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L'Anthropocène dans la science et l'art : perspectives convergentes ou divergentes ?

Publié par Marion Coste le 14/03/2025
Conférence
Quand ? Le 19/05/2025, de 13:00 à 14:00
Où ? Lycée Champollion, Grenoble
S'adresser à

Le lycée Champollion organise le lundi 19 mai de 13h à 14h une rencontre autour de la question de l'Anthropocène. Les interventions permettrons de croiser une approche géologique et un regard photographique sur le sujet :

1) Géologie : « A la recherche du clou d’or de l’anthropocène », Claire Mathivet, professeure de SVT au lycée Champollion et formée par des géologues de renom : Jacques Debelmas et Maurice Gidon dont les travaux sur la formation des Alpes font référence.

Pour le géologue, l’organisation des différentes formations rocheuses visibles dans le paysage quotidien peut être lue avec les principes fondamentaux de la stratigraphie et de la tectonique des plaques : c’est alors un véritable livre ouvert sur l’histoire de la planète avec des échelles de temps qui dépassent ce que l’homme peut appréhender.

Tout est enregistré par les roches au cours des différentes ères géologiques : le climat, la composition de l’atmosphère, le niveau des océans, la biodiversité, les catastrophes naturelles, les extinctions … C’est donc naturellement que se pose la question de l’enregistrement par celle-ci des modifications de l’environnement due aux activités anthropiques.

Depuis 1875, les géologues internationaux se réunissent en congrès tous les 3 à 5 ans sur une initiative de l'Association Américaine pour la promotion des Sciences. L’Union Internationale des Sciences Géologiques (UISG) a été créée en 1961 pour favoriser la coopération scientifique internationale dans le domaine de la géologie. Cette organisation est désormais le principal organisateur des Congrès internationaux de Géologie.

La Commission Internationale de Stratigraphie (ICS) est créée en 1974 au sein de l’UISG. Elle est chargée de la production et de la mise à jour régulière de « l’échelle des temps géologiques » selon une procédure standardisée rigoureuse. Dans ce but, des points stratotypiques mondiaux (PSM) (en anglais : Global Boundary Stratotype Section and Point, GSSP) sont choisis pour définir précisément les limites entre deux étages géologiques. La définition de nouveaux points stratotypes, ou leur révision, sont entérinées par l'IUCS après plusieurs étapes de vote selon différents niveaux hiérarchiques : les différentes sous-commissions proposent des affleurements candidats à un GSSP, le bureau exécutif de l'ICS vote pour retenir ou non la proposition. Si celle-ci est acceptée, ce choix doit encore être ratifié par le comité exécutif de l'IUGS, dernière instance décisionnelle. Si le choix est retenu, le Point Stratotype Mondial est officialisé par la pose d'un repère sur l'affleurement choisi (repère aussi appelé « clou d'or ») et par la publication de la description de l'affleurement et des critères justifiant son choix dans la revue trimestrielle Episodes, éditée par l'ICS.

Lors du congrès international de géologie de 2012, la notion d’Anthropocène (l’ère de l’homme nouveau) a été débattue, envisageant la création d’une nouvelle époque dans l’échelle des temps géologiques après l’Holocène. L’Anthropocène commencerait lorsque l’impact de l’activité humaine sur l’écosystème terrestre devient significatif ou est capable d’imprimer sa marque sur la lithosphère. Des événements tels que la révolution industrielle du XIXᵉ siècle, marquée par une augmentation significative des émissions de dioxyde de carbone (CO2) pourraient être considérés comme le début de l’Anthropocène.

Après de vifs débats au sein de l’UISG, cette instance a annoncé le 21 mars 2024 le rejet de la proposition de l’Anthropocène comme unité formelle de l’échelle des temps géologiques. Les géologues ont en effet considéré que plusieurs critères n’étaient pas remplis pour en faire une époque géologique à part entière.

2) Art : “Le Sublime industriel dans l'oeuvre de Michael Kenna: entre éthique et esthétique”, Virginie Thomas, professeure en khâgne au lycée Champollion, docteure en art et littérature anglophones, chercheuse associée du Laboratoire ILCEA4

Michael Kenna est un photographe britannique mondialement connu pour ses clichés en noir et blanc utilisant la pose longue qui visent à fixer la beauté évanescente du monde environnant. Alternant entre paysages immaculés et structures architecturales déshumanisées, son œuvre nous amène à nous interroger sur la représentation de l'impact de l'homme sur son environnement.

Cela est d'autant plus vrai dans ses nombreuses représentations de sites industriels qu'il a commencé à prendre en photo dès 1984. Ainsi, le photographe nous emmène sur des sites industriels gigantesques comme celui de The Rouge dans le Michigan, sur celui de la centrale à charbon de Radcliffe en Grande-Bretagne ou bien celui de Marghera dans sa dernière monographie consacrée à Venise.

Nourri par l'inspiration de Bill Brandt, Michael Kenna nous confronte à un Sublime industriel qui amène le spectateur à faire l'expérience à la fois du plaisir esthétique mais également d'une terreur idéologique face à ces immenses usines. Ces dernières dressent leurs cheminées gigantesques prises en contre-plongée et recrachent une fumée qui, loin de suggérer la menace de la pollution industrielle, pare la nuit d'une écharpe nacrée.

Comment concilier et réconcilier la beauté de ces mastodontes aux formes parfaitement géométriques et au noir et blanc esthétiquement inspirant avec la réalité de la menace environnementale qu'ils représentent à l'ère de l'Anthropocène ?