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J’ai besoin de faire comparer des éléments

Par Laure Gardelle : Professeure des universités - Université Grenoble Alpes
Publié par Marion Coste le 04/12/2018

1. Quel besoin pour le contexte de production immédiat à ce moment de ma séquence ?

La réflexion grammaticale en classe répondant toujours à un besoin langagier qui naît d’un contexte de production, la question première est celle de la sélection de l’objectif grammatical spécifique à ce contexte : quel est le point que je cherche à faire observer, parce que mes élèves en ont besoin ensuite en tâche de production ?

Par exemple :

- mes élèves vont devoir utiliser le comparatif, et la plupart ne le connaissent pas encore.

- j’ai noté des erreurs récurrentes dans l’identification des adjectifs courts ou longs (*more tall, *more better) ; la production prévue va devoir faire recourir à des comparatifs, et je voudrais que mes élèves s’améliorent plus précisément sur ce point.

- je voudrais profiter d’occurrences de structures d’accroissement proportionnel (= type the more... the better...) dans le document étudié, qui pourraient être utiles aussi pour la production qui suivra, pour faire acquérir ces structures.

- dans des productions écrites passées, j’ai noté des erreurs récurrentes sur le doublement de la consonne finale d’adjectifs mis au comparatif ou superlatif ; comme les élèves vont avoir besoin de telles formes pour la production associée au document à l’étude, je voudrais revoir ce point spécifiquement.

- j’ai déjà eu l’occasion de réviser comparatif et superlatif, mais certains de mes élèves ont du mal à comprendre la différence, et mettent du comparatif partout. Dans la production associée au document à l’étude, ils vont avoir besoin du superlatif, et je voudrais qu’ils comprennent bien ce qu’il signifie.

2. Point sur des fondamentaux théoriques

La présentation donnée ici ne vise pas l’exhaustivité ; on se reportera pour cela à une grammaire. L’objectif est de dresser un panorama des principaux éléments fondamentaux en quelques idées clefs, pour permettre à l’enseignant de situer le besoin identifié, et ainsi mieux cerner ce qu’il importe de relever et, surtout, d’écarter.

2.1. Définition du comparatif et du superlatif

- Le comparatif sert à comparer un (ou des) élément(s) avec un (ou d’) autre(s) élément(s) explicitement nommé(s). Par exemple, prenons trois frères : John, Bill et Andrew Anderson. On peut indiquer John is taller than his brothers – si l’on a simplement John is taller, c’est que les deux frères ont été mentionnés juste avant et restent sous-entendus : avec le comparatif, il y a John d’une part, le comparé, et les frères de John d’autre part. John et ses frères ne font pas partie du même ensemble. Avec le superlatif, on considère à l’inverse un ensemble d’éléments, et c’est au sein de cet ensemble qu’on en distingue un qui a un degré maximal, ou minimal, d’une caractéristique. Ex. John is the tallest of the three brothers : au sein de l’ensemble formé par les trois frères Anderson, John est celui qui est le plus grand. En résumé :

- Traditionnellement, on appelle ces superlatifs les « superlatifs relatifs » (ex. John est plus grand relativement à l’ensemble des frères Anderson, pas le plus grand de tout ce qui existe dans l’absolu), par opposition au « superlatif absolu », où l’on indique un très haut degré d’une qualité « dans l’absolu » (ex. superfast, very good). Aujourd’hui, les grammaires ne mentionnent pas toutes le superlatif absolu, et il n’est pas nécessairement utile en cours.

- Comparatif et superlatif n’indiquent pas uniquement le haut degré : on distingue :

  • le comparatif et le superlatif de supériorité : ex. taller, more interesting (than...) ; the tallest, the most interesting.
  • le comparatif et le superlatif d’infériorité : ex. less interesting (than...) ; the least interesting. Avec les adjectifs courts, le comparatif d’infériorité est moins utilisé ; not as/so tall est plus commun que less tall.
  • le comparatif d’égalité : ex. as tall, as interesting (as...). Pour nier une égalité : not as/so tall, not as/so interesting (as...).

Certains ouvrages regroupent comparatifs de supériorité et d’infériorité sous l’étiquette de « comparatif d’inégalité » ; il est judicieux de voir comment les élèves ont étudié cela en cours de français, afin d’harmoniser la terminologie et donc de faciliter l’acquisition.

- Lorsqu’un superlatif est requis au sein d’un ensemble de seulement deux éléments, l’anglais utilise après the la forme du comparatif de supériorité (ex. Sue is the taller of the two). La forme ‑er est en effet un vestige du duel, sorte de « pluriel pour deux éléments » (que l’on retrouve dans either par exemple).

- Comparatif et superlatif concernent les adjectifs gradables, mais aussi les participes passés employés comme adjectifs et certains adverbes (ex. She finished earlier than expected). Tous fonctionnent de même ; dans le reste de la fiche, pour abréger la rédaction, on utilisera simplement « adjectifs ».

2.2. Morphologie du comparatif et du superlatif

- Avec les adjectifs courts, le comparatif de supériorité se forme en ajoutant -er, le superlatif de supériorité en ajoutant -est. Les adjectifs longs, eux, sont précédés de more (lui-même comparatif de supériorité de much) pour le comparatif, de most (superlatif de supériorité de much) pour le superlatif.

Pour exprimer l’infériorité, les adjectifs longs sont précédés de less (comparatif de supériorité de little) pour le comparatif, de the least (superlatif de supériorité de little) pour le superlatif.

- Les adjectifs courts sont ceux d’une syllabe, parfois de deux (surtout parmi ceux qui se terminent en ‑er, le, ‑ow, ‑y) ; les adjectifs longs sont les autres. Pour certains adjectifs de deux syllabes, on note des variations entre locuteurs, ainsi more simple et simpler co-existent.

- Certains adjectifs subissent une légère modification orthographique. On pourra se reporter à une grammaire pour plus de détails. Par exemple, un -y final se transforme en -i (happier) ; ou encore, la consonne finale est doublée si elle est précédée d’une voyelle unique et accentuée (bigger, mais pas *warmmer), afin d’avoir encore le même son voyelle (la voyelle de *biger devrait être prononcée comme celle de tiger).

- Enfin, certains adjectifs très fréquents ont un comparatif et superlatif de supériorité irréguliers (ex. bad – worse – the worst).

2.3. Augmentation et diminution proportionnelle (« Plus... plus... », « Moins... moins... »)

- En français, plus et moins sont placés seuls en tête ; en anglais, il faut laisser avec la marque de comparatif le reste du groupe dans lequel il se trouve (et qu’il modifie). Ainsi, you are [more tired], you want to do [less], donc The more tired you are, the less you want to do. Ou encore, There are [fewer participants], so the organisers make [less money], donc The fewer participants there are, the less money the organisers make.

- Lorsque le verbe est be, sujet et verbe peuvent souvent être omis, comme dans l’adage the more, the merrier.

2.4. La comparaison autrement que par le comparatif ou le superlatif

La liste suivante n’est pas exhaustive ; l’objectif est simplement de rappeler l’existence d’autres manières de comparer deux éléments ou plus.

- « Moi aussi », « lui non plus » : So + auxiliaire + sujet / Neither + auxiliaire + sujet. Ex. I’d love to go to Norway.So would I. L’inversion, obligatoire, permet de placer en dernière information (souvent la plus importante) le nouveau sujet auquel s’applique la remarque.

- certains adverbes ou groupes prépositionnels : ex. I think so, too. ; conversely ; similarly ; in comparison ; (un)like xx ; contrary to xx.

- certains autres éléments lexicaux : ex. similar, different.

Tous ces éléments ont en commun de ne pouvoir exprimer que la ressemblance ou la différence, alors que comparatif et superlatif expriment un degré.

- comparaison de propositions complètes : ex. whereas, while.

3. Conseils de mise en œuvre

3.1. A quel niveau d’enseignement introduire tel point ?

Pour s’assurer de la pertinence des choix par rapport au niveau d’enseignement, il est important de prendre en compte le niveau du CECRL visé ; mais il peut être justifié également de traiter un point, même complexe, en raison de sa fréquence d’utilisation et de son importance pour se faire comprendre. Il convient alors de distinguer reconnaissance (par blocs lexicalisés) et appropriation (analyse formelle).

Par exemple :

  • les structures d’augmentation ou diminution proportionnelle (cf. the more... the less...) relèvent d’un niveau avancé, de même que le superlatif pour deux éléments (the taller of the two brothers, the taller brother).
  • le rebrassage et l’acquisition progressive sont recommandés. Par exemple, lors de la découverte du comparatif, il serait contre-productif d’introduire dans le même temps supériorité, égalité et infériorité. L’impression laissée serait celle d’un point extrêmement complexe, pour lequel il est difficile de penser à tous les points pour obtenir la forme correcte. Comme toujours, la sélection des éléments pertinents doit être fonction des adjectifs qui seront nécessaires en production. L’introduction ultérieure d’autres aspects, en fonction de la production attendue, permettra une complexification progressive.
  • par ailleurs, pour donner un exemple de distinction entre reconnaissance et appropriation, faire remarquer dans un document shorter and shorter ne nécessite pas forcément, selon les besoins de production, une formalisation de la structure « comparatif and comparatif ». Ou encore, certaines expressions figées contenant un comparatif ou un superlatif peuvent être apprises comme un bloc.

3.2. Exemples de sélection par rapport au besoin de production

- pour une première découverte du comparatif, il est essentiel de cibler les besoins spécifiques de production. Par exemple, il s’agira probablement de se concentrer sur le comparatif de supériorité (ou peut-être d’égalité). La distinction entre adjectifs courts et longs paraît alors judicieuse ; selon les adjectifs nécessaires en production, l’observation devra peut-être intégrer également une ou deux exceptions – better, par exemple, est extrêmement fréquent. Anticiper les besoins associés à telle tâche de production, et choisir soigneusement la tâche de production en fonction des adjectifs qu’elle mettra en jeu, est fondamental pour garantir une introduction du comparatif qui ne soit pas trop dense, mais qui couvre les besoins en production qui suivront.

Par ailleurs, dans les observations et dans la déduction des règles de formation, il est important de se concentrer non seulement sur la forme de l’adjectif (ex. warmer, more annoying), mais aussi sur ce qui suit (than...), car les élèves auront vraisemblablement besoin, eux aussi, d’introduire un comparant.

- pour un rappel spécifique de la distinction entre adjectifs courts et longs (*more tall, *more better), il est important d’abord de comprendre pourquoi les erreurs constatées existent. Notamment, certains élèves sont tentés de toujours employer more, probablement sous l’influence du français (plus... plutôt qu’un suffixe). Si tel est le diagnostic, l’observation peut commencer par des adjectifs courts, avant de passer à des adjectifs longs ; dans la production qui suivra, on peut également veiller à ce que des adjectifs courts soient parfois utilisés. Faire surligner la marque du comparatif (more ou le suffixe ‑er) peut aider par ailleurs à faire voir qu’elle ne se trouve pas toujours à gauche de l’adjectif. Des considérations sur les adjectifs de deux syllabes ne sont peut-être pas indispensables à ce stade, ou alors en pédagogie différenciée, comme point de niveau plus avancé pour les élèves déjà à l’aise.

- pour introduire les structures d’accroissement ou diminution (cf. the more... the less...), il est essentiel que le document en permette naturellement l’observation et la production. Selon le niveau de la classe, il peut être pertinent de faire reconnaître déjà le cas simple (the more/less... the more/less... non suivi d’un adjectif ou d’un nom), et d’introduire plus tard (là ou dans une autre séquence) des cas plus différents du français. Montrer le passage de She is more tired à The more tired she is peut également être avantageux, car il permet à la fois de voir que more tired fonctionne comme un groupe, et de comprendre pourquoi l’anglais a recours à the : pour ce degré de more tired, il y a tel degré correspondant d’autre chose annoncé dans la seconde moitié de la phrase.

- s’il s’agit plutôt de revoir spécifiquement les règles de doublement de la consonne finale d’adjectifs mis au comparatif ou superlatif, il est important là encore que le document permette l’observation puis la production écrite d’adjectifs concernés. Si l’aspect progressif a déjà été étudié avec les élèves, il peut être intéressant de montrer que la règle est la même que pour le doublement de la consonne finale lorsqu’on ajoute ‑ing à un verbe ; expliciter la raison d’être de cette règle (avoir encore le même son voyelle) peut également être utile.

- enfin, si des élèves confondent comparatif et superlatif, il est important de comprendre pourquoi. Il est possible notamment que certains aient des difficultés à concevoir la différence entre les opérations effectuées, puisqu’il s’agit toujours de comparer à d’autres ; dans l’exemple John is the tallest of the three brothers, il y a ainsi comparaison au sein de l’ensemble des trois frères. Dans ce cas, une coordination avec l’enseignant de français est judicieuse. Montrer la différence de représentation entre comparatif et superlatif (John fait partie de l’ensemble à l’étude avec le superlatif, mais pas avec le comparatif, voir 2.1 ci-dessus) s’avère probablement utile, en association avec un schéma. Il est possible également de se concentrer sur le superlatif, si c’est lui qui est directement pertinent pour la production qui suivra, et d’associer un schéma visuel tel qu’une échelle verticale. Par exemple :

3.3. Comment ne pas simplifier à l’excès ?

Dans la démarche de sélection, il est important de ne pas être faux dans ses explications en simplifiant à l’excès, mais de laisser la porte ouverte à des compléments.

Voici quelques exemples pour la comparaison :

  • il est important d’essayer d’appliquer mot à mot la règle telle qu’on se propose de la formuler, afin de vérifier qu’elle ne suscite pas de contre-exemples évidents, ou n’invite pas à des généralisations abusives pour des élèves qui s’appliqueraient à la réinvestir. Par exemple, « pour former le comparatif, on ajoute ‑er aux adjectifs courts et more aux adjectifs longs » fait immédiatement apparaître un problème si la pratique proposée comporte un adjectif tel que big (problème du doublement de la consonne finale) ou good (adjectif irrégulier) ; lorsqu’on cherche à former une phrase, il apparaît immédiatement qu’il manque aussi la mention de than pour introduire le comparant ; enfin, la règle énoncée ne concerne que le comparatif de supériorité.
  • il est en effet important de ne pas réduire le « comparatif » au comparatif de supériorité – de même pour le superlatif. Conserver l’étiquette entière (« … de supériorité ») permet d’éviter cet écueil.
  • lorsque plusieurs formulations conviennent, il est important de ne pas donner l’impression qu’elles sont strictement synonymes. Soit unlike… et contrary to… : contrary to… suppose un contraire, une opposition, là où unlike évoque seulement une différence. Pour éviter cet écueil, il est utile par exemple de montrer la formation de chacun, et/ou d’expliciter leur sens par une glose. Sinon, des élèves zélés pourraient produire des énoncés aberrants tels que *unlike popular opinion.

 

 

 

© Clé des Langues – Laure Gardelle, groupe expert IA-IPR, IGEN

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Pour citer cette ressource :

Laure Gardelle, "J’ai besoin de faire comparer des éléments", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), décembre 2018. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/se-former/porte-cles-grammatical/j-ai-besoin-de-faire-comparer-des-elements