn/ - et /məs/ - et même /ms/ - qui doivent être présentées en priorité.

and, as, at, but, for, from, of, some, than, that, them, to

Bacon and eggs There is a letter for you It is better than nothing
Fish and chips Stop looking for trouble She knows that you are here
He was as good as gold I haven't seen her for years I thought that you would stay
As far as I am concerned... I come from Oxford I saw them outside
She left as soon as possible I knew she got it from Peter Did you tell them?
He was at the doctor's I need a new pair of trousers Give it to them now
Don't laugh at me I need some petrol I want to see you
He said he was. But he wasn't You owe me some money It is about a mile to the city
But I thought she was French! You should take some aspirin It is not for me to say
L’orthographe indique parfois la réduction de certains de ces « petits » mots :

fish’n chips ; rock’n roll ; a nice cuppa etc.

Dès les premiers instants en classe d’anglais de niveau débutant, que ce soit à l’école primaire ou au collège, il faut faire prendre conscience de l’omni présence de /ə/. L’attribution de prénoms anglais aux élèves va en être une première occasion :

Barbara /’bɑ:brə/
Jennifer /’ʤenɪfə/
Jason /’ʤeɪsən/
Maria /mə’rɪə/
Peter /’pi:tə/
Sandra /’sændrə/
etc.

Il ne faudra pas très longtemps pour que le /ə/ commun à ces prénoms devienne une évidence – et soit prononcé correctement. Puis les énoncés – très utiles en début d’apprentissage – comportant there is / there are viendront conforter cette prise de conscience. Et les articles a et the qui sont la plupart du temps en forme faible sont une occurrence supplémentaire. On ne fait pas un pas en anglais sans rencontrer /ə/ !

Conclusion

Ce qui semble l’évidence en termes d’enseignement de l’anglais, et donc la prédominance de l’oral, connaît des hauts et des bas. Des manuels d’anglais à une époque où aucun support enregistré n’était disponible étaient très en pointe sur le contenu phonologique. Puis, avec l’avènement des « nouvelles technologies » le savoir a hélas été supplanté. L’arrivée des méthodes dites audio-visuelles, puis le magnétophone – à bandes puis à cassettes – et maintenant d’autres types de supports numériques ont fait que la fascination exercée par les machines a souvent pris le dessus sur l’apprentissage et la maîtrise d’un savoir. On peut hélas écouter et ne pas entendre. Etre livré à soi-même avec pour tout support http://howjsay.com/ ne suffit pas.

L’actualité du moment a fait qu’il a beaucoup été question en France de la marque Whirlpool. Je ne pense pas avoir entendu le nom prononcé correctement une seule fois sur les ondes. Les journalistes ont certainement entendu le mot prononcé par les natifs, mais leur filtre francophone a joué à plein et on est passé à côté de la bonne prononciation. Quant à doctrine militaire américaine connue sous le nom shock and awe les radios en ont présenté à l’époque une prononciation très personnelle.

Quand on évoque ici et là l’importance de l’oral, il convient de moduler cette affirmation. Importance, voire prédominance, de l’oral doit signifier avant tout qualité de l’oral. On parle beaucoup aujourd’hui d’interaction, de tâches intermédiaires et finales, mais je cherche en vain une réelle amélioration quant à la prononciation de l’anglais. Donner envie de s’exprimer, libérer la parole, sont bien entendu des choses formidables. Mais sans écoute du modèle que donne le natif, et lui seul, sans une répétition du modèle avec prise de conscience, et sans entraînement qui suive et sans entretient des acquis, les tâches intermédiaires ou finales restent bien vaines pour la prononciation.

Références bibliographiques

Adamczewski, H. & Keen, D. (1973), Phonétique et Phonologie de l’anglais contemporain, Armand Colin.

Cet ouvrage, aujourd’hui épuisé mais toujours très disponible sur le marché de l’occasion, est un must read pour quiconque enseigne l’anglais, à quelque niveau que ce soit. Il fut – et reste – précurseur dans son domaine, ne serait-ce que parce qu’il donne au lecteur une réelle formation à l’oral avec une présentation de données générales sur le langage indispensables.

E for English 4ème, Didier, édition de 2013 – collectif. Pour la grammaire et la phonologie : Jean-Pierre Gabilan.

Deux manuels du passé :

Richard, P.M., & Hall, W. , (1965), L’anglais par l’illustration 6ème, Hachette.

Carpentier-Fialip, P. et M., (1931), L’anglais vivant classe de 6ème, Hachette

Ces deux livres de classe sont le témoignage de deux époques au cours desquelles l’importance de la prononciation était clairement affichée.

Pour aller plus loin

Cruttenden, A. (2014), Gimson’s pronunciation of English, Routledge – eighth edition.

Cambridge English Dictionary, 18ème édition, 2011. Remarque : l’édition avec CD rom a pour ISBN : 9780521152556

Faure, G., (1975), Manuel pratique d’anglais parlé, Hachette.

La prononciation du français dans le monde. Du natif à l’apprenant, (2017) Clé International – ouvrage collectif.

Manuels à consulter pour les exercices de prononciation :

New Live 4ème, Didier, 2002.

New Live 3ème, Didier, 2003.

 

Pour citer cette ressource :

Jean-Pierre Gabilan, "Pratique raisonnée de la phonologie : prise de conscience, travail articulatoire, regroupements", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juillet 2017. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/langue/phono-phonetique/pratique-raisonnee-de-la-phonologie-prise-de-conscience-travail-articulatoire-regroupements