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Le mondain et le religieux dans le système culturel de l’«adab» classique

Par Moulay Mustapha Tesrif : Docteur en littérature arabe classique,PRAG - chercheur associé au CIHAM - Université Lyon 2
Publié par Fatiha Jelloul le 27/05/2022

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L’((adab)) est un concept très utilisé dans l’histoire littéraire de l’arabe classique. Objet de nombreuses interprétations, le mot va devenir un « fourre-tout » pour désigner tour à tour festin, coutumes, normes, règles de conduite, art de vivre, codes éthiques, règles morales, éducation, pratiques sociales, culture, etc. Au IIIe/IXe siècle, l’usage du concept de l’((adab)) se réorganise en amont des changements politiques, sociaux et religieux. Les meilleurs représentants de l’((adīb)) de l’époque sont al-Ǧāḥiẓ et Ibn Qutayba. Ils sont considérés comme les principaux rénovateurs de l’((adab)). Ils en ont fait une conception du savoir et du savoir-être essentiels pour discipliner l’esprit et l’ancrer dans son cadre islamique. Leurs chefs-d’œuvre ont formé le noyau dur sur lequel, entre autres, les lettres et humanités arabes se sont fondées.

« Nous avons entendu dire, de nos maîtres, pendant leurs cours, que les fondements de l’adab reposaient sur quatre ouvrages : Adab al-kātib d’Ibn Qutayba ((213-276/828-889 ; grand polygraphe du IIIe/IXe siècle, à la fois théologien et auteur d’adab)), al-Kāmil d’al-Mubarrad ((210-286/825-899 ; philologue célèbre par son traité d’adab classique : al-Kāmil fī lluġa wa-l-adab.)), al-Bayān wa-l-tabyīn d’al-Ǧāḥiẓ ((160-255/776-868 ; prosateur célèbre et auteur d’ouvrages d’adab et de polémique politico-religieuse.)) et al-Nawādir d’Abū ‘Alī al-Qālī al-Baġdādī ((288-356/901-967 ; grammairien et lexicographe célèbre.)). Tous les autres traités littéraires ne sont que des imitations et des ramifications de ceux-ci. Les auteurs modernes en ont composé un grand nombre ((Ibn Ḫaldūn. 1998. Kitāb al-‘Ibar wa-dīwān al-mubtada’ wa-l-ḫabar fī ma‘rifat ayyām al-‘arab wa-l-‘aǧam wa-l-barbar wa man ‘āṣarahum min ḏawī al-sulṭān al-akbar, v. 1 (al-Muqaddima), éd. Abū Ṣuhayb al-Karamī. Riyad : Bayt al-afkār al-dawliyya, p. 301  : وسمِعْنا من شيوخنا في مجالس التعليم أن أصول فنّ الأدب وأركانَه أربعةُ دواوين وهي أدب الكاتب لابن قُتَيبة وكتاب الكامل للمبرَّد وكتاب البيان والتبيين للجاحظ وكتاب النوادر لأبي علي القالي البغدادي وما سِوى هذه الأربعة فتبع لها وفروع منها .وكتب المحدثين في ذلك كثيرة)) » .

Ibn Ḫaldūn ((Ibn Ḫaldūn (732-784/1332-1382) est l’une des importantes figures de la culture arabo-musulmane. Il est connu pour sa Muqaddima (Prolégomènes), l’introduction au Kitāb al-‘Ibar (Le Livre des Exemples), une Histoire universelle monumentale dont l’objet est la civilisation et la société humaine.))

Introduction

Au VIIIe/XIVe siècle, dans sa Muqaddima, Ibn Ḫaldūn a estimé que l’adab classique et ses fondements sont contenus dans quatre traités fondateurs et substantiels. Tout ce qui leur succède n’est qu’un « produit dérivé » de cet art. Les auteurs auxquels Ibn Ḫaldūn se réfère ont vécu, totalement ou partiellement, au IIIe siècle de l’Hégire, et trois des quatre traités ont été produits au IIIe/IXe siècle dans le bas-Irak, dont deux recueils essentiels appartiennent à deux penseurs : al-Ğāḥiẓ et Ibn Qutayba. Mais qu’est ce qui justifie la position d’Ibn Ḫaldūn ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de revenir sur les ouvrages antérieurs dont l’auteur s’est nourri et tenter de répertorier ce qui a donné naissance au terme adab et permis de le définir. Adab est un vocable qui n’a pas eu de tout temps la même signification ni les mêmes interprétations. Le concept est complexe et sa définition n’est pas consensuelle. Les chercheurs du XXe siècle lui ont attribué différents sens, depuis son origine, d’ailleurs controversée, jusqu’à son évolution au cours des siècles.

Chez al-Ğāḥiẓ, les apports de l’adab demeurent un élément significatif car il s’est efforcé d’établir à la fois un mouvement d’échange entre l’adab et la culture d’usage profane, mais aussi des articulations entre la vie future et la vie terrestre, entre les belles-lettres arabes et les sciences philosophico-religieuses. Quant à Ibn Qutayba, il est considéré comme l’homme de synthèse dont le raisonnement se nourrit également des croisements entre l’adab et la théologie : comment se conduire, comment se former dans les aspects moraux et pratiques de la théologie et ses familiarités avec le domaine de l’adab, comment mener les hommes et comment les traiter.

Les deux prosateurs ont réfléchi à la mise en application d’al-amr bi-l-ma‘rūf wa-l-nahy ‘an al-munkar (l’exigence de ce qui est louable et l’interdiction de ce qui est blâmable) ((Cette expression est tirée du Coran, notamment du chap. III (Sūrat Āl ‘Imrān), Verset 104 : (وَلْتَكُن مِّنكُمْ أُمَّةٌ يَدْعُونَ إِلَى الْخَيْرِ وَيَأْمُرُونَ بِالْمَعْرُوفِ وَيَنْهَوْنَ عَنِ الْمُنكَرِ وَأُولَئِكَ هُمُ الْمُفْلِحُونَ) « Puissiez-vous former une communauté, dont les membres appellent les hommes au convenable, leur ordonnent le bien et leur interdisent le mal, voilà ceux qui seront heureux » Trad. MASSON, Denise, revue par EL-SALEH, Sobhi. 1989. Essai d’interprétation du Coran inimitable. Beyrouth : Dar al-kitab allubnani, p. 81.)), un principe explicitement employé de manière récurrente dans les premiers siècles de l’islam. Ils y ont intégré la nécessité d’acquérir les qualités et les vertus attribuées par l’adab ainsi que le dressage auquel les âmes doivent être soumises pour les inscrire dans le devoir islamique. Comment peut-on donc parler schématiquement de l’adab et comment décrire ses relations avec le monde qui l’entoure, sans prendre en considération les circonstances historiques et sociales, et sans se poser d’abord la question de l’interaction entre les affaires religieuses et mondaines et leur lien avec la culture dite « profane » dans une société particulièrement théocentrique ?

1. L’adab, un concept polysémique 

Qu’est ce que les [anciens] Arabes voulaient dire quand ils disaient de quelqu’un qu’il était doté d’adab ? La question est redoutable, au moins pour trois raisons : D’abord parce que le concept d’adab classique implique tout ce qui touche à la culture, à l’art de bien vivre, à l’esthétique, aux relations entre chaque groupe social, et à une pensée à la fois sur les valeurs, les vertus et l’exercice du pouvoir, mais aussi la représentation des mondes. Ensuite parce que la question a tendance à se placer dans des interstices entre l’éthique et l’esthétique, la morale et la vie sociale, la culture intellectuelle et la déontologie des professions rattachée au pouvoir. Enfin, dans sa formulation même, la question « Qu’est ce que l’adab à la période classique? » nous replonge au cœur des querelles entre les écoles d’études grammaticales de Baṣra et de Kūfa, de la querelle culturelle de la Šu‘ūbiyya ((Mouvement de lutte en faveur de l’égalité entre Arabes et ‘Aǧam (non-Arabes) ou pour affirmer la supériorité des ‘Aǧam sur les Arabes. La Šu‘ūbiyya atteint son apogée au IIIe/IXe siècle et fut livrée dans le domaine de l’adab. Dans ce mouvement culturel, les ‘Aǧam dénient l’importance et les mérites que les Arabes prétendent avoir.)), du rôle joué par la zandaqa ((Hérésie, et de manière restreinte la pratique du manichéisme.)), ou dans des débats surannés entre tradition lexicale arabe et celle des orientalistes sur les origines du terme.

Cependant, il est convenu que le terme adab (pluriel ādāb) s’applique dans son sens le plus ancien à « une habitude, une norme pratique de conduite, avec la double connotation d’être louable et héritée des ancêtres » ((GABRIELI, Francesco. 1960. « adab », in l’Encyclopédie de l’Islam, 2ème éd., vol. 1. Leyden : Brill, p. 180.)). Pour Al-Ḫalīl b. Aḥmad al-Farāhidī (m. 170/786), philologue et lexicographe arabe, l’entrée adab dans son Kitāb al-‘Ayn (Le Livre du ‘Ayn) ((Du nom de la dix-huitième lettre de l’alphabet arabe. Laryngale sonore, elle est la consonne la plus profonde phonétiquement selon les zones d’articulation.)), considéré comme le premier dictionnaire arabe, a une seule signification : l’invitation à une ma’duba (festin). Quant à al-Ṣāḥib b. ‘Abbād (m. 385/995), il qualifie, dans son dictionnaire arabe en dix volumes, al-Muḥīṭ fī lluġa (L’Intégral de la langue), le mot adab de « ma‘rūf » (« connu », dont tout le monde connaît l’emploi), cela sous-entend qu’il est inutile de le définir. Il le relie néanmoins à deux autres noms verbaux adb et idb auxquels il attribue le synonyme ‘aǧab (remarquable/merveilleux/extraordinaire). Dans le dictionnaire Lisān al-‘arab (La Langue des Arabes) d’Ibn Manẓūr (m. 711/1312), l’origine du terme remonte à al-du‘ā’ (l’invitation [à un repas ou à une vertu]), il correspond à al-ẓarf (l’élégance et le raffinement) et peut être scindé en deux classes : adab al-nafs (l’adab de l’âme noble/des belles qualités de l’âme) et adab al-dars (l’adab de l’éducation et des études).

Par ailleurs, le mot adab ne figure pas dans le Coran, mais le radical D’B est cité dans le Coran cinq fois sous la forme d’un maṣdar (nom verbal) : dans Sūrat Yūsuf (Chap. XII), verset 47 ((دَأَبًا فَمَا حَصَدتُمْ فَذَرُوهُ فِي سُنبُلِهِ إِلاَّ قَلِيلاً مِّمَّا تَأْكُلُونَ   « Joseph dit : "Vous sèmerez, comme d’habitude, durant sept années. Laissez-en épis ce que vous aurez moissonné, sauf la petite quantité que vous consommerez." » Trad. MASSON, Denise, revue par EL-SALEH, Sobhi, Essai d’interprétation du Coran inimitable. Op. cit., p. 311.)) : « da’ab » qu’al-Zamaḫšarī (m. 538/1144) commente dans son ouvrage d’exégèse du Coran al-Kaššāf : « da’b fī-l-‘amal » (action de guider à accomplir un fait) ; dans Sūrat Ġāfir (Chap. XL), v. 31 ((مِثْلَ دَأْبِ قَوْمِ نُوحٍ وَعَادٍ وَثَمُودَ وَالَّذِينَ مِن بَعْدِهِمْ وَمَا اللَّهُ يُرِيدُ ظُلْمًا لِّلْعِبَادِ  « Un sort semblable à celui du peuple de Noé, des ‘Ad, des Thamoud et de ceux qui vécurent après eux –Dieu ne tolère pas l’injustice envers ses serviteurs ! » : Trad. MASSON, Denise, revue par EL-SALEH, Sobhi., Op. cit., p. 623.)) : « da’b » qu’al-Zamaḫšarī relie à l’expression traditionnelle da’bihim fī ‘amalihim (usage/coutume/norme consécutive de conduite) ; cette explication convient également à « da’b » dans trois autres occurrences identiques ka-da’bi āli Fir‘awna wa-llaḏīna min qablihim (Tel a été le sort des gens de Pharaon) par lesquelles commencent trois versets, deux de Sūrat al-Anfāl (Chap. VIII), v. 52 et v. 54, et le dernier de Sūrat Āl ‘Imrān (Chap. III), v. 11.

En recourant aux travaux de l’allemand Karl Vollers (1857-1909) sur les langues sémitiques et le Coran, il semblerait probable que la première attestation du mot adab soit dérivée de la racine arabe D’B. Par voie de retour, le pluriel de da’b, qui est ad’āb, allait devenir ādāb. Ce dernier pourrait être alors aussi bien le pluriel de da’b que celui d’adab selon le système phonologique de l’arabe archaïque. La remarque de Vollers se fonde sur la juxtaposition des deux hamza ((La lettre arabe hamza est une attaque vocalique, elle « s’écrit avec un support (’alif : أ ou إ, wāw : ؤ ou yā’ sans points : ئ) ou sans support (ء). De plus, quand deux ’alif doivent se suivre (أا ou أأ), on écrit le deuxième sur le premier et la hamza disparaît : c’est alif mamdūda ou madda » : NEYRENEUF, Michel et AL-HAKKAK, Ghalib. 1996. Grammaire active de l’arabe littéral. Paris : Le Livre de Poche, p.12.)). De ad’āb donc, on obtient le mot ādāb qui deviendra le pluriel d’adab et qui occasionnera un glissement à peine perceptible du sens de da’b (Coutume, usage) vers celui d’adab.

Pour l’italien Carlo-Alfonso Nallino (1872-1938), sous les premiers Abbassides jusqu’au début du IIIe/IXe, à partir du sens de « belles qualités de l’âme », on est arrivé par une autre évolution au sens de « somme de connaissances profanes », soit la manière de se conduire adéquatement sans nécessairement de lien avec la morale religieuse. Certains chercheurs assimilent cette pratique à l’habitus des sociologues contemporains. Selon Nallino, même si ces connaissances profanes ont toutefois pris de l’envergure grâce à leur caractère moral, elles ne devraient pas être appliquées à n’importe quelles règles en rapport avec la science religieuse et le droit musulman. Nallino reprend la distinction que les auteurs médiévaux faisaient pour différentier le savoir profane qu’ils appellent ma‘rifa (connaissance) et la connaissance de Dieu et de tout ce qui touche à la religion que désignerait ‘ilm (science).

Dans l’article adab de la seconde édition de l’Encyclopédie de l’Islam, Francesco Gabrieli (1904-1996) estime que dans son sens le plus ancien, adab peut être considéré comme synonyme de sunna ((Ici, sunna dans le sens de règles ancestrales et surtout anté-islamiques. Sinon, dans la tradition musulmane, sunna désigne les actes et les paroles attribués au Prophète. Au IIIe/IXe siècle, la sunna s’est fixée dans six recueils de Ḥadīṯ régissant l’ensemble de la vie religieuse des Sunnites entre autres.)) (habitude/norme héréditaire de conduite/coutume) reçue des ancêtres et autres personnages que l’on se propose de prendre pour modèle. Cette explication se recoupe avec les affirmations de Charles Pellat (1914-1992) qui trouve qu’adab et sunna ont un sens parallèle voire semblable, se fondant lui-même sur l’hypothèse d’une proximité sémantique, entre les deux termes, formulée bien avant par Nallino. Néanmoins, ni la fonction de sunna, ni le concept opposé à ‘ilm, ne semblent être rattachées inexorablement à une vocation étymologique. Ils sont en effet soumis à un processus sous-jacent qui renvoie en miroir à « une représentation imaginaire du monde arabo-musulman classique, non dénuée d’essentialisme » ((ZAKHARIA, Katia. Printemps 2014. « Adab : la prose littéraire dans la culture arabe classique », in Encyclopédie de l’humanisme méditerranéen, éd. Touati Houari. <http://www.encyclopedie-humanisme.com/?Adab-16>)).

L’étude des occurrences les plus anciennes d’adab semble donc nécessaire pour reconsidérer les contours textuels et structurels de chaque utilisation d’adab et forger une nouvelle synthèse, tant il est vrai qu’en plus des aqwāl (énoncés) contradictoires des premiers siècles islamiques, un grand nombre de définitions disparates tiraillent le concept d’adab de tous côtés. Des strates de l’adab concernant ṭa‘ām (nourriture/les manières de table), šarāb (boisson), libās (vêtements), à adab al-nadīm (les connaissances du commensal/le savoir vivre du [bon] compagnon), adab al-ḥadīṯ ((Une expression qui figure dans al-Mas‘ūdī (m. 345/956). 1988. Kitāb Murūǧ al-ḏahab wa-ma‘ādin al-ǧawhar fī tuḥaf al-ašrāf min al-mulūk wa-ahl al-dirāyāt (Les Laveries d’or et des minerais précieux connu par Les Prairies d’or), v. 3, éd. As‘ad Dāġir. Qom : Dār al-hiǧra, p. 269 : wa-min adab al-Ḥadīṯ wa-wāǧibātih ([au nombre de ce qui constitue] l’adab d’une conversation convenable et ses devoirs).)) (conversation) se sont identifiés aux usages de l’adab dans le sens de la bonne conduite et la bienséance dans la vie sociale. Mais le mot adab a pris aussi un sens intellectuel qui s’est tout d’abord ajouté au sens éthique et moral pratique avant de s’en distinguer toujours davantage. L’adab évolue alors dans le sens de « somme des connaissances et des arts, de bien vivre et de bien écrire, qui rendent l’adīb (l’honnête homme) courtois et urbain ».

2. L’adab classique, un kaléidoscope culturel

Au premier siècle de l’Islam, les conquêtes avaient permis d’étendre l’Empire musulman de l’Andalousie à la Transoxiane. La civilisation arabe fut peu à peu imprégnée par les cultures des peuples conquis. Ce brassage engendra une grande effervescence politique et intellectuelle. C’est dans ce contexte que le cinquième calife umayyade ‘Abd al-Malik b. Marwān (r. 65-86/685-705) fut le premier à pratiquer une politique d’arabisation des dīwān et de la monnaie. C’était le premier pas vers la réorganisation et l’unification des divers systèmes fiscaux dans les provinces, et aussi un pas vers l’islamisation définitive de l’administration. Auparavant, l’arabe n’avait été qu’occasionnellement employé, les dīwān al-ḫarāǧ (ministère des impôts fonciers) employaient les langues locales : le persan en Irak et en Perse, le syriaque et le grec en Syrie, le copte et le grec en Égypte, et suivaient les anciennes pratiques pour la tenue des livres et des archives. La fonction de kātib (secrétaire de chancellerie), essentiellement liée à l’institution d’al-dīwān (chancellerie), fut en grande partie tributaire des traditions administratives des empires sassanide et byzantin. C’est dans ces dīwān que l’héritage de la culture arabo-musulmane classique s’inspirera des savoirs et des cultures antérieurs (hindou, grec, syriaque, persan, etc.), et qu’émergeront les aspects éthique, esthétique et comportemental de la kitāba (secrétariat de chancellerie) qui contribueront à la naissance du concept d’adab dans son aspect haut-médiéval. Sous ‘Abd al-Malik b. Marwān, l’arabe devient la langue officielle. Des formulaires arabes sont introduits et les anciens calendriers ajustés à l’année lunaire musulmane. Le calife devait lire toutes les correspondances et faire ses commentaires, puis le kātib rédige lettres officielles ou documents administratifs en combinant les diktats littéraires et sociaux, ce qui fera de lui naturellement un homme d’adab.

Une telle activité caractérisa profondément la naissance de la prose littéraire arabe et attribua des contours multiples à un modèle d’adīb décliné tour à tour à travers des qualificatifs variés tels que kātib, fatā (jeune homme), mar’ (de murū’a dans le sens de bienséance, humanité et en même temps virilité que doit posséder tout homme digne de ce nom), ẓarīf (raffiné), ḥāzim (homme ferme au jugement juste et solide). Il était donc nécessaire pour l’adīb parfait d’exceller dans la philologie arabe, dans la connaissance des anciens poètes et dans l’explication de leur poésie, de celle des Ayyām al-‘Arab (récits des batailles qui opposaient les tribus dans le monde préislamique et au tout début de l’Islam) et d’autres traditions préislamiques, mais il lui fallait également et nécessairement maîtriser le Coran et la tradition prophétique musulmane. Vers la fin de la dynastie umayyade et au début du califat abbasside, des kuttāb ((Secrétaires de chancellerie califienne dépendant directement du souverain ou de son vizir. Cette génération de kuttāb, extraimement spécialisés, constitua bientôt une composante importante et influente d’une « caste » de scribes que l’on appella la ḫāṣṣa (l’élite).)) vont composer des ouvrages d’adab mêlant le sens subtil de l’expression linguistique à un savoir encyclopédique pour répondre à tout ce que l’on exigeait d’eux. De ce fait, ils participèrent à instruire un modèle d’adīb tant admiré à l’époque : un homme doté d’un adab caractérisé par une amplification de certains traits littéraires, intellectuels et personnels, et qui aboutit, par la force des choses, à une réflexion éthique et déontologique.

2.1 Évolutions et expansion

Il est convenu que le concept d’adab a été fondé dans le microcosme des secrétaires de chancellerie du IIe/VIIIe siècle. Il a accompagné la naissance de la prose littéraire grâce à l’apport de ses trois principaux fondateurs et kuttāb : Abū al-‘Alā’ Sālim (m. 125/743), ‘Abd al-Ḥamīd b. Yaḥyā al-Kātib (m. 132/750) et ‘Abd Allāh b. al-Muqaffa‘ (m. 139/756). Comme résultat de l’évolution de la fonction de kātib, les Abbassides établirent une direction bureaucratique centrale au moyen de la fonction de wazīr (vizir, le plus haut « fonctionnaire » de l’État, après le calife). Le kātib fut promu aux rangs les plus élevés de la hiérarchie sociale et joua un rôle politique éminent. En conséquence, grâce à l’idéal socio-éthique de l’adīb et à sa notion morale devenue maîtresse, la dimension de l’adab prendra de plus en plus d’envergure. Les administrateurs lettrés vont incontestablement jouer un rôle de plus en plus important dans l’élaboration de modes d’expression et de supports textuels nécessaires pour mener une réflexion sur l’adab. On composa alors des ouvrages spécialement consacrés à ce genre, des ouvrages d’adab, relevant tantôt d’une écriture en prose et en vers appréciée plus pour son esthétique que pour son contenu formatif, tantôt des appréciations morales, critiques, anecdotiques, historique, ou biographique. Cette évolution a accentué d’une part le sens intellectuel, qui désigne la somme des connaissances indispensables au musulman pour vivre dans sa société, y occuper une fonction sociale et y tenir un rang, et d’autre part, le côté éthico-social de la bonne éducation qui rend l’homme courtois et urbain. Par la suite, le concept d’adab a conservé la signification éthique et sociale, groupant une foule de qualités, notamment celles des hommes de lettres, et cela durant toute la période de la civilisation musulmane médiévale, même à l’époque des grands amīr (prince, gouverneur ou commandant en chef) quand les kuttāb furent éclipsés par les chefs militaires qui mirent pratiquement la main sur le gouvernement.

Pourtant, si les udabā’ (pl. d’adīb) travaillaient pour la plupart dans l’administration de la chancellerie, ils ne formaient pas pour autant une caste largement fermée. En revanche, les premiers textes d’adab, livrant la matière première d’une réflexion inaccessible au commun, se sont peu après traduits par l’élitisme de l’adab. L’adīb n’est plus seulement cultivé en poésie et prose arabes, en maximes et proverbes, en généalogie et tradition de la ǧāhiliyya (la période anté-islamique), mais il élargit son intérêt au monde persan (tradition gnomique), au monde indien (fable) et au monde grec (philosophie pratique, surtout éthique et économique). C’est ainsi que naquit au IIIe/IXe siècle la grande littérature d’adab, d’érudition variée et agréable. Elle devenait l’épine dorsale de la haute culture abbasside. Les premiers textes « publics », résultant des transformations de la prose littéraire de l’époque et du contact de l’Islam avec les cultures environnantes, ont marqué progressivement le raffinement du patrimoine arabe. L’adab a pris ainsi le sens de bonne qualité de l’âme, bonne éducation, urbanité et courtoisie. En plus d’un homme d’esprit, l’adīb devient aussi un homme de cour doué à la fois pour les règles de savoir-vivre et pour les codifications de convenance. Il a le goût des bons mots, des bonnes manières de vivre, de se vêtir, de manger et, de façon générale, de se comporter. Adab équivaut, en ce sens, au latin urbanitas, civilité, courtoisie, car ce sont les qualités qu’est censé posséder un citadin par opposition aux bédouins. L’adīb deviendra également un homme sachant bien se conduire, enclin à la plaisanterie sans tomber dans l’excès, connaissant parfaitement les plaisirs de la table et de la conversation, et dont les qualités réunies lui assurent de la part de son entourage une grande amitié.

Nous remarquons ainsi que l’évolution de l’adab est marquée par un certain nombre de dimensions labiles. Par ailleurs, ne perdons pas de vue que la transmission du savoir passait encore par l’oralité. Les ouvrages dépositaires du savoir de l’époque étaient l’exception. Or, actuellement, nous n’avons accès à cet héritage qu’à travers ces écrits arrivés jusqu’à nous. Les conditions de la diffusion littéraire doivent donc être examinées à la lumière des outils de la critique littéraire nous incitant à relativiser nos constats et à ne jamais les ériger en vérité absolue. Seulement, l’imbrication en réseaux de ces phénomènes peut donner sens à la valeur sémantique globale du terme adab. Certaines références semblent s’imposer d’elles-mêmes pendant que des repères anciens semblent s’estomper. L’un des sens le plus ancien du mot qui s’applique à une habitude ou une norme pratique de conduite louable est justement tombé en désuétude pour laisser place au contenu éthique de la signification primitive d’adab.

2.2 Œuvres significatives au IIIe/IXe siècle

Par le génie des grands lettrés du IIIe/IXe siècle, le contact avec les cultures non-arabes (indienne, iranienne, hellénistique) élargit le contenu de l’adab en humanitas arabe : un concept qui, caractérisant ce qui est propre à l’homme, signifie, tout à la fois, « l’ensemble des caractères qui définissent la nature humaine », « le sentiment de bienveillance » et « la culture » proprement dite. Là, al-Ǧāḥiẓ, Ibn Qutayba et d’autres de leurs contemporains étendirent l’héritage légué à la société musulmane. En plus de celle du Coran, les connaissances transmises par les livres prennent de plus en plus d’ampleur avec cette génération, et l’adab, comme humanités et connaissances générales nécessaires à tout homme « supérieur », prend un sens plus complexe et plus riche. Une richesse qui passe par les œuvres historiques, littéraires et didactiques et les traités sur différents sujets qui mettent l’éthique et la morale au sommet des exigences de l’intelligence. Au cours de cette période, des ouvrages généraux furent écrits par des auteurs employés comme kātib ou comme qāḍī (agent de l’autorité investi du pouvoir de juridiction) qui avaient à leur disposition les matériaux onéreux qui servaient alors de supports à l’écriture. Les livres se répandirent rapidement et les iǧāza (certificats de lecture et autorisations de transmission) se constituèrent comme une sorte de cadrage et d’authentification non seulement des œuvres théologiques mais aussi des livres généraux, historiques, mystiques et philologiques, ou encore les recueils littéraires, en prose et en poésie.

Les ouvrages d’adab peuvent être classés approximativement dans trois catégories, quand bien même leur porosité peut être constatée parfois au sein de la même œuvre. Cette répartition a été établie par Charles Pellat pour faciliter la réflexion sur les textes d’adab. Katia Zakharia l’a reprise de façon synthétique et pratique, même si elle constate que « sur le plan thématique, l’éclectisme constitutif de l’adab (« un peu de chaque chose ») rend toute catégorisation délicate. ». Il est possible néanmoins de distinguer :

  • Les ouvrages d’adab aḫlāqī (ouvrages d’éthique, de raffinement et de développement de la pensée morale) incluant les « épîtres spéculatives, recueils d’anecdotes édifiantes et manuels de savoir-vivre, qu’ils soient à caractère normatif et prescriptif (faites/ne faites pas) ou qu’ils procèdent par l’exemple » ((ZAKHARIA, Katia. Janvier 2012. « Genèse et évolution de la prose littéraire : du kātib à l’adīb », in BLANQUIS, Thierry, GUICHARD, Pierre et TILLIER, Mathieu (dir.). Les débuts du monde musulman : VIIe-Xe siècle, Ch. XXI. Paris : PUF (Nouvelle Clio), p. 328.)). Le conseil s’y exprime dans un style plaisant et efficace, comme dans Kitāb al-Buḫalā’ (Le Livre des Avares) d’al-Ǧāḥiẓ, et la morale y est fondée à la fois sur l’observance de bonnes mœurs que le ‘āqil (l’homme intelligent et raisonné) saura respecter comme il convient, mais aussi sur une analyse spirituelle pénétrante dans le cadre formel des traditions islamiques. Il en va de même dans plusieurs autres traités du même auteur : Risālat al-Ma‘ād wa-l-ma‘āš (Épître sur la Vie dans l’au-delà et la vie mondaine), Faṣl mā bayna l-‘adāwa wa-l-ḥasad (La Distinction entre l’inimitié et l’envie), al-Mawadda wa-l-ḫalṭa (L’Amitié et la sociabilité), etc.
  • La branche d’adab ṯaqāfī (ouvrages de culture générale nécessaire) donnera à l’homme de lettres l’occasion de parfaire son adab wa-ma‘rifa (culture générale) et de diversifier ses connaissances. Combinant culture et pédagogie, ces ouvrages ont comme but immédiat de former et développer la culture générale de l’adīb et de lui permettre de briller dans les conversations pour paraître comme un homme cultivé. Ces recueils, tantôt encyclopédiques ou sous forme de compendiums généraux, tantôt consacrés à des questions spécifiques, versaient dans la connaissance de la langue, de la prose, de la poésie et des Ayyām al-arab. Parmi les ouvrages types d’adab ṯaqāfī, nous pouvons donner comme exemple deux ouvrages représentant deux piliers ḫaldūniens parmi les quatre cités plus haut, à savoir : le traité d’adab classique par excellence, al-Kāmil fī lluġa wa-l-adab (Somme parfaite de langue et d’adab) d’al-Mubarrad (m. 286/899) et al-Amālī (Dictées) d’Abū ‘Alī al-Qālī (m. 356/967) qui traite de toute question imaginable en matière de philologie. Nous pouvons citer également l’exemple de Kitāb al-Bayān wa-l-tabyīn (Le Livre de l’Intelligibilité  et de la démonstration) d’al-Ǧāḥiẓ, et ces deux exemples d’Ibn Qutayba : al-Ma‘ārif (Le Livre des Connaissances [indispensables]) qui rassemble des éléments provenant à la fois du Coran, du Ḥadīṯ (dits et actes attribués au prophète Muḥammad et rapportés par ses proches), de la poésie, des traditions préislamiques et de la culture de la Perse, et ‘Uyūn al-aḫbār (Historiettes choisies) qualifié parfois de première somme exhaustive rassemblant la tradition culturelle à dominante éthique arabo-musulmane, Dans l’introducion de ce dernier ouvrage, l’auteur précise que son livre est un « guide vers la haute moralité » (muršid li-karīm al-aḫlāq) et un « cheminement vers Dieu » (ṭarīq ilā Allāh) car il n’est pas destiné exclusivement au mondain (ṭālib al-dunyā) mais aussi à celui qui est attaché à l’au-delà (ṭālib al-āḫira).
  • La troisième catégorie comprend l’adab mihanī (ouvrages dédiés à un corps de métier ou de spécialité, parfois à caractère déontologique). Elle inclut les manuels traitant des compétences techniques, des recommandations, des comportements et des valeurs morales, obligatoires ou souhaités, dans la pratique d’une fonction (kātib ((الكاتب الأديب (l’adīb et scribe à la fois) : Ibn Qutayba. 2000. Al-Ši‘r wa-l-šu‘arā’, éd. Mufīd Qumayḥa et Muḥammad Amīn al-Ḍannāwī. Beyrouth : Dār al-kutub al-‘ilmiyya, p. 31.)), malik ((أدب الملوك (l’adab des rois) : Ibn Qutayba. 1985. ‘Uyūn al-aḫbār, éd. Yūsuf ‘Alī Ṭawīl, T. 1. Beyrouth : Dār al-kutub al-‘ilmiyya, p. 106.)) (roi), wazīr, qāḍī, nadīm, etc.). Cela comporte des œuvres réputées comme : Risālat al-Ḥuğğāb (Épître sur les chambellans) et Risālat al-Mu‘allimīn (Épître sur les Maîtres d’école) d’al-Ǧāḥiẓ, Adab al-kātib (L’Adab du secrétaire) d’Ibn Qutayba, un ouvrage qui indique les règles de conduite utiles et l’ensemble des connaissances nécessaires que le secrétaire doit maîtriser avant d’occuper les bureaux du pouvoir califien toujours en aspirant à être récompensé dans l’au-delà.

Le concept d’adab dans la culture arabo-musulmane semble donc avoir des contours assez différents selon les auteurs et les périodes. Nous essayerons dans le chapitre suivant de nous focaliser sur les œuvres de deux auteurs, al-Ǧāḥiẓ et Ibn Qutayba, et d’une période précise (IIIe/IXe s.). Cela nous permettra, à un certain stade de la recherche, de limiter les acceptions du concept d’adab.

3. Al-Ǧāḥiẓ et Ibn Qutayba, la refondation du concept de l’adab

3.1 L’amorce d’une nouvelle définition

Al-Ǧāḥiẓ fut un théologien parmi les esprits les plus libres de son temps ; érudit et essayiste spirituel. Après avoir passé des jours et des nuits chez les libraires, dont il lit les ouvrages avec avidité, al-Ǧāḥiẓ pénètre dans les cercles où s’établissent les règles dont la connaissance est indispensable à l’homme cultivé. Ses œuvres regroupent un ensemble de connaissances nécessaires à un adīb et proposent les moyens de former son esprit et développer son sens critique. La postérité a surtout retenu parmi les œuvres d’al-Ǧāḥiẓ celles relevant de la littérature d’adab. Mais, outre son savoir encyclopédique dans les sciences coraniques, le Ḥadīṯ et l’éloquence officielle, il a parfaitement rempli son rôle de théoricien et de polémiste. Véritable innovateur d’une prose littéraire en langue arabe, il a su choisir parmi les traditions arabes et les données de l’hellénisme, les éléments constituants de la culture arabo-musulmane. En dépit de son origine non-arabe, al-Ǧāḥiẓ fut profondément arabophile. Curieux de tout ce qui touche à l’homme et à sa culture matérielle et spirituelle, il a pu donner naissance à des œuvres littéraires où il n’hésita pas à remettre en question certaines croyances établies. Dans ses épîtres en très grand nombre et ses œuvres remarquables, al-Ǧāḥiẓ traite avec un sens du comique et un scepticisme enjoué les thèmes les plus variés. Plaire et distraire en instruisant, telle était sa devise. En effet, c’est avec al-Ǧāḥiẓ que le système de valeur de l’adab se manifeste dans tout son éclat. Il a pu élargir l’ancien concept d’adab vers d’autres domaines du savoir et viser ainsi à rassembler tout à la fois la tradition arabe, les exigences de la foi musulmane et la pensée rationnelle qui marie la culture antique héritée des Grecs, des Persans et des Indous avec celle qui se développe par le biais d’une intense activité intellectuelle portée par la langue arabe. Pour al-Ǧāḥiẓ, l’adīb incarne l’image d’un homme cultivé qui possède des connaissances diverses fondées sur la détermination de soumettre la connaissance à l’exercice de la raison. En même temps, les exigences de la pensée doivent être adaptées à un style libre mais précis, voire réaliste, de la prose arabe afin d’en faire un instrument d’ouverture sur le monde.

Connaissant bien la philosophie gréco-arabe, al-Ǧāḥiẓ ne s’est pas contenté de préconiser des règles de conduite pour l’adīb, mais il a fait de la morale de l’adab une discipline. Dans ses écrits, le terme adīb est souvent accordé aux adjectifs ḥakīm ((وكان حكيماً أديباً (il était à la fois sage philosophe et adīb) : al-Ǧāḥiẓ. 1948. Al-Buḫalā’, éd. Ṭāha al-Ḥāğirī. Le Caire : Dār al-ma‘ārif, p. 12.)) (sage philosophe), ‘ālim (( (ou un savant et adīb à la fois) : al-Ǧāḥiẓ. 1964. « Al-Tarbī‘ wa-l-tadwīr », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, éd. ‘Abd al-Salām Muḥammad Hārūn, T. 2-3. Le Caire : Maktabat al-Ḫānğī, p. 82.)) (savant/homme de sciences) ou ‘āqil (( عاقلاً أديباً حازماً (adīb intelligent au jugement solide) : al-Ǧāḥiẓ. 1960 (1947). Al-Bayān wa-l-tabyīn, éd. ‘Abd al-Salām Muḥammad Hārūn, v. 1-1. Le Caire : Maktabat al-Ḫānğī, pp. 182-183.)) (doué de raison). Il associe à udabā’ les ‘ulamā’ (pl. de‘ālim) et il en cite quelques exemples ((ومعنا في المجلس إبراهيم النّظَّام، وأحمدُ بن يوسف، وقُطرُبٌ النحوي، في رجالٍ من أُدَباء الناس وعلمائهم، (avec nous en séance, parmi les hommes, des udabā’ et ‘ulamā’ dont Ibrāhīm al-Naẓẓām, Aḥmad b. Yūsuf et Quṭrub al-Naḥwī) : al-Ǧāḥiẓ. Al-Bayān wa-l-tabyīn, v. 1-2. Op. cit., p. 330.)) dont Qutrub al-Naḥwī (((m. 206/821), grammairien et lexicographe basrien.)), Aḥmad b. Yūsuf (((m. 213/828), secrétaire d’al-Ma’mūn.)) et Ibrāhīm al-Naẓẓām ((m. 225/840), théologien de la doctrine mu‘tazilite. Al-Ğāḥiẓ fut son disciple en théologie. Mais, « dans ce domaine, la réputation d’al-Naẓẓām pâlit assez rapidement. Il fut victime de son esprit et de son imagination, et certaines de ses idées étaient considérées comme insensées, et al-Djāḥiẓ lui-même les rejetait. » : VAN ESS, Josef. « Al-Naẓẓām », in l’Encyclopédie de l’Islam, 2ème éd., vol. VII. Op. cit., p. 1059.)). Les udabā’ sont alors des ḥamalat adab wa-ahl ma‘rifa ((hommes d’adab et de culture) ((حملة الأدب وأهل المعرفة  : al-Ǧāḥiẓ. « Al-Ḥanīn ilā-l-awṭān », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-2. Op. cit., p. 383.))  pour qui les éléments de la culture intellectuelle se fondent sur le ‘aql (la raison/le bon sens). La culture générale de l’adīb évolue en une culture où l’esprit sélectionne les savoirs selon des critères humanistes, ainsi l’adab devient la raison des autres dont on augmente notre propre raison :

"وقد أجمعت الحكماء أن العقل المطبوع والكرم الغريزي لا يبلغان غاية الكمال إلا بمعاونة العقل المكتسب. ومثلوا ذلك بالنار والحطب، والمصباح والدهن. وذلك أن العقل الغريزي آلة والمكتسب مادة، وإنما الأدب عقل غيرك تزيده في عقلك." Al-Ǧāḥiẓ. « Al-Ma‘ād wa-l-ma‘āš », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-1. Op. cit., p. 96 .

« Les sages sont d’accord pour penser que l’intellect potentiel et la noblesse innée n’atteignent la perfection qu’avec l’aide de l’intellect acquis. Et pour illustrer cette idée ils ont parlé du feu et du bois, de la lampe et de l’huile. De fait, l’intellect inné est un appareil et l’intellect acquis une matière. L’adab n’est pas autre chose que l’intelligence des autres que tu ajoutes à la tienne. »

Cela étant, selon al-Ǧāḥiẓ, le caractère inné peut parfois s’imposer durablement aux dépens de l’apprentissage et de l’instruction :

"يأخذ أسوأ خصال أبيه، وأردأ خصال أمه، فتجتمع فيه عظام الدواهي، وأعيان المساوي، وأنَّه إذا خرج كذلك، لم ينجع فيه أدب، ولا يَطمع في علاجه طبيب." ((Al-Ǧāḥiẓ. 1996. Al-Ḥayawān, éd. ‘Abd al-Salām Muḥammad Hārūn, v. 1. Beyrouth : Dār al-ğīl, p. 104))       

 

« [Si le fils] hérite des plus mauvais traits de caractères de son père et des pires traits de caractères de sa mère, alors il accumule le grand malheur et le pire des vices. S’il est de la sorte, toute instruction (adab) sera vouée à l’échec et aucun médecin ne pourra avoir l’espoir de le traiter. »

Ibn Qutayba est également un célèbre polygraphe à l’esprit encyclopédique. Il s’est intéressé à diverses sciences religieuses (Coran, Ḥadīṯ, théologie, droit.), mais également à la philologie, grammaire, poétique, histoire, coutumes des Arabes anciens, vie politique et sociale. Il s’est consacré à l’enseignement des ces disciplines jusqu’à sa mort. Considéré comme le premier représentant de l’école des grammairiens de Bagdad quand il a pu réconcilier les deux écoles rivales en grammaire, Baṣra et Kūfa, Ibn Qutayba use de son esprit de synthèse pour atténuer les divergences doctrinales autour du Coran et du Ḥadīṯ. Il propose également un équilibre entre, d’un côté, les composantes de la morale religieuse et, de l’autre côté, la pensée arabe de l’époque, autorisant une réflexion qui englobe la philologie, l’histoire et la littérature. C’est pour ces raisons qu’il serait présenté idéalement comme l’épistémologue qui est parvenu à opérer la synthèse des « humanités musulmanes » qu’al-Ǧāḥiẓ avait rassemblées et commentées. Gérard Lecomte (1926-1997) fait un constat intéressant dans ce sens, il estime que ces deux plus grands auteurs d’adab du IIIe/IXe siècle formaient les deux volets d’un diptyque, on ne saurait s’intéresser à l’un sans connaître l’autre.

Avec un talent de grand prosateur arabe, Ibn Qutayba commente des passages difficiles du Coran, élabore des études philologiques et rhétoriques du Ḥadīṯ, et en même temps, il ne s’éloigne jamais de son statut d’adīb pratiquant l’adab quand, à titre d’exemple, il présente Kitāb Adab al-kātib comme une encyclopédie synthétique des connaissances méthodologiques et culturelles nécessaires à la formation d’un bon secrétaire, ou quand il illustre la culture générale constituante de l’adab dans Kitāb ‘Uyūn al-aḫbār. Son œuvre d’adab constitue un ensemble cohérent de connaissances intellectuelles, religieuses, morales et pratiques que doit posséder un croyant bien formé.

Chez Ibn Qutayba, l’adīb se distingue par son éducation et son esprit cultivé pour les connaissances générales nécessaires mais il peut également approfondir une connaissance particulière destinée à une fonction sociale déterminée. Pour lui, le ‘āqil est un homme avisé qui fait usage de sa faculté de raisonnement car « toute chose nécessite l’emploi du ‘aql » ((وكان يقال: كل شيء محتاج إلى العقل : Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 1. Op. cit., p. 91.)). Le fil conducteur de tout adab est donc le bon sens :

"Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 2. Op. cit., p. 48. "قيل لبعض الحكماء: متى يكون الأدب شراً من عدمه ؟ قال: إذا كثر الأدب ونقص العقل." 

« On demanda à un sage philosophe : À quel moment l’usage de l’adab devient-il un malheur tel qu’on souhaiterait ne pas en avoir ? il répondit : quand l’adab abonde et la raison diminue »

La vision d’Ibn Qutayba ne s’éloigne pas beaucoup de celle d’al-Ǧāḥiẓ quand il reprend un vers anonyme sur la considération de la fiṭra (le caractère inné) pour annoncer que la manière dont le ‘aql fonctionne prend le dessus sur l’effort de l’élever au rang d’une intelligence digne pour l’adīb :

"إذا كان الطباع طباع سوءٍ // فليس بنافعٍ أدب الأديب.Ibid., p7 

« Quand le naturel est un naturel défectueux, // l’éducation de l’honnête homme (adab al-adīb) n’a guère d’effet avantageux »

Ainsi, les deux auteurs entendaient par adab, entre autres, une « culture générale de l’esprit qui convient aux personnes intelligentes ». L’enseignement de l’adab, tel que le concevait al-Ǧāḥiẓ, recouvre un aspect global et hétérogène ((فخذْ يا أمير المؤمنين أولادك بأن يتعلموا من كلِّ الأدب؛ فإنَّك إن أفردتهم بشيءٍ واحد ثم سئلوا عن غيره لم يحسنوه (Ô prince des croyants, incitez vos enfants à apprendre une chose de chaque composante de l’adab, car s’ils se concentrent sur une seule partie, ils ignoreront les autres) : al-Ǧāḥiẓ. « Ṣinā‘āt al-quwwād », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-1. Op. cit., p. 381.)), il se morcelle ((Suivant le principe : « l’adab consiste à prendre une partie de toute chose [et en faire un ensemble] ».)) pour contenir le vaste champ de la culture générale (zoologie, géographie, théologie, histoire, philologie, philosophie.). Al-Ǧāḥiẓ fait donc la distinction entre deux  sens différents : l’adab maqṣūr (connaissance spécialisée) qui se maintient à une sorte de connaissance relative à un domaine de spécialité, tandis que l’adab mabsūṭ (culture générale) désigne la somme des connaissances générales ((Dans un débat supposé entre le défenseur du livre et le partisan de la poésie, al-Ǧāḥiẓ classe cette dernière comme ceci : ، وهو يُعدُّ من الأدب المقصور وليسَ بالمبسوط[الشعر] ([la poésie] est considérée comme adab de spécialité et non pas adab générique) : al-Ğāḥiẓ. Al-Ḥayawān, v. 1. Op. cit., p. 80.)). Dans la même optique, le concept de l’adab s’échelonne de « règles de conduite » et d’« urbanité et bien être » vers le sens de « connaissances » et « préceptes moraux ». Le désir de généralité joint à celui d’enseigner les connaissances générales vont continuer à être liés  aux composantes de l’adab chez Ibn Qutayba :                                                                                    

في الفرق بين العالم والأديب كان يقال: إذا أردتَ أن تكون عالماً فاقصِد لفنّ من العلم، وإذا أردت أن تكون أديباً فخذ من كل شيء أحسَنَه.  Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 2. Op. cit., p 145                            

« Si tu veux être un savant, étudie une seule branche de la science, mais si tu veux être adīb, prends le meilleur de toute chose. »

Pour Ibn Qutayba, entre la science religieuse et les composantes de l’adab, il y a une différence de quantité et de degré. Un changement intellectuel donc va s’exprimer de manière synthétique avec lui. En écrivant sur les sujets les plus divers, Il donne naissance à un type d’ouvrage à la fois didactique, encyclopédique mais qui concerne aussi parfois une discipline précise. Par conséquent, les contours du concept de l’adab, qui n’apparaissaient pas clairement chez al-Ǧāḥiẓ, vont émerger et créer un nouvel emploi pour le vocable adab caractérisé par une forme limitée et une fonction qui n’abolit pas l’ancrage du passé mais qui est plus précise. C’est ainsi que le projet des deux auteurs vise à l’expansion de l’adab auprès d’une élite qui cherche constamment la perfection dans les domaines intellectuel et moral : l’adīb doit être comme les autres, mais toujours le meilleur avec des qualités supérieures. De fait, plus l’adīb se maîtrise et maîtrise son savoir, plus il sera à même de contrôler les autres, qu’ils détiennent le pouvoir ou qu’ils le subissent. Al-Ǧāḥiẓ insiste sur le primat de la raison et Ibn Qutayba rappelle que si on veut être adīb, il faut prendre le meilleur de toute chose ((Ibid.)). Pour le premier, on peut faire l’hypothèse qu’il considère que l’adab est lié à une éthique porteuse d’une évidente rationalité mu‘tazilite ((Le Mu‘tazilisme défend et fortifie la foi en ouvrant la voie aux discussions philosophiques.)), mais qui s’est peu à peu muée en réconciliation avec les exigences de la foi musulmane. Tandis que pour le second, l’adab semble voué à la tradition arabo-musulmane, mais il a peu à peu évolué vers une réflexion à portée universelle. Ainsi, pendant un siècle environ, les dynamiques et les interactions que les deux auteurs ont tour à tour suscité dans leur temps vont contribuer à enrichir le contenu multiculturel de l’adab.

3.2. Une culture à la fois profane et religieuse

Si on considère que les deux auteurs sont d’obédiences idéologiques différentes, leurs pratiques sont déterminées par des logiques distinctes. Les composantes de l’adab ǧāḥiẓien devaient être en mesure de répondre aux obligations spirituelles en lien avec le salut. Elles vont réunir plusieurs savoirs qui s’inspirent du courant mu’tazilite ((ثم لصناعة الكلام مع ذلك فضيلةٌ على كلِّ صناعة، ومزيّةٌ على كل أدب (le kalām a des bienfaits sur tous les arts, et des mérites au profit de tout type d’adab) : al-Ǧāḥiẓ. « Nafy al-tašbīh », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-1. Op. cit., p. 285. Cf. kalām en note n° XLIII)). Al-Ǧāḥiẓ va alors assumer son rôle d’adīb à l’esprit rationnel et critique, tel qu’il le dit lui-même assez bien ici :

« ورأيت كثيراً من واضعي الآداب قبلي قد عهدوا إلى الغابرين بعدهم في الآداب عهوداً قاربوا فيها الحق، وأحسنوا فيها الدلالة، إلا أنى رأيت أكثر ما رسموا من ذلك فروعاً لم يبينوا عللها، وصفاتٍ حسنةٍ لم يكشفوا أسبابها، وأموراً محمودة لم يدلوا على أصولها.» Al-Ǧāḥiẓ. « al-Ma‘ād wa-l-ma‘āš », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-1. Op. cit., p. 96

« J’ai pu constater que bien des auteurs d’adab qui m’ont précédé ont certes légué à la postérité des livres d’adab où ils ont approché de la vérité et fait preuve d’une excellente argumentation. Toutefois, je pense qu’ils y ont souvent décrit des effets dont ils n’ont pas exposé les causes, des qualités dont ils n’ont pas révélé les raisons, et des faits louables dont ils n’ont pas indiqué les fondements. »

À la différence d’al-Ǧāḥiẓ, Ibn Qutayba va prendre la défense des interprétations traditionnelles du Coran. Il néglige tout ce qui peut les contredire dans le kalām ((Science du discours (sur Dieu). Théologie spéculative inspirée du raisonnement dialectique et de l’éthique philosophique grecque.)), l’hellénisme ou l’ascétisme. Les disciplines philosophiques ne figureront donc pas au premier rang dans la synthèse culturelle d’Ibn Qutayba, et le sens de « connaissances mondaines » n’est présent chez lui qu’à travers une morale individuelle qui s’adresse au ‘āqil de bon sens mais qui garde toujours le repère religieux comme toile de fond.

Nous constatons également qu’au niveau de la forme, l’approche de l’adab ne sera pas traitée esthétiquement de la même manière dans les œuvres de nos deux auteurs. Les critiques littéraires estiment que le style d’al-Ǧāḥiẓ demeure plus brillant et séduisant que celui d’Ibn Qutayba. En outre, les écrits argumentés et nuancés d’al-Ǧāḥiẓ vont donner l’impression d’un discours désordonné selon la figure du « coq-à-l’âne », quoique certains chercheurs voient plutôt cela comme une excellence littéraire ((Dans le sens où l’idée du « coq à l’âne » ne prend pas en compte ce qui pourrait procéder d’une rhétorique de la composition, de l’ordre et de l’agencement des éléments dans un texte apparemment disparate donnant à ces éléments leur cohérence et au texte sa structure.)), alors que l’écriture d’Ibn Qutayba est méthodique, pondérée et frontale.

Néanmoins, lorsque nous comparons les occurrences en lien avec le mot adab dans le corpus littéraire étudié ((Cf. les sources primaires exploitées pour ce travail dans la bibliographie. Aussi, les graphiques associés analysés dans l’article : Moulay Mustapha TESRIF, « الأدب : مفهوم ذو حمولة دلالية قوية وعتبات متشابكة الحدود. نظرة في مؤلفات الجاحظ وابن قتيبة », La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), URL : https://cle.ens-lyon.fr/arabe/litterature/classique-et-nahda/al-adab-mafhoum-du-hamoula-dalaliyya-qawiyya-wa-atabat-mutachabikat-al-hudud-nazra-fi-moallafat-al-jahiz-wa-bn-qutayba/)), une remarque générale s’impose. Nous observons qu’al-Ğāḥiẓ et Ibn Qutayba expriment par le champ lexical produit par la racine ’DB à peu près les mêmes sens, mais avec un emploi moins fréquent du terme adab chez Ibn Qutayba. L’usage de ces vocables témoigne de la pluralité des sens d’adab chez al-Ǧāḥiẓ, avec une tendance marquée dans le champ de l’éthique, de la bonne éducation et aussi de la culture d’esprit qui distinguent un homme de la ḫāṣṣa ((الخاص من الرجال وأهل الكمال في الأدب (les hommes de l’élite et de la perfection dans l’adab) : al-Ǧāḥiẓ. « Al-‘Uṯmāniyya », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 2-4. Op. cit., p. 32)) (l’élite). Parallèlement, Ibn Qutayba a tendance à développer les principes moraux tout en maintenant le vocable adab dans certaines limites propres à la culture islamique. L’aspiration à la culture de l’esprit replace, pour lui également, un homme au dessus de la ‘āmma ((واحتمال سوء أدب العامّة (l’éventuel manque d’éducation (sū’ adab) des communs) : Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 1. Op. cit., p. 83.)) (le commun, par opposition au terme ḫāṣṣa ). Le corpus étudié offre ainsi quantité de preuves de cette osmose qui s’opére entre les deux prosateurs, notamment quand ils prennent fait et cause pour un héritage arabe et musulman. Les exemples les plus développés de leur positionnement intellectuel en faveur de la culture arabe se trouvent dans Kitāb al-‘Aṣā (Le Livre du Bâton) pour al-Ǧāḥiẓ et dans Faḍl al-‘Arab (Les Mérites des Arabes) pour Ibn Qutayba. Nous remarquons également que le sens de « belles-lettres » attribué parfois au terme adab est négligeable chez les deux auteurs. Il n’apparaît pratiquement pas dans les écrits d’Ibn Qutayba. Al-Ǧāḥiẓ désigne rarement les belles-lettres par le terme adab comme il le fait ici :

Al-Ǧāḥiẓ. Al-Ḥayawān, v. 1. Op. cit., p. 87. لولا جِيادُ الكتبِ وحسَنُها، ومُبَيَّنُها ومختَصرها،لَمَا تحرَّكت هممُ هؤلاء لطلب العلم، ونزعت إلى حبِّ الأدب، وأنِفَتْ من حال الجهل

« Sans les remarquables et excellents ouvrages, qu’ils soient étoffés ou abrégés, la résolution des hommes pour la quête du savoir n’aurait pas été déclenchée, ni enclin à l’amour des belles lettres (adab), ni eu en horreur l’état d’ignorance. »

Quant au sens relatif au repas ou festin, il a été signalé chez les deux auteurs. Les occurrences du nom ma’duba chez Ibn Qutayba ((وكل طعام صنع لدعوة مأدُبَة، ومأدَبَةٌ (tout repas préparé pour les invités est ma’duba ou ma’daba) : Ibn Qutayba. 1982. Adab al-kātib, éd. Muḥammad al-Dālī. Beyrouth : al-Risāla, p. 162.)) sont à peu près équivalentes à celles d’al-Ǧāḥiz ((والمأدبة اسم لكل طعام دعيت إليه الجماعات (on appelle ma’duba tout festin destiné à une foule de personnes) : al-Ǧāḥiẓ. Al-Buḫalā’. Op. cit., p. 213.))  si on prend en compte l’utilisation de ce dernier une fois pour le verbe adaba et une fois pour la forme du participe actif ādib, alors que les deux formes n’apparaîssent pas dans le corpus d’Ibn Qutayba. Il serait peut-être possible de proposer l’interprétation suivante : la bonne chère de l’adab ne pourrait-elle pas être métaphoriquement un festin de nourriture spirituelle, fait de mots qui s’apprécient, se dégustent et qui peuvent mener à la jouissance de l’esprit ((القرآن مأدبة الله وجاء في الحديث: (le Ḥadīṯ rapporte que le Coran est le festin (ma’duba) de Dieu) : al-Ǧāḥiẓ. Al-Buḫalā’. Op. cit., p. 213.)). En conséquence, par la variété de leurs conseils et des connaissances exposées et considérées comme nécessaires, le projet que les deux prosateurs voulaient faire naître se retrouve dans l’intérêt particulier qu’ils portent à une conduite morale louable et à une discipline ouverte à la fois sur la réflexion et la pensée personnelle, mais aussi sur les valeurs communes à tous les musulmans. C’est pourquoi l’adīb pour al-Ǧāḥiẓ est un lettré qui se devait d’avoir une culture qui porte en elle à la fois une connaissance spirituelle la plus vaste possible, et en même temps la « connaissance matérielle » :

 »واعلم أن الآداب إنّما هى آلاتٌ تصلح أن تستعمل في الدّين وتستعمل في الدنيا، وإنما وضعت الآداب على أصول الطبائع. وإنما أصول أمور التدبير في الدّين والدنيا واحدة، فما فسدت فيه المعاملة في الدّين فسدت فيه المعاملة في الدنيا، وكل أمرٍ لم يصح في معاملات الدنيا لم يصح في الدّين. وإنما الفرق بين الدين والدنيا اختلاف الدارين من الدنيا والآخرة فقط » Ǧāḥiẓ. « Al-Ma‘ād wa-l-ma‘āš », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-1. Op. cit., p. 99-Al

« Sache que les ādāb [, en tant que règles de morale,] sont bien des instruments aptes à être utilisés tant dans la religion que dans la vie mondaine. Ces règles (ādāb) ont été établies en fonction des tempéraments naturels. Or, les fondements des dispositions qui régissent la religion et la vie mondaine sont les mêmes. Ce qui corrompt la pratique religieuse corrompt [aussi] les comportements mondains et [réciproquement] tout ce qui ne convient pas dans les comportements mondains, ne convient pas non plus dans la [pratique de la] religion. La seule différence existant entre le religieux et le mondain provient exclusivement de la différence entre la demeure d'ici-bas et celle de l’au-delà. »

Le savoir de l’adīb aux yeux d’Ibn Qutayba est également éclectique par définition. L’adīb possède les qualités requises d’un homme de bonne « culture générale ». Sa connaissance peut être, tout de même, aiguisée et approfondie quand il s’agit d’un domaine spécifique du savoir. Et pour des raisons d’usage et de crédibilité auprès des instances politico-religieuses, l’exploitation de ces connaissances n’est pas opposée à la religion. Souvent, elle passe par l’usage du vocabulaire et des expressions linguistiques du Coran et de la sīra nabawiyya (biographie du Prophète). Pour illustrer ce point, nous proposons les passages suivants :

  »وقالت الحكماء: فضل الأدب في غير دين مهلكةٌ«Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 1. Op. cit., p. 4

« Les sages philosophes dirent : en dehors de la religion, l’intérêt de l’adab mène à la ruine [de l’âme]»

« وقال بعض الحكماء: قد جمع اللّه لنا أدب الحرب في قوله تعالى: " يأيّها الّذين آمنوا إذا لقيتم فئةً فاثبتوا وآذكروا اللّه كثيراً لعلّكم تفلحون وأطيعوا اللّه ورسوله ولا تنازعوا فتفشلوا وتذهب ريحكم و آصبروا إنّ اللّه مع الصّابرين  » Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 1. Op. cit., p. 186.

« Un des sages philosophes dit : Dieu résuma pour nous l’art (adab) de la guerre dans le verset suivant : "Ô vous qui croyez ! Soyez fermes lorsque vous rencontrez un groupe ennemi. Pensez souvent à Dieu en l’invoquant. Peut-être serez-vous victorieux. Obéissez à Dieu et à son Prophète ; ne vous querellez pas, sinon vous fléchiriez et votre chance de succès s’éloignerait. Soyez patients. Dieu est avec ceux qui sont patients ((Sūrat al-Anfāl (Chap. VIII), v. 45-46 : Trad. MASSON, Denise, revue par EL-SALEH, Sobhi. Essai d’interprétation du Coran inimitable. Op. cit., pp. 234-235.)). »

De ce point de vue, il semble que le recours au champ religieux soit fréquent dans les écrits des deux auteurs, et ce en adéquation avec le contexte politico-religieux dans lequel la prose littéraire a émergé. L’opposition entre l’imperfection humaine et la perfection divine a recadré le concept de l’adab dans un système culturel qui le situait, forcément, dans le champ du religieux : « dans ce système, l’ordre mondain et l’ordre divin, s’ils n’étaient pas enchevêtrés, étaient pour le moins liés organiquement ; le sacré et le religieux sont liés » ((CHEIKH-MOUSSA, Abdallah, TOELLE, Heidi et ZAKHARIA, Katia (dir.). Juillet-octobre 1999. « Pour une re-lecture des textes littéraires arabes : éléments de réflexion », in Arabica, T. XLVI, fasc. 3-4 (Vers de Nouvelles Lectures de la Littérature Arabe / Towards New Approaches of Arabic Literature). Leyde : Brill, p.526.)). D’autres passages cités par al-Ǧāḥiẓ témoignent de cette corrélation entre l’adab et les sciences juridiques et religieuses و تأدّب بما أدّب الله تعالى به نبيّه(acquiers l’adab que Dieu enseigna à son prophète !) : al-Ǧāḥiẓ. « R. al-Ma‘ād wa-l-ma‘āš », in Rasā’il al-Ğāḥiẓ, T. 1-1. Op. cit., p. 113.أدَّب اللّه محمداً صلى الله عليه وسلم بأحسن الآداب(Dieu a pourvu le prophète Muḥammad des meilleurs ādāb) : al-Ǧāḥiẓ. Al-Bayān wa-l-tabyīn, v. 1-1. Op. cit., p. 29.)), ce qu’on repère également dans d’autres citations d’Ibn Qutayba ((قال: لأنك [مؤدّب] تأخذ على تعليم القرآن أجراً (il répondit : car tu es [un maître d’adab] rémunéré pour ton enseignement du Coran) : Ibn Qutayba. ‘Uyūn al-aḫbār, T. 1. Op. cit., p. 137.)). En effet, quand bien même les deux auteurs seraient opposés idéologiquement, ils « allaient définitivement ancrer l’adab dans son cadre islamique, selon une complémentarité qu’ils n’avaient pas prévue » ((TOELLE, Heidi et ZAKHARIA, Katia. 2003. À la découverte de la littérature arabe : du VIe siècle à nos jours. Paris : Flammarion, p.106.)). Voilà pourquoi, au vu des exemples relevés chez les deux auteurs, l’adab ne peut pas être considéré uniquement sous l’angle de la culture profane.

Conclusion

Dans ce travail, nous avons été conduits à faire un relevé des mots ayant pour racine ’DB dans le corpus choisi. La comparaison des occurrences et leurs contextes dans les écrits d’al-Ǧāḥiẓ et d’Ibn Qutayba met en lumière la simplification d’une forme d’écriture inspirée par la tradition du secrétariat de chancellerie du IIe/VIIIe siècle. Les deux auteurs ont exploité à la fois un vocabulaire riche, notamment celui des environnements particuliers (domestique, métiers, etc.), et des tournures d’une langue qui évolue rapidement, en les adaptant aux nécessités du contenu de leurs œuvres. Les ouvrages choisis conviennent donc parfaitement pour étudier la période décisive de la refondation de l’adab.

Après son évolution avec al-Ǧāḥiẓ, le concept a été codifié avec Ibn Qutayba. Chez al-Ǧāḥiẓ, le terme adab est polysémique voire ambiguë car il est surexploité. Mais les tendances générales vont se préciser petit à petit, le positionnement du concept sera orienté sous l’influence de la religion et le rôle idéologique de la ḫāṣṣa. Pour Ibn Qutayba, l’appauvrissement sémantique du terme correspond à une spécialisation du concept de l’adab. L’adab prend une signification riche et générale mais qui peut concerner les connaissances nécessaires à des fonctions sociales déterminées. Les deux maîtres de l’adab vont tenter de donner les connaissances et les règles de ce que devait être un homme cultivé pour les lettres. Ils useront du genre naṣīḥa (conseil/avertissement) qui sera exprimé dans un style plaisant et efficace afin d’élever le ‘āqil à un rang où il sera mieux considéré et traité comme convenu. Le concept d’adab acquiert alors une vaste acception humaniste à travers la formation d’un adīb éclairé par la littérature de l’adab et les valeurs morales qu’elle véhicule lui permettant de tenir sa place en société arabe et musulmane.

Par conséquent, l’opposition entre religion et culture profane devient, au fond, une opposition formelle. Cette opposition ne permet en rien de préciser le contenu ou la nature du savoir dont il est question car l’intérêt des œuvres littéraires de l’époque et leur degré d’impact sur la société dépendaient intrinsèquement de leur légitimité politico-religieuse. La culture dominante qui s’appuie sur des référents religieux s’observe à multiples niveaux. La métaphore rapportée par la tradition musulmane ne peut que l’affirmer :’Abd Allāh Ibn al-Mubārak (m. 181/797) dit : « kāda al-adab an yakūna ṯuluṯay al-dīn » ((Ibn al-Ǧawzī. 2000. Ṣifat al-ṣafwa (La Description de l’élite), éd. Aḥmad Ibn ‘Alī. Le Caire : Dār al-ḥadīṯ, p. 330.)) (L’adab équivaut presque aux deux-tiers de la religion). En effet, le mot adab est fréquemment associé aux principes théologiques et au champ sémantique qui s’y rapporte. Le sens du mot est marqué par le va-et-vient constant entre les termes : adab, ma‘rifa, ‘ilm et dīn (religion) comme l’illustre parfaitement ce passage :

وليس يجمع ذلك إلاّ كرامُ الكتب النفيسة، المشتملة على ينابيع العلم، والجامعة لكنوز الأَدب، ومعرفة الصناعات، وفوائدِ الأَرفاق، وحجج الدين الذي بصحته، وعند وضوح برهانه، تسكن النفوس   Al-Ǧāḥiẓ. Al-Ḥayawān, v. 1. Op. cit., p. 99.                                                                                                                           

« Ne réunissent toutes ces qualités que les livres distingués et précieux, qui incluent les sources du savoir, et qui rassemblent les trésors culturels [de l’adab], les connaissances des métiers, les bienfaits de la bonté, et les arguments en faveur de la religion dont l’authenticité et l’éclatante preuve apaisent les âmes. »

L’adīb avait donc l’obligation de chercher les trésors culturels et moraux afin de se former dans presque tous les domaines. Pour ce faire, les deux auteurs vont le doter d’une formation pluridisciplinaire à travers des ouvrages à mi-chemin entre littérature et encyclopédisme. Ils l’informeront sur les auteurs antérieurs assez nombreux tout en soumettant leurs idées à des outils de critique en adéquation avec les évolutions du siècle ;

« والإنسانُ بالتّعلُّم والتكلُّف، وبطُول الاختلاف إلى العلماء، ومدارَسَةِ كُتُبِ الحكماء، يَجُودُ لفظُه ويحسُن أدبُه             Al-Ǧāḥiẓ. Al-Bayān wa-l-tabyīn, v. 1-1. Op. cit., p. 86                 

« Par l’instruction et la persévérance, la longue fréquentation des savants et l’étude approfondie des livres écrits par des sages philosophes, la parole [dite ou écrite] de l’homme s’améliore et son adab se perfectionne. »                                                                                        

Outre la variété des sens que l’adab avait prise dès l’époque abbasside, l’analyse des significations de chaque occurrence tirée des sources littéraires de l’échantillon choisi met en lumière la concentration des sens du mot. L’usage de l’adab adopte une acception nettement plus réduite notamment avec Ibn Qutayba. Les deux maîtres de l’adab allaient ainsi fixer solidement une passerelle entre la culture de l’esprit et les valeurs morales. Ils ont forgé une conception « scientifique » parce qu’ils désiraient instaurer d’une part les règles du concept « adab », et d’autre part définir un axe politico-religieux, car ils voulaient transposer cet adab dans le champ moral lié à l’islam. La formule célèbre d’al-Ǧāḥiẓ : « L’adab, c’est prendre un peu de chaque chose. » et la citation d’Ibn Qutayba : « Si tu veux être adīb, prends le meilleur de toute chose. » nous invitent donc à conclure que la meilleure des « choses » de la « culture générale » est, pour les deux auteurs, fondamentalement liée au sacré et à la morale défendue par chacun d’eux. La fixation du sens de l’adab, sous l’angle des conventions éthiques et esthétiques en vigueur à leur époque, renvoie également à l’ouverture d’une nouvelle voie à la fois vers le cercle convoité de la ḫāṣṣa de l’Empire islamique, et vers le salut de l’âme.  

Bibliographie

Sources premières étudiées

Pour al-Ǧāḥiẓ : Kitāb al-Āmil wa-l-ma’mūl. Kitāb al-Buḫalā’. Kitāb al-Burṣān wa-l-‘urğān wa-l-‘umyān wa-l-ḥūlān. Kitāb al-Biġāl. Kitāb al-Bayān wa-l-tabyīn. Kitāb al-Ḥayawān. « Rasā’il al-Ǧāḥiẓ ».

 Pour Ibn Qutayba : Kitāb Adab al-kātib. Kitāb al-Ašriba wa-ḏikr iḫtilāf al-nās fīhā. Kitāb al-Ši‘r wa-l-šu‘arā’. Kitāb al-Ma‘ārif. Kitāb ‘Uyūn al-aḫbār. Kitāb Ta’wīl muḫtalif al-ḥadīṯ. Risālat al-Ḫaṭṭ wa-l-qalam. Kitāb al-Ma‘ānī al-kabīr.

Sources secondaires

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Notes

Pour citer cette ressource :

Moulay Mustapha TESRIF, Le mondain et le religieux dans le système culturel de l’adab classique, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mai 2022. Consulté le 21/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/arabe/litterature/classique-et-nahda/le-mondain-et-le-religieux-dans-le-systeme-culturel-de-ladab-classique