«12 Angry Men» / «Douze hommes en colère» (Sidney Lumet - 1957)
Coup d'essai, coup de maître.
En 1957 sort 12 Angry Men, premier film de Sidney Lumet, qui connait un succès commercial très modeste, mais remporte l'Ours d'or au festival de Berlin, le prix spécial à Locarno, est nommé aux Oscars, et voit Henri Fonda remporter le prix du meilleur acteur aux British Awards.
Il s'agit d'un "film de procès", genre qui a donné de grands classiques, de The Paradine case (Le procès Paradine, 1947) d'Alfred Hitchcock, à Anatomy of a Murder (Autopsie d'un meurtre, 1959) d'Otto Preminger, en passant par Witness for the Prosecution (Témoin à charge, 1957) de Billy Wilder. Mais alors que tous ces films se concentrent sur les débats, le défilé des témoins et les plaidoiries, jusqu'au suspense du verdict, 12 Angry Men se déroule entièrement en salle de délibération. C'est donc un huis clos, pari de mise en scène intéressant.
Un adolescent est accusé du meurtre de son père. Tout semble l'accabler. Les douze jurés croient donc à une délibération rapide, débouchant sur un verdict clair et attendu. Pour cela, il faut l'unanimité. Au premier tour de scrutin, tous votent coupables, sauf un. Il faut délibérer, à la surprise de certains, à la colère des autres.
Le scénario est une mécanique redoutable. Toutes les preuves sont examinées une par une, pour être démontées, avec une logique implacable. Les rôles sont inversés, et c'est la justice qui est ici en accusation, et les accusés sont ceux qui condamnent aveuglément.
Le film a ses détracteurs.
Oui, le scénario est parfois manichéen, mais la justice ne l'est-elle pas parfois?
Oui, le jury est composé uniquement d'hommes, blancs de surcroît, mais n'était-ce pas la réalité de l'époque ?
Oui Henri Fonda, le "justicier", est le seul habillé en blanc. Objection retenue, votre honneur !
Mais le film fonctionne et nous tient en haleine. La mise en scène, si elle n'est pas révolutionnaire, est inventive et sait nous faire oublier le huis clos, ou plutôt en joue habilement. Lumet rythme les débats en les interrompant par des pauses qui permettent au spectateur de mieux connaître les personnages et leur donnent plus de relief, tout en permettant des "échappées" qui sont autant de respirations. Une géographie se met en place, découpant la pièce en des micro-espaces: fenêtres, toilettes, bout de table.
Le rythme est juste, le film alterne des moments de grandes tensions et des passages plus anecdotiques, voire amusants. Lumet arrive à transformer chaque vote en des moments de suspense haletant.
Les personnages sont remarquablement écrits. Chacun a sa vérité, son appartenance socio-culturelle. Tous sont crédibles et défendables. De multiples préjugés sont montrés, dont la plupart persistent aujourd'hui, ce qui en fait un film étonnamment moderne.
Enfin, "12 Angry Men" est également un grand film d'acteurs et l'interprétation est, en fin de compte, la grande force du film.
Sidney Lumet aura dans sa filmographie d'autres très bon films: The Fugitive Kind (L'homme à la peau de serpent, 1959) The Offence (1972), les mythiques Serpico (1973) et Dog Day Afternoon (Un après-midi de chien, 1975) avec Al Pacino, Prince of the City (Le prince de New York, 1981). Son dernier film conclura en beauté sa carrière, Before the Devil Knows You're Dead (7h58 ce samedi-là, 2007) qui laisse peu de doutes sur la vision que Lumet avait de la nature humaine, après l'expérience de toute une vie.
Pour citer cette ressource :
Lionel Gerin, "«12 Angry Men» / «Douze hommes en colère» (Sidney Lumet - 1957)", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2016. Consulté le 02/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/arts/cinema/12-angry-men-douze-hommes-en-colere-sidney-lumet-1957-