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Rêve et création littéraire dans Frankenstein et le roman féminin aux XVIIIe et XIXe siècles

Publié par Marion Coste le 30/03/2018
Colloque international
Quand ? Du 05/04/2018 à 10:00 au 07/04/2018 à 17:30
Où ? MSH de Clermont-Ferrand, amphi 220

En juin 1816, dans une maison au bord du lac Léman, une jeune fille qui n’avait pas encore 19 ans fit un rêve qui donna naissance à l’un des plus grands mythes contemporains et à un texte majeur du romantisme britannique. Ce rêve qui inspira Frankenstein est resté célèbre grâce à la préface que Mary Shelley rédige pour l’édition de 1831, dans laquelle elle décrit une expérience proprement visionnaire : « I saw – with shut eyes, but acute mental vision, – I saw the pale student of unhallowed arts kneeling beside the thing he had put together […]. » On oublie cependant parfois que ce rêve faisait suite à un autre rêve de réanimation datant de l’année précédente, alors que la future romancière venait de perdre son premier enfant, une petite fille née prématurément qui ne reçut pas de nom : « Dreamt that my little baby came to life again; that it had only been cold, and that we rubbed it before the fire, and it lived. Awake and find no baby » (19 mars 1815).

Du rêve – ou des rêves – présidant à l’écriture, le roman glisse vers le récit de rêve. Impossible en effet de considérer l’importance du rêve pour Frankenstein sans évoquer le cauchemar de Victor juste après l’éveil de sa Créature (volume I, chapitre IV), qui reste l’une des scènes les plus commentées de l’œuvre. Alors que 2018 marquera le bicentenaire de la publication de Frankenstein, ce colloque vise, dans un premier temps, à retourner aux origines oniriques du roman et à explorer les déclinaisons de la thématique du rêve chez Mary Shelley. Toutes les propositions visant à examiner sous un angle nouveau ces trois rêves seront les bienvenues, ainsi que celles qui porteront sur toute l’œuvre de la romancière, où le rêve joue souvent un rôle prémonitoire (Valperga, Matilda, « The Dream »…). On pourra élargir le propos à la rêverie que Mary Shelley aborde également dans sa préface lorsqu’elle distingue les rêves éveillés de sa jeunesse, « all [her] own », et ses écrits, destinés à être lus par d’autres.

Roman rêvé, roman du rêve, Frankenstein offre un point de départ privilégié pour l’exploration du rêve dans la créativité et la création au féminin. Dans un deuxième temps, nous souhaiterions étudier les rapports entre rêve et écriture chez les romancières britanniques, particulièrement la contradiction fondamentale selon laquelle une expérience vécue comme subie et venant d’ailleurs (« My imagination, unbidden, possessed and guided me », écrit par exemple Mary Shelley) devient le point de départ de l’écriture, alors que la rêveuse passive se transforme en sujet créateur. C’est ici le rapport à une altérité ontologique qui se joue, cette prise en compte de l’autre en soi dont on se demandera si elle a quelque chose de spécifiquement féminin. On s’intéressera aussi bien aux rêves authentiques évoqués dans les écrits personnels qu’aux rêves diégétiques, dont le statut véritablement onirique reste d’ailleurs à préciser. Entre signe de maîtrise narrative et libre expression d’un contenu en partie inconscient, le récit de rêve conduit à questionner l’ensemble de la structure romanesque dans laquelle il est inséré : participe-t-il d’un accès au sens du récit ou bien relève-t-il in fine d’une hétérogénéité radicale ?

Se pose alors la question de l’autorité, que l’on pourra analyser en prolongement de travaux comme ceux de Margaret Anne Doody (“Deserts, Ruins and Troubled Waters: Female Dreams in Fiction and the Development of the Gothic Novel”, 1977) et de Ronald Thomas (Dreams of Authority, 1990) sur le roman gothique et sur le XIXe siècle, ou de Julia Epstein dont l’important ouvrage sur Burney, The Iron Pen (1989), emprunte son titre au cauchemar qui assaille l’héroïne de Camilla. Nous aimerions placer l’expérience créatrice de Mary Shelley en résonnance avec celles de ses contemporaines, comme Frances Burney ou Ann Radcliffe, mais aussi des auteures qui l’ont précédée ou suivie (Jane Barker ou les sœurs Brontë, par exemple), depuis la fin du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe, voire au-delà si cela se révèle pertinent. Le roman sera le genre privilégié, mais la poésie et le théâtre pourront être abordés si les textes et les auteures choisis offrent des pistes d’analyse intéressantes.

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