"Modernise and die". Réflexions sur le déclin travailliste
Les nouveaux intellectuels de la modernisation
Dans l'introduction de son livre, Beyond Left and Right, publié en 1994 - la même année que l'élection d'Anthony Blair à la tête du parti travailliste - Anthony Giddens, le premier des intellectuels organiques du néo-travaillisme, pose les grandes lignes de son cadre d'analyse : tout en voulant se distinguer de la droite et de la gauche traditionnelles, il y pourfend notamment la gauche socialiste et opère une distinction, qui va devenir un leitmotiv chez les néo-travaillistes, entre le radicalisme des conservateurs contemporains et le caractère désuet et défensif du combat de la gauche :
« Many conservatives are active radicals in respect to that very phenomenon which previously they held most dear - tradition. Away with the fossils we have inherited from the past' : where is such a sentiment most commonly heard? Not on the left, but on the right. »(A. Giddens, Beyond Left and Right. The Future of Radical Politics, Polity Press, Oxford, 1994, p. 2)
Et, faisant le bilan à la fois de la révolution conservatrice à partir de 1979 et de l'implosion du « socialisme réellement existant » en 1989, il ajoute, avec une petite dose d'ironie :
« (...) socialists have been thrown back on the defensive, their position in the 'vanguard of history' reduced the more modest task of protecting welfare institutions »(Op.cit., p.2)
Ces mêmes institutions, d'ailleurs, que Giddens va consacrer de longues pages à critiquer pour leur caractère centralisé et bureaucratique, sans parler des effets pervers de leur action sur des populations devenues, selon lui, dépendantes de l'aide de l'Etat et enfermées dans leur posture d'assistés.
Giddens joue un rôle central dans la réécriture de l'histoire du champ politique britannique, à cette période charnière, en proposant une lecture des événements survenus depuis l'arrivée au pouvoir en Grande-Bretagne des conservateurs radicaux autour de Margaret Thatcher en 1979, qui voit d'un côté le parti du mouvement - les radicaux thatchériens - et de l'autre, le parti de l'immobilisme, du maintien du statu quo, voire de la nostalgie pour le statu quo ante, la gauche. Le projet de Giddens, qui sera efficacement relayé dans le champ politique par Blair, est d'inverser cette répartition des positionnements et de faire d'un travaillisme rénové - qui se situerait au-delà des vieilles querelles entre droite et gauche - le porte-étendard d'une modernité enfin embrassée sans ambiguïté, quitte à ce que le parti travailliste abandonne en ce faisant une bonne partie de son bagage doctrinal.
On doit reconnaître à l'ancien directeur de la London School of Economics d'avoir été le premier à donner une véritable fondation théorique à ce processus qui a transformé le travaillisme de fond en comble, le processus qu'on appelle aujourd'hui - en empruntant au vocabulaire employé par ses propres partisans - la « modernisation ». Non pas qu'il ait été le premier à proposer que le travaillisme se rénove, ou que ce processus soit consécutif au livre de Giddens. Ce qui a commencé à partir de 1983 sous l'égide de Kinnock et dans une certaine confusion idéologique va plutôt se structurer et surtout se donner une respectabilité et une cohérence intellectuelles avec l'arrivée de Blair à la direction du parti travailliste et la montée en puissance des nouveaux intellectuels de la modernisation, dont Giddens (il y en a bien d'autres, qui vont se regrouper dans les think tanks néo-travaillistes qui s'appellent, Institute for Public Policy Research, Demos, et surtout Policy Network). On pourrait dire qu'entre 1983 et 1994, on a fait de la modernisation sans le savoir au parti travailliste et que c'est à partir de 1994 que la modernisation devient le socle sur lequel le projet néo-travailliste se structure.
Avant de faire le point sur quelques conséquences significatives de ce processus, il faudrait interroger brièvement les contours du débat, tels qu'ils ont été dessinés par ses principaux acteurs et leurs soutiens dans les champs médiatique et intellectuel. Dans un ouvrage de vulgarisation historique publié en 2007, intitulé A History of Modern Britain, le journaliste Andrew Marr, un des acteurs dominants du champ médiatique britannique, résume en quelque sorte la thèse de la modernité post-thatchérienne, qui est à la source de la vision des modernisateurs néo-travaillistes :
« With hindsight it is generally accepted that the Thatcher revolution reshaped the country's economy and prepared Britain well for the new age of globalization waiting in the wings, but in 1990 it did not quite feel like that. »(A. Marr, A History of Modern Britain, Pan Books, 2007, p. 478)
Ainsi les changements économiques et sociaux qui ont été opérés par les conservateurs au pouvoir entre 1979 et 1990 sont présentés comme ouvrant la voie à l'insertion réussie de la nouvelle Grande-Bretagne dans le monde de la globalisation. Privatisation, dérégulation du secteur bancaire, flexibilité du marché du travail, contraintes juridiques fortes sur l'activité syndicale, une fiscalité qui est résolument « wealthy-friendly » - voilà les ingrédients de la modernité, telle que la doxa médiatique la conçoit (noter bien la phrase « il est généralement admis»). Marr, comme Giddens et Blair, voit cet ensemble de nouvelles modalités de gestion économique et sociale comme étant autant d'éléments incontournables de la modernisation du pays. S'écarter de cette voie c'est donc se condamner à rester dans les coulisses de l'histoire. C'est s'inscrire dans l'archaïsme de ce que l'on va appeler désormais la « vieille gauche ».
Voici comment deux journalistes, plutôt critiques envers le blairisme mais loin, très loin, d'être des plumes de la gauche radicale, Larry Elliott du Guardian et Dan Atkinson du Mail on Sunday résument l'évolution du parti travailliste sous Blair de ce point de vue :
Gradually, the central New Labour fantasy took shape : societies had to adapt to the essentially benign forces of globalization, and the way to bring about that transformation might be to take some of the policies normally associated with the right - privatization, competion policy, welfare reform - and pursue them with more vigour and urgency. Messrs Clinton and Blair, for example, have been far tougher on welfare reform than Mr Reagan and Margaret Thatcher ever were in the 1980s »(Larry Elliott, Dan Atkinson, Fantasy Island, Constable and Robinson, 2007, p.37)
Contrairement à l'idée maintes fois reprise dans les travaux sur le néo-travaillisme, il ne s'agit donc pas tant d'une stratégie de « triangulation » destinée à prendre l'adversaire conservateur à contre-pied, que d'une acceptation énergique des contraintes de ce qui est désormais appréhendé comme la modernité économique.
Les frontières floues de la modernisation
Cependant, il faut bien se rappeler ici que le terme « modernisation » couvre un ensemble d'idées et de pratiques assez hétérogènes, y compris chez les néo-travaillistes. On peut, par exemple, rejoindre Giddens lorsqu'il évoque ce qu'il appelle de la « dé-traditionalisation », id est le déclin du poids de la tradition, et particulièrement de la tradition religieuse, comme étant un signe de modernité. On peut également reconnaître avec nombre de néo-travaillistes que la décriminalisation de l'homosexualité et la reconnaissance des droits des homosexuels (droit à la parenté, par exemple) sont autant de marques d'une politique moderne dans les champs pénal et éthique. Mais, dans le même ordre d'idées, on ne suivra pas Giddens lorsqu'il voit dans l'affirmation nationaliste dans la périphérie britannique - en Ecosse ou au pays de Galles - l'expression d'archaïsmes et de replis identitaires suscités par le processus de globalisation, au même titre que le fondamentalisme religieux, et l'on rappellera que l'ouverture « libertaire » de Blair (qui s'est dit très à l'aise avec une diversité de « modes de vie ») s'arrête aux confins des quartiers populaires ou mères isolées, petits consommateurs de haschich et autres auteurs d'incivilités font l'objet d'une politique autrement plus autoritaire et punitive sous Blair et Brown que sous Thatcher et Major.
De la même manière, il serait réducteur de voir dans les tentatives de rénover le parti travailliste à partir des années quatre-vingts la seule marque de ceux et celles qui vont se retrouver et se reconnaître dans le néo-travaillisme blairiste. Ce serait une façon de faire de l'historiographie rétroactive, de tordre le passé pour qu'il soit conforme aux contours du présent. Il n'y avait pas un modèle unique de « modernisation » mais plutôt plusieurs projets tantôt convergents tantôt divergents, qui touchaient autant sinon plus aux questions politiques qu'aux questions économiques ou sociologiques. Sans avoir le temps ici d'aller dans le détail, on peut émettre l'hypothèse que le projet de modernisation promu par le groupe autour de la revue Marxism Today et de ces principaux acteurs et théoriciens - Stuart Hall, Martin Jacques, Eric Hobsbawm, Bea Campbell et al - n'était pas le même que celui préconisé quelques années plus tard par Giddens, même si certains du groupe Marxism Today ont suivi une trajectoire qui a fait d'eux les hérauts du néo-travaillisme -je pense ici par exemple à Geoff Mulgan, qui est passé de Marxism Today à Demos et de Demos à la Policy Unit au 10 Downing Street, ou à John Lloyd, journaliste au Financial Times et intervenant régulier dans les colonnes de Marxism Today qui fait partie des chantres actuels de la modernité, sauce blairiste. On pourrait dire autant, sur une échelle peut-être moins importante, du groupe qui a animé en Ecosse au cours des années quatre-vingts la revue Radical Scotland, où étaient débattues les questions afférant aux rapports entre travaillisme et nationalisme et qui ont préparé le terrain du débat constitutionnel, qui lui a conduit à des changements de positionnement au sein même de l'appareil néo-travailliste sur ce qu'il est convenu d'appeler "la question constitutionnelle". Ni Gordon Brown, ni Anthony Blair n'ont participé de manière significative à ces forums à Londres et à Edimbourg, que l'on pourrait qualifier de modernisateurs.
De ces batailles d'idées aux frontières floues qui, sous le double effet de la crise économique et sociale et du thatchérisme, secouaient l'ensemble de la gauche britannique - des sociaux-démocrates auto-proclamés qui avaient fait scission avec le travaillisme en 1981 à la gauche radicale, dans toute sa diversité - la droite modernisatrice est finalement sortie vainqueur. Ce sont ses thématiques (éloge du marché et présentation lénifiante de l'expérience thatchérienne; naturalisation de la globalisation ; critique radicale de l'Etat social inspirée par la sociologie conservatrice américaine, etc), mises en forme et relayées par Giddens, entre autres, qui ont été à la source de la refondation blairiste du travaillisme. Non pas que les thématiques nouvelles, venues de la gauche en écho aux nouveaux mouvements sociaux des années soixante-dix et quatre-vingts, aient été complètement évacuées - loin s'en faut - mais elles ont été intégrées dans et façonnées par la démarche dominante. A l'instar des mouvements féministes et de leurs relais à gauche, le parti travailliste a bien reconnu la nécessité de faire une place plus grande aux femmes, et le premier parlement et le premier gouvernement sous direction blairiste en sont les preuves. De la même manière le mouvement anti-raciste des deux décennies précédentes a laissé sa marque sur le néo-travaillisme qui adopte une rhétorique - mais pas toujours une pratique - en rupture avec la démarche colour-blind du travaillisme officiel jusque là. De manière encore plus marquante, sur la question constitutionnelle, le néo-travaillisme emprunte largement aux débats qui ont eu lieu en dehors du parti travailliste, parmi la gauche nationaliste en Ecosse et au pays de Galles. Cela permettra aux blairistes de porter la réforme constitutionnelle - dévolution, réforme de la Chambre des Lords, réforme des collectivités territoriales - comme signe de distinction par rapport à un thatchérisme largement accepté dans les autres domaines de la politique publique. Ces nouveaux axes de la politique néo-travailliste empruntés au mouvement social nous rappellent qu'il n'y a pas d'identité complète entre le néo-libéralisme thatchérien, qui restait fortement conservateur dans ces domaines, et le néo-libéralisme de deuxième génération déployé sous Blair.
Ceci étant dit, lorsque Blair exhorte ses camarades, lors de la réunion des socialistes européens à Malmö en juillet 1997 à « se moderniser ou mourir » il s'agit surtout de les inciter à suivre les néo-travaillistes britanniques sur le chemin de l'acceptation voire de l'éloge des nouvelles forces du marché et à se plier aux nouvelles contraintes de la globalisation, en renonçant à leur attachement archaïque au modèle keynésien de régulation nationale, à l'interventionnisme étatique et à la protection de l'emploi salarié. Depuis plus d'une décennie les blairistes de tous les pays n'ont pas cessé de creuser ce sillon de la modernisation évoqué par Blair à Malmö, avec plus ou moins de bonheur selon les pays.
Les effets mortifères de la modernisation
Il n'est pas mon intention ici d'examiner l'évolution sur douze ans de cette politique dite de modernisation : il existe aujourd'hui un corpus important d'écrits critiques sur la question et d'autres ont déjà examiné pendant ce colloque le cheminement des idées et des pratiques dites modernisatrices dans divers domaines. Je souhaiterais simplement évoquer en conclusion et à titre d'exemple, deux aspects de la modernisation qui ne sont pas directement en relation avec les politiques menées par les néo-travaillistes mais qui sont néanmoins importants dans le déclin peut-être terminal du travaillisme britannique : la nouvelle politique de gestion de l'image du parti travailliste et la question du financement du parti. Dans ces deux domaines les conséquences de la « modernisation » sont assez claires, même si elles sont peut-être plus faciles à cerner aujourd'hui après douze ans d'exercice du pouvoir par les néo-travaillistes et au milieu d'une crise financière et économique grave qui a révélé les lignes de faille de l'édifice thatchéro-blairiste.
Un des points centraux du credo modernisateur était l'inadaptation de l'appareil travailliste, à la sortie des années soixante-dix, aux défis de la politique moderne, marquée par le pouvoir grandissant des médias et par la transformation de l'accès à l'information. Une des tâches des plus importantes du groupe modernisateur a donc été de rénover l'appareil de communication travailliste et de transformer les relations avec les médias quels qu'ils soient, mais surtout avec les tabloïdes considérées comme des leaders de l'opinion populaire. Un groupe de spécialistes de la communication a été mobilisé à cet effet : Alastair Campbell, dans le domaine des rapports avec les journaux, Philip Gould dans celui de la fabrication de l'image publique du travaillisme ont été les artisans, entre autres, de la modernisation médiatique du travaillisme et de la professionnalisation de ses relations publiques. Les nouveaux dirigeants travaillistes ont appris à tirer partie de cette relation avec les médias - l'exemple le plus marquant étant les relations entre Rupert Murdoch et Anthony Blair dans les premières années du néo-travaillisme qui ont permis au nouveau Premier Ministre de se protéger un temps d'une partie de la presse de droite. Mais elles ont aussi peu à peu forgé une image du parti travailliste comme étant adepte de la manipulation médiatique (à tel point que le terme même de spin doctor évoque ceux et celles qui ont formé la garde rapprochée de Blair pendant de longues années) et une image de Blair comme étant un ami des puissants. Ces deux images conjuguées ont à terme largement contribué à entamer la base sociale et la résonance populaire du travaillisme.
En poursuivant dans le même ordre d'idées, on pourrait ensuite évoquer la modernisation du financement du parti travailliste. Les néo-travaillistes ont assez rapidement repéré comme une faiblesse politique et une source de difficulté dans l'entreprise même de modernisation de leur programme la relation historique que le parti travailliste entretenait avec le mouvement syndical britannique, son principal bailleur de fonds. Une faiblesse politique car la disqualification symbolique de l'action syndicale par une grande partie de la presse depuis la fin des années soixante-dix (on pense bien sûr à l'hiver du mécontentement, mais on aurait pu également évoquer les violences commises pendant la grève des mineurs de 1984-1985) pouvait servir l'adversaire conservateur pour affaiblir le parti ; un obstacle à la modernisation blairiste car le mouvement syndical était notoirement résistant, y compris dans ses composantes les plus droitières, à la mise en cause des protections des salariés mises en place pendant la période sociale-démocrate et désormais considérées comme caduques voire contre-productives par les théoriciens néo-travaillistes de la modernité. Cette analyse a poussé le parti travailliste à diversifier ses sources de financement pour se détacher de la dépendance syndicale, en particulier en faisant appel aux nouveaux amis qui affluaient au fur et à mesure que les néo-travaillistes affirmaient et prouvaient dans les faits leur attachement au monde des affaires. Mais c'était sans compter sur les inconvénients multiples des nouveaux bailleurs de fonds. La montée en puissance du financement par des grandes figures de la finance et de l'industrie (Ronnie Cohen, Nigel Doughty, David Sainsbury, Christopher Ondaatje, Gulam Noon, Chai Patel pour ne mentionner que les plus connus) a posé à terme un nombre important de nouveaux problèmes aux travaillistes. D'abord parce que there are no free dinners, et que les nouveaux financiers du néo-travaillisme, comme leurs prédécesseurs syndicaux, attendaient un retour sur investissement. Leur contribution significative au financement du parti travailliste (un exemple parmi beaucoup d'autres : en 1997 sur les £26 millions de livres dépensées par le New Labour au cours des trois ans qui avaient précédé la campagne électorale, un individu - Michael Levy - avait réuni £12m parmi ses riches amis et connaissances) leur a acheté une écoute attentive de la direction néo-travailliste et comme Robert Peston le rappelle dans son ouvrage, Who Runs Britain, a conduit à des changements parfois significatifs dans les projets de législation travailliste, lorsque celle-ci était perçue par les financeurs (qui étaient souvent aussi des financiers) comme étant en contradiction avec leur vision du monde des affaires ou plus prosaïquement avec leurs affaires propres.
Mais ce n'est pas le seul inconvénient du nouveau dispositif de financement du parti travailliste. Suite à plusieurs scandales révélés par la presse, il est apparu que les dons ou les prêts accordés au parti travailliste l'étaient (le sont ?) souvent en échange de privilèges particuliers consentis par le gouvernement. Un exemple parmi beaucoup d'autres : Paul Drayson, entrepreneur dans le secteur de la santé privée, a fait un don de £505,000 au parti travailliste en juin 2004, seulement six semaines avant d'être nommé par le gouvernement de Blair à la Chambre des Lords. Le même Drayson a de nouveau fait preuve de générosité envers le parti travailliste en décembre 2004 (un nouveau don de £500,000) et en mai 2005 il a été appelé par le Premier Ministre pour rejoindre le gouvernement au sein de l'équipe du Ministère de la Défense. S'il n'y pas une corrélation absolue entre la générosité des individus très riches envers le parti travailliste et l'octroi d'honneurs et de distinctions divers, la co-incidence maintes fois observée a fini par entamer la confiance dans les institutions politiques du pays et dans le parti au pouvoir. On a du mal à comprendre la vive réaction populaire aux révélations du Daily Telegraph concernant les frais des parlementaires l'été dernier si l'on ne tient pas compte des effets cumulés de ce long processus de désaffection nourri, entre autres, par les scandales divers liés aux nouvelles modalités de financement du parti travailliste. Le résultat est que le parti travailliste est perçu, désormais, au même titre que le parti conservateur, comme ayant partie liée avec le monde de l'argent.
Le parti travailliste est la première victime de sa propre course au financement « moderne »: il supporte aujourd'hui un endettement record qui, conjugué au départ massif des militants (et donc des cotisants), promet des lendemains de plus en plus difficiles. Après les élections de 2005, le parti travailliste devait £24m aux banques et aux individus qui lui avaient prêté de l'argent le temps de la campagne électorale. Cet endettement massif et chronique perdure. Parallèlement, en l'espace de douze ans, les effectifs du parti travailliste sont passés de 400,000 (lors de la victoire de 1997) à 160,000. Les effets de double processus (endettement et désaffection militante) combinés à une défaite aux prochaines élections pourrait bien précipiter le parti travailliste vers une situation de banqueroute similaire à celle connue par le Front National ici en France suite à ses propres déboires électoraux. La mort politique, promise dans les premiers temps euphoriques du New Labour à ceux qui refusaient les lendemains modernisateurs, semble aujourd'hui guetter le parti que les modernisateurs ont façonné à leur image.
Pour citer cette ressource :
Keith Dixon, "Modernise and die". Réflexions sur le déclin travailliste, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2010. Consulté le 30/12/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/domaine-britannique/l-heritage-thatcherien/modernise-and-die-reflexions-sur-le-declin-travailliste