Vous êtes ici : Accueil / Arts / Cinéma / Buster Keaton («Sherlock, Jr.» - 1924; «The Navigator» - 1924; «Seven Chances» - 1925; «The General» - 1926; «Steamboat Bill Jr.» - 1928)

Buster Keaton («Sherlock, Jr.» - 1924; «The Navigator» - 1924; «Seven Chances» - 1925; «The General» - 1926; «Steamboat Bill Jr.» - 1928)

Par Lionel Gerin : Professeur d'anglais et cinéphile - Lycée Ampère de Lyon
Publié par Marion Coste le 25/01/2016
Buster Keaton est un génie ! Sur scène, dès l’âge de cinq ans avec ses parents, il sait tout faire. D'abord tomber (son père lui attache une poignée dans le dos et le jette dans le public), ensuite (et avant tout), faire rire. À 22 ans, il a déjà 17 ans d'expérience du spectacle derrière lui. Il rentre "en cinéma" et passe en premier lieu par l'école des courts-métrages burlesques, avec Fatty Arbuckle, puis commence à réaliser ses propres "bandes" (à voir, bien évidemment). ((Cops)) est, par exemple, une merveille. Dès 1923, il passe au long-métrage. Je traite ici de cinq d'entre eux, mais les autres sont tout aussi indispensables.

https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2016/ANG_2016_The_General.mp4

Buster Keaton est un génie!

Sur scène, dès l’âge de cinq ans avec ses parents, il sait tout faire. D'abord tomber (son père lui attache une poignée dans le dos et le jette dans le public), ensuite (et avant tout), faire rire.

À 22 ans, il a déjà 17 ans d'expérience du spectacle derrière lui. Il rentre "en cinéma" et passe en premier lieu par l'école des courts-métrages burlesques, avec Fatty Arbuckle, puis commence à réaliser ses propres "bandes" (à voir, bien évidemment). Cops est, par exemple, une merveille. Dès 1923, il passe au long-métrage. Je traite ici de cinq d'entre eux, mais les autres sont tout aussi indispensables.

Deux mots sur les histoires. Dans Sherlock Junior, il incarne un projectionniste qui se projette dans les films (qu'il projette justement). Dans The Navigator, il est un milliardaire désœuvré et amoureux qui se retrouve seul au commande d'un bateau avec sa bien-aimée, pour une croisière très particulière. Dans Seven Chances, il a une journée pour se marier s'il veut hériter de sept millions de dollars. Dans The General, la Guerre de Sécession vient d'éclater. Il est mécano d'une locomotive volée par les Yankees qui kidnappent du même coup sa bien-aimée. Il se lance à leur poursuite. Enfin, dans Steamboat Bill Jr, il joue le fils maladroit d'un capitaine de steamer et va se trouver au beau milieu d'une rivalité et d'un ouragan.

Buster Keaton est un génie du gag, un génie de la mise en scène.

Tout est millimétré, confondant d'invention, de virtuosité, de fantaisie. C'est de la dentelle, du grand art. Cette mécanique n'a qu'un but, le plus noble: faire rire, guérir (gai-rire).

Chaplin est un être social, un déclassé, un clochard avec lequel on sympathise, sur lequel on s'attendrit. On sort parfois les violons et les mouchoirs.

Rien de tout cela chez Keaton. Il n'est pas un être social, ne se définit pas par sa classe ou son rang. Il n'est pas déclassé, il est décalé.

C'est un être méta(très)physique, aux prises avec les objets, les éléments, les circonstances. Il occupe l'espace avec l'aventure de son corps.

Chaplin peut être le porte-voix des plus pauvres, des oubliés.

Keaton, lui, est un rêve de liberté, la liberté du corps, la liberté du rêve, quand l'on est enfin souple, que l'on peut voler ou rebondir. Il est lunaire, à jamais ailleurs.

Décrire ses cascades, ses gags, serait fastidieux et contre-productif. Il faut le voir! Invention permanente, risque total, corde raide. Les enfants disent: "C'est pour de rire!". Lui, sérieux comme un enfant qui joue, pour un gag, il joue sa peau, "pour de vrai".

Keaton est un génie! Keaton est un poète!

Il jongle avec la vie contraire, détourne les objets qui lui résistent. Il dévale les montagnes poursuivi par les pierres, il affronte l'ouragan et défie le monde qui s'écroule. Il fait feu de tout bois, de toute eau, de tout vent. Il saute d'un film à l'autre et subjugue sans attendrir. Il chasse les fantômes et change de forme en traversant les fenêtres, reçoit sur la tête, pêle-mêle, un chargement de camion, une façade de maison, tout un inventaire à la Prévert. Tout est création, c'est-à-dire, littéralement, poésie.

Au bout du compte, il demeure comme la neige ou le désert, un constant mystère. Et nous restons, sonnés comme au premier Noël, comme le grand cinéma, muets.

Sommés de citer de grands films, de grands acteurs, qui se souvient de ceux qui nous font rire? Seuls la tragédie, le drame nous semblent hauts. Pourtant, bien peu de ces drames égalent le très simple et si parfait burlesque de Keaton, son geste ample et total, le don qu'il implique et la liberté qu'il nous offre.

Découvrez-le! Faites-vous plaisir! Pur éclat fugace d'enfance, de vrai bonheur.

Keaton est un génie!

 

Pour citer cette ressource :

Lionel Gerin, "Buster Keaton («Sherlock, Jr.» - 1924; «The Navigator» - 1924; «Seven Chances» - 1925; «The General» - 1926; «Steamboat Bill Jr.» - 1928)", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2016. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/arts/cinema/buster-keaton-sherlock-jr-1924-the-navigator-1924-seven-chances-1925-the-general-1926-steamboat-bill-jr-1928-