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Paolo Uccello, «San Giorgio e il drago»

Par Sarah Vandamme : Professeure agrégée d'italien
Publié par Alison Carton-Kozak le 23/02/2015

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Le tableau qui nous intéresse plus particulièrement, et peut facilement être exploité au collège, représente la légende de Saint Georges, rapportée par la Légende Dorée de Jacques de Voragine.


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Paolo UCCELLO, San Giorgio e il drago, 57x73 cm, v. 1470, huile sur toile, National Gallery, Londres

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Paolo Uccello est né à Pratovecchio, près de Pérouse, en 1397 et est mort à Florence en 1475. Il fut élève du sculpteur Ghiberti, avec lequel il a travaillé à la porte du Baptistère de Florence – cette polyvalence était très courante à la Renaissance. Ghiberti est considéré comme le grand maître de la fin du gothique, ouvert cependant aux innovations de son temps : ses œuvres, notamment les portes du Baptistère, sont encore marquées par la linéarité et le raffinement de l’art gothique, mais ne sont pas pour autant exemptes de références à la culture antique et témoignent d’une recherche en matière de perspective.

Ici par exemple, on voit bien comment le raffinement des figures, l’attention aux détails et la ligne sinueuse des drapés, propres à l’art gothique, cohabitent avec un effet de perspective – encore un peu imparfaite – et une citation de l’architecture antique.
Lorenzo Ghiberti, La découverte de la Coupe d’Or, 1452,
Porte du Baptistère de Florence.
 

Paolo Uccello, une génération plus tard, est lui aussi à cheval entre ces deux mondes. Passionné par la perspective, il passe une grande partie de sa carrière à expérimenter et à mettre en pratique ses découvertes. En témoignent les trois grands panneaux représentant trois épisodes de la Bataille de San Romano, menée par les Florentins contre les Siennois en 1432 : Uccello y déploie tout son savoir-faire en matière de perspective – raccourcis, points de fuite, etc. – avec cependant quelque chose d’inabouti et d’imparfait, qui donne à l’ensemble un caractère irréel et onirique, et le rattache bien plus au monde de la fable et de la chevalerie qu’à celui de la virtus antique.

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Paolo Uccello, La Battaglia di San Romano, Bernardino della Ciarda, 1435-40,
Galleria degli Uffizi, Florence.
Source : Wikimedia, Creative Commons (CC)

Nombreux sont les artistes de la Renaissance qui, comme Ghiberti, Uccello ou encore Gentile da Fabriano, naviguent entre ces deux mondes : l’idée qu’il y aurait une frontière nette entre un avant et un après la découverte de la perspective, un avant et un après une prétendue redécouverte de la culture antique, n’est bien sûr qu’une illusion rétrospective. Les artistes emploient les codes qui conviennent au commanditaire, au sujet, à leur imagination, et n’hésitent pas à associer ce qui peut nous paraître inconciliable.

Le tableau qui nous intéresse plus particulièrement, et peut facilement être exploité au collège, représente la légende de Saint Georges, rapportée par la Légende Dorée de Jacques de Voragine, dont voici un résumé : une ville de Lybie, Silène, était ravagée par un dragon, auquel les habitants devaient livrer chaque jour deux brebis en pâture. Lorsque les brebis vinrent à manquer, les habitants durent lui donner chaque jour une créature humaine tirée au sort. Un jour, c’est la fille unique du roi qui fut tirée au sort : le roi voulut donner au dragon la moitié de son royaume en échange de sa fille, mais les habitants se révoltèrent et il dut se résigner à voir partir sa fille vers la grotte du dragon. C’est à ce moment qu’arriva Georges, un jeune tribun de l’armée romaine, monté sur un beau cheval blanc. Il vit la princesse, lui dit de ne pas avoir peur et de passer sa ceinture au cou du dragon : la princesse s’exécuta et le dragon devint alors miraculeusement aussi docile qu’un chien domestique. Georges dit alors à la population de Silène qu’il terrasserait le dragon s’ils se convertissaient tous au christianisme, ce qu’il advint par la suite. La légende peut être interprétée comme un symbole de la victoire du christianisme sur le paganisme et ses superstitions.

La composition du tableau est simple : à droite, Georges en armure, sur son cheval cabré, plante sa lance dans la tête du dragon, au centre, tandis que la princesse, à gauche, tenant le monstre en laisse, observe paisiblement la scène. A gauche, la grotte du dragon ; à droite, des nuages menaçant qui évoquent le pouvoir divin. Au sol, des buissons semblent signifier que la scène a lieu dans le désert. Au fond, un décor de collines pourtant assez verdoyantes. Dans un ciel gris-bleuté, quelques nuages et un petit croissant de lune donnent une impression de crépuscule ou d’aube.

La perspective est assez rigoureuse : les buissons forment des lignes de forces qui se rejoignent bien au niveau des collines, les rochers sont représentés en profondeur, ainsi que le cheval cabré et les ailes colorées du dragon. La première fois que Paolo Uccello avait traité ce même thème, la perspective y était plus hésitante.

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Paolo Uccello, San Giorgio e il drago, 1430-35,
Musée Jacquemart-André, Paris.

Ici, il y a un évident hiatus entre le premier et l’arrière plan. En outre, la matière rocheuse de la grotte est maladroitement évoquée et fait plus penser à une tente. Enfin, le cheval et le dragon sont platement représentés de profil. Cette petite œuvre n’en est pas pour autant privée de charme !

Si, dans le tableau de Londres, la perspective est plus aboutie, cela ne semble pas pour autant donner à la composition un caractère plus « réel » : la matière rocheuse est plus travaillée, mais une telle grotte semble tout de même improbable dans la nature, le sable du sol est à peine signifié par des petits traits, les broussailles ne sont pas identifiables, on ne sait d’où provient cette lumière blanche qui frappe le visage de la princesse et, d’ailleurs, les personnages n’ont pas d’ombres. Mais le réalisme n’était certes pas l’objectif de Paolo Uccello. Au contraire, la scène baigne dans l’atmosphère onirique des contes et des légendes, en accord avec la tonalité de La Légende Dorée. Les personnages n’expriment pas d’émotions particulières. Georges terrasse le dragon avec un air de petit enfant calme et appliqué, et la princesse regarde et patiente sagement. Les vêtements des personnages appartiennent également au monde courtois et chevaleresque : robe élégante, coiffure très soignée et délicats escarpins à la poulaine pour la princesse, fière armure pour Georges – qui ne ressemble en aucun cas à un soldat romain. L’ensemble est d’ailleurs presque dénué de symboles religieux clairement lisibles. Dans la première version, Georges portait la croix rouge sur fond blanc qui le symbolise et la princesse, comme dans toutes les autres représentations de la légende – chez Donatello, Carpaccio ou Raffaello – était en attitude de prière. Rien de semblable ici, si l’on excepte la robe de la princesse qui évoque discrètement les couleurs mariales et cette mystérieuse tempête divine derrière le chevalier.

Cette absence de symbolique religieuse très évidente et lisible rend ce tableau encore plus facilement exploitable au collège. Il est en effet tout à fait possible de se servir du caractère chevaleresque et fabuleux de la légende et du tableau, sans s’appesantir outre mesure sur leur signification chrétienne. Les élèves réagissent généralement bien à cette œuvre : ils estiment souvent que la princesse est monstrueuse avec son grand front médiéval, sa silhouette enfantine et son improbable coiffure, mais trouvent en revanche le dragon très sympathique. La grotte leur évoque, à juste titre, un décor ou un jouet d’enfant. Certains sont en outre frappés par l’inexpressivité des personnages.

L’essentialité de la composition est propice à l’identification lexicale, et la légende peut servir de prétexte pour raconter une histoire de princesse, de dragon et de chevalier. Le tableau pourrait ouvrir une séquence sur les contes de fées, qui aurait pour objectif de rédiger l’introduction d’un conte, et nécessiterait l’assimilation des temps du récit et du lexique des contes et récits fabuleux. Les élèves auraient accès au récit – simplifié – de la légende, en quatre paragraphes, mais dans le désordre. Pour s’efforcer à comprendre dans les grandes lignes, ils devront d’abord remettre les paragraphes dans l’ordre, puis ils devront identifier le vocabulaire nécessaire pour décrire les éléments principaux des deux tableaux – principessa, cavaliere, cavallo, drago, grotta, castello. Seulement ensuite viendraient le repérage et l’identification des temps verbaux employés dans le récit.

La principessa, il cavaliere e il drago

1. Prova a rimettere la storia nell’ordine.

2. Identifica il vocabolario della favola, aiutandoti con i dipinti.

3. Identifica la formula che introduce tutte le favole.

4. Identifica i due tempi del passato usati per scrivere il racconto.

 

A. Per placarlo, gli abitanti della città gli offrivano ogni giorno due pecore. Ma presto, non ci furono più abbastanza pecore nel regno per soddisfare il drago, e gli abitanti furono costretti ad offrirgli ogni giorno una pecora e un giovane tirato a sorte.

B. Ma, mentre Silene camminava tristemente verso la grotta del drago, arrivò un giovane e bellissimo cavaliere, chiamato Giorgio, su un cavallo bianco. Il cavaliere, che aveva un potere magico, disse alla principessa di tranquilizzarsi e di passare la sua cintura al collo del drago: il drago diventò subito molto mite, e cominciò a seguire la principessa come un cane domestico. Allora, Giorgio uccise il drago e diventò un eroe per gli abitanti della città.

C. C’era una volta un drago molto cattivo che viveva in una grotta vicino ad una piccola città chiamata Selem. Il drago era così feroce che poteva uccidere tutte le persone e distruggere tutte le città che incontrava.

D. Un giorno, la figlia del re, una principessa che si chiamava Silene e viveva con suo padre in un bel castello, fu tirata a sorte. Ma il re non volle dargli la figlia che adorava, e gli propose in scambio la metà del suo reame. Ma la popolazione si ribellò e il re fu costretto a sacrificare sua figlia.


Si l’on veut approfondir en caractérisant plus précisément les personnages, on pourra utiliser le Ritratto di cavaliere de Vittore Carpaccio pour le chevalier, et pour la princesse le Ritratto di Signora de Paolo Uccello. Si l’on veut plutôt suivre la thématique des animaux fantastiques, on pourra associer avec un extrait du bestiaire de Dino Buzzatti, en préambule à La famosa invasione degli orsi in Sicilia, où l’on ne trouve pas de dragons, mais toutes sortes d’animaux fabuleux et de monstres terrifiants.

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Paolo Uccello, Ritratto di Signora, 1450, Metropolitan Museum of Art, New York
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Vittore Carpaccio, Ritratto di Cavaliere, 1510, Museo Thyssen, Madrid

 

Pour citer cette ressource :

Sarah Vandamme, Paolo Uccello, San Giorgio e il drago, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), février 2015. Consulté le 28/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/arts-visuels/paolo-uccello-san-giorgio-e-il-drago