Les États-Unis sont-ils toujours une démocratie ?
La première conférence a été donnée à des lycéens et lycéennes au Lycée Édouard Herriot, et la seconde à des professeurs stagiaires à l'ENS de Lyon.
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Introduction | 00:00 |
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1. Qu’est-ce qu’une démocratie ? | 02:07 |
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2. L’Esprit des lois de Montesquieu | 10:00 |
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3. Les États-Unis du XVIIIe siècle sont-ils une démocratie ? | 17:42 |
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Conclusion : L’état des droits et la séparation des pouvoirs aux États-Unis aujourd’hui | 38:39 |
L'erreur de Montesquieu ? Séparation des pouvoirs et vertu politique de la Révolution américaine à aujourd'hui
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Introduction | 00:00 |
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04:34 |
1. Les Articles de la Confédération (1777) | 07:47 |
2. La Convention consitutionnelle (1787) : réformer la Confédération | 11:00 |
3. L'influence de Montesquieu dans les débats entre fédéralistes et anti-fédéralistes | 14:13 |
4. République et vertu : Lettre antifédéraliste de "Brutus" | 19:33 |
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23:57 |
5. République et loi : la "séparation" des pouvoirs | 25:48 |
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Conclusion | 38:20 |
Citations et extraits
Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu'un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans l'un, le bras du prince toujours levé dans l'autre, règlent ou contiennent tout. Mais, dans un État populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU.
Ce que je dis est confirmé par le corps entier de l'histoire, et est très conforme à la nature des choses. Car il est clair que dans une monarchie, où celui qui fait exécuter les lois se juge au-dessus des lois, on a besoin de moins de vertu que dans un gouvernement populaire, où celui qui fait exécuter les lois sent qu'il y est soumis lui-même, et qu'il en portera le poids.
Montesquieu, De l'esprit des lois, III, 3.
Dans les monarchies, la politique fait faire les grandes choses avec le moins de vertu qu'elle peut; comme, dans les plus belles machines, l'art emploie aussi peu de mouvements, de forces et de roues qu'il est possible. L'État subsiste indépendamment de l'amour pour la patrie, du désir de la vraie gloire, du renoncement à soi-même, du sacrifice de ses plus chers intérêts, et de toutes ces vertus héroïques que nous trouvons dans les anciens, et dont nous avons seulement entendu parler.
Montesquieu, De l'esprit des lois, III, 5.
La vertu, dans une république, est une chose très simple : c'est l'amour de la république ; c'est un sentiment, et non une suite de connaissances ; le dernier homme de l'État peut avoir ce sentiment. comme le premier. Quand le peuple a une fois de bonnes maximes, il s'y tient plus longtemps que ce qu'on appelle les honnêtes gens. Il est rare que la corruption commence par lui. Souvent il a tiré de la médiocrité de ses lumières un attachement plus fort pour ce qui est établi.
Montesquieu, De l'esprit des lois, V, 2.
C'est dans le gouvernement républicain que l'on a besoin de toute la puissance de l'éducation. La crainte des gouvernements despotiques naît d'elle-même parmi les menaces et les châtiments ; l'honneur des monarchies est favorisé par les passions, et les favorise à son tour : mais la vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible. On peut définir cette vertu, l'amour des lois et de la patrie. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l'intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières : elles ne sont que cette préférence. Cet amour est singulièrement affecté aux démocraties. Dans elles seules, le gouvernement est confié à chaque citoyen. Or, le gouvernement est comme toutes les choses du monde ; pour le conserver, il faut l'aimer. On n'a jamais ouï dire que les rois n'aimassent pas la monarchie, et que les despotes haïssent le despotisme. Tout dépend donc d'établir dans la république cet amour ; et c'est à l'inspirer que l'éducation doit être attentive.
Montesquieu, De l'esprit des lois, IV, 5.
Il est de la nature d'une république qu'elle n'ait qu'un petit territoire : sans cela elle ne peut guère subsister. Dans une grande république, il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits : il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d'un citoyen ; les intérêts se particularisent ; un homme sent d'abord qu'il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie ; et bientôt, qu'il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie.
Dans une grande république, le bien commun est sacrifié à mille considérations ; il est subordonné à des exceptions ; il dépend des accidents. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen ; les abus y sont moins étendus, et par conséquent moins protégés.
Montesquieu, De l'esprit des lois, VIII, 16.
Comme, dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative. Mais comme cela est impossible dans les grands États, et est sujet à beaucoup d'inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse par ses représentants tout ce qu'il ne peut faire par lui-même.
L'on connaît beaucoup mieux les besoins de sa ville que ceux des autres villes ; et on juge mieux de la capacité de ses voisins que de celle de ses autres compatriotes. Il ne faut donc pas que les, membres du corps législatif soient tirés en général du corps de la nation ; mais il convient que, dans chaque lieu principal, les habitants se choisissent un représentant.
Le grand avantage des représentants, c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie.
Montesquieu, De l'esprit des lois, XI, 6.
Dans une république, les manières [manners], sentiments [sentiments] et intérêts de chacun devraient être similaires. Si cela n’est pas le cas, il y aura un affrontement d’opinions constant ; et les représentants [representatives] d’un bord lutteront continuellement contre ceux de l’autre. Cela retardera les opérations du gouvernement et empêchera de prendre des mesures à-même de favoriser le bien commun [public good]. Si nous appliquons cette remarque à la situation des États-Unis, nous devrions être convaincus qu’elle nous interdit d’être un seul gouvernement. Les États-Unis comprennent une variété de climats. Les productions des différentes parties de l’Union sont très variées, et leurs intérêts, par conséquent, divers. Leurs manières et habitudes diffèrent autant que leurs climats et productions ; et leurs sentiments ne coïncident absolument pas. Les lois et les pratiques des différents États sont, en bien des points, diverses, et parfois opposées ; chacun lutterait au nom de ses propres intérêts et pratiques. Par conséquent, une législature formée de représentants de chaque État, serait non seulement trop nombreuse pour agir avec à propos et décision, mais serait de plus composé par des principes si hétérogènes et discordants qu’ils seraient sans cesse en lutte les uns avec les autres.
Brutus, Lettre I, notre traduction. Le texte original est accessible ici : https://teachingamericanhistory.org/document/brutus-i/
Ce double inconvénient infecte également les démocraties et les aristocraties, soit qu'elles soient bonnes, soit qu'elles soient mauvaises. Le mal est dans la chose même ; il n'y a aucune forme qui puisse y remédier.
Ainsi il y a grande apparence que les hommes auraient été à la fin obligés de vivre toujours sous le gouvernement d'un seul, s'ils n'avaient imaginé une manière de constitution qui a tous les avantages intérieurs du gouvernement républicain, et la force extérieure du monarchique. Je parle de la république fédérative.
Cette forme de gouvernement est une convention par laquelle plusieurs corps politiques consentent à devenir citoyens d'un État plus grand qu'ils veulent former. C'est une société de sociétés, qui en font une nouvelle, qui peut s'agrandir par de nouveaux associes qui se sont unis.
Montesquieu, De l'esprit des lois, IX, 1.
Pour citer cette ressource :
Hugo Toudic, Les États-Unis sont-ils toujours une démocratie ?, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mai 2025. Consulté le 19/06/2025. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/domaine-americain/les-etats-unis-sont-ils-toujours-une-democratie