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Youakim Moubarak : un visionnaire du dialogue monothéiste

Par Georges Corm : Professeur - Université Saint-Joseph de Beyrouth
Publié par Salam Diab Duranton le 05/03/2009

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Dans une conférence donnée à l'université Saint-Esprit de Kaslik, Georges Corm rend hommage à ce prêtre maronite et éminent islamologue qui a grandement oeuvré au dialogue islamo-chrétien.

La structure d'une pensée totalement investie dans l'ouverture à l'Autre

Yoakim Moubarac (1924-1995), prêtre maronite, éminent islamologue, auteur d'une œuvre abondante et riche de diverses significations, est aujourd'hui tombé dans l'oubli. Décédé en 1995, cet homme a été pourtant une cheville ouvrière du dialogue islamo-chrétien, un pacificateur de la scène libanaise durant les années sombres de violence, un défenseur inlassable des droits des Palestiniens. Ce fut une personnalité à la pensée élégante et humaniste, qui unissait harmonieusement, dans ses écrits, la théologie, l'histoire politique et religieuse, les principes d'éthique et de morale humaniste les plus élevés.

Certes, élève de Louis Massignon et marqué par la forte personnalité de cet islamologue, il n'en eût pas moins un itinéraire spécifique et original, marqué par sa condition de Libanais. Son travail de recherches fut, en effet, marqué par deux grandes questions qui l'ont tourmentée dans son identité profonde de fils de cette montagne au passé si riche : la réconciliation des églises orientales entre elles ou du moins le dépassement de leurs querelles théologiques et de leurs inimitiés historiques, d'un côté ; une ouverture psychologique, humaine et théologique sur le message coranique, permettant enfin l'établissement d'un dialogue fertile et constructif pour les deux religions, de l'autre côté. S'il faut caractériser d'un mot l'homme et l'œuvre de Yoakim Moubarac, celui qui vient immédiatement à l'esprit est « ouverture ». Moubarac a été, en effet, toute sa vie un homme d'ouverture dans ses écrits et sa parole. Ouverture des églises orientales les unes sur les autres ; ouverture des églises d'Occident sur celles d'Orient, ouverture du Christianisme sur l'Islam, ouverture de l'Occident sur le monde arabe et l'Islam, ouverture du Liban chrétien sur le Liban musulman.

On ne s'étonnera donc pas que deux axes de recherche et de réflexion aient marqué toute son œuvre, constituant le fil conducteur de sa pensée. Pour lui, en effet, il fallait sortir le Liban de la crispation de ses communautés, des images clichées et des langues de bois, empêchant les Libanais d'exploiter pleinement la grande richesse de leurs patrimoines, théologiques autant qu'historiques. Ce n'est pas un hasard si l'une de ses grandes œuvres d'érudition, La Pentalogie maronite. Domaine antiochien[1], offre à ses concitoyens un formidable aperçu de la variété de leurs patrimoines.

Homme d'Eglise et théologien de par sa formation, Moubarac aura à cœur la réconciliation des églises d'Orient entre elles, mais aussi de celles de ces églises séparées de Rome avec l'église romaine. Ce ne fut pas tant, de sa part, un travail proprement théologique, mais plutôt celui d'une réconciliation des mémoires historiques des différentes églises orientales. Il le fit en rappelant sans cesse le rôle éminent d'Antioche, ville mère de toutes les nuances et variétés de christianismes. Ville où se tint de nombreux conciles de l'Eglise avant même la naissance de l'empire byzantin. Ce faisant, il visait un double but : celui de montrer l'histoire commune de ces églises orientales, mais aussi celui d'affirmer la forte présence commune de ces églises, à partir de leur souche antiochienne, non moins importante, à ses yeux, que la souche romaine ou celle de Constantinople, la grande capitale impériale de l'Orient chrétien, ou encore celle d'Alexandrie, en état de fronde répétée contre les décisions conciliaires de Byzance. Fidèle à l'Eglise de Rome, catholique et apostolique, Moubarac était de ceux qui souhaitaient desserrer l'étreinte bureaucratique de cette église sur les églises orientales qui s'y étaient rattachées ou étaient restées fidèles à elle.

Aussi, la mise en dialogue monothéiste est-elle, chez lui, autant un dialogue à l'intérieur des christianismes qu'un dialogue entre Christianisme et Islam et plus accessoirement le judaïsme qui présente en Palestine un visage de crispation identitaire et de violence peu commune, même si les circonstances de l'Holocauste peuvent l'expliquer, sans toutefois pouvoir le justifier en aucune façon.

Nous nous concentrerons ici sur la vision du dialogue islamo-chrétien auquel Moubarac a consacré une grande partie de ses énergies intellectuelles et de ses activités.

L'œuvre et la pensée dans le domaine du dialogue islamo-chrétien

Ce qui frappe dans l'œuvre abondante de Moubarac[2], c'est la centralité de ses trois thèses de doctorat (théologie, études islamiques et lettres). La première se situe dans le prolongement de l'œuvre de Massignon sur les racines « abrahamiques » communes du christianime et de l'Islam[3]. Les deux autres portent sur l'étude des regards et réactions des penseurs et théologiens chrétiens vis-à-vis de l'apparition et du développement de la religion musulmane[4]. Son enquête s'étend sur l'ensemble des différentes périodes historiques jusqu'au monde contemporain. Il faut y ajouter un ouvrage à destination de lecteurs européens « L'Islam » publié en 1962 chez Casterman qui donne au lecteur une vue débarrassée des clichés et stéréotypes qui traînent depuis des siècles dans différentes formes de pensée chrétienne ou, plus largement, européenne. Vingt ans plus tard, en 1982, il publie aux éditions du Cerf avec Ali Merad et J-P Gabus un ouvrage intitulé Islam et Christianisme en dialogue. Sa contribution y représente la moitié de l'ouvrage.

Entre-temps, les éditions du Cénacle Libanais à Beyrouth ont publié, en 1972, une Pentalogie islamo-chrétienne (cinq volumes) qui regroupe de nombreux textes de Moubarac déjà écrits, mais éparpillés dans son œuvre abondante, y compris une partie du travail qu'il a accompli sur l'œuvre de Louis Massignon ou encore des lettres adressées à des  personnalités françaises qu'il connaît bien pour dénoncer les amalgames qu'elles font dans la défense de la politique de force israélienne au Levant.

Enfin, on ne manquera pas de signaler un texte assez remarquable, mais resté non publié. Il s'agit d'un substantiel Mémorandum relatif à la politique du Saint-Siège au Levant, écrit en 1994, soit un an avant sa mort et qui résume fort bien sa pensée, aussi bien théologique que politique, sur les déchirements que connaît la région et sur la nécessité d'une politique plus active et plus dynamique du Saint-Siège, que ce soit vis-à-vis de l'Islam ou du judaïsme confisqué par la politique de l'Etat israélien.

Devant l'importance de la partie de cette œuvre consacrée à apaiser les relations entre les trois monothéismes, on reste confondu du peu de rayonnement de la pensée de Moubarac aujourd'hui. La thèse outrageante et débilitante de Samuel Huntington sur le choc des civilisations a fait des ravages dans les esprits, en Orient comme en Occident. Les dialogues de civilisation ou de religion qui se tiennent ici où là, comme antidote aux sombres prédictions de Huntington, ne font en réalité qu'amplifier sa démarche et lui donner plus de crédibilité dans les esprits.

La superficialité de ces dialogues et débats est étonnante. Ils évitent les vraies questions politiques, les rapports d'hégémonie et d'oppression, la lourde accumulation de clichés et stéréotypes religieux entre les trois monothéismes qui remontent à des siècles. Ce sont ces questions que Moubarac a abordées avec courage et objectivité dans la partie de son œuvre consacrée au dialogue des monothéismes et destinée à poser les bases intellectuelles et spirituelles de l'ouverture à l'Autre. Elles sont, bien sûr, absentes des débats actuels, incantatoires, répétitifs et stériles et qui, bien souvent, ne font que reproduire et confirmer les anciens clichés.

Les axes structurants de la pensée de Moubarac

a) Une pensée à la fois profondément chrétienne mais universaliste et humaniste

Moubarac est animé dans son œuvre d'une profonde foi chrétienne, intense et ardente. Preuve en est sa fidélité à l'Eglise de Rome, en dépit des reproches qu'il peut lui faire pour ce qui est de ses rapports avec les Eglises d'Orient. Il cherche l'épanouissement du Christianisme dans le service aux autres de religion différente. Le Christianisme est un message. Il n'est pas une politique et ne doit pas se laisser prendre dans les jeux de puissance et d'hégémonie.

C'est pourquoi sa pensée est tout autant articulée sur un universalisme et humanisme qui, par principe, lui font reconnaître l'Autre dans toute son humanité et sa complexité et le poussent à rechercher la vérité du message qu'il porte en lui et qui ne peut que s'inscrire dans le dessein de Dieu, quelle que soit la forme que prend ce message. La forme pour lui doit être dépassée, pour pouvoir en pénétrer la signification.

Aussi, comme nous le verrons, l'essence de la pensée de Moubarac s'inscrit, de par sa foi religieuse, dans une  perspective eschatologique, mais qui loin de nier la liberté humaine, la confirme, l'affermit et devient exigence de mieux comprendre le dessein de Dieu à partir de la diversité du monde et de ses religions.

b) Une pensée « déconstructive » dans un esprit de jaillissement du sens et de la réconciliation

La pensée de Moubarac est déconstructive avec délicatesse et diplomatie. Elle n'est pas directement critique et acerbe, reprenant les récriminations historiques que peuvent entretenir les églises entre elles ou les églises avec l'Islam. Lorsqu'il relit l'histoire, il fait ressortir les malentendus qui n'auraient pas dû avoir lieu. Il montre, au-delà de ces malentendus, la permanence de tout ce qui pourrait permettre de revenir à l'unité des églises, ainsi qu'à un dialogue ouvert et constructif avec l'Islam. La déconstruction chez lui permet de retrouver les liens d'union entre églises, comme entre elles et la prophétie coranique. C'est sa formidable érudition historique et théologique qui lui permet une déconstruction des malentendus, des préjugés, des clichés. Certes, il joue parfois de l'ironie, mais il ne le fait qu'avec mesure, une fois les données exposées au lecteur. Son ironie, comme parfois son humour, sont destinés à mieux faire ressortir l'inanité des malentendus et querelles.

La méthode est remarquable d'efficacité. Elle produira aussi, chez Moubarac, un sens peu commun de la formule qui résume toute la complexité d'une situation. On les trouve dans certains de ses textes insérés dans l'actualité douloureuse de la spoliation subie par les Palestiniens aux mains de l'Etat d'Israël ou celle des tourments libanais entre 1975-1990. Percutantes et parfois féroces, elles témoignent de son indignation devant l'entêtement ou l'aveuglement qui caractérisent certains comportements aberrants, prétendant être inspirés de la religion.

En fait, il s'agit pour lui dans cette approche déconstructiviste d'ouvrir la porte à la réconciliation et au dépassement des situations conflictuelles. Lorsque sa plume se fait tranchante, ce n'est pas pour blesser ou terrasser une religion ou une communauté religieuse, la discréditer ou la mettre en accusation, c'est pour montrer combien la réconciliation pourrait être simple, pour peu que les acteurs des situations conflictuelles reviennent à la raison, y compris la raison religieuse elle-même qui ne peut qu'unir dans une spiritualité et un dévoilement du monde et de ses tourments.

c) Une pensée laïque au vrai sens du mot pour mieux parvenir à fortifier la spiritualité

En réalité, Moubarac est profondément laïc dans sa forme de pensée, car pour lui, la religion est d'abord spiritualité. Lorsqu'elle n'est plus qu'institutions et comportements figés, elle perd sa vocation complexe, sa fonction de dévoilement des mystères du monde. C'est pourquoi, il n'a de cesse de dénoncer l'instrumentalisation par l'idéologie religieuse des aspirations de puissance profane. Il dénonce avec la même vigueur l'instrumentalisation inverse, celle de la force spirituelle de la religion dans les querelles profanes de pouvoir, qu'elles soient religieuses ou politiques. Comme nous le verrons plus loin, il estime pour le Liban qu'un accord entre Chrétiens et Musulmans sur la distinction et la définition des domaines respectifs du temporel et du spirituel est indispensable pour faire de son pays le centre de rayonnement islamo-chrétien qu'il souhaite si ardemment.

Par ailleurs, sa forme de pensée, en dépit de sa formation théologique, n'est pas historiciste, c'est-à-dire ne prétend pas avoir découvert le sens dans lequel marche l'histoire. La plupart des grands philosophes laïcs de l'histoire, tels que Hegel ou Marx ou Weber, ont prétendu avoir découvert ce sens. En ce sens, leur laïcité n'a été qu'une laïcité en trompe l'œil, car ils n'ont fait que reproduire en langage profane les prétentions des théologiens à connaître la volonté divine, le destin, le sens caché des évènements ou, plutôt la logique de leur séquence dans l'histoire. En revanche, la laïcité de Moubarac, comme sa profonde foi chrétienne, l'amène à beaucoup plus de modestie. Il cherche un dévoilement du monde, mais avec mille précautions, en ayant toujours en vue l'unité de l'Homme, les limites de sa sagesse et de son entendement. La perspective eschatologique qui anime sa foi chrétienne ne se transforme jamais en un déterminisme ou un essentialisme dont nous sommes forcément les victimes au nom de valeurs transcendantes ou sacrées.

Aussi possède-t-il cette humilité profonde qui est le privilège des grands esprits et des érudits qui se gardent bien d'assommer aux autres des vérités simplistes sur la complexité du monde. C'est pourquoi, toute son œuvre est une invitation magnifique à un dialogue dépouillé de ces déterminismes et essentialismes, sources des clichés, des stéréotypes, des jugements de valeur négatifs sur l'Autre.

Les grands thèmes réconciliateurs de la pensée de Moubarac

1. Les conditions d'un vrai dialogue entre les monothéismes

Dans l'ouvrage Islam et Christianisme en dialogue que nous cité ci-dessus, Moubarac préconise trois approches chrétiennes concomitantes et complémentaires pour parvenir à un vrai dialogue stimulant et enrichissant avec l'Islam : d'abord « la rectitude morale », c'est-à-dire l'approche débarrassée de tout cliché et de tout préjugé ; ensuite, l'acceptation des « formes du partage existentiel », c'est-à-dire de reconnaître à l'autre qu'il détient lui aussi une part du message divin ; enfin, le désir d' « émulation spirituelle » dans la recherche du divin.

Ces trois approches se retrouvent de façon détaillée dans les grandes orientations qu'il tire de ses travaux détaillés et érudits  sur la façon dont la pensée chrétienne a traité de l'Islam depuis l'apparition de ce troisième né des monothéismes.

a) Analyser le soubassement inconscient de la position défensive par rapport à l'Islam

Moubarac a pratiqué avec courage l'analyse psychologique motivant l'hostilité et la réaction permanence de défiance et de dénigrement du christianisme vis-à-vis de la prophétie coranique. Pour lui, les violentes et stériles polémiques anti-islamiques des Chrétiens contre les Musulmans proviennent inconsciemment de la peur de l'attrait que l'Islam est susceptible d'exercer sur le Chrétiens.

Sur ce sujet, Moubarac décrit fort bien la motivation  de cette attitude défensive : « Pour en être moins rapide, l'islamisation lente des pays d'Orient et totale pour l'Afrique du Nord[5], si elle est le résultat d'innombrables facteurs, n'aurait sans doute jamais pu se produire si un attrait profond n'avait pas donné à ces facteurs un impact intérieur et montré que si l'âme de tant de peuples est dite naturellement chrétienne, elle est encore plus naturellement musulmane. C'est donc en raison de cet attrait profond exercé par l'Islam naissant sur les populations chrétiennes sous tous les climats, que les théologiens et les clercs de toute robe se sont acharnés à le défigurer comme ils l'ont fait. C'est d'ailleurs par un manque d'assurance dans leur propre esprit comme dans leur cœur et pour certains dans leur chair, qu'ils se sont évertués à l'ignorer ou à le salir. C'est peut-être encore pour en avoir aimé les adeptes qu'ils n'en ont accablé que davantage le fondateur.[6] »

Sur le même thème, nous pouvons lire sous sa plume : « Ce qui est plus sûr, c'est que l'Islam s'est présenté aux Chrétiens des villes de Syrie comme d'Andalousie, et à plus forte raison aux chevaliers à peine dégrossis de Charlemagne, puis des Croisades, comme le mirage même de l'orient et, dans la mesure où on peut l'identifier théologiquement, comme le rêve d'une réconciliation entre la nature et la grâce, la raison et la foi, la chair et l'esprit. Dans son dogme simplifié à outrance, comme dans sa morale traitée de laxiste par les polémistes chrétiens, l'Islam est pour le croyant qui a adhéré à l'Evangile, une tentation d'autant plus grande qu'elle n'est pas régression ou abandon, mais retour à a simplicité originelle et au paradis perdu, sans passer par la Croix, mais en traversant le désert. L'Islam présente aux Chrétiens les attraits conjugués du désert et du jardin. C'est une oasis en ce monde, en attendant l'autre.[7] »

On voit ici très bien la profondeur de la vision de Moubarac sur la nature comparée des deux religions rivales dans le monde monothéiste et la signification imagée de chacune d'elle. Ajouton ici que si tant de querelles théologiques entre églises rivales n'avaient pas déchiré l'Orient chrétien, il est probable que l'expansion de l'Islam n'aurait pas été aussi foudroyante dans la région et il n'aurait pas exercé, en effet, un tel attrait sur les Chrétiens désorientés.

b) Situer l'avènement de l'Islam dans le sens véritablement eschatologique du christianisme

La seconde condition du dialogue pour Moubarac se trouve dans la nécessité d'un retour aux sources de l'eschatologie chrétienne, non pas pour faire du Prophète Mohammed la figure de l'Antéchrist, mais pour tenter de déchiffrer la volonté divine dans cette nouvelle prophétie qui a gagné tant d'adeptes. « Entre chrétiens et musulmans, la discussion porte normalement sur le perfectionnement progressif de la conscience religieuse et morale et le musulman a beau jeu de dire que le Coran étant révélé après la Thora et l'Evangile, il ne les abroge pas, mais les perfectionne. Pour y répondre, le chrétien devra se faire non seulement à un discours raisonné sur les mérites comparés de préceptes évangéliques et des injonctions coraniques, mais encore sur l'avènement de l'une et l'autre lois dans le dessein de Dieu.[8] »

Moubarac reproche aux attaques médiévales latines contre l'Islam de rester enfermées dans un discours d'hostilité contre un judéo-islamisme dont les fondements se trouvent figés dans la lutte menée contre toutes les formes d'hérésies des sectes chrétiennes. Il considère aussi, reprenant la formule d'un orientaliste connu, que « si le Moyen Âge est l'âge d'or du problème islamique », « on voit déjà qu'on peut se poser la même question au sujet des temps modernes et de l'époque contemporaine.[9] »

Pour notre auteur, il faut débarrasser le dialogue des préjugés théologiques et affectifs et cesser de faire de l'Islam un problème. Ce n'est qu'ainsi qu'il deviendra possible de pouvoir répondre aux interrogations que ce dernier monothéisme suscite. « Or si l'on prend soin de débarrasser ces soi-disant jugements théologiques de leur caractère affectif et du mobile en fin de compte politique qui les présente à la conscience des chrétiens de l'époque, écrit Moubarac, on ne peut éviter de retirer de l'ensemble de ces considérations périodiques un signe supplémentaire de la sensibilité chrétienne à l'Islam et à l'aura, réellement eschatologique celle-là, dans laquelle elle ne cesse de l'entrevoir. Rien n'empêche alors qu'échappant au motif politique limité et convertissant l'aspect qui le porte, on ne puisse en venir à situer l'avènement de l'Islam dans un sens véritablement chrétien eschatologique.[10] »

En fait, Moubarac reste fidèle ici à sa conception chrétienne ouverte et humaniste du dessein de Dieu. Il développe, sur ce plan, une argumentation fort logique sur le message coranique qui ne peut que faire partie de ce dessein.

c) Reconnaître le potentiel et la nature du message coranique dans l'histoire du monothéisme

Peu de théologiens chrétiens ont su attribuer au message coranique une fonction aussi élevée que l'a fait Youakim Moubarac. Certes, durant la période où il effectue ses patientes recherches sur la pensée chrétienne et l'Islam, cette religion n'a pas encore été affectée par la main mise du wahhabisme saoudien en alliance avec l'intégrisme islamique pakistanais sur l'islam sunnite. La pensée islamique elle-même est encore dans sa période d' »aggiornamento » et de pensée réformiste forte. Mais son analyse ou ses interprétations du message coranique restent largement d'actualité, car il voit dans l'Islam « la protestation de tous les exclus de la Promesse » et dans le Coran « une sorte d'Ancien Testament qui me sert d'antidote au premier ». Pour Moubarac, en effet, il y a « perversion spirituelle de l'exégèse » de cet Ancien Testament, car « la conscience chrétienne et la conscience judéo-chrétienne qui se fourvoie dans l'idéal de possession temporelle et transforme ce jardin d'enfants de l'humanité qu'est la Terre Sainte en camp retranché, mon âme prie avec le psaume et dit : « Qui me donnera les ailes de la colombe » pour aller au désert -le désert arabe- et échapper à cette déplorable confusion des plans.[11] » Le Coran devient ainsi, aux yeux de Moubarac, un « psautier du désert.[12] »

Il explicite encore plus sa pensée, lorsqu'il écrit à la suite et de façon vivante, imagée et poétique : « Ce faisant, je ne fais rien d'autre que ce que Mahomet a fait en son temps, et c'est la masse des peuples qui a cru en la parole à lui commise que je retrouve. Repoussé en son temps par les Chrétiens et méprisé par les Juifs, Mahomet a proposé le Coran comme le livre des peuples sans privilèges. Car les vrais descendants d'Abraham ne se reconnaissent ni par la race ni par la promesse (puisque les chrétiens comme les Juifs faussent cette promesse en se l'accaparant), mais la seule foi au Dieu unique. Si donc, en raison de l'ambiguïté du signe de Jérusalem en son temps, Mahomet s'est tourné vers la Mekke avec la masse des croyants, cependant Jérusalem a été pendant dix-huit mois la direction de la prière de l'Islam primitif, et Jérusalem demeure la direction de sa prière dernière pour la fin des temps. Entre-temps, il est dit que Jérusalem est la direction du cœur du Prophète et si, pour la tradition populaire, l'âme du prophète revient respirer le parfum de l'aloès dans la nuit du vendredi, pour la foi islamique, c'est de Jérusalem qu'elle prend incessamment son envol vers le mystère divin, plus exactement, de l'Esplanade du Temple, entre le Dôme du Rocher et la Mosquée al-Aqsa, c'est-à-dire entre le commémoration du sacrifice d'Abraham et la vénération de Jésus, fils de Marie.[13] »

On voit bien à la lecture de ces lignes la lecture stimulante, voire révolutionnaire, que Moubarac fait du Coran, « livre des peuples sans écriture » ou comme il le dira aussi « des peuples sans Ecritures » (voir ci-dessous). Cependant qu'il confirme que le monothéisme ne se reconnaît ni à la race, ni à la promesse et que tout accaparement de cette promesse par l'un ou l'autre des deux monothéismes qui ont précédé l'Islam défigure le sens de la promesse et la pervertit.

d) La reconnaissance mutuelle de l'indispensable existence de l'Autre

Sur la base de cette analyse du sens de la révélation coranique, il n'est pas étonnant qu'un des thèmes récurrents de la pensée de Moubarac soit celui de la reconnaissance mutuelle des trois monothéismes l'un envers l'autre et, bien sûr, en priorité, de par son existence de Libanais, celle du Christianisme vis-à-vis de l'Islam.

C'est ainsi qu'il écrit : « Il va sans dire que la reconnaissance ne peut être que mutuelle et que le Christianisme ne deviendra en quelque sorte pleinement lui-même qu'au prix de cette réponse à donner à l'Islam et que l'Islam attend. Le dialogue est donc ici décisif, constructif, créateur. Le dialogue religieux est prégnant du devenir de la religion elle-même et c'est éminemment le cas du dialogue islamo-chrétien. »

A vrai dire, ajoute aussitôt Moubarac, l'Islam n'attend pas la réponse chrétienne pour lui-même, mais pour le restant de l'humanité au nom de laquelle l'Islam demande au Christianisme ce qu'il a fait du message révélé à Israël. C'est en ce sens, mais en ce sens-là seul, que l'Islam parle pour les « exclus » aux « élus », non point aux Juifs pour les Arabes, mais aux Juifs et aux chrétiens, pour la masse des peuples sans Ecriture.[14] »

Moubarac a clairement affirmé, par ailleurs, qu'Islam et Christianisme sont en recherche, à travers toutes leurs mutations, et qu'il convient qu'ils fassent chemin ensemble. C'est ainsi qu'il écrit : « ... l'Islam est lui aussi, comme le Christianisme, dans une mutation profonde et [qu'] à travers une ambiguïté qui lui est de ce fait connaturelle, en parturition de lui-même. Or c'est bien le sens de la première proposition de dialogue offerte aux chrétiens par Muhammad, fils de Abdallah, et cette offre n'est point retirée, en ce sens que l'Islam ne sera fixé sur lui-même qu'après la réponse du Christianisme et qu'il ne deviendra lui-même qu'au moyen d'une reconnaissance par lui.[15] »

Ainsi, pour lui, aucun des trois monothéismes ne peut véritablement se réformer, progresser, aller vers la réalisation de la promesse que par la rencontre de l'autre, le dialogue avec lui pour mieux sonder les desseins du Dieu d'Abraham, dieu commun, dieu source de ces trois rameaux.

Poussant jusqu'au bout la logique visionnaire qui est la sienne, Moubarac conclut son œuvre monumentale sur la pensée chrétienne et l'Islam par ces deux phrases fortes : « La Mekke étant pour l'Islam une Qibla provisoire, Jérusalem est pour lui Qibla en espérance. Sa sacralisation de l'Esplanade du Temple comme un espace nu, qui est un rejet sans appel de l'Ancienne Alliance, est un défi lancé à la Nouvelle, non sans un secret désir après la Table qui fut pour les Disciples plus qu'une promesse et autour de laquelle les convives sont appelés d'Orient et d'Occident.

Si l'on peut ainsi dire que le Judaïsme est au passé du Christianisme, l'Islam devrait être entrevu, sous la forme d'un défi lancé en lieu et place de l'universalité des religions et des peuples, comme à l'avenir de la Chrétienté.[16] »

2. Signification des églises antiochiennes et rapport à l'Islam et l'Arabité

Les vues pénétrantes de Moubarac ne s'arrêtent pas à la signification de l'Islam. Elles concernent aussi bien l'histoire primitive du Christianisme et les raisons pour lesquelles Jérusalem n'est pas devenue le centre de rayonnement de la nouvelle religion. Il fait dans ce domaine un parallèle saisissant le premier déplacement du centre de rayonnement du christianisme de Jérusalem à Antioche et celui du Prophète Mohammed de la Mecque à Médine. Ecoutons-le : « Ce rêve a été conçu dans le sillage de la vocation chrétienne d'Antioche, comme étant la ville où les chrétiens, au sortir de Jérusalem, au contact de la Gentilité et au mépris de tout atavisme de naissance, ont reconnu leur identité et revendiqué leur nom. Nous avons en effet reconnu à cette hégire chrétienne primitive, un équivalent dans la rupture que le Prophète Mahomet avait opérée avec les siens, pour ouvrir, passant de la Mecque à Médine, une ère nouvelle dans l'histoire humaine et fonder l'Islam sur un pacte entre croyants, au mépris de toute solidarité tribale nouée dans les liens du sang et de l'argent. Pour avoir ainsi compris pourquoi Maurice Barrès avait un jour écrit : « Mon cœur ne met rien au-dessus d'Antioche », nous reconnaissions donc dans l'arabité le destin de cette mère véritable mais oubliée de toutes les Eglises de la Gentilité, les invitant, dans l'humilité de sa condition historique, à délaisser les fastes de l'orient comme les prétentions de l'Occident, pour se tourner vers le restant du monde où l'Islam est une nation médiane et le monde arabe, au cœur de l'Islam. »[17]

Il est clair que cette comparaison lui est inspirée par sa vision théologique et eschatologique, sa recherche du dévoilement du monde monothéiste et de ses trois rameaux, mais aussi son empathie de Chrétien oriental avec l'Islam, débarrassée de tout préjugé théologique, et désireux d'approfondir le questionnement du sens de la veille coexistence islamo-chrétienne en Orient. Coexistence qui a lamentablement échouée dans l'Occident latin.

Aussi, pour Moubarac, il revient aux Chrétiens des églises orientales, c'est-à-dire antiochiennes, de réconcilier Islam et christianisme. «Quand l'attention de la chrétienté est ramenée vers  la Terre Sainte du seul point de vue archéologique ou folklorique, écrit-il, l'emprise qui s'exerce sur elle n'est plus en fin de compte à l'Europe, mais à l'Amérique. C'est dans le Christianisme américain, en effet, catholique aussi bien que protestant, que se manifeste davantage un fondamentalisme biblique élémentaire, un philo-sémitisme en tout point opposé à l'anti-sémitisme, mais de la même veine, et un culte du succès, sinon du triomphe de la chrétienté qui essuie ailleurs tant de déboires.[18]"  Bien plus, Moubarac n'hésite pas à dénoncer « la conscience rabbinisée de l'Occident, autant que cléricalisée ». Il affirme « détester ceux qui en Israël et dans 1'Eglise, rabaissent le dessein de Dieu sur son peuple et, après avoir voulu nous faire croire que ce qui s'est passé le Vendredi Saint n'est qu'un fait divers des annales juives sous Ponce Pilate, veulent maintenant réduire la promesse abrahamique aux dimensions d'une entreprise coloniale et d'une propriété privée.[19] »

La vocation des Chrétiens d'Orient et plus particulièrement des Libanais doit aboutir, de ce fait, pour Moubarac, au rétablissement d'un véritable esprit oecuménique en Palestine, c'est à dire qu'elle doit « y promouvoir une fraternité nouvelle avec les Musulmans et les juifs réconciliés, pour voir poindre à la hauteur de Jérusalem cet astre royal qui, par-dessus la nuit des peuples, se lève à l'Orient[20]. »

Pour réussir,  cette fraternité nouvelle que prêche Moubarac, doit être d'abord celui des églises entre elles, de toutes les églises sans exception.  « Il faut donc désormais, écrit-il, obtenir un ralliement. Ce ralliement ne sera plus des Eglises dites antiochiennes, sous-entendu de rite syriaque, à l'exclusion des grecs que l'on voue aux ténèbres extérieures (en les remettant à une unité byzantine considérée comme étrangère au Moyen-Orient sémitique, araméen ou syriaque). Mais ce ralliement ne sera davantage un alignement sur l'orthodoxie, greco-slave dans sa majorité, reléguant et confinant les communautés non chalcédoniennes (nestoriens et chaldéens, coptes, jacobites et arméniens) ou même chalcédoniennes (maronites) dans les limites étroites de leur existence « nationale » ou de leur diaspora. Chalcédoniens ou non chalcédoniens, orthodoxes ou catholiques, tous doivent être conviés simultanément et fraternellement à recomposer l'unité originelle locale, à Alexandrie, à Jérusalem et à Antioche. A Antioche surtout. L'unité originelle n'y a été qu'affectée et conditionnée par les appartenances, les apparentements et les apports des uns et des autres. Rien de tout cela ne doit être exclu et moins encore condamné. Tout cela au contraire doit être éprouvé au creuset de l'unité et faire partie d'une nouvelle forme d'unité chrétienne en Moyen-Orient.[21] »

3. Le Liban dans le dialogue islamo-chrétien : de la terre refuge au centre de rayonnement islamo-chrétien et à l'instauration de la paix dans le monde

Il n'est pas étonnant que Moubarac ait considéré le Liban comme le lieu idéal d'un dialogue islamo-chrétien approfondi. Dans une conférence prononcée au Cénacle libanais en mai 1965, il détaille un ambitieux programme pour faire de son pays le centre du dialogue[22]. Il propose, en effet, de créer un Institut d'études islamo-chrétiennes dans le cadre de l'Université Libanaise. De façon innovante et créative, il propose qu'une personnalité musulmane y enseigne le christianisme, cependant qu'une personnalité chrétienne enseignerait l'Islam. Dans sa vision, l'Université libanaise, qui est la seule institution nationale d'enseignement supérieur appartenant à l'Etat libanais, doit devenir un centre de rayonnement important dans le domaine des études religieuses, mais aussi de la pensée critique et de l'enseignement de l'histoire.

Très courageusement, Moubarac préconise que cet Institut d'études islamo-chrétiennes, dans le dialogue qu'il va instituer, s'occupe en priorité de « bien définir la séparation entre les domaines temporels et les domaines spirituels au Liban, entre le domaine sacré et le domaine profane, entre le domaine civil et le domaine politique et le domaine religieux, afin de faire pénétrer ces distinctions dans les idées, les comportements et, enfin, les institutions libanaises »[23]. Le but recherché explique Moubarac est de dépasser un modèle de relations basées « la tolérance et le respect mutuel », pour accéder à un modèle basé sur la « compréhension profonde » et « la coopération » enfin libérée des différences communautaires. Dans un tel modèle, les notions de tolérance et de respect mutuel perdront la valeur qu'elles ont actuellement[24]. La vocation du Liban pour Moubarac est bien celle d'un pays refuge et une terre de rencontre des communautés religieuses différentes, mais il faut qu'à l'avenir le Liban dépasse en mieux cette vocation. « De terre refuge, il doit devenir l'exemple au Moyen-Orient d'une patrie ouverte, un point de rencontre, un centre de rayonnement »[25]. Sur ce plan, notre auteur considère que l'Islam est mûr lui aussi pour une transformation qui mettrait en pratique les principes de la séparation du temporel et du spirituel.

Prolongeant cet appel, Moubarac préconise la création d'un Conseil islamo-chrétien qui « garantirait d'un côté le respect de la séparation institutionnelle du spirituel et du temporel et, de l'autre, l'harmonie nécessaire entre les affaires temporelles et les affaires spirituelles ». Il s'agirait, pour Moubarac, d'instituer ainsi, aux côtés des conseils communautaires chrétiens et musulmans existants, un « conseil communautaire commun, sous la bannière d'une « entente amicale », d'une « coopération positive, qui sera un signe de temps nouveaux  et représentera la plus éminente position morale ; il sera en même temps, ajoute Moubarac, le recours de la nation lorsqu'elle se heurte à des problèmes de conscience, en sorte que Christianisme et Islam ensemble la guident sur le bon chemin »[26].

Il demande aussi à ce que l'Université libanaise soit pionnière de la création d'un institut supérieur d'études religieuses islamiques et chrétiennes, études qui devraient devenir partie intégrante de l'enseignement supérieur au Liban[27].

Par ailleurs, pour compléter cette vision d'un Liban futur, centre de rayonnement islamo-chrétien, Moubarac plaide, dans cette même conférence, et en complément de ses propositions précédentes, pour la création d'une Académie de la langue arabe, « patrimoine commun des chrétiens et des musulmans », mais aussi des autres langues sémitiques. Pour lui, « la communauté de langue doit être renforcée, car elle permet la communion spirituelle et religieuse entre Chrétiens et Musulmans ». Bien plus, pour lui, le soin pris à maintenir et développer la langue arabe est au cœur du dialogue islamo-chrétien, puisqu'elle est la langue de la Révélation coranique et de son rituel et qu'elle a été l'objet de toute l'attention des penseurs chrétiens de la Renaissance arabe au XIXème siècle. La langue est le véhicule de la pensée et de la croyance religieuse et de la spiritualité. Dans le cas de l'Arabe, elle est commune aux chrétiens et musulmans[28]. « En tant que Chrétien, dit Moubarac, je sens que toutes les fibres de mon âme religieuse sont liées à la langue de la Révélation coranique et son rituel ... Ceci veut dire que je peux faire état publiquement de mon attachement à l'Islam sans y adhérer et de mon attachement aux expressions authentiques de son esprit religieux[29] ».

La vision de Moubarac débouche, à la fin de sa conférence, sur une conclusion surprenante, bien qu'évidente : « L'Islam et le Christianisme sont une nécessité l'un pour l'autre, en particulier en Méditerranée. Ils ont besoin l'un de l'autre pour parvenir à régler les grandes affaires du monde. Aucune des deux religions ne peut, à elle seule, régler les conflits. Mais, ensemble, elles peuvent amener la paix et l'imposer au monde entier. En effet, la mobilisation générale des croyants dans le monde, chrétiens comme musulmans, est une force invincible, capable d'imposer la paix[30] ». Le Liban, dans cette vision, doit être le centre de rayonnement de cette rencontre du Christianisme et de l'Islam pour imposer la paix. « Il est lieu privilégié de la rencontre et son avenir n'est pas dans la fermeture, mais dans l'ouverture des uns sur les autres, dans la compréhension et l'estime réciproque, ainsi que l'amour et le service de toute l'Humanité »[31].

Tels sont les grandes lignes de la pensée visionnaire de cet homme éminent. Dans la monotonie débilitante des « retours du religieux » et des faux dialogues de culture et de religions, cette vigueur et cette profondeur de pensée gagnent à être connues et répandues pour contribuer à apaiser les douleurs du monde monothéiste, un monde qui a perdu toute boussole et toute orientation et, trop souvent, dans le déchaînement de violences dont sont victimes certains peuples au Moyen-Orient, toute humanité d'inspiration religieuse ou laïque.

Notes

[1] Publiée à Beyrouth en 1984 aux éditions du Cénacle Libanais, par les soins de Michel Asmar. Cette œuvre monumentale en cinq tomes, comprend huit volumes.

[2] La liste des ses publications, identifiées par le chercheur Jean-François Legrain, représente dix-huit pages grand format. Elle a été publiée dans l'ouvrage collectif Youakim Moubarac, L'Age d'homme, Paris, 1996. Sur l'œuvre de Youakim Moubarac on pourra aussi se reporter à Georges Corm, Youakim Moubarac. Un homme d'exception, éditions de La Librairie Orientale, Beyrouth, 1995.

[3] Youakim MOUBARAC, Abraham dans le Coran, Vrin, Paris, 1958.

[4] Youakim MOUBARAC, La pensée chrétienne et l'Islam, des origines à la prise de Constantinople (thèse de doctorat en études islamiques, 3ème cycle), Paris, Sorbonne, 1971 et Recherches sur la pensée chrétienne et l'Islam dans les temps modernes et à l'époque contemporaine, Publications de l'Université libanaise, Beyrouth, 1977.

[5] Note de YM : Voir chap. 1 de notre thèse, avec notes additives sur l'expansion de l'Islam dans le désert syro-mésopotamien et en Afrique du Nord, p. 40 ss., avec réf. à une étude de Jean Corbon pour l'Afrique du Nord.

[6] Youakim MOUBARAC, Recherches sur la pensée chrétienne et l'Islam dans les temps modernes et à l'époque contemporaine, op. cit., pp. 18-19.

[7] Youakim MOUBARAC, Pentalogie islamo-chrétienne, Tome III, L'Islam et le dialogue islamo-chrétien, Editions du Cénacle Libanais, Beyrouth, 1972, p. 273.

[8] Youakim MOUBARAC, Recherches sur la pensée chrétienne et l'Islam dans les temps modernes et à l'époque contemporaine, op. cit., p. 17.

[9] Ibidem, p. 21.

[10] Ibidem, pp. 19-20.

[11] Youakim MOUBARAC, Pentalogie islamo-chrétienne, Tome III, L'Islam et le dialogue islamo-chrétien, op. cit., p. 306.

[12] Ibidem.

[13] Ibidem, pp. 306-307

[14] Youakim MOUBARAC, Recherches sur la pensée chrétienne et l'Islam dans les temps modernes et à l'époque contemporaine, op. cit., p. 554.

[15] Ibidem, p. 554.

[16] Youakim MOUBARAC, Recherches sur la pensée chrétienne et l'Islam dans les temps modernes et à l'époque contemporaine, op. cit., p. 507.

[17] Ibidem, p. 555.

[18] Youakim MOUBARAC, Pentalogie islamo-chrétienne, Tome V, Palestine et Arabité, p. 166.

[19] Ibidem, p. 45. On notera que dans son Mémorandum relatif à la politique du Saint-Siège au Levant Moubarac fait remarquer très judicieusement que si la théologie chrétienne a entrepris un immense effort pour débarrasser ses texte de tout anti-judaïsme et de toute accusation de déicide adressée aux Juifs, il ne semble pas que le judaïsme ait changé d'attitude vis-à-vis du Christianisme et de la personne de Jésus, toujours considérée comme sans intérêt théologique et spirituel.

[20] Ibidem, p. 168.

[21] Pentalogie islamo-chrétienne, Tome III, L'Islam et le dialogue islamo-chrétien, p. 162.

[22] Voir le texte de cette conférence prononcée en langue arabe dans le recueil de conférences organisées par le Cénacle Libanais et publiées par ses soins sur le thème « Le Christianisme et l'Islam au Liban », Les Conférences du Cénacle, 19ème année, n° 8 à 11, Beyrouth, 1965. Le Cénacle Libanais a été créé à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, par Michel Asmar pour constituer une tribune intellectuelle de haute qualité où ont été invitées non seulement les personnalités intellectuelles libanaises, mais aussi de nombreuses personnalités étrangères aussi prestigieuses que l'historien anglais Arnold Toynbee, Léopold Sedar Senghor, l'Abbé Pierre, Habib Bourguiba.... Entre 1946 et 1974, le Cénacle a organisé plus de 500 conférences. Voir pour plus de détails, l'ouvrage collectif dirigé par Renée Asmar, Ahd « Al Nadouat al Loubnania », Khamsoun Sanat min al mouhadara  - Les années  « Cénacle ». Dar el Nahar, Beyrouth, 1997.

[23] Les Conférences du Cénacle, op. cit., pp. 168-169.

[24] Ibidem, p. 169.

[25] Ibidem.

[26] Ibidem, p. 171.

[27] Ibidem, p. 175.

[28] Ibidem, pp. 177-178.

[29] Ibidem.

[30] Ibidem, pp. 182-183.

[31] Ibidem, pp. 184-185.

 

Pour citer cette ressource :

Georges Corm, Youakim Moubarak : un visionnaire du dialogue monothéiste, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2009. Consulté le 26/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/arabe/civilisation/histoire-de-la-pensee/theologie/youakim-moubarak-un-visionnaire-du-dialogue-monotheiste