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«To Be or Not to Be» / «Jeux Dangereux» (Ernst Lubitsch - 1942)

Par Lionel Gerin : Professeur d'anglais et cinéphile - Lycée Ampère de Lyon
Publié par Clifford Armion le 26/03/2015
Connaissez-vous Lubitsch? On lui doit quelques unes des meilleures comédies des années 1930-40. Connaissez-vous la Lubitsch's touch? Si vous répondez non, de grands plaisirs de cinéma vous attendent. Élégance et finesse. Commençons donc par un sommet, un chef d'oeuvre: ((To Be or Not to Be)). Mais pour mieux en apprécier le sel, un peu d'histoire. Juif Berlinois, Lubitsch, amoureux fou de théâtre, rejoint le cinéma comme homme à tout faire, puis acteur. Dés 1913, il est l'égal de Max Linder, et le plus grand comique allemand...

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Connaissez-vous Lubitsch?

On lui doit quelques unes des meilleures comédies des années 1930-40.

Connaissez-vous la Lubitsch's touch?

Si vous répondez non, de grands plaisirs de cinéma vous attendent. Élégance et finesse.

Commençons donc par un sommet, un chef d'oeuvre: To Be or Not to Be

Mais pour mieux en apprécier le sel, un peu d'histoire.

Juif Berlinois, Lubitsch, amoureux fou de théâtre, rejoint le cinéma comme homme à tout faire, puis acteur. Dés 1913, il est l'égal de Max Linder, et le plus grand comique allemand. L'année suivante il passe à la réalisation et au scénario, mais ce n'est qu'après la guerre qu'il devient véritablement metteur en scène, parmi les plus populaires d'Allemagne. Il part à Hollywood à l'invitation de Mary Pickford, "la petite fiancée de l'amérique". Il y tourne des films qui ont d'emblée un grand succès. La "Lubitsch touch" est déjà reconnue. Les années 30 voient s'enchaîner les comédies, satyres sophistiquées des moeurs bourgeoises américaines.

Il est, en même temps, la cible récurrente de la propagande nazie, à double titre, juif bien entendu, et traître, puisque passé à l"ennemi" américain.

To Be or Not to Be va être sa réponse à cette campagne haineuse, son règlement de comptes. Mais il ne veut pas seulement une comédie (Chaplin a déjà réalisé The Great Dictator). Il veut, contre tous les avis de ses proches, faire du théâtre son arme de riposte.

Mission impossible, parait-il. Mission pourtant accomplie.

L'action se déroule à Varsovie, dans un théâtre. La pièce répétée, qui met en scène Hitler, est déprogrammée, suite à l'entrée des troupes allemandes en Pologne, et remplacée par Hamlet. L'actrice principale profite du monologue de son acteur de mari pour le tromper avec un officier polonais. Celui-ci, réfugié à Londres, va revenir en mission pour démasquer un traître, qui met en péril toute la résistance. Il sera aidé par la troupe de théâtre.

Tout, comme dans toute comédie, tient dans le timing, qui est ici une merveille, une mécanique de très haute précision. Le film joue constamment sur un principe simple et génial: que sait le spectateur?

Lubitsch, tout comme Hitchcock, joue sur deux ressorts: suspense et surprise, voire les deux en même temps. Nous sommes constamment en avance ou en retard sur l'intrigue. C'est virtuose, et surtout drôle, subtil, percutant. Il ridiculise la bêtise, l'ignorance et la cruauté des nazis avec une verve réjouissante.

Au coeur de l'intrigue se trouve un stratagème, proprement théâtral, où l'on a recours au maquillage, aux costumes, aux répétitions, à la générale et même à l'improvisation. Et cela pose des problèmes de théâtre: sait-on son texte? Le décor est-il crédible? etc...

Mais le stratagème est en fait un tiroir à double, puis triple fond. C'est prodigieux d'intelligence. Lubitsch arrive même à faire dialoguer Shakespeare et Hitler. Imaginez Shylock déclamant son monologue au Führer. Vous en rêvez? Lubitsch l'a fait.

Précipitez-vous sur ce film. C'est un délice de gourmet. Il vous donnera j'espère l'envie de découvrir le reste de l'oeuvre, et notamment Heaven Can Wait, The Shop Around The Corner, Ninotchka, bien que tous sont à citer.

Cluny Brown, par exemple, met en scène Jennifer Jones en "folle ingénue" (le titre français). Á cette époque de code Hays et de puritanisme, il y est question d'une jeune fille passionnée de plomberie. Une fois que l'on saisit la métaphore sexuelle, le film devient d'une audace folle et jubilatoire.

To watch or not to watch? That is the question.

PS: Attention! C'est bien sûr la version de Lubitsch qu'il faut voir, et non le remake de Mel Brooks, non déshonorant, mais largement en dessous de l'original.

 

Pour citer cette ressource :

Lionel Gerin, "«To Be or Not to Be» / «Jeux Dangereux» (Ernst Lubitsch - 1942)", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2015. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/arts/cinema/to-be-or-not-to-be-jeux-dangereux-ernst-lubitsch-1942-