S'approprier la langue orale quand on est sourd(e) profond(e)
Introduction
Mes remerciements les plus sincères vont à Laure Gardelle, qui m'a fait l'honneur de m'inviter à présenter ici une synthèse de mes travaux consacrés à la langue orale en contexte de surdité profonde, prélinguistique. L'École Normale Supérieure est le lieu initial de ma formation académique et je suis donc particulièrement sensible à cette invitation, qui me permet, d'une certaine manière, de rendre compte des activités universitaires que je mène depuis une vingtaine d'années.
Ma présentation comporte trois parties. Les deux premières se veulent volontairement assez générales, avec des points de repères sur la surdité profonde et sur les liens entre expérience sensorielle et langage. La troisième partie présentera les résultats de mes travaux, menés avec des sourds francophones et des sourds anglophones.
1. Quelques points de repère sur la surdité
Dans cette première partie, conçue comme un préambule, je donnerai quelques points de repère sur la surdité, points de repère nécessaires pour appréhender la suite de cette présentation. Le contexte que je présente est celui de la surdité de l'enfant.
1.1 Causes, types et degrés de surdité
Les causes de la surdité de l'enfant ne sont pas toujours identifiées : dans 35% des cas environ, la cause demeure inconnue. La plupart des enfants sourds naissent dans une famille entendante. Lorsque la cause de la surdité est identifiée, la surdité est d'origine génétique dans 70 % des cas ; mais elle peut aussi avoir été développée in utero, en cas de rubéole ou de toxoplasmose chez la mère pendant la grossesse, ou avoir été acquise dans les premiers mois de la vie en rapport avec une maladie infectieuse telle que la méningite.
L'audiogramme est établi en tenant compte de plusieurs fréquences : 500, 1000 et 2000 Hz. Le degré de perte auditive sur ces fréquences détermine une classification des surdités : entre 20 et 40 dB de perte auditive, la surdité est dite légère (40 dB correspond au niveau sonore de la conversation) ; de 40 à 70 dB, la surdité est dite moyenne (une conversation animée a un niveau sonore de 60 dB) ; de 70 à 90 dB, il s'agit d'une surdité sévère (on situe à 80 dB le niveau sonore d'une rue bruyante) ; enfin, au-delà de 90 dB, la surdité est profonde (on donne habituellement deux repères : 100 dB pour un marteau-piqueur et 120 dB pour un réacteur d'avion).
Différentes parties du système auditif peuvent causer la surdité. On distingue ainsi les surdités de conduction et les surdités de perception.
Les surdités de conduction sont dues à des lésions de l'oreille moyenne (tympans, osselets, trompe d'Eustache) ; la perte auditive varie entre 20 et 60 dB ; il n'y a pas de surdité profonde. La perte se fait surtout sur les fréquences basses. Les surdités de perception découlent d'une lésion de l'oreille interne (cochlée, nerf auditif); la perte auditive peut aller jusqu'à 100 dB et concerne principalement les fréquences aiguës.
La surdité de conduction est huit fois plus fréquente que la surdité de perception. Il arrive que les deux types de surdité soient combinés chez le même individu.
1.2 Apparition de la surdité et langage
Les liens entre surdité et langage étant très importants, il est habituel de situer l'âge d'apparition de la surdité chez un enfant en fonction du stade de développement du langage. Lorsque la surdité existe avant 18 mois, on la désigne par les termes de surdité pré-linguistique. Si la surdité apparaît entre 18 mois et 36 mois, elle est qualifiée de péri-linguistique. Apparue après 3 ans, la surdité est dite post-linguistique.
Cette classification s'appuie sur des repères d'âge fixés de longue date dans le développement du langage ; ces repères pourraient bien sûr être revus à la lumière de travaux plus récents qui montrent que les prémices et les premiers développements du langage se situent bien avant l'âge de 18 mois.
Si des tests de dépistage de la surdité ont lieu dès la maternité, puis à intervalles réguliers, ce ne sont que des indicateurs qui permettent d'orienter vers des examens complémentaires. Les premiers développements du langage ne sont pas forcément de bons indices d'aide au diagnostic car le bébé sourd, même profond, passe aussi par des phases de gazouillis et de babillage avant que n'apparaissent des différences avec les bébés entendants pour la vocalisation. Les surdités de transmission ne sont détectées avec certitude que vers 24 mois tandis que pour les surdités de perception, le diagnostic se fait autour de 16 mois.
Les conséquences sur le développement du langage différent grandement selon la nature de la surdité : la perte auditive étant moindre dans les surdités de transmission, la voix est altérée et la perception est plus difficile en cas de bruits environnants et de locuteurs multiples. La conversation en face à face facilite la compréhension. Dans les surdités de perception avec perte auditive sévère, la parole est perçue à condition d'être produite avec une voix forte près de l'oreille. Avec une perte auditive profonde, la parole n'est pas perçue ; les bruits graves et forts sont perçus mais ne sont pas identifiés.
Les choix qui s'offrent aux parents en termes de communication dépendent donc du type de surdité et de l'environnement familial. Les informations qu'ils reçoivent, et qui pour certaines peuvent être teintées de partis-pris idéologiques, influencent grandement les décisions prises, décisions qui à leur tour, ont des conséquences sur la construction linguistique de l'enfant.
Lorsque les parents d'un enfant sourd sont eux-mêmes entendants, ils peuvent choisir d'utiliser leur langue orale, qui devient alors la langue maternelle de leur enfant, puisque, contrairement aux idées reçues qui amalgament « sourd » et « muet », les personnes sourdes profondes de naissance ne sont muettes que si elles présentent également le handicap de la mutité. La langue orale peut être accompagnée de compléments simultanés, destinés à aider l'enfant à lever les ambiguïtés qui surgissent en lecture labiale (par exemple : peur / beurre ; pou / boue / bout). Ces compléments sont décrits dans l'ouvrage de Dumont (1996 : 45 sq.).
Lorsque les parents sont entendants et souhaitent communiquer avec leur enfant sans attendre les effets de la réhabilitation auditive (prothèses ou implant ; soutien orthophonique), la langue des signes est utilisée à titre temporaire. Les parents l'apprennent de manière intensive mais il apparaît que leur maîtrise de cette langue ne se situe jamais au même niveau que celle de leur langue orale.
Lorsque les parents sont eux-mêmes sourds et signeurs (ce qui concerne 4% des enfants sourds selon Mitchell et Karchmer, 2004 et Courtin, 2007 : 214), ils font d'emblée une utilisation exclusive de la langue des signes qu'eux-mêmes emploient.
Dans certains contextes familiaux (un seul parent sourd par exemple ou un autre enfant sourd dans la fratrie), la langue des signes et la langue orale cohabitent. Il y a donc des cas d'alternance de la langue orale et de la langue des signes, si bien que l'enfant évolue en situation de bilinguisme. Ce bilinguisme est spécifique, et ce, de plusieurs points de vue ; d'une part, parce que les deux langues n'utilisent pas la même modalité, l'une étant orale et l'autre visuelle ; d'autre part parce que l'input et l'intake linguistiques sont souvent déficitaires, du fait que la langue signée n'est que rarement la langue maternelle des parents, que les formes orales sont simplifiées à l'adresse des sourds (Cheskin, 1981) et que l'enfant sourd lui-même en a une perception réduite.
Il faut indiquer que la langue écrite de la langue de référence[1] se greffe aux autres modes de communication mis en place dans les premières années de l'enfant, et ce, quels que soient les choix qui ont été effectués au préalable.
Les situations linguistiques sont donc plurielles et souvent complexes, ce qui entraîne de grandes difficultés pour le chercheur qui souhaite constituer un corpus homogène.
1.3 Surdité et intégration sociale
Les situations linguistiques vont de pair avec l'intégration de la personne sourde dans une ou plusieurs communautés sociales. Différents points de vue sont à prendre en compte.
Pour certains, la surdité profonde constitue un handicap qui peut ou doit faire l'objet d'une réhabilitation, tant de l'audition que du langage, afin de permettre l'intégration la plus large possible de l'enfant sourd dans la communauté entendante. Pour d'autres, les sourds forment une communauté : la communauté sourde, fondée sur une culture et des langues, les langues des signes. L'acquisition par l'enfant sourd d'une langue des signes, langue considérée comme sa langue naturelle, est alors une priorité. Enfin, les défenseurs du « bilinguisme » (langue des signes / langue orale) s'appuient sur des arguments tels que la communication précoce et l'intégration nécessaire des sourds dans les deux communautés, entendante et sourde.
Dès que sa surdité est établie, l'enfant sourd est donc l'« objet » d'une décision concernant le choix de sa langue maternelle. Cette situation ne se produit habituellement pas pour les autres enfants, pour lesquels aucun choix n'est réellement à faire, sauf dans des contextes plurilingues. Il apparaît que l'enfant sourd est « objet » d'une décision avant de ne pouvoir devenir « sujet » dans une langue. Cette décision va l'engager, malgré lui, dans tel ou tel parcours linguistique.
Ma problématique de recherche, depuis une vingtaine d'années maintenant, est celle-ci : quelles sont les répercussions de la surdité profonde sur la langue orale de l'enfant sourd ? Je m'intéresse au contexte oraliste, qui exclut la langue des signes au profit de la langue orale. Mon choix n'est en rien lié à une prise de position idéologique envers les langues des signes. Il s'agit d'un positionnement méthodologique afin de limiter les variables intervenant dans mon analyse ; chez les signeurs sourds en effet, des aires cérébrales normalement assignées à l'audition sont réaffectées au traitement des informations visuelles linguistiques (Dumont, 1996, p. 43) ; il peut également y avoir des interférences entre la langue des signes et la langue orale lorsqu'elles sont acquises en parallèle. Les sujets que j'ai enregistrés n'ont pas été mis en contact avec une langue des signes.
Ma problématique relève d'un questionnement large sur les liens entre les perceptions sensorielles, les conceptions qui en découlent et la réélaboration de ces conceptions telles qu'on peut les observer dans la langue orale produite par les sourds. Il s'agit donc d'un intérêt pour le langage, dont certaines caractéristiques peuvent être éclairées par la situation de surdité comme d'autres peuvent l'être par l'aphasie ou d'autres situations pathologiques.
2. Des perceptions sensorielles au langage
2.1 Perceptions sensorielles et processus cognitifs
Malgré une détection de plus en plus précoce de la surdité et malgré des progrès techniques importants dans le domaine de la réhabilitation auditive, une période caractérisée par l'absence d'audition chez le jeune sourd profond demeure une réalité tant que la surdité n'est pas diagnostiquée et qu'une forme de réhabilitation n'a pas été mise en place. Cette phase se situe à une période de la vie où l'enfant, sur la base de son expérience sensori-motrice, commence à développer sa connaissance du monde perçu et à la traiter par des processus cognitifs qui l'ordonnent et la structurent.
L'information perceptive serait traitée en trois étapes : « sensorielle, figurative et cognitive » (Jimenez, 1997, p. 22). Ces étapes formeraient des modules, entre lesquels différents types de relations sont évoqués. Pour certains psychologues, les relations seraient de type « montantes » (bottom-up), avec la perception sensorielle comme origine. Pour d'autres, il y aurait des effets rétroactifs à partir de la cognition et les relations pourraient donc aussi être « descendantes » (top-down).
Le corps, par les sens et le mouvement, joue un rôle de « prisme de la connaissance et des savoir » (Guignard, 2012, p. 16). Selon Lakoff (1987, p. 267), l'expérience corporelle est première et génère la formation pré-conceptuelle des schèmes-images qui modélisent les concepts et par là-même le sens (Guignard, 2012, p. 77). Si diverses hypothèses peuvent être envisagées sur les rapports entre pré-conceptuel et conceptuel (Levelt, 1989 ; 1999), il se dégage de la littérature un consensus quant aux corrélations entre perception et conception, corrélations telles que leur unification est envisagée, sous le terme de « ception » chez Lakoff et Johnson (1999, p. 37). L'expérience sensori-motrice est essentielle à la conceptualisation et à l'activité symbolique qu'est le langage.
Conceptions et représentations[2] résultent de processus cognitifs qui reconstruisent la réalité perçue. Chez un individu, elles présentent des traits spécifiques puisque l'expérience qu'il fait de son cadre de vie est unique et personnelle, mais elles présentent aussi des traits partagés par les membres de la communauté humaine qui ont le même cadre de vie. De ce dernier point de vue, les personnes sourdes pourraient constituer une communauté cognitive en soi puisqu'elles partagent le fait que la perception auditive ne participe pas à leur expérience sensorielle initiale, ce qui les distingue des personnes entendantes.
Puisque la langue unifie une communauté cognitive qui partage un réseau de représentations et de procédures cognitives (Donald, 2001, cité par Lapaire, 2006, p. 16), les enfants sourds pourraient, sur la base des conceptions et des représentations propres aux sourds, configurer la langue de référence d'une manière qui leur serait commune. Cela devrait transparaître dans la syntaxe et la sémantique des langues qu'ils développent, et tout particulièrement dans la langue orale car cette modalité permet d'entrevoir des processus de conceptualisation linguistique que l'écrit masque bien souvent. L'étude du langage en contexte de surdité profonde peut donc apporter des connaissances sur le rôle de la perception auditive dans la construction cognitive et peut révéler des aspects de l'organisation interne des représentations spécifiques aux sourds profonds.
2.2 Temps, espace et audition
Parmi les diverses conceptions, je me suis plus particulièrement intéressée à celles du temps et de l'espace chez les sourds, en vue de l'analyse de leur langue orale du point de vue des phénomènes linguistiques liés aux représentations spatio-temporelles : pour le temps, il s'agit en particulier de l'emploi des temps verbaux. Pour l'espace, il peut s'agir de la détermination nominale (en ce qu'elle délimite et stabilise la notion) mais aussi des prépositions et de la place des référents dans l'espace énonciatif.
L'ouïe et le toucher sont les deux vecteurs fondamentaux pour la conception du temps et de l'espace. L'ouïe est prédominante par le nombre de cellules sensorielles concernées. La conception du temps se fonde sur l'observation et la mémorisation d'événements reliés : par exemple, le bébé associe peu à peu l'arrivée de quelqu'un dans sa chambre et la satisfaction de sa faim, et à partir de 6 semaines, l'entrée de l'adulte suffit à calmer ses pleurs. Le bébé entendant se contente ensuite d'entendre les pas, avant même de voir l'adulte. Cela ne peut pas être le cas du bébé sourd profond, auquel l'étape sonore de l'arrivée de l'adulte manque, ce qui réduit l'amplitude des événements consécutifs perçus et l'amplitude de leurs représentations. Quant au point de vue spatial, l'absence d'audition fait que « le monde est sans profondeur pour l'enfant sourd » (Lafon, 1985, p. 19).
Les expérimentations menées par S. Vinter (2000) attestent de différences fondamentales entre enfants sourds et enfants entendants. Il s'agit d'expérimentations destinées à évaluer les interactions entre temps, espace et audition chez de jeunes enfants sourds. L'une des expérimentations consiste à faire explorer de façon tactile, sans les faire voir, des formes géométriques planes et à les faire dessiner, ce qui permet de connaître les représentations que s'en font les sujets. Contrairement aux enfants entendants qui déplacent la forme dans leurs mains sans la saisir en totalité, les enfants sourds resserrent les doigts dessus. L'exploration de la forme est « simultanée et statique » chez les enfants sourds sévères et profonds âgés de 7 à 11 ans alors qu'elle est « successive et plus mobile » chez les enfants entendants. Vinter considère que ces « difficultés de saisie et d'exploration des enfants sourds dans la modalité tactile qui n'est pas a priori déficiente chez eux, constituent très certainement un facteur de perturbation dans leur relation à l'espace et dans son appréhension » (p. 58). Dans une autre expérimentation ayant pour objet une tâche nécessitant une organisation séquentielle, Vinter relève que les enfants sourds, âgés de 3 à 5 ans, ont des conduites qui comportent des ajustements plus ou moins adaptés, ce qui révèle « des difficultés à établir un programme d'actions » séquentielles et « un trouble de la construction du cadre spatial extérieur » (p. 63). Enfin une expérimentation impliquant le jeu symbolique chez des enfants sourds âgés de 28 à 38 mois montre que les séquences d'action sont brèves et élémentaires et ne constituent pas de scène d'ensemble, révélant une « difficulté à planifier un jeu » (p. 65)
De tels résultats expérimentaux contribuent à donner une légitimité à mon hypothèse sur les liens entre surdité profonde et cognition, liens dont les prolongements linguistiques font l'objet de la troisième partie de cet exposé.
3. S'approprier la langue orale : devenir sujet, s'approprier une altérité
S'approprier une langue orale consiste en particulier à en devenir sujet et à s'approprier une altérité.
3.1 Devenir sujet
Pour Benveniste (1966, p. 259), « c'est dans et par le langage que l'homme se constitue comme sujet ». Cette assertion est largement fondée sur l'observation de la deixis qui trouve son origine dans le sujet ; « tu », « ici » et « maintenant » ne réfèrent que par rapport à « je » et structurent la sphère de l'énonciateur. Le concept de sujet a été étendu à l'origine conceptuelle du discours où s'organisent les repérages : Benveniste conceptualise ainsi le sujet énonciateur sur la base des traces qui, dans le discours, attestent des choix opérés parmi des possibles. L'énonciateur est le lieu de ces choix, qui singularisent et définissent le sujet.
Le terme de « sujet » peut désigner également le « sujet parlant », qui est un « énonciateur au sens plein du terme : un sujet cognitif et un acteur social, intégré à un environnement culturel et interagissant avec lui » (Lapaire, 2009, p. 58). C'est dans ce dernier faisceau d'emplois que je situe ma réflexion car la cognition, et donc la perception, y sont intégrées, ainsi que les paramètres affectifs et sociaux, qui sont des sources essentielles de motivation linguistique, notamment en contexte de surdité profonde.
3.2 S'approprier une altérité
Il est à noter que le sujet se situe dans une interaction entre un système collectif (la langue) et une production personnelle, individuelle. Le système collectif est à voir comme une altérité que le sujet doit s'approprier.
Dans le contexte de la surdité, la langue orale présente un caractère d'altérité supplémentaire puisqu'elle est élaborée par des entendants. La langue de référence (anglais, français …) est organisée en fonction des représentations de locuteurs entendants. Quelles implications cela peut-il avoir pour le sujet sourd ? Le jeune sourd doit en effet s'ajuster à cette langue (orale) et aux représentations sous-jacentes ; cette situation de décalage s'apparente de ce point de vue à celle que connaît l'apprenant de langue étrangère :
(…) apprendre une langue étrangère suppose de confronter des conceptualisations du monde différentes et de s'inscrire dans une logique d'intégration, au moins partielle, de ce positionnement autre, ce qui suppose une étape initiale d'acceptation de l'altérité de la langue et de la culture d'autrui, et donc la perception de la singularité de ses références propres. (Chini, 2011, p. 14)
Le jeune sourd parvient-il à combler ce décalage ou bien ce décalage demeure-t-il en laissant des traces repérables dans la langue qu'il produit ?
Afin de trouver des réponses à ces questions, j'ai recueilli des données en faisant des enregistrements audio de jeunes sourds, en anglais (au Canada et en Angleterre) et en français (au Canada et en France). Ces enregistrements ont été faits auprès de 20 oralistes âgés de 10 à 15 ans, tous atteints d'une surdité profonde, prélinguistique et bilatérale, et dont les parents ont fait le choix de l'oralisme, ce qui exclut les langues signées. Une première série de données a été recueillie en 1988 avec de jeunes sourds portant des prothèses sans grande efficacité (elles étaient régulièrement enlevées ou éteintes). Une seconde série de données a été recueillie en 2006, avec le même protocole, auprès de jeunes sourds ayant un implant cochléaire depuis au moins sept ans, implant cochléaire leur procurant une perception de la conversation. Différents types de discours ont été sollicités (discours narratif, descriptif, argumentatif) et la transcription a abouti à un corpus de 4000 énoncés. L'analyse du corpus m'a permis de mettre en évidence des spécificités dans la langue orale produite, spécificités communes aux différents locuteurs d'une même langue, mais aussi aux anglophones et aux francophones. De plus, les spécificités mises en évidence dans la première série de données demeurent chez les sujets porteurs d'un implant cochléaire, ce qui permet d'affirmer que l'absence d'audition des premiers mois a des conséquences que la réhabilitation, même performante, ne peut pas totalement résorber. Il y aurait donc bien des conceptions et des représentations propres aux sourds, s'interposant dans l'appropriation de la langue orale, et ce, de manière permanente. J'illustrerai cela par quelques résultats d'analyse portant successivement sur le système temporel, le système de la détermination nominale et le système des prépositions. Dans un dernier temps, j'illustrerai de quelle manière la dimension symbolique du langage est appréhendé par les sourds, illustrant ainsi une approche plus métaphorique du temps et de l'espace.
3.3 S'approprier le système temporel
Quelles sont les spécificités relatives aux emplois temporels dans le corpus ?
Dans les tâches descriptives, l'emploi récurrent et inattendu de l'imparfait et du prétérit se présente comme une spécificité. Chez les entendants, ces temps ont une valeur de rupture temporelle et de détachement entre la situation de référence et la situation d'énonciation ; chez les sourds, cette valeur semble être étendue et pourrait désigner la rupture due à la préexistence du référent de la tâche (les images) à la tâche de description elle-même : la fenêtre était ouverte ; and there was a robot.
Dans les narrations, le grand nombre de changements de repérages temporels est frappant et semble répondre à des principes récurrents :
-de manière cohérente avec la gestion des descriptions présentée ci-dessus, il y a passage du présent à l'imparfait dans les séquences descriptives situées à l'intérieur de narrations : le garçon il vient rentrer de l'école il pleuvait (kg122-123)
-le code narratif présente une instabilité où passé et présent peuvent alterner ; alors que pour les entendants, cette alternance est codifiée (mise en relief d'une action au présent, cadre du récit à l'imparfait), les locuteurs sourds suivent majoritairement l'ordre qui consiste à mettre le verbe initial au passé puis les verbes suivants au présent. En voici un exemple : last October we had a birthday-party (…) and we have lots of soft drinks (sb136-139).
De ce point de vue, une comparaison peut être faite avec les langues signées : le repère temporel y est défini par un signe autonome en début de narration et il n'y a pas d'autre signe à valeur temporelle tant que le repérage temporel est inchangé.
3.4 S'approprier le système de la détermination nominale
La détermination nominale permet de délimiter le domaine notionnel et de construire des valeurs référentielles par projection du linguistique sur l'extralinguistique. L'espace est donc particulièrement impliqué dans ces opérations. Il ressort des données de 1988 que les déterminants sont inadéquats vis-à-vis de la langue de référence dans 25% des cas, et que la fonction du groupe nominal dans l'énoncé est décisive : en fonction sujet, le groupe nominal reçoit majoritairement une détermination adaptée alors que ce n'est pas le cas en position de complément d'objet ou de groupe prépositionnel (Vincent-Durroux, 1999a, p. 99). Lorsque la forme de détermination se démarque de celles observées dans la langue de référence, deux configurations sont remarquables : la dissociation des valeurs quantitative et qualitative ainsi que la forme prise par les énumérations. Ces configurations se trouvent en anglais comme en français, et dans les deux corpus.
Répartition des valeurs quantitative et qualitative :
Une spécificité récurrente de la détermination chez les sourds est l'association du déterminant Ø, marqueur d'une valeur qualitative par le renvoi à la notion, et de termes variés précisant l'occurrence, associés au pôle quantitatif. Ces termes peuvent être des adjectifs (de couleur, de taille, de position dans le temps ou l'espace), des groupes prépositionnels (indicateurs de fonction, de localisation, de destination) ou encore des propositions subordonnées relatives. Dans les groupes prépositionnels, les prépositions concernées sont celles qui évoquent le lieu ou le temps : SUR, À COTÉ DE, PRÈS DE, DANS pour le français et ON, FOR, AT, TO, IN, AFTER, BESIDE pour l'anglais.
Ces expressions isolent l'une ou l'autre des propriétés des occurrences : elles analysent le référent, comme cela est décrit pour les adjectifs (Cotte, 1996, p. 134) et permettent de les désigner en tant qu'occurrences distinctes de toutes les autres. En cela, ces expressions contribuent à la valeur quantitative de la détermination. Ces expressions assurent une identification des référents par leurs relations fonctionnelles ou par ce qui assure leur homogénéité, comme leur couleur ou leur matière (Vincent-Durroux, 1999b, p. 105). Elles se combinent avec le déterminant Ø, qui indique le choix de la notion et apporte des informations de nature qualitative : y'a machine pour presser des oranges, and I share bedroom with my sister, il y a hippopotame qui a déguisé en marron et rose comme une chatte.
La détermination nominale dans les énumérations :
Les tâches proposées offrent de multiples occasions de produire des énumérations à propos des descriptions d'images. Les marques de détermination sont systématiquement présentes sur le premier groupe nominal, mais elles sont ensuite abandonnées pour les suivants. De nouveau, le déterminant Ø est impliqué dans ces listes de noms, souvent à partir du second nom de la liste. En voici des exemples, extraits du corpus de 2006 : and when the pink hippo and cat were playing a dance (…) the green elephant and cow and pink horse and and red lion were talking together (AM106).
Dans ce système, les différents groupes nominaux sont soit considérés comme un ensemble, sur lequel porte une seule marque de détermination, soit considérés comme étant soumis à une opération distributive. À partir du second nom de la liste, le choix de la notion suffit, ce qui justifie l'emploi du déterminant Ø.
3.5 S'approprier le système des prépositions
Pour la plupart, les prépositions trouvent leur origine dans la représentation de l'espace (Groussier, 1997, p. 222) et participent de la détermination nominale. Il y a de nombreux cas d'emplois problématiques dans le corpus, tant chez les anglophones que chez les francophones. Les emplois problématiques sont de trois ordres : des prépositions superflues, des prépositions non adaptées au contexte, des prépositions absentes. Les deux derniers cas sont les plus fréquents. Que révèlent-ils ?
Lorsque les prépositions ne sont pas adaptées au contexte, il s'agit le plus souvent de À et de DANS dans les données de 1988, et de À uniquement dans les données de 2006 : la saillance phonologique de DANS pourrait expliquer que les jeunes implantés l'entendent mieux et ne l'emploient pas « à tort ». De plus, la préposition À aurait la capacité de remplacer toute autre préposition car elle serait l'une des premières prépositions acquises (Morgenstern et Sekali, 2007), et à ce titre aurait un rôle prototypique dans le système des prépositions.
De plus, les prépositions à sens statique sont employées en lieu et place de prépositions à sens dynamiques : DANS employé pour VERS, IN pour INTO, OF pour TO : cela évoque le mode d'exploration de l'espace par les enfants sourds, exploration statique plutôt que dynamique rapportée par Vinter.
Quant aux prépositions absentes, y a-t-il des régularités sous-jacentes ? Il faut prendre en compte le fait que certaines prépositions sont monosyllabiques : elles sont donc peu audibles voire inaccentuées. Le jeune sourd ne les entend pas forcément et de ce fait, ne les produit pas. Toutefois, que se passe-t-il pour les prépositions dissyllabiques telles que PENDANT, AVEC, UNDER, UNTIL ? Celles-ci sont nécessairement accentuées. Il en est de même pour d'autres prépositions monosyllabiques ne pouvant être élidées ou inaccentuées telles que DANS ou IN. Elles sont plus audibles et l'absence de perception ne peut pas être évoquée pour expliquer qu'elles ne soient pas produites. Une analyse sémantique à partir d'une typologie inspirée de Cadiot (1997, p. 279) montre que les prépositions absentes relèvent, pour plus des trois-quarts, de l'expression de la localisation temporelle ou spatiale, ou bien de la catégorisation. Cette dernière est une forme abstraite de localisation reliant des types et des sous-types, comme par exemple : « une voiture » et « une voiture de sport ».
À titre comparatif, j'ai pu mettre en évidence le fait qu'en langue des signes, et plus particulièrement en langue des signes belge, les prépositions absentes dans mon corpus n'auraient pas correspondu à un signe dans 50 cas sur 55 (Vincent-Durroux, 2008b ; 2009c). Il est donc clair que les sujets sourds mettent en œuvre les prépositions selon des critères qui leur sont propres et qui sont fortement liés à des spécificités d'ordre spatio-temporel.
3.6 S'approprier la dimension symbolique du langage
La dimension symbolique du langage est centrale en linguistique et peut être formulée de diverses manières : pour Guillaume, la langue est un « système de représentation » ; pour Culioli, les langues sont des « systèmes de représentation » qui portent sur un niveau 1, celui des représentations mentales par lequel Culioli désigne le langage (Culioli, 1999a, p. 20). Représenter implique une activité symbolique nécessitant une prise de distance, métaphore spatio-temporelle, vis-à-vis de la langue. Est-ce ainsi que les langues sont conçues par les locuteurs sourds ? Plusieurs niveaux d'observation sont possibles, allant du lexique aux opérations linguistiques plus complexes.
Le lexique :
Dans des conditions où l'audition est peu restaurée, l'enfant sourd tend à utiliser la langue comme un code où un marqueur ne peut avoir qu'une valeur, ne laissant ainsi que peu de place à une expression subjective ou ambiguë.
Les travaux de Dutilleul-Guerroudj (2005) sur le lexique des jeunes sourds mettent en évidence leur tendance à associer un mot à une valeur centrale, voire unique, alors que les valeurs dérivées causent des difficultés d'interprétation. Les expérimentations ont porté sur des images à associer à des mots, par exemple « jeu » ou « panier ». Le jeune sourd n'associe pas aisément le mot « jeu » à des images représentant un jeu de clés ou les jeux olympiques, ni le mot « panier » à des images représentant un panier de fruits ou un panier de basket. La perception visuelle semble privilégiée lors de la constitution de la catégorisation au détriment d'autres modalités telles que la fonction : le ballon de rugby est écarté de la catégorie des ballons par les sourds, probablement parce qu'il n'est pas rond.
Cette forme de rigidité apparaît également dans cette anecdote rapportée par une orthophoniste (H. Viau, communication personnelle) : à la question « que fais-tu après l'école ? », un jeune sourd a répondu : « je marche sur le trottoir ». Le mot « après » est manifestement interprété dans son sens spatio-temporel prototypique et non pas dans l'emploi dérivé qui lui était conféré dans une question destinée à savoir ce que fait l'enfant en dehors du cadre scolaire.
Des principes d'économie et des formes de décalage :
Les analyses sur le corpus dont je dispose me permettent de situer ma réflexion de manière complémentaire aux travaux faits par Dutilleul-Guerroudj sur le lexique. Pour évaluer si les sourds conçoivent les langues comme des systèmes de représentation, je commenterai l'existence de principes d'économie ainsi que les formes de décalage observées.
a) Principes d'économie
Divers fonctionnements observés pourraient être qualifiés de mise en œuvre de principes d'économie : c'est le cas de la détermination nominale avec la répartition des valeurs qualitative et quantitative entre le déterminant Ø et des termes variés précisant l'occurrence, mais aussi avec un déterminant unique en tête d'une énumération. C'est également le cas du repérage temporel dans les narrations, avec une morphologie appliquée au premier verbe mais pas aux suivants. Enfin, les observations que j'ai pu faire sur les combinaisons entre prépositions, aspect lexical et aspect verbal conduisent à la même conclusion (Vincent-Durroux, à paraître).
L'application de principes d'économie permet également d'éliminer les redondances de la langue et de la simplifier (Vincent-Durroux, 1991a, 1995a, 1999a, 1999b). Elle va dans le même sens que ce qui est décrit à propos du lexique puisqu'il s'agit d'une restriction du nombre de valeurs possibles associées à un même marqueur, qu'il s'agisse d'un mot ou d'une structure.
Ces principes contribuent à réduire l'amplitude de l'expression et peuvent être mis en rapport avec les différences de perception du temps psychologique chez les sourds, différences évoquées au paragraphe 2.2.
b) Formes de décalage
Une autre facette de la question relève des « formes de décalage », formes qui consistent à tenir ensemble deux représentations entre lesquelles s'instaure une distance : il y a du « jeu ». Lorsque l'une de ces représentations caractérise l'autre, cela prouve la mise en œuvre d'un système de représentations. Dans les langues, pourraient être analysés ainsi les phénomènes suivants :
- les emplois de commentaire, qu'ils soient aspectuels ou modaux, définis ainsi :
une première opération de détermination qui consiste à poser un élément, un ensemble d'éléments, ou une proposition, qui constitue un repère de l'énoncé ; une deuxième opération de type anaphorique qui consiste à reprendre soit un, soit l'ensemble de ces éléments. C'est cette deuxième opération que nous appellerons commentaire. (Guillemin-Flescher, 1981 p. 418)
Le commentaire aspectuel porte sur une représentation du procès, alors que le commentaire modal porte sur une représentation du procès ou sur des représentations prêtées au co-énonciateur ;
- les emplois qui impliquent des variations à partir d'un référent : parmi ceux-ci, il y a l'humour, généralement fondé sur des phénomènes de décalage entre la situation effective et une situation représentée, qu'elle soit attendue ou non. Il y a aussi les emplois métaphoriques, pour lesquels la représentation ne désigne pas totalement le référent (par exemple, avec l'énoncé métaphorique « Jean est un lion », il y a bien représentation d'un lion, mais seulement pour en abstraire des caractéristiques à reporter sur le référent Jean). Du même ordre sont les emplois euphémiques puisqu'ils prennent en compte une représentation qui est envisagée mais qui n'est pas produite car elle est jugée choquante : il y a alors atténuation de cette représentation.
Dans les données de 1988, les formes reliées à des valeurs aspectuelles et modales sont pratiquement inexistantes. Il n'y a pas d'expression d'humour, ni de métaphore ni d'euphémisme. Dans les données de 2006, la modalité et l'aspect sont présents ainsi que des formes émergentes d'humour, de métaphores, d'euphémisme (Vincent-Durroux, 2009b & 2009d). Voici un exemple de chacune de ces trois formes :
- l'humour consiste ici à représenter la Tour de Pise comme une cible potentielle, en regard des Tours Jumelles de New York, situation qui semble improbable : il y a pas de tour à exploser là-bas t'inquiète ah non ouai il y a Pise (GP98-101) ;
- la métaphore consiste ici à évoquer une situation qui serait désagréable si elle était réelle, et à n'en garder que l'impression désagréable qui lui est associée : il va me coller tout le temps il va pas me lâcher les baskets (CM200-201) ;
- Dans ce cas, l'euphémisme consiste à décrire la surdité profonde en termes de mauvaise audition : y'a des fois que mon amie m'explique avant je suis allée allée à la à la piscine puis y'avait plusieurs d'amies m'expliquent pour je n'entends pas bien (mjl90-99).
Conclusion
Quand on naît sourd(e), s'approprier la langue orale suppose non seulement de pouvoir mettre en œuvre les étapes et les processus requis pour les enfants entendants, mais en plus de s'ajuster à une langue orale fondée sur les représentations de locuteurs entendants, alors que ses propres représentations ont été construites sur d'autres bases, du fait de perceptions sensorielles différentes. Mon étude montre qu'il y a des limites à cette appropriation, y compris dans les données recueillies auprès de jeunes sourds bénéficiant d'une réhabilitation auditive précoce et performante. Une exposition plus large à la langue leur permet toutefois de produire des énoncés qui se conforment davantage à la dimension symbolique du langage, comme dans les exemples précédents.
Les sourds oralistes forment, semble-t-il, une communauté cognitive qui s'approprie la langue orale à sa manière, en créant ses propres systèmes linguistiques, systèmes que je qualifie par l'expression « langues sourdes » (Vincent-Durroux, 2009d). Cette expression permet de désigner l'adaptation par les sourds des langues orales qui doivent être considérées pour elles-mêmes plutôt que par comparaison aux langues de référence. Ces systèmes ont des points communs avec les langues des signes, fondées par les sourds ; cela tend à prouver le rôle fondamental que jouent les perceptions sensorielles dans le développement des conceptions et du langage.
Notes
[1] Par "langue de référence", je désigne la langue orale parlée dans l'environnement de l'enfant.
[2] Le terme de « représentations » est à comprendre ici selon la métaphore de la diplomatie qui opère la distinction entre la représentation et ce qui est représenté (Havelange et al., 2002, p.115).
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Travaux et publications de l'auteure sur le sujet
En préparation :
Paroles de Sourds. Surdité, langue, langage. (monographie)
À paraître :
« L'expression de l'aspect chez les locuteurs sourds : quel rôle pour les prépositions ? »
In Prépositions et aspectualité, Merle J.-M. et Steuckardt A. (dir.). Paris : Ophrys, Bibliothèque de Faits de Langues.
2009 (b) « Modalités des euphémismes dans le discours oral de locuteurs sourds profonds anglophones et francophones »
In Empreintes de l'euphémisme. Tours et détours. Jamet, D. et Jobert, M. (dir.). Paris : L'Harmattan. pp. 69-82.
2009 (c) « Observations liées à l'emploi des prépositions chez des enfants et adolescents sourds profonds, en anglais et en français »
In Autour de la préposition. François, J., Gilbert, É., Guimier, C. et Krause, M. (dir.). Bibliothèque de syntaxe et sémantique. Caen : Presses Universitaires de Caen. pp. 329-336.
2009 (d) « Deaf Languages: Does the Hypothesis Still Apply? »
Corela (Cognition, représentation, langage), vol. 7, n° 2.
Accessible en ligne à l'URL : http://edel.univ-poitiers.fr/corela/document.php?id=2244
2008 (b) « Prépositions et langage chez de jeunes sourds profonds oralistes »
Corela (Cognition, représentation, langage), vol. 6, n°1.
Accessible en ligne à l'URL : http://edel.univ-poitiers.fr/corela/document.php?id=1868
1999 (a) « Nominal Determination in the Oral Language of the Profoundly Deaf »
Travaux du CIEREC, XCVI, pp. 95-112.
1999 (b) « Référenciation et opérations d'individuation dans la langue orale de sourds profonds anglophones et francophones » –
CYCNOS, volume 16, n°2, pp. 99-110.
1995 (a) « Perception et description d'images chez des adolescents sourds profonds »
Les Cahiers de l'ADMES, De l'image papier à l'image numérisée, n°9, pp. 305-310.
1991 Dubuisson C., Vincent-Durroux L. & Nadeau M.
« L'enseignement de la langue maternelle aux déficients auditifs »
Glossa, n°27, pp. 32-37. –
1990 Vincent-Durroux L. & Viau H.
« Quelques mesures du comportement linguistique de jeunes déficients auditifs oralistes »
Rééducation Orthophonique, vol. 28, n°162, pp. 147-158.
1989 (b) Vincent-Durroux L. & Dubuisson C.
« Quantité, qualité et variété de la production linguistique chez de jeunes déficients auditifs profonds »
Revue de l'Association Québécoise de Linguistique Théorique et Appliquée, vol. 8, n°3-4, pp. 347-359.
1989 (c) « Analyse linguistique de corpus oraux d'adolescents déficients auditifs profonds oralistes, anglophones et francophones »
Entendre, n°86, pp. 29-31.
Pour citer cette ressource :
Laurence Vincent-Durroux, S'approprier la langue orale quand on est sourd(e) profond(e), La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), octobre 2012. Consulté le 22/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/langues-et-langage/langues-et-langage-en-societe/acquisition-apprentissage-et-diffusion-des-savoirs/s-approprier-la-langue-orale-quand-on-est-sourd-e-profond-e