Pour une nouvelle approche pragmatique et raisonnée de l’enseignement de l’espagnol économique à l’Université
Résumé
Alors même que l'enseignement de l'espagnol classique marque le pas dans beaucoup d'enceintes du supérieur, il est un domaine qui permet d'inverser ce processus, celui de l'espagnol LV2. Au-delà de la classe de langue appréhendée de façon classique sans guère de moyens, l'apprentissage de l'espagnol économique commence à sortir de l'ombre. Longtemps vu plus comme une activité que comme une matière ès qualité, il a beaucoup évolué notamment grâce au contact de l'anglais qui a su développer cette branche de façon performante. Aujourd'hui face aux nécéssités du marché (l'Espagne est l'un des tout premiers marchés extérieurs de la France) il devient urgent de garantir une formation de niveau et d'inclure cette spécialité parmi celles bénéficiant d'une pleine et entière reconnaissance académique.
***
Introduction
Alors même que l’enseignement traditionnel de l’espagnol connaît des heures difficiles tant sur le plan démographique que politique, –la réduction du nombre de postes offerts aux concours touchant plus cette langue vivante 2 du secondaire que sa concurrente classique qui bénéficie depuis le Traité de l’Elysée de 1963 d’un soutien institutionnel permanent ((Cf Annexes. Le nombre de postes offerts aux concours en 2009 est assez effarant. Si le rapport est de 1 à 3,5 pour le CAPES externe, il n’est que de 1 à 1.4 pour l’Agrégation externe et de 1 pour 1,2 pour l’Agrégation interne, alors même que le nombre de lycéens faisant de l’allemand devient anecdotique dans beaucoup d’établissements.))–, il est un domaine qui prospère sans faille, celui de l’espagnol économique.
Matière aux contours flous, à la fois qualifiée de langue pour non-spécialistes mais aussi de langue vivante 2 selon les filières universitaires, de grandes écoles ou de sections de techniciens supérieurs, elle souffre à n’en point douter d’un déficit d’image mais non pas de contenu.
Paradoxalement, alors que depuis toujours une certaine synergie s’est établie entre les domaines relevant de l’histoire et ceux de la langue, contrairement à l’Espagne ou les études de « filología española» relèvent exclusivement du domaine linguistique, d’autres champs didactiques tels que celui de l’espagnol économique (ou économie en espagnol) sont laissés en friche.
Au-delà d’une approche très pragmatique de la langue économique pour les classes de BTS essentiellement à partir de courriers commerciaux et de dossiers de textes à comprendre et à analyser, force est de constater qu’il n’existe pour ainsi dire aucune réflexion quant à la portée de cette spécialité. La question moderne et pertinente du multilinguisme en Espagne, pourtant si visible malgré le mythe de l’unité inébranlable de l’État, devrait impliquer une réflexion. Il en va de même quant au bilinguisme aux Etats-Unis, notion pourtant si parlante dans un monde se nourrissant d’une culture construite autour de programmes télévisés réservés aux nord-américains.
Cet aspect est encore plus flagrant pour l’économie espagnole. L’absence d’une formation spécifique se fait largement ressentir. Quels sont les objectifs visés ? S’agit-il de refaire une énième variante du cours de civilisation agrémentée par quelques chiffres plus ou moins pertinents ou de s’attaquer aux phénomènes lourds et actuels du pays ? Comment traiter de l’immigration en Espagne, qui en moins d’une décennie est passée de chiffres insignifiants à presque 10% de la population, ce qui représente un changement fondamental et incontournable ? Que dire à propos des multinationales espagnoles présentes partout en Amérique latine, que ce soit dans la téléphonie, le pétrole ou l’hôtellerie ? Ne doit-on s’y intéresser que de manière aléatoire à l’occasion de la signature d’un décret de nationalisation par un dirigeant? Peut-on laisser de côté des constructions supra-étatiques comme le Mercosur ((Le Marché Commun du Sud ou Mercado Común del Sur (l’appellation en espagnol est universellement connue) a été créé en 1991 entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.)) ou l’ALBA ((Alternativa Bolivariana para las Américas: programme alternatif mené par Hugo Chavez pour contrer la ZLEA.)) ?
L’intervention proposée s’attachera à développer les trois axes suivants: analyser la pertinence de l’enseignement de l’espagnol économique en s’attachant aux voies à suivre pour dépasser le stade du simple enseignement en langue de non-spécialiste ; engager une réflexion sur la portée de l’enseignement économique en espagnol, face à la mondialisation et aux réalités sociales mouvantes de cette aire économique ; dresser le tableau des perspectives pédagogiques offrant de nouveaux terrains d’expansion pour notre enseignement.
Pertinence de l’enseignement de l’espagnol économique en s’attachant aux voies à suivre pour dépasser le stade du simple enseignement en langue de non-spécialiste
Dans les soubresauts idéologiques des années 60, le schéma traditionnel de l’enseignement de l’espagnol qui requérait d’abord et avant tout une capacité de traducteur et de connaissance du monde classique s’efface devant un monde qui s’ouvre sur son temps. Pour ce domaine de la langue économique, déjà plus étendu que celui des traditionnelles études romanes puisqu’il intègre l’approche historique des aires d’expression linguistique d’Europe et d’Amérique (l’Afrique et les Philippines en sont resté étonnamment exclues), le problème qui se pose est d’associer la langue espagnole et les questions économiques. Schématiquement, on trouve trois types de cursus : les BTS, les filières d’espagnol non spécialiste des facultés et des Écoles de commerce et les Langues Étrangères Appliquées (LEA).
Dans la logique des filières post-bacs de lycée, l’espagnol économique se concentre essentiellement autour de dossiers techniques, bâtis sur des sujets ouverts à commenter et exploiter ainsi que sur le courrier commercial, toujours vu de façon très pragmatique (présentation, plainte, demande…). Plus complexe dans les filières à deux langues (BTS Commerce International ou AST), l’espagnol se simplifie lorsqu’il redevient LV2 optionnelle dans les autres BTS et il rejoint alors d’une certaine manière la logique des facultés qui dispensent la langue pour non-spécialistes. En dépit du maquis inextricable que suppose l’enseignement d’une matière sans programme, on retrouve néanmoins toujours le texte journalistique à commenter et expliquer avec une prédominance du journal El País. Les différences tiendront à l’actualité plus ou moins récente, à la capacité d’ouverture et au travail écrit découlant du texte, et au champ national choisi, Amérique ou Espagne. L’insuffisance chronique en équipements limite trop fréquemment l’usage de l’audiovisuel, notoirement plus pauvre que dans le domaine anglo-saxon, car malgré l’explosion des médias et de l’Internet, l’offre satellitaire se réduit à une seule vraie chaine, TVE I, les télévisions régionales étant soit assez pauvres, soit dans une autre langue ((Ces chaînes sont en catalan (TVC), galicien (TVG) ou basque (Euskal Telebista))). De toute façon, l’accès difficile aux programmes empêche réellement toute exploitation. Très concrètement, les succès d’audience des grilles des chaines espagnoles se concentrent soit sur des talk-shows
« sociaux » sans intérêt, soit sur des feuilletons hospitaliers, soit sur un dessin animé situé aux USA où tous les personnages sont jaunes. La radio renforce plus encore le côté « tertulia » quasiment inexploitable. Seuls des programmes comme « Informe semanal » sortent leur épingle du jeu lorsqu’ils traitent de sujets sociaux ou transnationaux.
La facilité et la sensation d’être d’une utilité plus que marginale l’emportant sur le reste, rares seront les variantes plus techniques. Le problème du niveau est parfois vu comme étant celui d’une « industrialisation » et pour assurer les TD de langue, le nombre de groupes est toujours insuffisant, car le principe de la cote mal taillée prévaut et un alignement à la baisse s’impose.
Les Écoles de commerce, qui souvent ont plus de moyens, intègrent des exercices plus interactifs, souvent calqués sur l’enseignement de l’anglais, comme la négociation, voire les jeux d’entreprise ou de marketing, sans pour autant renoncer au texte.
Enfin, se pose la grande question, celle de la spécialité économique par excellence, la filière LEA anglais-espagnol, rares étant les variantes aléatoires, car l’espagnol a peu vocation à exister en termes économiques hors du couplage avec l’anglais, notamment en raison de l’omniprésence nord-américaine.
La différenciation utile et nécessaire depuis les origines a poussé à la mise en place d’un enseignement d’économie qui s’est coulé dans le moule binaire de la LLCE, économie espagnole / économie latino-américaine et qui bien souvent se traduit par une reprise des cours de civilisation agrémentée de chiffres plus abondants. Le courrier commercial est en règle générale vu comme un art mineur et la rédaction d’un CV comme un simple épisode annuel. L’idée d’assurer un enseignement complet en langue espagnole de micro ou de macro économie, voire de marketing n’est en revanche même pas envisagée, l’association civilisation-économie étant encore dominante, voire exclusive. De ce fait, beaucoup de choses intéressantes sont encore laissées en friche.
Réflexion sur la portée de l’enseignement économique en espagnol face à la mondialisation et aux réalités sociales mouvantes de cette aire économique
Nous distinguons de façon très pragmatique les deux domaines traditionnels pour cette analyse :
L’Espagne
La vision que l’on retrouve trop souvent du pays reproduit un schéma archaïque. L’on y évoque fréquemment le Plan de Stabilisation de 1959 dont l’actualité est plus qu’obsolète et l’on développe l’entrée dans la CEE, insuffisamment appelée UE comme une donnée nouvelle. Le tourisme de masse, aujourd’hui quinquagénaire est encore associé à l’expression « boom touristique » alors que les Espagnols s’intéressent au tourisme durable et que la première formule remonte aux années 60. Il suffit aussi d’examiner des documents proposés aux étudiants (livres, fascicules) pour encore trouver des textes sur les JO de Barcelone ou l’exposition de Séville, tous deux de 1992, année de naissance à deux ans près des étudiants de L1 au moment où sont rédigées ces lignes. Le décalage entre la réalité et l’image présentée du pays est toujours là, même si l’on n’ose plus montrer le village espagnol avec ses rues escarpées et les ânes comme seul moyen de communication comme ce fut longtemps le cas. Les données lourdes de l’Espagne contemporaine sont quasiment occultées. En tout premier lieu, l’on omet d’évoquer la question du multilinguisme du pays. Les tenants du concept unitaire de l’État ont su marquer les esprits, ce qui a été illustré récemment dans le film L’auberge espagnole où l’on voit un enseignant refuser de faire cours en castillan à l’université de Barcelone. Pourtant, loin des théories les plus anciennes, le fait linguistique est une réalité. Au-delà des aspects légaux, l’obligation d’usage des langues autres que le castillan a été acté par les grands groupes internationaux, tels que Danone, par exemple, dont le site institutionnel est en catalan, Hewlett Packard et même Microsoft qui a développé une version en catalan de ses principaux logiciels. Souvent l’analyse se fait en termes hexagonaux, pourtant inopérants dans la Péninsule. De plus, le co-partage entre les deux pays, de deux voire même trois langues régionales, le basque, le gascon et le catalan biaise encore plus la donnée. Le rapport au catalan est bien moins folklorique à Gérone qu’à Perpignan. Du reste, au niveau du CNU, comment justifier la double affectation du catalan à la fois comme langue régionale (73ème section) et comme langue romane (14ème section) ? La méconnaissance du fait linguistique constitue l’un des problèmes chroniques les plus forts de l’étudiant français et un blocage culturel au moment des stages. Bien évidemment, cet aspect n’est pas le seul. La structure de la population espagnole est un autre élément ignoré. Les lieux communs datant des années 60 sont encore très souvent servis comme ayant gardé leur actualité. Si l’image du pays pauvre très catholique aux familles nombreuses trouvant uniquement une issue dans l’émigration a pu être une réalité jadis, aujourd’hui ces clichés sont éloignés des faits concrets car la religion, la structure nationale, démographique et même les flux migratoires sont différents, voire contraires. Faut-il rappeler que l’Espagne, terre d’émigration, compte aujourd’hui près de cinq millions d’immigrés, dont notamment 1,5 de Latino-américains, 0,7 de Marocains et 0,8 de Roumains ? Comment omettre qu’il y a plus d’un demi-million d’équatoriens en Espagne, dont la présence dans le petit commerce de proximité a marqué Madrid ? Comment oublier que l’armée espagnole – notamment lors de ses interventions à l’extérieur– a largement aussi recruté des latino- américains ? Ces données fortes sont celles d’un pays en plein progrès.
Le pays qui a accédé au rang de la 8ème puissance mondiale est rentré de plein fouet dans le capitalisme international. Outre les grands groupes touristiques (Melià, NH, Marsans notamment), il a su se placer aussi dans le pétrole (Repsol), la téléphonie (Telefónica), les travaux publics (Ferrovial, Sacyr), la confection (Inditex : Zara). Ces groupes nationaux sont complétés par ceux de l’automobile, aux mains de capitaux étrangers, y compris Seat. Leur activisme économique est intense, et notamment en Amérique latine, marquant de ce fait le sous-continent du double sceau de capitalisme espagnol et européen.
Les groupes mènent une activité très intense en Amérique latine et sont du reste fréquemment identifiés par les régimes populistes locaux comme étant une résurgence du vieux colonialisme européen et espagnol.
Le monde latino-américain
L’un des tout premiers aspects étonnants que l’on peut noter tient déjà à l’exclusion des Etats-Unis du champ d’analyse. Ce pays compte pourtant plus de 10% d’hispanophones, deux des plus grands États sont bilingues de fait et le site web de la présidence ne propose qu’une seule version dans une autre langue que l’anglais : l’espagnol. Par ailleurs, géographiquement, si l’on reprend la carte du Mexique d’avant 1848 ((http://www.archives.gov/education/lessons/guadalupe-hidalgo/ http://www.americaslibrary.gov/cgi-bin/map.cgi http://es.wikipedia.org/wiki/Cesi%C3%B3n_Mexicana)), le territoire en son temps colonisé par les Espagnols couvrait largement toute la bande allant de la Californie au Texas. Mais rien n’y fait. Pourtant l’intérêt est là. Jusqu’à quand prévaudront les schémas idéologiques binaires ? Peut-on aussi laisser de côté l’évolution institutionnelle de cette aire géographique ? Ne faudrait-il pas rappeler que l’ALENA est le sigle en français du TLC ((Tratado de Libre Comercio (TLCAN ou NAFTA en anglais). L’ALENA, signée en 1993 est un traité de libre commerce qui associe le Canada aux Etats Unis et au Mexique. Ses trois langues de travail sont l’anglais, l’espagnol mais aussi le français.)) ? Peut-on dignement qualifier le Mercosur par une simple définition du type « Marché Commun qui unit quatre pays d’Amérique du Sud » ? Cela implique que l’on n’entre pas dans la logique du projet et qu’en adoptant la perspective d’adaptation européenne, on ne voit pas un concept unitaire qui dépasse les rancœurs du passé ainsi que la grande chance d’optimiser la taille des marchés et d’accéder ainsi au capitalisme moderne.
Peut-on aussi laisser de côté l’aventure politique vénézuélienne sans tenir compte du retrait des Etats-Unis de la scène latino-américaine en raison de l’intervention en Irak et en Afghanistan ? Est-il raisonnable d’omettre le projet de Zone de Libre Échange des Amériques au motif qu’il n’a jamais avancé ? Est-il possible de ne pas présenter la diplomatie du pétrole de Hugo Chávez et son attitude inquiétante y compris pour l’Europe occidentale comme dans le cas de la directive sur le retour des immigrés ? Enfin, spécificité et originalité nationale, peut-on parler de l’Amérique en omettant le fait que la République française est présente en Amérique du Nord au Sud, avec les Départements Français d’Amérique ((Départements d’Outre-Mer : Martinique, Guadeloupe, Guyane ; collectivités départementales : Saint Pierre et Miquelon, Saint Vincent et Saint Martin.)). Ne doit-on pas se souvenir que le français est aussi une langue de travail de l’OEA, Haïti et le Canada étant les deux pays francophones de cet espace ?
Dès lors, que peut-on attendre de l’enseignement de l’espagnol économique ?
Les perspectives pédagogiques nouvelles offrant de nouveaux terrains d’expansion
Afin de répondre à cet axe d’analyse, il convient de rechercher quelles compétences l’on attend réellement par rapport à un étudiant en matière d’espagnol économique. Il y a tout d’abord à n’en point douter les capacités techniques. Quelles sont-elles ? Il faut savoir rédiger un CV en espagnol, exercice facile a priori, mais celui- ci exige du doigté notamment pour la traduction des titres. Combien de licences triennales sont assimilées à des licenciaturas quinquennales ? Faut-il garder le terme français, donner l’équivalent espagnol ou mettre les deux ? Doit-on basculer les traductions en régime de Grado en dépit de l’ambigüité des trois ou quatre ans de durée de celui-ci selon les filières ? Les détails aussi sont importants, les adresses doivent rappeler le pays, les téléphones, l’indicatif. L’Espagne étant friande d’engagement dans des ONG, il ne faut pas omettre non plus cet acte de don de soi. Au-delà du CV, l’on trouve la capacité rédactionnelle en espagnol. Le monde économique requiert de savoir écrire, mais en sachant moderniser les formules, ce que les manuels ne permettent pas de faire pour l’étudiant standard.
Il convient aussi que l’étudiant soit apte à s’exprimer en termes économiques et ne pas ponctuer toutes les deux phrases d’un « Podemos suponer que… » aussi fréquent que si les apprentis francophones se démarquaient par un « force est de constater ». Des matières calquées sur l’anglais économique telles que la négociation revêtent une importance cruciale, car construites sur une progression au minimum biannuelle sur le L3-M1, elles offrent à l’étudiant la possibilité de réfléchir en termes économiques sur des problèmes simples avant d’avancer sur un terrain analytique plus poussé le menant sur le champ du marketing en espagnol. Un dossier sur Adif ((www.adif.es)) (agence de gestion de l’infrastructure ferroviaire espagnole) ou Renfe ((www.renfe.es)) (opérateur historique du rail en Espagne depuis 1941) ou l’analyse des perspectives de lancement d’un produit donné sur le marché espagnol revêtent une utilité structurante forte.
Les connaissances culturelles sont à n’en point douter utiles, notamment pour ne pas commettre d’impairs ou pour savoir quelle ligne comportementale suivre en matière de mécénat. Il est évident qu’il est utile de connaître le pays pour comprendre pourquoi Grenade arrête quasiment toute sa vie économique pour le Corpus ou a supprimé sa grande fête du 2 janvier, jour de la Reconquête pour cause d’incorrection politique ; ou pourquoi la Catalogne célèbre le 11 septembre et le pays entier le 12 octobre, fête de l’Hispanité et le 6 décembre pour la Constitution. Savoir user de formules ou d’expressions en langue propre peut aussi être une réelle plus-value professionnelle. Pourquoi Carrefour fait-il des sacs en plastique rédigés en catalan pour le marché local ? Pourquoi Mediamarkt ((www.mediamarkt.es)), Bauhaus ((www.bauhaus.es)) ou Schlecker ((www.schlecker.es)), grandes firmes allemandes prennent-elles le soin de rédiger leurs publicités en catalan sinon pour ouverture sur les marchés et par maîtrise culturelle des réalités locales ? Au-delà de l’obligation légale et des sanctions économiques insignifiantes pour un grand groupe, cela apporte une réponse à une demande sociale et présente un intérêt économique en évitant notamment le boycottage.
Les connaissances historico-techniques sont bien sûr importantes mais elles doivent être combinées avec une approche plus directe du terrain. La mise à jour constante des données est indispensable. Ainsi Pryca est redevenu Carrefour ((www.carrefour.es)) en 2000, et l’Espagne qui comptait deux compagnies low cost, Clickair ((www.clickair.com)) et Vueling ((www.vueling.com)) depuis 2004-2005 n’en compte plus qu’une seule depuis leur fusion en juillet 2008, Clickair disparaissant comme enseigne commerciale pendant l’été 2009. La place de l’immigration dans le pays dépasse les seules arrivées de « cayucos » ((Nom donné aux bateaux utilisés par les immigrés clandestins arrivant en Espagne.)) clandestins sur les côtes canariennes.
La crise du tourisme espagnol est aujourd’hui plus importante à analyser que la présentation du boom touristique des années 60. Les problèmes du bétonnage du littoral sont une évidence qui dépasse le seul cas de Benidorm et la question de l’eau est clairement primordiale ; elle doit faire partie de la présentation économique du pays car sans eau, il n’y a plus de vie. Thème principal de l’Exposition Universelle de Saragosse, elle dépasse les contingences de l’actualité. Dès lors, quelles compétences peut-on attendre de l’enseignant ?
Dans une conception a minima de l’espagnol économique, tout le monde peut tout faire. C’est que l’on peut désigner sous le syntagme du « complément de service ». Seulement dans cette logique, l’apport cognitif ne dépassera guère celui du commentaire de type paraphrastique et reproduira à l’infini un schéma arrêté ad vitam aeternam. Ce profil n’est pas toujours aussi négatif et dans l’enseignement de langue pour non- spécialistes, lorsqu’il recouvre des enseignants « nativos » ou ouverts, d’intéressantes expériences peuvent exister. Si l’on veut dépasser le stade élémentaire, un investissement objectif de l’enseignant est requis, par auto-formation, ou en suivant des cours d’été. Ainsi, par exemple à Castellón, la faculté d’économie propose des cursos de verano (cursos d’estiu) ((La langue politique en usage à l’Université de Castellón (www.uji.es) est le valencien. En français ces “cours d’été” seraient baptisés”université d’été”.)) bien bâtis autour de cas pratiques avec des intervenants professionnels. Enfin, pourquoi ne pas songer à une véritable spécialité économique, différenciable quoique connectable à la civilisation, nouvel axe propio motu de recherche, permettant l’ouverture d’un champ d’investigation. De la sorte s’ouvrirait une véritable reconnaissance de cette filière qui, loin d’effacer le secteur traditionnel, lui offrirait un contre-point de modernité utile et nécessaire.
Conclusion
A l’heure actuelle, l’enseignement de l’espagnol économique à l’Université est la matière en suspens. Sans véritable reconnaissance académique, analysée comme une simple variante des fondamentaux classiques, il représente malgré tout une part conséquente de l’enseignement de l’espagnol moderne. Peut-on véritablement continuer à ne voir en lui qu’une simple activité ou ne devrait-on pas lui donner ses lettres de noblesse républicaines ? Ne devrait-on pas voir dans ce phénomène l’une des composantes les plus durables de l’enseignement à venir de la langue espagnole ?
Peut-on persister dans cette attitude de condescendance alors que l’Espagne est l’un des trois premiers marchés de la France et que les grands groupes ont tous constitué une division Mercosur dans leur structure organisationnelle ?
Sans évolution, point de progrès, sans révolution, le statu quo est un risque d’autant que l’absence de soutien politique n’aide pas l’espagnol. A quand un OFEJ sur le modèle allemand de l’OFAJ, vecteur de l’aide à la mobilité ?
Notes
Annexes
Répartition par section et option des postes offerts au concours externe du CAPES à la session 2009
Répartition par section et option des postes offerts |
|
Sections / options |
Postes offerts |
Arts plastiques |
130 |
Documentation |
135 |
Education musicale et chant choral |
90 |
Histoire - géographie |
616 |
Langue corse |
3 |
Langues régionales : basque |
1 |
Langues régionales : breton |
2 |
Langues régionales : catalan |
1 |
Langues régionales : créole |
4 |
Langues régionales : occitan-langue d'oc |
4 |
Langues vivantes étrangères : allemand |
106 |
Langues vivantes étrangères : anglais |
942 |
Langues vivantes étrangères : arabe |
5 |
Langues vivantes étrangères : chinois |
12 |
Langues vivantes étrangères : espagnol |
365 |
Langues vivantes étrangères :hébreu |
1 |
Langues vivantes étrangères : italien |
56 |
Lettres classiques |
150 |
Lettres modernes |
750 |
Mathématiques |
806 |
Philosophie |
26 |
Physique et chimie |
501 |
Sciences économiques et sociales |
72 |
Sciences de la vie et de la terre |
316 |
Tahitien |
1 |
Mise à jour : décembre 2008
http://www.education.gouv.fr/cid4589/postes-offerts-au-capes-externe.html
Répartition par section et option des postes offerts au concours externe de l'agrégation à la session 2009
Répartition par section et option des postes offerts |
|
Sections / options |
Postes offerts |
Arts option A, arts plastiques |
16 |
Arts option B, arts appliqués |
10 |
Biochimie - génie biologique |
10 |
Economie et gestion option A, économie et gestion administrative |
13 |
Economie et gestion option B, économie et gestion comptable et financière |
21 |
Economie et gestion option C, économie et gestion commerciale |
20 |
Economie et gestion option D, économie, informatique et gestion |
5 |
Education physique et sportive |
15 |
Génie civil |
12 |
Génie électrique |
13 |
Génie mécanique |
18 |
Géographie |
25 |
Grammaire |
5 |
Histoire |
84 |
Langues vivantes étrangères : allemand |
34 |
Langues vivantes étrangères : anglais |
128 |
Langues vivantes étrangères : arabe |
4 |
Langues vivantes étrangères : chinois |
3 |
Langues vivantes étrangères : espagnol |
48 |
Langues vivantes étrangères : italien |
14 |
Lettres classiques |
40 |
Lettres modernes |
90 |
Mathématiques |
252 |
Mécanique |
25 |
Musique |
17 |
Philosophie |
40 |
Sciences économiques et sociales |
23 |
Sciences physiques option chimie |
45 |
Sciences physiques option physique |
112 |
Sciences physiques option physique appliquée |
16 |
Sciences de la vie - sciences de la terre et de l'univers |
87 |
http://www.education.gouv.fr/cid4585/postes-offerts-a-l-agregation-externe.html
Répartition par section et option des postes offerts au concours interne de l'agrégation à la session 2009
Répartition par section et option des postes offerts |
|
Sections / options |
Postes offerts |
Arts option A, arts plastiques |
17 |
Economie et gestion |
38 |
Education physique et sportive |
100 |
Génie électrique |
12 |
Génie mécanique |
11 |
Histoire - géographie |
90 |
Langues vivantes étrangères : allemand |
25 |
Langues vivantes étrangères : anglais |
56 |
Langues vivantes étrangères : espagnol |
30 |
Langues vivantes étrangères : italien |
6 |
Lettres classiques |
31 |
Lettres modernes |
106 |
Mathématiques |
107 |
Mécanique |
8 |
Musique |
10 |
Philosophie |
16 |
Sciences économiques et sociales |
11 |
Sciences physiques option physique et chimie |
45 |
Sciences de la vie - sciences de la terre et de l'univers |
41 |
Mise à jour : décembre 2008
http://www.education.gouv.fr/cid4586/postes-offerts-a-l-agregation-interne.html
Communication issue de la deuxième rencontre hispano-française de chercheurs (SHF-APFUE) qui s'est déroulée du 26 au 29 novembre 2008 à l'École Normale Supérieure de Lyon.
Pour citer cette ressource :
Stéphane Hurtado, "Pour une nouvelle approche pragmatique et raisonnée de l’enseignement de l’espagnol économique à l’Université", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2010. Consulté le 05/10/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/langue/didactique/enseignement-de-lespagnol/pour-une-nouvelle-approche-pragmatique-et-raisonnee-de-l-enseignement-de-l-espagnol-economique-a-l-universite