Entretien avec Gilbert Coudène
Pourquoi avoir choisi la ville de Lyon pour créer l'espace Rivera ?
La fille de Diego Rivera, Guadalupe, est à l'origine du projet. Présidente de la Fondation Diego Rivera, elle a convié Cité Création au congrès mural de Mexico afin de discuter de sa volonté de célébrer le cinquantenaire de la mort de son père. Elle avait pensé à la France pour réaliser cet hommage, plus particulièrement à Paris. Cité Création l'a invitée à Lyon pour lui faire visiter la ville et lui montrer qu'elle avait acquis la renommée de capital des murs peints. Par ailleurs, il était plus facile pour Cité Création de trouver un emplacement social dans la ville de Lyon. Un accord a été trouvé avec la SACVL, aménageur et constructeur, qui avait un HLM de disponible et qui a même créé toute une placette pour permettre à ce projet de voir le jour.
Qui a choisi les fresques ?
Les fresques ont été choisies en accord avec la Fondation Diego Rivera. Il a été décidé que trois pôles se distingueraient : une façade en forme de pyramide qui aborderait la période précolombienne jusqu'à la conquête et qui ferait allusion à la passion de Diego Rivera pour cette période et à sa collection de statuettes ; une autre façade qui se consacrerait à un aspect plus politique et aux engagements que le peintre avait pris aux côtés de Frida Kahlo au cours de sa vie ; enfin une façade qui réinterpréterait la célèbre fresque du Parc Alameda, hautement symbolique puisqu'elle présente un résumé de toute l'histoire du Mexique. Cette œuvre est tellement importante qu'un musée lui est totalement consacré en plein cœur de Mexico.
Pourquoi avoir modifié les œuvres ?
Tout d'abord, il a été nécessaire de réduire les dimensions pour des raisons techniques. Mais le travail de réinterprétation s'est surtout imposé en terme de droit. En effet, les droits de reproduction appartiennent à une Fideicomiso (un groupe d'intérêts pilotés par la banque de Mexico et par Diego et Guadalupe Rivera, les enfants du muraliste).
Combien le projet a-t-il coûté ?
La conception, réalisation et communication ont coûté 350 000 euros.
Combien de peintres ont-ils participé au projet ? Quelle est leur formation ?
Une dizaine de peintres a participé au projet. Ceux-ci suivent généralement une formation dans une école d'illustration et Cité Création les forme ensuite sur plusieurs années au métier de muraliste.
Combien de temps la réalisation a-t-elle duré ?
Elle a duré environ quatre mois.
Les peintres font-ils un tracé préalable avant d'appliquer les couleurs ?
Les peintres procèdent tout d'abord a un tracé au calque et appliquent ensuite les couleurs. Les artistes ont travaillé sur toile pour être en décalage par rapport à la technique a fresco employée par Diego Rivera. En effet, utiliser la même technique revenait à créer une imitation et aurait posé des problèmes en terme de droit.
De quels matériels les peintres ont-ils eu besoin ? Peut-on avoir une estimation de la quantité de peinture utilisée pour la réalisation des fresques ?
Les peintres ont tout simplement utilisé des pinceaux. On évalue à une tonne la peinture utilisée, dont la moitié pour les fonds (là où il n'y a pas de dessins à proprement parler).
Quelles sont les règles de sécurité à observer lors de la réalisation d'une fresque ?
S'agissant d'un travail sur échafaudage et soumis aux intempéries, les règles de sécurité sont extrêmement complexes, nombreuses et strictes. La sécurité est tellement importante qu'une personne s'en charge à temps plein. Tous les peintres sont formés à la sécurité mais il est nécessaire de faire des rappels constants. Les règles changent en fonction de chaque situation et il serait impossible de les détailler en profondeur, mais les muralistes sont par exemple amenés à porter des casques, à renforcer les échafaudages, à disposer des filets de sécurité, à s'attacher...
Les fresques doivent-elles être entretenues ?
Cité Création conseille de laver les fresques au jet d'eau sans trop de pression tous les dix ou quinze ans.
À qui appartiennent les droits de reproduction ?
La question des droits est un peu compliquée. Ils appartiennent à la fois au Fideicomiso pour les œuvres originales, à la SACVL pour le droit patrimonial et à Cité Création pour la réinterprétation.
L'espace Diego Rivera connaît-il le succès escompté ?
L'espace Diego Rivera jouit d'un énorme succès auprès des jeunes du quartier qui sentent leur espace de vie valorisé. La placette est devenue un lieu où s'organisent nombre de soirées musicales, surtout de rock et de hard rock et il faut souligner que les participants adoptent une attitude extrêmement respectueuse envers les œuvres.
Pour citer cette ressource :
Sylvia Perrin, Entretien avec Gilbert Coudène, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juillet 2010. Consulté le 10/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/arts/arts-visuels/les-classiques-de-la-peinture-hispanique/entretien-avec-gilbert-coudene