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Antonio Pietrangeli, «Adua e le compagne»

Par Esther Hallé-Saito : ATER - ENS de Lyon
Publié par Alison Carton-Kozak le 25/01/2018

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((Adua e le compagne)) est un film d'Antonio Pietrangeli de 1960. Alors que la Loi Merlin impose la fermeture de toutes les maisons closes d’Italie, quatre prostituées tentent de s’établir à leur compte en ouvrant ce qui s’appparenterait à un simple restaurant. Mais pour mener à bien leur projet, elles doivent solliciter l’aide d’un ancien homme du milieu qui menace leur tentative d’émancipation…

 

 

 

 

Cinquième film d’une œuvre composée de dix longs métrages, Adua e le compagne est un exemple éclatant de la capacité d’Antonio Pietrangeli à recomposer l’héritage néoréaliste à partir des modules de la comédie et du mélodrame. La réinvention est d’ailleurs au cœur de son parcours : ancien critique « pro-réaliste » au long des années 1940, scénariste pour des réalisateurs importants comme Alessandro Blasetti (Fabiola), Luchino Visconti (Ossessione, La Terra trema) et Roberto Rossellini (Europe 51, Viaggio in Italia), puis réalisateur d’un premier film placé sous les auspices du néoréalisme, (Il sole negli occhi, 1953), le cinéaste s’est imposé comme un subtil analyste de la condition féminine. Son attention envers l’univers féminin apparaît comme le vecteur d’un style de plus en plus personnel, qui s’illustre d’abord dans le contexte de la comédie (Nata di marzo, 1958), puis, avec Adua e le compagne, dans celui du mélodrame.

Extrait du film

Loin du dépouillement stylistique qui caractérisait la saison néoréaliste, Pietrangeli  s’intéresse au sort de quatre prostituées condamnées par la loi Merlin, poursuivant sur un plan désormais plus formel que thématique l’engagement social du néoréalisme. La mise en scène, marquée par la photographie riche en nuances d’Armando Nannunzi, et la musique jazz composée par Armando Trovajoli, est élégante et sophistiquée. Le casting, international et prestigieux, réunit Marcello Mastroianni, Emmannuelle Riva, Sandra Milo, Gina Rovere et Simone Signoret, poignante dans le rôle d’une prostituée qui cherche à conserver sa dignité devant l’âge qui passe et compromet son avenir professionnel. Vecteur d’un registre essentiellement pathétique, ces personnages féminins font voisinner le film avec le mélodrame.

Production ambitieuse, Adua e le compagne est pourtant bien l’un des films les plus politiques de Pietrangeli. Il retrace à la fois la prise de conscience par les quatres compagnes de leur condition sociale, et leur tentative d’émancipation envisagée dans l’ouverture d’un restaurant qui servirait de couverture à une maison close clandestine, dont elles seraient désormais les patronnes autonomes.

Le contexte mélodramatique permet au cinéaste de développer les conflit intérieurs de femmes confrontées aux images que la société italienne leur impose, et aux rôles qui leur sont refusés : être à la fois mère et « femme de mauvaise vie » pour Marilina (Emmanuelle Riva), ou pour Adua, être seulement reconnue par Piero (Marcello Mastroianni) qui, dans la légèreté de son inconstance, ne sait voir en elle autre chose qu’une prostituée. En cela, Adua e le compagne constitue davantage un portrait moral qu’une dénonciation objective de la loi Merlin, et annonce la teneur sceptique du personnage d’Adriana dans Io la conoscevo bene (1965). Avec La ragazza in vetrina (Luciano Emmer, 1961), il constitue l’une des analyses de la prostitution les plus subtiles que le cinéma italien des années 1960 ait offert.

 

Pour citer cette ressource :

Esther Hallé, Antonio Pietrangeli, Adua e le compagne, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2018. Consulté le 17/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/adua-e-le-compagne