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J’ai besoin de faire utiliser des modaux

Par Laure Gardelle : Professeure des universités - Université Grenoble Alpes
Publié par Marion Coste le 18/01/2021

1. Quel besoin pour le contexte de production immédiat à ce moment de ma séquence ?

La réflexion grammaticale en classe répondant toujours à un besoin langagier qui naît d’un contexte de production, la question première est celle de la sélection de l’objectif grammatical spécifique à ce contexte : quel est le point que je cherche à faire observer, parce que mes élèves en ont besoin ensuite en tâche de production ?

Par exemple :

- dans la tâche de production qui va suivre, mes élèves vont devoir faire des suggestions ; je voudrais donc leur faire utiliser les modaux should et could ;

- nous allons devoir parler d’avenir proche, et je voudrais introduire la distinction entre will et be going to + infinitif pour ces références ;

- mes élèves de collège savent utiliser must pour l’obligation, mais ils ne connaissent pas encore have to + infinitif, et là ils vont en avoir besoin ;

- dans l’extrait littéraire que nous allons étudier avec mes élèves de lycée, qui met en scène un personnage très autoritaire et le narrateur, on trouve plusieurs you may / you may not… de permission ; je voudrais sensibiliser mes élèves à la différence d’effet produit entre ces may et un can, pour une tâche de production où ils vont devoir créer une scène un peu similaire ;

- j’étudie un texte militant avec mes élèves, et la tâche de production qui va suivre va consister à proposer un discours militant ; or j’ai remarqué plusieurs fois l’emploi de we shall… ; comme ils ont peu eu l’occasion d’étudier shall au présent, j’aimerais leur faire saisir la différence avec we will…, également utilisé dans le discours ;

- avec mes élèves de lycée, de bon niveau dans l’ensemble, je voudrais faire une tâche de production qui implique de la concession ; pour cela, je voudrais introduire may associé à but ;

- mes élèves de lycée ont dans l’ensemble un très bon niveau, et je voudrais les aider à apporter des nuances à leur propos lorsqu’ils utilisent des modaux : you can’t possibly do this, he may very well be the best basketball player ever ;

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- mes élèves de 6e utilisent, pour la probabilité, perhaps et maybe, et je voudrais introduire les modaux comme autre manière d’exprimer de la probabilité ;

- mes élèves connaissent l’existence des modaux, mais ne savent pas bien les construire dans les questions (*do they can… ?) (/ les phrases négatives (*they don’t can…) / ils les utilisent à l’infinitif : *to can…), et ils vont avoir besoin de faire cela pour la tâche de production qui va suivre ;

Pour ces deux derniers objectifs, se reporter à la fiche « J’ai besoin de faire exprimer des probabilités ».

2. Point sur des fondamentaux théoriques

La présentation donnée ici ne vise pas l’exhaustivité ; on se reportera pour cela à une grammaire. L’objectif est de dresser un panorama des principaux éléments fondamentaux en quelques idées clefs, pour permettre à l’enseignant de situer le besoin identifié, et ainsi mieux cerner ce qu’il importe de relever et, surtout, d’écarter.

Pour tout ce qui relève de la grammaire des modaux et des emplois des modaux à valeur épistémique (expression de la probabilité), se reporter à la fiche « J’ai besoin de faire exprimer des probabilités ».

2.1. Les « paires » de modaux : congruents et non congruents

Soient CAN et MAY pour la permission :

  • you can go implique qu’aux yeux de l’énonciateur, le fait que le co-énonciateur se voie accorder l’autorisation de partir est banal ; CAN est en effet un modal « congruent », c’est-à-dire qu’il signifie que la réalisation de l’action est vue comme non problématique, allant de soi, par l’énonciateur (ou elle est présentée comme telle).
  • you may go implique au contraire que c’est moi, énonciateur, qui de ma haute autorité décide d’accorder cette permission ; MAY est en effet un modal « non congruent », c’est-à-dire que la réalisation de l’action est vue comme n’allant pas de soi ; c’est vraiment l’énonciateur qui s’implique pour « forcer » cela, le faire arriver.

Suivant cette distinction, on dit de même que WILL est congruent, SHALL non congruent (MUST, lui, ne fait pas partie d’une paire qui contiendrait cette opposition). C’est pour cette raison que les références à l’avenir utilisent souvent will : si l’on dit que quelque chose se passera à tel moment, c’est qu’on s’attend à ce que cela se fasse, sans difficulté. Shall est plutôt employé pour marquer un fort engagement, par exemple : we shall overcome ! marque la détermination des militants à réussir malgré les obstacles ; you shall do this whether you like it or not dit toute l’autorité que met l’énonciateur pour que les choses se fassent, alors que le co-énonciateur n’a pas envie de s’exécuter.

C’est en vertu de cette distinction que les modaux sont souvent étudiés en contraste avec l’autre terme de la paire dont ils font partie (hormis MUST) ; les différences d’effet en contexte sont parfois très marquées, comme dans les exemples pris ici. A noter malgré tout que parfois, la comparaison n’est guère pertinente (ex. you should… de suggestion n’a pas grand-chose à voir avec you would...), ou encore que les usages connaissent quelques conventions. C’est le cas en particulier pour shall, utilisé par le passé avec I et we pour les références à l’avenir de manière bien plus fréquente qu’aujourd’hui.

2.2. Les emplois des modaux dans leurs valeurs radicales

La valeur « radicale » (root modality en anglais), c’est la valeur la plus proche du sens originel du modal, du temps reculé où il était un verbe lexical standard. Plus simplement, il s’agit des emplois qui ne relèvent pas de la probabilité.

Ces emplois sont de deux grands types : emplois liés à une capacité du sujet (valeurs « radicales dynamiques ») et emplois liés à une permission ou obligation (valeurs « radicales déontiques », c’est-à-dire résultant d’une forme de contrainte ou de pression). Ainsi, pour CAN, can you swim ? interroge sur une capacité du sujet (cf. « sais-tu nager », valeur radicale dynamique), tandis que you can go accorde une permission (valeur radicale déontique).

Ces valeurs ne sont que des déclinaisons d’un même invariant, pour un modal donné :

-  CAN et MAY expriment toujours une forme de possibilité (congruente, vue comme non problématique, pour CAN ; non congruente pour MAY).

- WILL évoque la congruence, et pour certains, une conséquence nécessaire, à partir d’un sens originel de volonté ; d’où, en emploi radical, l’idée d’une caractéristique du sujet (He’s a voracious reader. He’ll read any book), qui suscite parfois l’agacement (il est alors accentué : They ’will arrive late) ; ou encore de volonté du sujet (Will you marry me ? / My car won’t start  – c’est la raison pour laquelle on pourrait traduire cet exemple par « Ma voiture refuse de démarrer »). SHALL en est le pendant non congruent, avec par conséquent, en valeur radicale, la détermination de l’énonciateur (sujets I / we ou équivalents) ou une contrainte sur la personne désignée par le sujet (you / 3e personne). Should radical dénote la suggestion, le conseil, voire une très forte recommandation.

- quant à MUST, il indique le nécessaire, d’où la valeur radicale déontique d’obligation.

2.3. Modaux vs formes périphrastiques (ex. MUST / have to + infinitif)

La modalité se définit comme un jugement sur un procès, sur un événement. Employer un modal, c’est donc pour un énonciateur mettre en avant sa subjectivité : pour un emploi épistémique, c’est lui qui évalue le degré de probabilité ; pour une capacité, c’est lui qui l’évalue ; pour une obligation, c’est lui qui l’impose ; etc. Par contraste, une forme dite « périphrastique », c’est-à-dire un quasi-équivalent en plusieurs mots, n’est pas modale, et ne présente donc pas l’obligation, etc. comme venant de l’énonciateur.

Par exemple, you can use a dictionary suppose que c’est moi, énonciateur, qui accorde la permission (ou qui montre mon accord avec ce qui se fait) ; en revanche, dictionaries are allowed est purement un rappel de la réglementation en vigueur pour les examens.

Pour le will de volonté, peut s’ajouter une nuance d’entêtement (positive ou négative), là où want to + infinitif évoque plutôt un fait. Ainsi He doesn’t want to go (un fait) vs He just won’t go (il s’entête à refuser, il n’y a pas moyen de le convaincre).

Parfois, on le voit, le choix de l’une ou l’autre forme correspond à deux manières de présenter les choses, plutôt qu’à deux réalités différentes. Pour prendre un autre exemple, comparons you must see this film et you have to see this film. Dans les deux cas, en réalité, c’est une recommandation de l’énonciateur. Mais avec must, l’énonciateur implique seulement « moi, je pense qu’il faut que tu le voies » ; avec have to + infinitif, il implique « ça s’impose, ce n’est pas (que) moi qui le dis » – par exemple, « étant donné ce que tu fais et qui tu es : en tant que cinéphile, tu ne peux pas passer à côté d’un tel film, ou étudiant en littérature, tu ne peux pas ne pas voir tel film adapté d’une œuvre littéraire…». D’où un effet de plus forte recommandation dans le second cas.

Enfin, on notera qu’au prétérit, could évoque seulement la capacité (« pouvait »), alors que was/were able to… évoque une réalisation effective (« a/ont/etc. pu »). Ainsi she could run away dit qu’elle le pouvait, mais ne dit pas si elle l’a fait ou non, alors que she was able to run away dit qu’elle a pu le faire, donc qu’elle l’a fait. A la forme négative, il y a moins de différence, car si on ne pouvait pas faire quelque chose, on n’a pas pu le faire ; mais la distinction continue d’exister.

2.4. Parler de l’avenir proche : will vs be going to + infinitif

Be going to + infinitif présente go (ici, l’idée abstraite d’aller vers la réalisation de l’action) comme étant en cours (be going). Concrètement, be going to + infinitif présente l’action comme déjà décidée avant que la phrase soit prononcée.

Will, à valeur épistémique, dit seulement qu’il y a forte probabilité de réalisation, comme pour les autres références futures. Etant pour l’avenir proche en concurrence avec be going to + infinitif, il s’emploie généralement pour une décision prise au moment où la phrase est énoncée.

Ainsi :

From the train station we went straight to tante Lotta and onkel Aksel's home where we were going to have breakfast.: la visite et le programme ont été planifiés en amont.

‘I got to be moving along.’ ‘Hold on a minute. I'll put you up a snack to eat.’ : la décision est prise sur le moment, en réaction à la première réplique.

‘We’ve got a party to attend !’ ‘You’re right. I am going to change my clothes.’ : la décision de se changer fait partie d’un « protocole » décidé en amont (aller à la soirée).

3. Conseils de mise en œuvre

3.1. A quel niveau d’enseignement introduire tel point ?

Pour rendre pertinent le choix du niveau d’enseignement dans une démarche communicative, il est important de prendre en compte la complexité de tel emploi, mais aussi sa fréquence d’utilisation (est-ce un élément clef à maîtriser tôt dans son parcours d’apprenant ?) et son importance pour se faire comprendre.
  • Il est essentiel de s’interroger finement sur l’objectif exact recherché : qu’est-ce exactement que mes élèves ne savaient pas faire avant et qu’il sauront faire grâce à ce travail ? Quel besoin auront-ils exactement pour la tâche de production qui va suivre ? Ceci permet de cibler l’élément sur lequel se concentrer : quel que soit le niveau d’étude, et même en remédiation, il est inefficace, et même totalement contre-productif, de proposer un grand panorama des modaux. Il est possible bien sûr de présenter de tels éléments de synthèse rétrospectivement, en fin de parcours ; la démarche est alors différente.
  • Pour les valeurs radicales, travailler par notion est souvent utile ; ainsi can étudié pour la « permission » (on n’aborde alors pas les cas de capacité du sujet, par exemple) ; on peut choisir, selon les besoins de production qui suivent, de l’opposer à may, ou de travailler la version négative et/ou interrogative. La distinction entre could et was/were able to… viendra bien plus tard, étant plus complexe et d’usage beaucoup moins fréquent. Cette recommandation d’isoler une notion à la fois ne signifie pas qu’il ne faut pas montrer la cohérence de tel ou tel modal dans la langue. Ainsi, pour may par exemple, s’il a été étudié dans sa valeur épistémique précédemment, il est intéressant de montrer qu’il s’agit toujours de « possibilité », mais en termes de permission.
  • Pour l’avenir proche, le besoin de comprendre be going to + infinitif arrive dans l’apprentissage dès le collège, et peut être facilement acquis. La différence entre be going to + infinitif et will pour l’avenir proche, en revanche, relève plutôt du lycée, pour des élèves de bon niveau.
  • Pour certains emplois, la reconnaissance à un moment donné est à distinguer de la véritable appropriation. Par exemple, si un document présente Oh, you ’will be a nuisance !, il peut être très intéressant de montrer que la valeur de volonté devient ici entêtement, que l’énonciateur critique (« il faut vraiment que tu embêtes le monde ! » / « tu ne veux vraiment pas y mettre du tien ! »), sans demander aux élèves de savoir produire ce genre d’énoncés (rares à l’échelle de tous les énoncés produits) eux-mêmes. De même, on peut signaler, à l’occasion d’un énoncé tel que You might have got hurt, que contrairement aux cas classiques d’émission d’hypothèses, le degré de probabilité que véhicule might ne porte pas sur quelque chose dont l’énonciateur n’est pas sûr (on sait ici que le co-énonciateur n’a pas été blessé), mais permet d’envisager un scénario alternatif qui aurait pu se passer (d’où l’effet de reproche, ou simplement d’expression d’une peur quant à ce qui aurait pu se produire, et le recours à un modal marquant une faible probabilité seulement). Paul Larreya nomme ces emplois « épistémique de l’irréel », par opposition aux cas plus classiques d’« épistémique de l’inconnu ».

3.2. Exemples de sélection par rapport au besoin de production

- Pour travailler sur la suggestion, par exemple, il est peu judicieux de proposer d’emblée should et could, comme s’ils étaient finalement interchangeables. Une approche très abstraite (« suggestion » et « possibilité » respectivement, par exemple) pourrait également perdre une partie des élèves. Il peut être intéressant de proposer une observation de should d’abord, en incluant du contexte, et en faisant déduire une paraphrase. Par exemple, This works amazingly well, so you should definitely give it a try permet de paraphraser en « it’s the best way to act » (suggestion, recommandation). Si l’on veut intégrer could, alors c’est suite à cela qu’il est pertinent de le faire ; des exemples contextualisés permettent de déduire implicitement une paraphrase telle que « why not ? » (ce n’est qu’une possibilité).

Si l’on souhaite évoquer la distinction entre should et ought to, alors il est judicieux de ne pas inclure également could, sous peine d’introduire des confusions : c’est la recommandation, le conseil, qui est à l’étude, et non la possibilité.

- Pour travailler sur l’avenir proche, l’observation gagnera à s’appuyer sur des emplois mis en contexte – la phrase précédant celle qui contient will ou be going to + infinitif sera sûrement cruciale pour faire voir les traits « déjà décidé en amont » et « décidé sur l’instant ».

S’il s’agit seulement d’une remédiation, il peut être utile de voir, une fois cette distinction déduite et bien établie, un cas où la subjectivité de l’énonciateur est clairement en jeu (cf. I’m going to change my clothes cité dans la section 2., pour lequel I’ll change my clothes aurait été possible également, mais aurait véhiculé l’idée d’une réaction sur l’instant, qui ne prend pas en compte le fait que pour l’énonciateur lui-même, ceci fait partie d’une étape planifiée au préalable, même si le moment exact de son exécution a été retardé).

- pour introduire have to + infinitif auprès d’élèves de collège qui connaissent seulement must pour l’obligation, le contexte sera là encore crucial pour l’observation initiale d’exemples. Il peut être également intéressant de rappeler à cette occasion que tous les modaux présentent le point de vue comme subjectif, comme étant celui de l’énonciateur.

La question se pose de savoir s’il faut introduire dans le même temps les différences à la forme négative (absence d’obligation vs interdiction). S’il n’y en a pas besoin pour la tâche de production qui va suivre, ce n’est probablement pas une bonne idée, car d’un point de vue conceptuel, appréhender la différence entre « absence d’obligation » et « interdiction » est difficile. Mieux vaut conserver la forme négative pour une occasion future.

Lors de cette autre occasion, où l’on se concentrera donc sur la polarité négative, c’est la tâche de production qui suivra qui va guider la meilleure manière d’aborder le point. Il n’est pas nécessairement judicieux de traiter don’t have to… et mustn’t par une opposition immédiate entre eux – toujours parce que la distinction entre « absence d’obligation » et « interdiction » est difficile à saisir abstraitement. Si la tâche requiert seulement de l’interdiction, alors c’est mustn’t qui sera intéressant, en association peut-être avec des paraphrases (telles que « it’s forbidden », « it’s dangerous », etc.) pour identifier les sources possibles de l’interdiction. Dans ce cas, don’t have to… peut faire l’objet d’une simple remarque en passant, une fois cette réflexion menée : on peut signaler qu’il n’a pas le même sens (on n’interdit pas ; c’est possible mais pas obligatoire).

A l’inverse, si la tâche consiste à évoquer l’absence d’obligation, alors c’est don’t have to… qui va constituer le cœur, et il s’agira de faire comprendre la logique de la négation par rapport à la phrase affirmative : si j’ai [ceci à faire], c’est sur ma liste de choses à faire, je suis obligé ; si je n’ai pas [ceci à faire], ce n’est pas sur ma liste, je ne suis pas engagé à le faire, je ne suis pas obligé. Une aide mnémotechnique, de type « you can, but you don’t have to », peut être judicieuse, plus efficace encore qu’une paraphrase du type you don’t have to… = you’re not obliged. Dans ce cas, une simple remarque en fin de réflexion pourra préciser que mustn’t n’a pas du tout le même sens ; celui-ci pourra être identifié par une aide mnémotechnique, telle que « you mustn’t, it’s forbidden ».

- pour aborder la différence entre may et can de permission, par exemple à partir d’un extrait littéraire, l’observation pourra utilement se fonder sur le rapport d’autorité entre le personnage qui l’utilise et son interlocuteur. Il est important de s’imaginer la scène, les positions relatives entre les deux personnages, le ton. De là, les élèves peuvent déduire les différences d’effet. Avec de bons élèves, les notions de « congruent » / « non congruent » peuvent être utilisées, ou simplement des paraphrases qui permettent d’acquérir cette distinction de manière plus concrète (ex. « no problem » pour can ; « it’s only MY decision » pour may).

- si l’objectif est d’étudier les shall d’engagement (I / we shall…), par exemple à l’occasion d’un discours militant avec des élèves de bon niveau en lycée, il peut être utile de leur faire observer, pour déduire une règle, une phrase telle que you shall not kill, ou you shall not pass (du Seigneur des Anneaux) ; ils peuvent alors proposer des paraphrases telles que « je déclare que », et de là, peut émerger « je m’engage à ce que », qui peut être ensuite appliqué aux énoncés à la première personne. Imaginer la scène, adopter des tons différents, peut aider les élèves dans leur déduction.

S’ils ne connaissent pas du tout ces shall, alors c’est peut-être au contraire une phrase en will qui peut constituer un bon point de départ, ainsi we will overcome. Cette valeur sera connue : c’est la forte probabilité que cela arrive, aux yeux de l’énonciateur, avec peut-être une nuance additionnelle de volonté. De là, shall pourra être introduit, avec l’idée que de son point de vue, l’énonciateur va « forcer » les choses à se réaliser (non congruence). Des paraphrases pourront alors être proposées : we will overcome = « it’s extremely likely (because we want to) », we shall overcome = « we will make it happen despite the numerous obstacles ».

Cette distinction peut permettre, avec de bons élèves, de voir également les will de volonté (ou avec not, l’expression d’un refus) probablement centraux également dans la rhétorique du discours à l’étude. Enfin, la position des énoncés en shall pourra être un objet d’intérêt : ils restent peu nombreux même dans un discours militant, et sont généralement situés à des moments clés du discours.

- si c’est la concession avec may qui est étudiée, il est important de souligner la présence nécessaire de but ensuite, et d’identifier que deux arguments sont avancés. Tenter l’inversion des deux arguments (de you may X, but Z à you may Z, but X) peut alors faire prendre conscience qu’avec you may X, but Z, l’argument X est moins important que Z au final ; et il est intéressant de faire voir que l’argument X a été avancé en amont par l’adversaire, au moins implicitement.

Ceci permet de faire déduire le fonctionnement de la concession : concéder, accorder, un petit argument pour mieux asséner un autre argument contraire, jugé plus fort. Ainsi, dans une chanson de Bob Dylan : You may be an ambassador to England or France (sous-entendu : étant de statut élevé, vous avez l’habitude d’être servi(e), plutôt que de servir), but you’re gonna have to serve somebody (= argument plus fort : ce statut ne suffit en réalité pas, vous devez bien être au service d’autres personnes malgré cela).

Si les élèves sont de bon niveau, la logique de may peut alors être plus finement évoquée : épistémique, il vient atténuer non pas la probabilité que X se soit produit (la personne est bien ambassadeur), mais la probabilité que X constitue un argument valable dans le débat you [need OR don’t need ?] to serve others (paraphrase : « on peut peut-être considérer l’argument un instant »). De même, en français, avec vous êtes peut-être…, mais…

- enfin, pour introduire des nuances dans la probabilité avec de bons élèves de lycée (you can’t possibly do this, he may very well be the best basketball player ever, etc.), c’est l’observation qui permettra d’acquérir des « collocations », c’est-à-dire des séquences (modaux + adverbes ici) qui se trouvent régulièrement ensemble. Il serait peu judicieux de rechercher de longues listes ; se concentrer sur quelques combinaisons, présentes dans le document à l’étude, permet de donner déjà l’idée qu’un étoffement est possible, et d’en étudier les effets.

Ainsi, si you can’t dit déjà l’impossibilité, possibly ajoute l’idée d’avoir envisagé vraiment tous les possibles, donc vient la renforcer ; il est alors judicieux de regarder en contexte ce qui a déclenché ce renforcement. Ou encore, là où on donne parfois les modaux épistémiques sous la forme d’une « échelle » de degrés, on peut faire appréhender la différence entre may very well et must (possibilité pour may, qui part du « 50-50 » pour aller vers le très probable, et montre donc malgré tout un énonciateur peu sûr de lui, vs conséquence nécessaire pour must, déduction à partir d’indices : l’énonciateur n’est pas totalement certain, mais est assez sûr de lui malgré tout).

3.3. Comment ne pas simplifier à l’excès ?

Dans la démarche de sélection, il est important de ne pas être faux dans ses explications en simplifiant à l’excès, mais de laisser la porte ouverte à des compléments. 

Voici quelques exemples pour les modaux :

  • le meilleur test consiste à essayer d’appliquer la règle soi-même, comme si on ne parlait pas mieux anglais que ce qui est proposé, en oubliant un instant le contexte dans lequel la règle est proposée, et de voir si des contre-exemples viennent à l’esprit. Par exemple, ceci permet d’éviter des formulations telles que « pour exprimer la concession, j’emploie may… but… », parce qu’on pense immédiatement à although ou even though notamment. Un ajustement peut être soit « je peux employer », soit l’inversion de la phrase : « may… but… sert à exprimer la concession ».
  • lorsque la réflexion est centrée par exemple sur la valeur de permission de can, de même, « CAN sert à exprimer la permission » serait un raccourci abusif, puisqu’il a d’autres valeurs. Mieux vaut nuancer par un ajout tel que « notamment ».

© Clé des Langues – Laure Gardelle, groupe expert IA-IPR, IGEN

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Pour citer cette ressource :

Laure Gardelle, "J’ai besoin de faire utiliser des modaux", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2021. Consulté le 29/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/se-former/porte-cles-grammatical/j-ai-besoin-de-faire-utiliser-des-modaux