Lina Wertmüller, «Mimì metallurgico ferito nell'onore» (1972)
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Synopsis :
Mimi (Giancarlo Giannini), ouvrier sicilien, marié à Rosalia (Agostina Belli), est licencié après avoir voté contre le candidat de la Mafia – un vote qu’il pensait secret. Parti chercher du travail à Turin, loin de la pègre, il tombe amoureux de Fiorella (Mariangela Melato), qui se retrouve bientôt enceinte. Témoin d’un assassinat, il se tait. Pour le remercier, la Mafia, omniprésente, le renvoie en Sicile. De retour à Catane, il découvre que sa femme est enceinte d’un douanier marié. Fou de rage, il se venge en séduisant l’épouse de ce dernier.
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C’est une chance de pouvoir redécouvrir des films comme celui-là. C’est possible d’abord parce qu’ils ont été restaurés et numérisés récemment – la projection de ce soir est une restauration en 2k – et parce que, par ailleurs, nous sommes à une époque où on cherche à rassembler les œuvres de ces femmes cinéastes égrenées à travers l’histoire du cinéma. C’est une chance de pouvoir redécouvrir les films de Lina Wertmüller, et d’ailleurs les américains ne s’y sont pas trompés puisqu’elle va recevoir un Oscar d’honneur en 2020. Elle a été la première femme nommée à l’Oscar de la mise en scène, en 1977, pour Pasqualino Settebellezze, film qui a été nommé cette année-là pour quatre Oscars.
Lina Wertmüller a commencé à faire du cinéma dans les années 1960, mais c’est la décennie 1970 qui la consacre, en Italie et dans le reste du monde : elle était très connue en France à l’époque, et aux États-Unis aussi. Elle naît en 1928 en Italie dans une famille bourgeoise, de descendance tout à fait aristocratique – d’ailleurs elle a un nom à multiples particules : Arcangela Felice Assunta Wertmüller von Elgg Spañol von Braueich – et pour faire des films anarcho-communistes, elle partait quand même de loin. Mais c’était une rebelle : très jeune, pendant toute son adolescence, elle se fait renvoyer d’une quinzaine d’écoles religieuses, pour ensuite se lancer dans le théâtre. Elle fait des études de théâtre, puis part faire un tour d’Europe avec une troupe de marionnettistes ; cette influence du théâtre va rester ensuite dans sa façon de faire des films.
Au début des années 1960, elle s’intéresse au cinéma. Une de ses amies, l’actrice Flora Carabella, la présente à son mari, qui se trouvait être Marcello Mastroianni. Marcello la présente à Fellini, et Lina se retrouve assistante réalisatrice de Fellini sur 8½(1963). Elle va garder de cette expérience une grande admiration pour Fellini et son cinéma va être influencé par celui de Fellini sur certains aspects : dans Mimi métallo, quelques scènes relèvent un peu de l’esthétique du bizarre qui est une des marques du cinéma de Fellini.
De façon plus générale, le cinéma de Lina Wertmüller mêle toujours de la comédie à l’italienne – c’est-à-dire avec beaucoup de burlesque, un jeu très physique des acteurs, de l’exagération, parfois jusqu’à l’outrance – à un fort propos politique, d’une part, et – ce qui est plus rare à l’époque – un fort propos féministe. Il est intéressant de revoir des films comme celui-ci à l’aune des réflexions féministes actuelles : dans Mimi métallo, plusieurs scènes soulèvent explicitement des questions de consentement sexuel, de pseudo « pulsion du viol » par « passion », et l’un des fils directeurs du parcours aux multiples rebondissements de Mimi a trait à la construction de la masculinité – quels sont les critères pour être considéré comme un homme hétérosexuel au sein d’un groupe d’hommes hétérosexuels, par exemple ?
Lina Wertmüller partage avec Fellini une vraie empathie pour les classes populaires et les travailleurs. Et son œuvre témoigne d’un véritable amour pour les régionalismes italiens, pour ces différentes cultures, différentes langues, ces différentes physionomies aussi que comporte l’Italie. Dans Mimi métallo, on voit une vraie dichotomie entre d’un côté Turin, la ville du nord, froide, industrielle, ouvrière, et a priori plus progressiste dans les idées, et de l’autre côté, l’Italie du Sud, avec des faciès très méridionaux, une langue différente, et des traditions a priori plus ancrées.
Enfin, si Lina Wertmüller est proche de Fellini dans l’esprit, elle est plutôt à l’opposé de Nanni Moretti. Pour la petite histoire, Nanni Moretti, dans son film Je suis un autarcique (Io sono un autarchico, 1976), fait à un moment donné baver vert son personnage quand il apprend que Lina Wertmüller va avoir un prix à Hollywood.
Retranscription établie par Nathalie De Biasi.
Pour citer cette ressource :
Margot Rossi, Nathalie De Biasi, Lina Wertmüller, Mimì metallurgico ferito nell'onore (1972), La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2019. Consulté le 21/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/lina-wertmuller-mimi-metallurgico-ferito-nellonore-1972