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Condamnés à l'exil en désespoir de cause

Par Imane Boulkroun
Publié par Narimane Abd Alrahman le 22/06/2017

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Le réel exil commence lorsque le présent est confisqué, quand on est condamné à rêver du temps d'avant et attendre l'avenir. ((Dispersés)) est un roman qui traite avec mélancolie, le sort d'une famille chrétienne irakienne, dont les membres ont été contraints de quitter leur pays, frappé par la malédiction de la guerre et devenu inhabitable.

Le réel exil commence lorsque le présent est confisqué, quand on est condamné à rêver du temps d'avant et attendre l'avenir.

Dispersés est un roman qui traite avec mélancolie, le sort d'une famille chrétienne irakienne, dont les membres ont été contraints de quitter leur pays, frappé par la malédiction de la guerre et devenu inhabitable.

Un roman à tiroirs dont le récit principal est celui de Wardiya, gynécologue de 84 ans, qui arrive en France chez sa nièce, une poète, qui, elle aussi a fui le pays.

Jeune, Wardiya travaillait à Diwaniya, une ville de province et où les conditions sanitaires étaient très rudimentaires. Elle se bat pour améliorer la situation de l'hôpital et gagne le respect de ses collègues et de ses patientes.

Mariée, puis mère de trois enfants, elle retourne à Bagdad pour travailler dans de meilleures conditions.

C'était l'époque où toutes les communautés cohabitaient pacifiquement. La deuxième guerre du Golfe vient alors accentuer la désagrégation de l'Irak, les tensions montent entre les communautés et Wardiya a peur pour ses enfants, surtout quand on a voulu s'en prendre à sa fille Yasmine.

Dans ce roman, Inaam Kachachi reprend dans un exercice de style sur le temps et sur le langage deux narrateurs. Une narration faite d'enchevêtrements de flash-backs, de digressions, de nostalgie et de quête d’identité.

Plusieurs voix se font entendre et plusieurs époques s'entremêlent, au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire, le narrateur met en scène d'autres personnages qui ont tous un lien de parenté avec Wardiya. Et dans les chapitres :03,05 11,15,26,31,39 et 40 il cède la parole à la nièce de Wardiya, la mère de Iskandar, cet adolescent qui a grandi à Paris et qui ne connait son pays d'origine, qu'à travers les morts pleurés pas ses proches. Il crée alors un cimetière virtuel où il essaye de réunir tous les dispersés de l'Iraq, afin que les survivants puissent peut-être faire le deuil et retrouver la paix et la tranquillité.

L'auteure parle aussi de l'intégration avec le personnage de Hinda la fille de Wardiya qui tombe sous le charme du Canada, pays de l'exil involontaire pour ses enfants, dans l'espoir qu'ils ne soient pas étrangers dans cette terre d'accueil.

" elle appréhende de ne pas pouvoir travailler avec des étrangers, de surcroit, dans une région lointaine…elle a lu que leurs croyances ont pour objet la terre, la mère de tout, et la nature qui change avec les saisons. Dès lors, comment la considéreront-ils ainsi que sa religion, elle qui vient d'un pays dont la plupart n'ont jamais entendu parler ? elle a peur qu'ils ne comprennent pas son accent mais les choses se passent de façon positive avec le premier malade puis le deuxième et avant d'accueillir le troisième elle appelle Salam :

- Je reviendrai le vendredi pour passer le weekend avec toi, mais je continue dans le Manitoba."

Cet exil a permis de structurer son identité à travers les différences en multipliant les points de vue et en favorisant l’ouverture sur le monde.

Ce n'était pas le cas pour Iskandar qui nous parait bien enraciné "revenu dans son domicile sommaire accroché au onzième étage, Iskandar oublia les grandes maisons de Bagdad avec leur congélateurs pleins de poulets et de glaces motta. Il grandit à Paris, leur situation évolua, leur appartement s'agrandit." C

Cependant avec l'arrivée de sa tante Wardiya, il renoue avec son pays et multiplie les expériences de l'entre-deux et créant le cimetière électronique pour réunir tous les dispersés de l'Iraq.

Séparation, chagrin, nostalgie, et crise identitaire, telles sont les conséquences de l'exil et dont personne ne semble donner d'importance.

Wardiya représente ces irakiens qui emportent avec eux les souvenirs d'un pays déchiré par la haine et la violence. Elle prie le ciel pour lui, ce ciel clément et tendre qui ne l'a jamais déçue auparavant, mais il ne répond toujours pas.

 

Pour citer cette ressource :

Imane Boulkroun, Condamnés à l'exil en désespoir de cause, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juin 2017. Consulté le 08/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/arabe/litterature/contemporaine/fiches-de-lecture/condamnes-a-l-exil-en-desespoir-de-cause