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Articles et pourcentages en espagnol : de la théorie à l'usage

Par Chrystelle Fortineau-Bremond : Maître de Conférences - Université de Nantes
Publié par Christine Bini le 06/02/2010

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La langue espagnole impose, à la différence du français, l'emploi d'un article devant tout pourcentage. La difficulté, pour les francophones, n'est pas tant le respect de cette obligation que le choix entre les deux formes possibles : article défini ou article indéfini. Ce n'est qu'en replaçant cette question bien spécifique dans le cadre plus général du système de l'article en espagnol que l'on peut comprendre les conditions d'utilisation et « effets de sens » qu'autorisent les deux formes. Par ailleurs, le fait que l'alternance el / un soit (presque) toujours possible, devant n'importe quel pourcentage, montre bien qu'il s'agit là d'un cas où le contexte syntaxique est une donnée non pertinente et où la variation n'affecte pas le référent mais exclusivement le signifié. Enfin, l'emploi de l'article devant les pourcentages est une bonne illustration de la complexité des mécanismes langagiers : il relève à la fois de la contrainte linguistique la plus forte (la présence d'un article est obligatoire) et du libre choix (conscient ou pas) du locuteur, pour ce qui est de l'élection d'une forme ou de l'autre.

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La langue espagnole impose, à la différence du français, l'emploi d'un article devant tout pourcentage. La difficulté, pour les francophones, n'est pas tant le respect de cette obligation que le choix entre les deux formes possibles : article défini ou article indéfini.
Il s'agit d'un problème réel et récurrent, en particulier pour les étudiants de la filière LEA, amenés à traduire très régulièrement des textes à contenu économique, où abondent les pourcentages. L'embarras est d'autant plus grand que la consultation des manuels et grammaires s'avère en général assez décevante. Les grammaires espagnoles, le plus souvent, n'évoquent pas cette question et les grammaires françaises de l'espagnol suggèrent ordinairement des critères peu satisfaisants.
 
Nous nous proposons donc, d'une part, de replacer cette question bien spécifique dans le cadre d'une théorie générale de l'article en espagnol et, d'autre part, à partir de cette théorie, d'essayer de déterminer des « règles »Le terme de « règles » est, comme on le verra plus tard, tout à fait inapproprié ; mais c'est volontairement que nous l'utilisons, encadré des guillemets de rigueur, car il traduit assez bien la demande des étudiants. d'emploi, accessibles à des étudiants plus concernés par l'usage de la langue que par sa théorisation.
 

Approche grammaticale

Pour la plupart des grammaires françaises de l'espagnol (les grammaires espagnoles – même les plus complètes, comme celle de Bosque et DemonteIgnacio BOSQUE y Violeta DEMONTE (dir.), Gramática descriptiva de la lengua española, Madrid : Espasa Calpe, 1999. – ne traitent jamais cette question), le choix de l'article devant un pourcentage en espagnol repose sur un seul critère : celui de l'approximation. Ainsi, Gerboin et LeroyPierre GERBOIN et Christine LEROY, Grammaire d'usage de l'espagnol contemporain, Paris : Hachette, 1994, p. 98. notent :
 
L'expression du pourcentage présente deux particularités :
 
– le pourcentage précis est précédé de l'article défini masculin singulier el : 
El 23,7% de la población activa está en paro.
 
– le pourcentage approximatif est précédé de l'article indéfini masculin singulier un :
Un 45% de la población no lo acepta.
 
Le caractère rigide de la formulation – que l'on retrouve d'ailleurs chez Ligatto et SalazarDolores LIGATTO et Béatrice SALAZAR, Grammaire de l'espagnol courant, Paris / Milan / Barcelone / Bonn : Masson, 1993.  ou Coste et RedondoJean COSTE et Augustin REDONDO, Syntaxe de l'espagnol moderne, 8ème édition, Paris : Sedes, 1965. – ne doit pas étonner. En effet, ces grammaires, à visée normative bien plus qu'explicative, s'adressent à des lecteurs qui ne peuvent en aucun cas compter sur leur connaissance intuitive de la langue espagnole, puisqu'elle est pour eux « étrangère ». En conséquence, le discours grammatical traditionnel privilégie systématiquement les critères les plus stricts et les règles d'emploi reposant sur des lignes de partage nettes. Il s'agit d'offrir au lecteur un cadre rassurant parce que simple, au détriment bien souvent de la compréhension des mécanismes linguistiques ou du simple respect des faits de discours. 
 
Ainsi, s'il est vrai que certains pourcentages approximatifs sont parfois précédés de un, on ne peut pour autant se satisfaire d'une telle explication. D'une part, parce que la réalité est plus complexe (dans la majorité des cas, un précède un pourcentage extrêmement précis, ce qui signifie que le critère de l'approximation n'est, au mieux, qu'épisodiquement pertinent) et, d'autre part, parce que ces grammaires ne s'attachent qu'aux effets (ou tout du moins à l'un d'entre eux) et en aucune façon à ce qui les permet, à défaut d'en être la cause directe.
Seule la grammaire de BedelJean-Marc BEDEL, Grammaire de l'espagnol moderne, 3ème édition, Paris : PUF, 2002, p. 85-86. offre une vision moins simpliste et plus juste de la réalité : 
 
L'espagnol emploie l'article dans l'expression du pourcentage. Il s'agit, la plupart du temps, de l'article défini singulier el. […]
On peut néanmoins employer l'article indéfini masculin un. Celui-ci s'emploie, notamment, lorsque le pourcentage exprime une variation par rapport à une valeur initiale ; soit après des verbes tels que crecer, aumentar, incrementar(se), bajar, disminuir, reducir, etc.[…]
L'article est généralement omis lorsque le pourcentage se trouve entre parenthèses pour expliciter ce qui précède. 
 
Néanmoins, pas plus que les autres, cet ouvrage ne présente de véritable théorie générale de l'article, préalable indispensable pourtant, nous semble-t-il, pour comprendre les « effets de sens » auxquels participent el et un, dans toutes les circonstances où ils apparaissent. 
 

Le signifié

On ne saurait donc comprendre les raisons qui président au choix de el ou de un devant un pourcentage si l'on n'a pas d'abord établi ce que signifie chacune de ces formes. Notre travail repose sur le postulat qu'à un signifiant correspond un et un seul signifiéCe postulat est celui qui a guidé tous les travaux du groupe MO.LA.CHE et de ceux qui se réclament aujourd'hui de cette linguistique du signifiant. ; le représenté associé à el et celui associé à un sont donc toujours les mêmes, qu'ils saisissent un substantif, un infinitif ou un pourcentage. L'emploi de l'un ou l'autre article devant un pourcentage n'est qu'une application discursive particulière d'un signifié constant. D'autre part, nous ne croyons pas que el et un appartiennent, en espagnol, au même système.
Comme le souligne Francis TollisFrancis TOLLIS, « Le couplage analytique des morphèmes en /un/- et en -/l/-, vu de l'espagnol », in Leeman et Boone (éd.), Du percevoir au dire, textes recueillis par Danielle Leeman et Annie Boone en hommage à André Joly, Paris : L'Harmattan, 1998, p. 131-145, p. 131. Cet article présente notamment, dans sa deuxième partie, les principaux arguments avancés contre le couplage un/el en espagnol. :
 
Ce couplage ne va pas de soi. Dans l'histoire de la grammaire anglaise, puis française, il lui a fallu du temps pour émerger et y acquérir droit de cité […]. Pire encore, s'il est aussi entré dans la pratique descriptive de l'espagnol où il a fini par constituer une seconde tradition, il n'a jamais vraiment réussi à s'imposer unanimement.
 
Le fait que dans un nombre très élevé de contextes, un et el puissent alterner ne signifie pas forcément qu'ils forment un système ; l'un n'est pas nécessairement le symétrique de l'autre. Par ailleurs, le signifiant n'invite pas véritablement à les rapprocher. On peut donc postuler qu'ils appartiennent à deux systèmes différents, mais qu'ils se trouvent parfois (souvent) mis en concurrence dans la construction des énoncés ; leur opposition n'est pas de langue, mais de discours. 
 
L'article el a été décrit par Justino Gracia Barrón comme un « support d'actualisation notionnelle de discours pour des éléments d'incidence interne non marqués ni par le genre ni par le nombreJustino GRACIA BARRÓN, « Limites à l'unicité du signe : EL et son drôle d'accent », Cahiers de linguistique analogique (Un signifiant : un signifié. Débat), n°2, décembre 2005, p. 135-152, p. 145. » ; son rôle est de fournir un socle prédicatif, un support, auquel sera versé un apport de signification lexicale, constitué le plus souvent, mais pas exclusivement, par un substantif. Par rapport à d'autres formes linguistiques (démonstratifs, possessifs, etc.) qui peuvent, elles aussi, jouer le rôle de support de prédication, la particularité de el est que « une seule information en constitue le contenu notionnel, celle 'd'incidence interne' ou 'personne cardinale'Ibid., p. 142. ». El n'est donc finalement que la représentation, en tant que support de prédication, de la personne cardinale, ou personne d'univers. De ce fait, il pose une totalité, dont l'identité est déclarée ensuite par le terme qu'il actualise. Selon Marie-France DelportMarie-France DELPORT, « Observations sur la syntaxe du possessif en espagnol médiéval », in M. Camprubi (éd.), Permanences et renouvellements en linguistique hispanique, Actes du VIe Colloque de Linguistique Hispanique, Toulouse, 18 et 19 mars 1994, CRIC, 1995, p. 217-227, p. 222., cette totalité 
 
peut être circonscrite par un mouvement d'extraction préalable ou par une détermination subséquente ; une totalité qui peut être celle qui a existence effective dans la circonstance où paraît la phrase ou qui peut référer à l'entier des êtres du monde « expérienciel » évocables par le substantif. Ce que G. Guillaume résumait en disant de cet article qu'il « exprime seulement qu'un nom est répandu sur tout un champ de vision », qu'il occupe tout l'espace alloué au développement du substantif.
 
D'autre part, en déclarant une totalité, el actualise sur fond d'altérité. En effet, comme le note là aussi Marie-France Delport, « l'opération mentale totalisante fait que s'évoquent par contraste tous les êtres exclusIbid.,p.223. ». El m'oblige à concevoir ce qui suit comme une entité unique, différente de tout le reste. Enfin, une conséquence essentielle de ce représenté est que el a pour effet de présenter l'existence de l'être qu'il saisit comme un présupposé. En effet, la personne d'univers est la personne fondamentale, la personne inhérente au langage. Son existence n'a donc pas à être posée, elle ne peut être que présupposée ; c'est ce qui permet à el d'avoir un fonctionnement anaphorique, en présentant comme déjà connu ce qu'il saisit.
 
Bien que jouant lui aussi le rôle de support de prédication, un a un contenu de représentation assez différent de celui de el. Francis TollisFrancis TOLLIS, Du un au multiple (du signifiant à son emploi). Le cas de un- adjoint en espagnol, Presses Universitaires de Bordeaux, 1996, p. 64-65. le décrit de la façon suivante : 
 
Au numéral latin dont il est diachroniquement issu, UN- doit de proposer un programme de production de sens peu dénotatif : celui qui en ferait un opérateur de ségrégation. Cette entité sémantique serait donc tout entière attachée à imposer pour le référent la perspective de sa singularité quantitative. Mais elle serait également occupée à le faire émerger à la conscience : elle le détacherait préalablement de ce dans quoi il se trouvait antérieurement noyé, c'est-à-dire qu'il travaillerait à asseoir son identité ou son identification. 
 
Un peu plus loin, il ajoute – et cette précision est fondamentale – : « UN- extrait et nomme ce qui, jusqu'à lui, était indiscriminé »Ibid.,p.70.
On pourrait donc résumer en disant que un présuppose l'existence d'un ensemble ou, tout au moins, d'un amas d'êtres partageant une même propriété, et en isolant l'un des composants de cet ensemble homogène, il le fait accéder à l'existence. Reste à comprendre quel est le mécanisme associé au troisième élément sur lequel porte notre analyse, c'est-à-dire le pourcentage. Il faut pour cela distinguer l'ordre de conception de l'ordre d'exposition. Dans l'ordre de raison, X por ciento signifie que :
 
1/ je divise un ensemble / une masse en 100 unités
2/ dont je retiens une quantité de X.
L'ordre de déclaration est l'inverse :
1/ je pose comme support de prédication X unités, dont je déclare
2/ qu'elles sont à saisir parmi un ensemble formé de 100 (apport de prédication). 
 

Emplois discursifs

Dans le discours, les contextes d'utilisation d'un pourcentage sont assez variés ; schématiquement, il peut servir à indiquer un repère sur une échelle (de 1 à 100) ou l'importance d'un sous-ensemble au sein d'un ensemble plus vaste (les 100%), enfin, il peut aussi être utilisé pour servir à mesurer une variation. Ces exploitations discursives ne varient guère du français à l'espagnol ; en revanche, la syntaxe, on le sait, est fort différente.
 

Espagnol / français : saisie articulaire ou non

En français, le pourcentage n'est généralement précédé par aucun déterminant. La question de son statut se pose alors ; doit-il, malgré tout, être considéré comme un élément nominal ? C'est ce que laisseraient supposer un certain nombre de ses caractéristiques, signalées notamment par Grevisse, qui indique que « les tours où entrent pour cent et pour mille fonctionnent pour bien des locuteurs comme des espèces de noms, éventuellement suivis, comme les noms, par un complément introduit par deMaurice GREVISSE, Le bon usage, 13ème édition revue par André Goosse, Paris / Louvain-la-Neuve : Duculot, 1993, p. 652, § 422c. ». Pour illustrer le caractère nominal de ces expressions, il indique, en note : « On demandera par ex. à un élève : Combien de pour cent as-tu ? ». 
 
Un autre élément témoignant de la nature presque nominale de ces tournures est la possibilité, rarement exploitée, mais attestée, de les faire précéder d'un déterminant pluriel :
 
(1) Les 27% de notre sol étaient jadis boisés. (Billy et Piot)loc. cit.
 
Grevisse précise qu’« il n'est pas normal que l'expression de pourcentage prenne un déterminant singulier : Les enfants de pères et de mères argentins forment le 11 p. 100 du totalloc.cit.. » AilleursIbid., p. 860, § 558. , il signale que : 
 
[l]e numéral se combinait autrefois avec l'article défini dans des cas où on ne mettrait pas d'article aujourd'hui : + Des trois les deux sont morts. (…) Damourette et Pichon voient aussi une survivance dans les dix pour cent (ou mille) au lieu de dix pour cent. C'est pour eux un helvétisme (…). 
 
La saisie articulaire, extrêmement marginale en français, est néanmoins inscrite dans les possibilités qu'offre le système, bien qu'elle ne soit exploitée, semble-t-il, que dans certaines variantes diatopiques. En espagnol, en revanche, la saisie articulaire n'est pas une simple possibilité mais bien une obligation, dès lors que le pourcentage est inséré dans un énoncé. La capacité à se laisser nominaliser (en particulier par l'article el) semble plus étendue aujourd'hui en espagnol qu'en français, comme en témoignent les cas de substantivation de proposition (el que me lo digas) ou d'infinitif. Le français semble avoir renoncé à une partie des possibilités offertes par la substantivation (infinitif, numéraux) et la réserver à un nombre plus limité de cas. En tout état de cause, la saisie articulaire du pourcentage est le signe que ce dernier fonctionne dans l'énoncé, de manière constante, comme un élément nominal ou, plus exactement, comme un élément d'incidence interne. Comme nous l'avons indiqué plus haut, dans cette unité prédicative complexe, le numérateur joue le rôle de support et le dénominateur (constant), sous la forme préposition por + ciento, joue le rôle d'apport. 
 

Singulier ou pluriel

Une autre différence entre le français et l'espagnol concerne le rapport à la pluralité. En français, dès lors que le numérateur est supérieur à 1, le pourcentage signifie une pluralité (relative), ce dont témoigne l'accord du verbe au pluriel lorsque le pourcentage stricto sensu est sujet :
 
(2) 90% de notre production partent pour l'étranger. (Maurois)Ibid., p. 652. 
Le verbe peut aussi être au singulier, mais uniquement dans le cas d'un complément lui-même singulier :
(3) Dix pour cent de la population assiste à la messe. (Green)loc. cit.
 
Dans ce cas, le pourcentage semble jouer un rôle assez proche de celui d'un déterminant.
Alors qu'il est fréquent en espagnol de trouver un verbe au singulier avec un complément pluriel :
 
(4) El 63% de las familias españolas destina más del 40% de sus ingresos mensuales para pagos financieros […].Cinco días, Jueves 28 de agosto de 2008. 
Cela semble impossible en français, et l'on ne peut dire :
 
(5) *63% des familles fait attention à son budget. 
 
De plus, en français, lorsqu'il y a un article, il est au pluriel ; c'est donc bien la pluralité exprimée par le numérateur qui est sentie comme essentielle. En espagnol, au contraire, l'article est nécessairement singulier. Il y donc là une différence de conceptualisation entre les deux langues ; en saisissant le pourcentage par un article singulier, l'espagnol m'oblige à concevoir ces x por ciento comme formant un ensemble, une unité, selon un mécanisme assez proche du pluriel interne, i.e. la représentation d'une unité (ce que déclare l'article singulier) éventuellement composée de plusieurs éléments (ce que dit le pourcentage si le numérateur est supérieur à 1). 
 

Alternance discursive el / un

Cette unité complexe qu'est le pourcentage peut être saisie de deux façons, soit au moyen de l'article el, soit au moyen de l'article un. La difficulté de la question tient, pour une bonne part, au fait que dans l'immense majorité des cas, les deux formes peuvent alterner sans que cela affecte en aucune façon le référent. Il s'agit là d'un cas tout à fait emblématique de variation du signifiant, donc du signifié, sans changement de référent. Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d'autres contextes, l'alternance el / un devant un pourcentage n'entraîne pas de modifications « visibles » a priori. Cependant, comme l'ont fort bien montré Jean-Claude Chevalier et Marie-France DelportJean-Claude CHEVALIER et Marie-France DELPORT, « Du bon usage de la commutation », in N. DELBECQUE et C. DE PAEPE, (éds.), Estudios en honor del profesor Josse de Kock, Louvain : Leuven University Press, 1998, p. 111-132., la commutation ne permet d'établir que l'identité paradigmatique des éléments qui commutent et elle n'est en aucune façon la preuve d'une identité de signification ; bien au contraire, elle atteste simplement de la possibilité de parler différemment de la même chose, c'est-à-dire de renvoyer à un même référent avec deux signifiés distincts.
 
Dans la configuration qui nous occupe, el pose un être d'univers, dont l'identité singulière est déclarée ensuite par le pourcentage ; cette entité est posée comme la seule, l'unique, qui occupe donc tout l'espace actualisable. Avec un, le pourcentage est appréhendé comme un élément extrait d'un ensemble homogène, i.e. composé d'autres entités partageant la même propriété – répondre à la définition 'X por ciento' –, ce qui le fait accéder à l'existence. Avec un le pourcentage apparaît donc comme un fragment parmi d'autres. 
 
On observe le même fonctionnement avec un groupe nominal exprimant une proportion :
 
(6) La compañía EMI […] anunció ayer el despido de una quinta parte de su plantilla […] (El País, 01/04/2004, [CREA]REAL ACADEMIA ESPAÑOLA, CREA (Corpus de Referencia del Español Actual), [en ligne], [novembre 2008].)
 
(7) […] el recorte implica el despido de la tercera parte del generalato […] (La voz de Galicia, 09/09/2000 [CREA])
 
Dans l'exemple (6), UNA quinta parte déclare que, parmi un ensemble homogène de « quintas partes », j'en choisis une, dont je pose l'existence ; mais toutes les autres avaient également vocation à être choisies, puisque tous les éléments de l'ensemble présentent la même propriété (celle de répondre à la définition « quinta parte »). Cette « quinta parte » que je fais accéder à l'existence, c'est n'importe laquelle des « quintas partes » de la masse de départ, d'où l'impression d'une certaine indétermination et le sentiment que la composition de ce cinquième n'est pas fixée. Dans l'exemple (7), LA tercera parte signifie que l'existence de ce tiers, cette fois, est présupposée ; la ne fait que rappeler l'existence d'une « tercera parte », ce qui donne le sentiment que la liste est déjà établie.
 
La langue autorise la saisie d'un pourcentage aussi bien par el que par un, avec une différence, non pas de référentiation, mais bien de sens ; la langue laisse donc une totale liberté au locuteur. Cependant, certaines circonstances, certains contextes, semblent plutôt favoriser l'emploi de l'un ou l'autre des articles, selon un jeu d'affinités – les « contraintes relatives » ou « préférences linguistiques » décrites par Catherine FuchsCatherine FUCHS, Paraphrase et énonciation, Paris/Gap : Ophrys, 1994, p. 147. – que les paragraphes qui suivent s'efforcent de mettre au jour. 
 

El.

 
Parmi ces cas remarquables, on s'intéressera tout d'abord à ceux où c'est l'article el qui est majoritairement convoqué.
 
On ne s'étonnera pas du fait que 100% est généralement précédé de el (174 cas de un 100% contre 571 de el 100% dans le CREA) : il y a là une affinité évidente entre la totalité numérique que signifie le pourcentage et la totalité, d'un autre ordre, que déclare l'article défini.
De même, la présence d'un complément déterminatif oriente habituellement le locuteur vers l'emploi de l'article el. Le complément détermine si fortement le pourcentage auquel il se rapporte que ce dernier peut difficilement être conçu autrement que comme une entité unique ; opérer une sélection, une extraction, parmi plusieurs référents semblables – ce que ferait un – n'est pas véritablement pertinent.
 
(8) La entidad que preside Pep Oliu se hizo el 1 de agosto con el 4,9% que tenía el grupo Rayet en la cadena de televisión […]. (5 Días)
 
(9) Este porcentaje supone 16 puntos más que el 47% de comienzos de 2008. (5 Días)
 
Dans l'exemple (9), la détermination est si forte que seul el est possible. Lorsque le pourcentage sert à marquer un repère sur une échelle, c'est massivement el qui est alors utilisé, car ce qui compte, dans ce cas, c'est le pourcentage en tant que tel.
 
(10) Aun así, algunos lucen rentabilidades en 12 meses por encima del 35%. (5 Días)
 
D'une part, avec el, l'existence du pourcentage est présupposée (ce qui correspond tout à fait à l'idée d'un repère) et d'autre part, el permet d'évoquer en creux, par contraste pourrait-on dire, les autres pourcentages possibles, c'est-à-dire les autres valeurs possibles du numérateur, qui est le seul élément variable de la structure. Dire EL 35%, c'est mettre en avant le fait qu'il s'agit de 35% et pas, autres possibilités écartées, 34% ou 36%, etc
 
Quand plusieurs pourcentages renvoient aux divers sous-ensembles d'un ensemble plus vaste (le cas prototypique est celui du sondage d'opinion), c'est également majoritairement el que l'on voit apparaître, et pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.
 
(11) A finales del año 2005, el 44% de los entrevistados tenía una visión positiva de la UE, y el 20% una imagen negativa.Anuario El País 2007.
 
Ici comme ailleurs, l'article el permet de mettre l'accent sur ce qui fait le caractère unique du pourcentage qui le suit, c'est-à-dire, pour la première occurrence par exemple, le fait qu'il s'agit de 44 pour cent et pas d'un autre numérateur.
 

Un.

 
En revanche, on voit un apparaître s'il est nécessaire de poser l'existence d'un nouvel élément ; par exemple, lorsque l'on change de référentiel (dans le cas prototypique du sondage d'opinion, lorsqu'il y a changement de question, ou, pour une même question, changement d'année) :
 
(12) A finales de 2006, el 53% de los ciudadanos de los 25 miembros (frente a un 50% un año antes) opinaba que su pertenencia a la Unión Europea era « algo bueno », cuando el 27% declaraba que no era « ni bueno ni malo » y el 16% « algo malo ». Por otra parte, un 54% considera que su país se ha beneficiado de su pertenencia a la UE, cuando el 34% contradice esta opinión. (El País
 
Dans cet énoncé, il est d'abord fait référence à un premier groupe de citoyens (53%) – ceux qui considèrent, en 2006, que leur appartenance à l'UE est une « bonne chose » – ; le pourcentage est saisi par l'article défini, selon le mécanisme exposé plus haut. A ce premier groupe, s'opposent deux autres ensembles : les 27% de citoyens pour qui cela n'est « ni bien ni mal » et les 16% pour qui c'est une « mauvaise chose ». Ces deux pourcentages, qui, par rapport au tout premier évoqué, renvoient à des réponses différentes, mais à la même question, posée la même année, sont également précédés de el. A l'intérieur de cette phrase, est mentionné, sous forme d'une incise apparaissant entre parenthèses, le pourcentage des citoyens ayant répondu de la même façon que le premier groupe, à la même question, mais dans le cadre d'un sondage effectué une année auparavant. L'irruption de cet élément nouveau – ce n'est pas la même enquête et il ne s'inscrit donc pas dans le même cadre temporel que les autres pourcentages – est signalée par l'article un, qui sert ici à indiquer le changement de repère. Un ne renvoie pas à du déjà connu mais fait accéder à l'existence un élément non encore évoqué. De la même façon, dans la deuxième phrase, il y a également changement de référentiel : cette fois, ce n'est plus l'année qui change, mais la question (la transition est d'ailleurs explicitement signifiée par le groupe « por otra parte »), et c'est à nouveau un qui est convoqué.
 
En revanche, une fois que l'on a posé l'existence du groupe des citoyens considérant que leur pays a bénéficié de l'appartenance à l'UE, il n'est plus nécessaire de le faire pour le deuxième ensemble, celui des citoyens ayant une opinion opposée, puisque l'existence de ce groupe est présupposée par l'existence du premier.
C'est donc tout logiquement el que l'on voit réapparaître. La mécanique peut paraître subtile mais elle n'est pas fondamentalement différente de celle qui opère lorsque l'article saisit un substantif ; ainsi, chacun sait bien que c'est un qui s'impose chaque fois que l'on veut poser un nouvel élément :
 
(13) El año pasado me llevó a un restaurante japonés, sabiendo que no me gustan. Y este año me ha vuelto a llevar a un restaurante japonés.Ignacio BOSQUE y Violeta DEMONTE, op. cit., p. 839.
 
Un autre cas mérite une attention particulière : celui de l'expression de l'approximation, qui est traditionnellement associée à l'emploi de un. Comme nous l'avons indiqué plus haut, c'est même le seul et unique critère retenu par la plupart des grammaires pour expliquer l'emploi de l'article indéfini. L'observation des exemples montre que lorsque le pourcentage ne renvoie pas à une évaluation précise mais à une approximation, le locuteur peut avoir recours à différentes constructions ; il peut notamment utiliser un adverbe signifiant explicitement l'imprécision :
 
(14) Existen bajos índices de participación electoral (aproximadamente el 50 por ciento de los ciudadanos están empadronados, de éstos casi la mitad vota y por eso los presidentes resultan electos con el voto favorable de menos del 20 por ciento de los ciudadanos). (La Prensa de Nicaragua, 02/11/2004 [CREA])
 
Mais il peut aussi saisir le pourcentage au moyen de un.
 
(15) La Rusia de Vladímir Putin utiliza el señuelo, o amenaza, de desviar al Este sus enormes reservas de hidrocarburos para atenazar a Europa (cuyo abastecimiento controla en un 70%) […]. (5 Días)
 
Saisir un pourcentage au moyen de el, c'est mettre l'accent sur ce pourcentage précis, dans la mesure où, on l'a dit, el actualise sur fond d'altérité et permet donc d'évoquer, par contraste, négativement, les êtres exclus, i.e. ici, les autres valeurs possibles. Ne pas choisir el, et donc opter pour un, peut être un moyen d'éviter cette focalisation sur le comptage précis. Une des raisons de ce choix peut être le caractère approximatif du pourcentage. Toutefois, cette « valeur » est assez difficile à identifier et la façon privilégiée de marquer l'approximation est plutôt l'emploi d'un adverbe ou d'une locution adverbiale (casi, más/menos de, en torno a, etc.)
 
Enfin, parmi les contextes favorisant l'apparition de un, il faut signaler le cas – complexe, on va le voir – des verbes de variation (crecer, caer, bajar, etc.). Une rapide recherche dans le CREA a montré que la suprématie de un est écrasante, puisque c'est l'article retenu dans 8 cas sur 10Ce chiffre signifie qu'il s'agit bien d'une affinité, forte certes, et non pas d'une contrainte syntaxique, puisque el reste toujours possible. ; il faut ajouter que la même observation vaut pour la construction X% más/menos :
 
(16) Las ventas de Hospital aumentaron un 10,6%, hasta los 42,5 millones, mientras que Raw Materials & Others, con 20,6 millones, cayó un 36,7%. (5 Días)
 
(17) Ahora estas entidades ganan 9.712 millones de euros, un 1,15% menos que en junio de 2007. (5 Días) 
 
Plusieurs facteurs semblent intervenir. En premier lieu, l'article un présente le pourcentage comme un parmi d'autres, de même valeur. Il y a en effet, dans le cadre de l'énoncé considéré, une infinité d'augmentations de 10,6% possibles. Toute variation à la hausse, entre un chiffre de départ n et un chiffre d'arrivée n + 10,6%, répond à cette définition, quelle que soit la valeur de n. L'article un m'indique donc que je dois considérer l'une de ces variations possibles, indépendamment de ce qui fait la singularité de chacune d'elle et qui est la valeur de départ i.e. n. Pour prendre une image géométrique – approximative, mais peut-être éclairante –, on pourrait dire que un 10,6% m'indique que je dois considérer un segment d'une valeur de 10,6 pris sur un segment plus long de 100, mais que ce segment de 10,6 peut se situer n'importe où sur le segment de 100 ; ce peut être n'importe lequel parmi l'infinité de segments de 10,6 possibles. En second lieu, il semble bien que le rapprochement entre variation et article un ne joue que dans le cas où l'évolution est exprimée par un verbe ou par les adverbes más / menos. En effet, il est curieux de noter que lorsque la variation est exprimée par un substantif (crecimiento, aumento, caída, etc.), on trouve plutôt el, précédé d'une préposition.
 
(18) Por divisiones, la facturación de Bioscience se situó en 300,6 millones, lo que representa un aumento del 22,6%, mientras que Diagnostic alcanzó los 43,5 millones, un 4,5% más. (5 Días)
 
De même, lorsque le verbe de variation est complété par un syntagme comme a un ritmo de, c'est majoritairement el qui est utilisé :
 
(19) El crédito a la clientela se sitúa en 1,2 billones de euros […] y crece a un ritmo anual del 7,5%. (5 Días
On peut faire l'hypothèse que ce qui prévaut ici c'est la co-référentialité du substantif et du pourcentage. En effet, tout se passe comme si le locuteur, en optant pour l'article défini, était surtout sensible au fait que le substantif (aumento, caída, ritmo, etc.) et le pourcentage réfèrent dans la réalité à la même chose, et négligeait la différence de conceptualisation, tout aussi réelle pourtant, qui les sépare : dans l'exemple (16), aumento et 22,6% désignent la même entité, l'augmentation, mais n'en disent pas la même chose ; le premier déclare la nature de la variation – c'est une indication qualitative –, alors que le second livre une information quantitative. Il semble qu'en choisissant el, article de rappel utilisé pour ce qui est déjà connu, ce dont l'existence a déjà été posée, le locuteur ne tient pas compte de la différence linguistique et met au contraire l'accent sur l'identité référentielle, expériencielle. Cette identité ne joue pas dans le cas d'un verbe, puisque ce dernier est le résultat d'une formalisation temporelle alors que le pourcentage sous saisie articulaire est un syntagme substantivé, donc le résultat d'une formalisation spatiale ; cette différence de conceptualisation interdit que les deux éléments (le verbe et le pourcentage) aient le même référent. Reste que, même dans le cas d'un substantif de variation, l'emploi de el est bien le résultat d'un choix, puisque un reste possible, comme le montre l'exemple suivant : 
 
(20) La asamblea anual de socios de la Sociedad de Fomento y Cría Caballar, […] aprobó un presupuesto de gastos de 2.828 millones de pesetas para el año 1986, lo que supone un aumento de un 6,72% con relación al ejercicio anterior. (El País, 02/04/1986 [CREA])
 
Il faut encore préciser que l'affinité entre verbe de variation et un ne vaut que lorsque le pourcentage mesure l'ampleur de l'évolution ; lorsqu'il indique le repère atteint à l'issue du mouvement de variation, et/ou le point de départ, c'est tout naturellement el, précédé d'une préposition, qui est préféré :
 
(21) Cuando el margen operacional de Persimmon ha caído del 21% al 14%, Taylor Wimpey está en el 5,5%. (5 Días)
 
L'étude de l'expression de la variation montre bien toute la complexité du phénomène ; en effet, on ne peut mettre au jour que des affinités, des tendances, et on ne peut établir des « règles », c'est-à-dire des lois linguistiques véritablement contraignantes
 

Conclusion

Deux conclusions, s'inscrivant également dans la perspective d'une articulation recherche / enseignement, peuvent être tirées de ce travail. D'une part, du point de vue de la méthode, il se confirme que l'étude du choix de l'article devant un pourcentage, qui peut apparaître a priori comme une question spécifique, relevant exclusivement de certains discours spécialisés, ne peut en fait être traitée en dehors du système linguistique général de l'espagnol, et l'on se condamne à ne pas comprendre si l'on ne rattache pas l'usage spécifique de l'article devant les pourcentages à une théorie générale de l'article. Cette observation vaut bien entendu pour la recherche mais doit aussi être étendue à l'enseignement. D'une façon générale, il nous semble que l'on a tout à gagner à ne pas fragmenter inconsidérément l'apprentissage de la grammaire et à privilégier au contraire les approches systématiques, et cela, quelle que soit la filière d'enseignement, LCE ou LEA. 
 
D'autre part, cette question est une bonne illustration du fonctionnement réel de la langue et peut, par conséquent, servir d'initiation à la complexité des mécanismes langagiers. On insistera donc, auprès des étudiants, sur la différence entre ce qui relève du système proprement dit, et est donc obligatoire – ici, l'emploi d'un article singulier devant un pourcentage – et ce qui relève du choix (souvent inconscient) du locuteur – i.e. la préférence pour l'article défini ou l'article indéfini, dans tel ou tel contexte –. On attirera l'attention des étudiants sur le fait que la langue n'est pas seulement une somme de contraintes mais aussi un éventail de possibilités et qu'elle permet tout autant qu'elle interditBien d'autres phénomènes, parmi ceux classiquement traités en cours, relèvent de la même logique : emploi de l'indicatif ou du subjonctif après les adverbes de doute, emploi de ser ou estar avec certains adjectifs, etc.. Il semble important de leur montrer que le choix de el ou de un répond à des déterminations strictement linguistiques (ils n'ont pas le même signifiéBien évidemment, la présentation du signifié à des étudiants ne peut se faire dans les termes exacts que l'on a utilisés ici ; il va de soi qu'elle doit être adaptée. Par exemple, on peut expliquer que el indique que ce qui suit doit être pensé comme un élément unique au moment où je parle, un élément qu'en outre je suppose connu, alors que un sert à extraire un élément parmi d'autres et me permet donc d'introduire du nouveau. Des exemples simples, avec des substantifs, ne sont pas trop difficiles à trouver.), qui permettent que jouent des éléments d'ordre extralinguistique ou péri-linguistique. Ainsi, l'emploi massif de el devant un pourcentage, en dehors du cas des verbes de variation, obéit sans doute à des motifs qui n'ont que partiellement à voir avec le langage. En effet, les pourcentages apparaissent essentiellement dans certains discours spécialisésOn préfèrera cette expression à celle de « langue de spécialité », qui donne l'impression – l'illusion – qu'il existe plusieurs langues, alors qu'elle se caractérise au contraire par son unicité., discours économique surtout, que ce soit dans des travaux scientifiques ou dans des articles de journaux. Or, l'économie se revendique comme une discipline où la précision, l'exactitude, sont fondamentales. Le fait même d'utiliser un pourcentage, pour référer à une partie d'un tout, est en soi le signe d'une volonté de précision (sinon, on utilise plutôt des fractions ou des syntagmes nominaux encore plus approximatifs – buena parte, la mayor parte, una pequeña parte, etc. –).
Quoi de surprenant alors à ce qu'aujourd'hui on saisisse majoritairement les pourcentages avec l'article le mieux à même de traduire ce souci d'exactitude en mettant l'accent sur la valeur différentielle du pourcentage, l'article défini el
 

Notes

Pour citer cette ressource :

Chrystelle Fortineau-Bremond, "Articles et pourcentages en espagnol : de la théorie à l'usage", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), février 2010. Consulté le 15/10/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/langue/linguistique/articles-et-pourcentages-en-espagnol-de-la-theorie-a-l-usage