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Les Gnawa : Histoire publique d'une communauté marginale

Par Zineb Majdouli : Chargée de cours - Université de Paris 8
Publié par Salam Diab Duranton le 18/01/2008

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Depuis une dizaine d'années, les musiciens gnawa, issus de la confrérie religieuse des Gnawa, connaissent un succès considérable au Maroc et en Europe. Ils sont invités régulièrement à se produire dans les festivals internationaux de musiques du monde. Nous allons voir tout au long de cet article comment l'existence de cette communauté et de ses pratiques rituelles ainsi que le développement récent de ses activités dans la sphère publique matérialise les tensions entre les catégories : religion des élites/religion populaire ainsi que tradition et modernité.

Gnawa

Pendant la période coloniale, plusieurs chercheurs et anthropologues tentent de comprendre et de classifier le système religieux au Maghreb. Les Gnawa sont, dès la fin du XIXème siècle, identifiés comme une confrérie religieuse populaire dont les pratiques thérapeutiques sont l'héritage de cultes animistes subsahariens « importés » par les générations d'esclaves installés au Maroc.

En effet, les travaux sur le culte des saints maghrébins ou sur la traite négrière en terre d'islam ont tenté d'identifier la provenance de cette communauté et de ses pratiques rituelles en explorant l'origine du mot « Gnawa ». L'explication fournie par Maurice Delafosse en 1924, est restée pendant longtemps l'unique référence étymologique du mot et fut adoptée par des générations de chercheurs [1]. Selon Delafosse, l'expression berbère akal-n-iguinaouen qui signifie pays des Noirs, aurait donné naissance au mot Guinée et au mot « Gnawa » par ressemblance phonétique. Gnawa, signifierait donc Homme noir ou venant du pays des Noirs.

Toutefois, en l'absence de données historiques probantes, seules cette parenté phonétique a permis d'appuyer l'hypothèse de l'origine subsaharienne de cette communauté et de ses rituels. Les chercheurs contemporains admettent qu'il est difficile aujourd'hui d'identifier l'origine des Gnawa à partir de leur nom, d'autant plus qu'ils ne sont pas tous noirs, arabes ou musulmans. Il existe également des Gnawa berbères et des Gnawa juifs.

Les recherches que j'ai effectuées auprès de mes informateurs sur le terrain se sont révélées bien plus intéressantes. J'ai tenté, à partir de mes entretiens, de réunir des informations concernant l'origine des Gnawa. Je me suis ainsi rendu compte que l'élite intellectuelle marocaine avait bien plus de respect pour les confréries religieuses savantes que pour les confréries dites populaires. Dans le sens commun, le mot « Gnawa » renvoyait certes à la couleur de la peau et au passé servile de cette communauté mais également à leur statut social. Ainsi l'usage ordinaire de ce mot révèle que « Gnawa » signifie certes Homme noir, descendant d'esclave mais il signifie aussi mendiant. Qualifier une personne de Gnawi (singulier de Gnawa) revient à faire allusion à sa simplicité, à sa marginalité et à sa pauvreté (dans certains cas ce mot peut être aussi perçu comme une insulte). Les attributs des Gnawa dans l'usage ordinaire définissent ainsi un Gnawi comme un homme qui fait la quête pour se nourrir ; il s'agit d'un errant et un mejdoub (un possédé, ravi par les esprits mais aussi un dément) qui inspire aussi bien la pitié et le mépris que la crainte.

Le mot « Gnawa », dans son acception commune, sert donc à identifier socialement et culturellement les membres de cette communauté. Cette acception les situe non seulement dans la marge de la société mais aussi à l'extérieur de l'espace culturel et cultuel marocain. Ils sont ainsi dans ce sens dans une sorte d'entre-deux, ni exactement noirs, ni complètement blancs, entre le monde des hommes et celui des esprits. Ils sont exclus symboliquement du collectif dans lequel ils  vivent [2].

Si les Gnawa sont marocains depuis des générations et s'ils ne sont pas tous des descendants d'esclaves, pourquoi cette collision entre les Gnawa et l'esclavage semble-t-elle être une évidence dans les discours savants comme dans le sens commun ? Si l'origine du mot « Gnawa » ne peut donner que des indications approximatives, je propose d'explorer l'histoire de la traite négrière en terre musulmane afin de comprendre comment cette communauté s'est constituée.

1. La question de l'origine des Gnawa

A partir du premier millénaire [3], des caravanes commençaient à tracer une route des esclaves. Elles partaient d'Afrique du Nord vers le « pays des Noirs », chargées de tissus, de cuivre et de verroteries qu'elles échangeaient contre de la poudre d'or et des esclaves. Le trafic caravanier va se poursuivre durant des siècles rapportant Hommes et minerais enrichissant ainsi la population noire d'Afrique du Nord. Les individus saisis étaient généralement placés dans de grandes familles de dignitaires et de marchands ou encore au service du sultan (en tant que membres de la garde royale ou en tant que soldats). La route des esclaves a continué d'acheminer Hommes et denrées jusqu'à ce que l'interdiction de la traite soit officialisée en Angleterre en 1807. L'occupation française mit fin au trafic de réexportation de sorte que les arrivées se limitèrent à la couverture des besoins internes du pays. Mais jusqu'au milieu du XIXème siècle, le trafic continuait à acheminer environ 4000 individus par an. Les arrivées vont diminuer progressivement jusqu'à leur disparition au début du XXème siècle.

Les commerçants ont donc rapporté des esclaves d'origines géographique et culturelle diverses. Il est difficile de déterminer d'où provient précisément la communauté des Gnawa marocains. Il est possible d'identifier les grands déplacements des populations, traçant l'histoire des relations entre l'Afrique noire et l'Afrique blanche, mais nous ne pouvons avoir la certitude de l'origine des Gnawa. Les populations déplacées proviennent bien de l'ancien Soudan, c'est-à-dire tous les pays de l'enceinte saharienne, du Sénégal jusqu'au Soudan actuel. Comment identifier alors l'origine des pratiques rituelles des Gnawa ?

Les résultats de l'enquête de Viviana Pâques sur la vie spirituelle en Afrique, démontrent que « dans toutes les régions d'Afrique du Nord et de l'Ouest, nous nous trouvons en présence d'une civilisation fondamentalement homogène (...) En dépit de toutes les variantes de détail, la vie spirituelle qui dicte le comportement des sociétés est véritablement une, qu'il s'agisse de Blancs ou de Noirs, de musulmans ou d'animistes » [4]. Sa recherche tente de démontrer que la coexistence des peuples noirs et blancs en Afrique du Nord et en Méditerranée ne remonte pas uniquement, comme il a été communément admis, à la traite négrière. L'existence de « types négroïdes » au Maghreb remonte à la préhistoire [5]. Dans l'Antiquité et jusqu'à la période historique, la présence de sang blanc très loin dans le Sud africain et de sang noir en Afrique du Nord, est attestée : « Ces populations vivent côte à côte en se métissant depuis le début de la cohabitation. » [6] Le sacrifice annuel, la répartition des confréries en sept maisons, l'existence d'une organisation confrérique réunie autour du tombeau d'un saint sont des traits qui unissent, selon l'auteur, toutes les confréries noires en Afrique du Nord. Au-delà des concordances des systèmes spirituels, Viviana Pâques démontre que les valeurs traditionnelles de ces communautés déplacées n'ont pas été plus modifiées dans leur essence par le contact avec les communautés blanches islamisées, que par des facteurs écologiques ou géographiques. Les Noirs déplacés n'ont pas rencontré de difficultés fondamentales à fondre leurs croyances dans celles qui régnaient en milieu blanc alors même que la hiérarchie sociale leur était défavorable ; preuve pour l'auteur de l'existence d'une profonde communauté de civilisation entre l'Afrique dite noire et l'Afrique dite blanche. Nous ne sommes donc pas, selon l'auteur, devant une réminiscence de cultes animistes transportés d'Afrique subsaharienne au Maroc, mais devant un système religieux cohérent et une histoire qui remonte aux origines de l'humanité. D'après mes observations, les Gnawa sont considérés, dans les discours savants comme dans le sens commun, comme une communauté extérieure au système religieux dominant. Les références aux origines des Gnawa dans les ouvrages d'Edmond Doutté, d'Arthur Tréméarne ou de Maurice Delafosse [7] et même dans ceux d'auteurs contemporains tels que Abdelhafid Chlyeh [8], ne vont pas plus loin que la traite négrière en terre d'islam lors de son apogée au Xème siècle. Par conséquent, les explications données, sur la manière dont ces cultures déplacées ont « syncrétisé » la religion dominante, réduisent la communauté des Gnawa à sa seule origine subsaharienne. L'analyse que propose Emile Dermenghem du culte des saints maghrébins confirme aussi l'opposition islam savant/islam populaire. Il démontre en effet que la communauté des Gnawa s'est « accommodée » du système religieux régnant. Les Gnawa, ne sont donc que ces populations réduites à la servitude qui ont tenté de faire bon ménage avec l'islam orthodoxe. Les Gnawa demeurent donc suspectés, en empruntant la formule de Jacques Berque, d'être des « fauteurs de rites populaires exorbitants d'outrance, de fanatisme et même de retour au paganisme » [9].

Le point de vue universaliste de Viviana Pâques, qui souhaite réunir sous les mêmes cieux toutes les religions africaines (islam y compris) est certainement critiquable. Il reste que l'étendue de son enquête historique et géographique, prouve l'existence de liens entre ces deux communautés traditionnellement séparées l'une de l'autre. Nous retiendrons de sa recherche que la fréquence des rencontres et des déplacements dans les deux sens n'a pu que favoriser les relations et les échanges entre les deux Afriques et préparer progressivement l'émergence de confréries telles que les Gnawa au Maroc, les Diwan en Algérie ou les Stambali en Tunisie.

Jean-Louis Miège soutient dans son article sur l'origine géo-historique des Gnawa que la constitution de cette communauté a employé des modes et des voies diverses. On ne peut parler de constitution initiale d'un groupe de Gnawa mais de sa « formation complexe sur une longue période, par strates diverses, par amalgame d'apports semblables (sinon de même origine) et de filiations avec des groupes identiques » [10].

Pour quelle raison alors, après des siècles de cohabitation et après l'abolition de l'esclavage, considère-t-on toujours les Gnawa comme extérieurs à la pratique religieuse  musulmane ? Circonscrire l'origine de cette population et de ses rituels uniquement dans le cadre de la traite négrière ou encore renvoyer son origine essentiellementà une réminiscence animiste subsaharienne, serait faire des Gnawa des étrangers et serait confirmer la croyance générale, celle que ces hommes et ces femmes ne font pas partie intégrante du paysage religieux marocain. Je suggère d'aller voir à présent dans quelle mesure cette proposition est vérifiable : Comment les Gnawa s'intègrent-ils dans le paysage religieux marocain ?

2. Les Gnawa et l'islam

Les confréries religieuses au Maroc sont organisées autour d'une zaouïa, centre religieux établi par un personnage charismatique. Celui-ci a fondé sa réputation soit par la preuve de sa descendance du prophète, soit par l'accomplissement d'un miracle ou d'un prodige qui lui vaut le titre de saint. A sa mort, son tombeau devient un lieu de ralliement où les membres de la zaouïa effectuent un pèlerinage annuel à la date anniversaire de la mort du maître. Ils y reçoivent aussi des enseignements spirituels et juridiques. Ce centre spirituel, d'où se diffuse la baraka [11] du saint fondateur, est géré par ses descendants à qui cette force bénéfique a été transmise. Progressivement, la confrérie se développe ; le nombre desdisciples et le montant des dons augmentent. La descendance du saint fondateur se charge d'accroître et de fructifier ce capital économique par l'acquisition de propriétés foncières et par l'organisation de fêtes saisonnières. Celles-cis ont appelées des moussem. Elles permettent d'attirer de nouveaux membres et d'affermir le capital symbolique de la confrérie.

Les Gnawa, quant à eux, se réclament de Bilal, eunuque éthiopien et premier muezzin de l'islam. Ils établissent ainsi une filiation mystique apparentée au système des confréries religieuses unies autour du tombeau d'un saint [12]. Si Bilal n'a pas de tombeau, les Gnawa vénèrent d'autres saints locaux et effectuent des pèlerinages annuels à leur zaouïa. Ils utilisent également des termes tels que zaouïa, jedb ou hadra qui sont des termes communs au soufisme. Leurs pratiques sont ainsi apparentées autant à l'islam dit populaire qu'à l'islam dit savant.

Si le rite de possession des Gnawa se réfère aux religions animistes d'Afrique noire, il n'en demeure pas moins profondément lié à cette tradition orientale du culte des saints. Abdelqader Jilali, un des saints invoqués pendant le rite de possession, est reconnu comme « le plus grand saint exorciste du monde musulman, celui qui ouvre la lila et la transe » [13]. Il se trouve que ce saint est une des figures consacrées du soufisme savant.

Si on conçoit les rapportsde l'Afrique blanche et de l'Afrique noire comme profondément liés depuis des siècles, nous ne pouvons plus concevoir le culte des Gnawa en termes « d'accommodation » mais plutôt en termes de « synthèse ». Le culte religieux des Gnawa n'est ni une copie du système confrérique, ni en contradiction avec ce système, il en est simplement une des formes possibles.

Une autre entrée explicative se situe dans le cadre de l'opposition entre orthodoxie et hétérodoxie. SelonClifford Geertz, la baraka que possède un saint ou un marabout sematérialise de deux façons différentes au Maroc. La baraka estmiraculeuse quand elle renvoie au pouvoir de provoquer des phénomènesinhabituels ou de réaliser des prodiges. La baraka est généalogiquequand elle renvoie à une descendance prophétique. La tension entre ces deuxprincipes est largement révélatrice de la dynamique de l'histoire culturelle auMaroc.

Au Maroc, le système religieux tend à privilégier l'aspect généalogique. Il correspond au schéma dela sainteté octroyée par l'ascendance chérifienne au Prophète. L'ascension dela dynastie alaouite confirme et consacre la baraka par le lien de sang.Cette lutte politique qui date du XVIIème siècle entre orthodoxie ethétérodoxie, visant à instituer un islam unifié, serait donc à l'origine decette tension entre islam savant et populaire [14].Toujours selon Geertz, le soufisme, le culte des saints ou le maraboutisme,sont une réponse à l'impérieuse nécessité de chaque religion de s'ajuster à unequantité de mentalités diverses et à une multiplicité de formes locales de foi.Au Maroc, il s'agit de réconcilier la conception généalogique et la conceptionmiraculeuse de la sainteté. L'islam marocain, dans cette tentative d'ajustementaux multiplicités locales, définit d'autres formes locales de foi, telles quela possession et le sacrifice, comme des rituels musulmans. Geertz noteégalement qu'« aussi surprenant que cela puisse paraître, ces deuxprincipes - le charisme comme don individuel ou comme patrimoine familial -réussirent à se fondre (...) dans le sens d'une unification de plus en plusgrande ». L'aspect généalogique ne réussit pas au Maroc à désagréger laconception personnelle et prodigieuse de la sainteté. Les Gnawa, en un sens,détenteurs de ce pouvoir prodigieux, ont toujours fait partie de l'islammarocain.

La pratique initiatique desGnawa, offre également une preuve complémentaire de cette« synthèse ». Elle me semble être bien plus qu'un simple mimétisme.Les récits de l'élection d'une moqadma,voyante thérapeute et d'un mâalem,maître de cérémonie, ne sont pas sans rappeler les textes hagiographiques dessaints qui, suite à une vision ou une crise intense, entendent l'appel dudivin. Je cite, à titre d'exemple, le témoignage de Zineb, moqadma, dansl'ouvrage de Chlyeh. Le vécu de possédée de Zineb [15],sa première visite chez une voyante et le processus initiatique qui a suivi,sont parfaitement comparables au parcours des « saints sérieux » [16] (selon la formule de Dermenghem) qui bénéficient des grâces divines. Zineb nedeviendra évidemment pas une sainte et n'aura pas de tombeau mais elle pourraêtre consacrée moqadma après s'être acquittée de ses obligationsrituelles. Pour les maîtres musiciens, la décision de devenir mâalem est le résultat d'une électionpar les mlouk. Suite à un rêve, une transe ou vision, le mâalemest dans l'obligation de répondre à l'appel de son melk. Il doitapprendre à jouer le guembri, il doit remplir ses obligations envers sonmelk et le servir lors des cérémonies rituelles. L'élection et la visionsont bien des schémas utilisés par l'islam savant. Ces événements construisentl'hagiographie de ces « hommes fétiches » selon la formule de Geertz [17].Nous sommes dans le registre magico-religieux dont nous avons parléprécédemment. Dans le cadre de la prévalence de la conception généalogique (quiest aujourd'hui le système consacré) les Gnawa sont effet marginalisés,puisqu'ils fonctionnent selon le second mode, celui du fondementmiraculeux ; mode second mais théoriquement harmonieux avec le systèmerégnant.

Je peux donc affirmer icique la baraka des Gnawa, le prodige qu'ils peuvent effectuer à partir deleurs pratiques rituelles, fait partie de ce système religieux dual et quidemeure vivace aujourd'hui au Maroc. Ceci dit, si les Gnawa relèventthéoriquement du système religieux tel qu'il est pratiqué au Maroc, ilsdemeurent une confrérie religieuse marginale. La conception généalogique de lasainteté domine le paysage religieux et représente, pour une grande partie dela population, la conception légitime. L'illégitimité des Gnawa explique en partiele mépris et la crainte qui entourent encore aujourd'hui leurs personnes etleurs pratiques.

3. Les Gnawa et la liminarité

Nous avons établi qu'au Maroc des islams multiples cohabitent depuis des siècles. Nous avons vu aussi que les pratiques religieuses des Gnawa s'apparentent autant à l'islam orthodoxe qu'aux origines subsahariennes du rite.

Il me semble que les travaux des chercheurs occidentaux sur le Maroc ont profondément influencé la manière actuelle d'appréhender l'institution religieuse musulmane. En effet, les chercheurs qui ont travaillé sur l'islam maghrébin ont souvent accordé peu d'importance à la communauté gnawa. Jean-Noël Ferrié explique que les anthropologues français qui ont travaillé sur le Maroc ou sur le Maghreb, ont fondé la dichotomie religion des élites/religion populaire sur l'idée que la religion dite populaire apparaît comme une série de pratiques fondamentalement irrationnelles explicables seulement par une dérégulation sociale affectant la société tout entière. Le déclin d'une société est lié à l'apparition de ces pratiques. Ainsi, les rites de possession ou le culte des saints sont conçus comme un bouleversement de la société et de son économie morale [18]. Jean-Noël Ferrié note également que cette conception du religieux continue à être présente dans les points de vue actuels, qu'ils relèvent des discours savants ou du sens commun.

La confrérie des Gnawa ne compte pas que des membres issus de la classe populaire. Des bourgeois et de riches propriétaires adhèrent également au culte des Gnawa mais ceux-ci s'en défendent dès que la question leur est posée. La discrétion et la honte qui entourent les pratiques religieuses des Gnawa m'ont permis de réaliser à quel point l'exercice de cette forme religieuse était problématique socialement aussi bien pour les adhérents que pour les Gnawa eux-mêmes. Malgré leur appartenance au système confrérique et en dépit de leur allégeance à Allah et à Mahomet, les Gnawa demeuraient méprisés et craints.

Toujours selon Jean-Noël Ferrié, la conception totalisante de l'institution religieuse est un héritagedurkheimien que les intellectuels aussi bien européens que marocains ont incorporé. A partir de cette conception, la division entre l'islam savant et l'islam populaire, l'islam blanc et l'islam noir est admise. L'islam populaire, est par conséquent perçu comme une réponse à cette domination. Dans ce cadre, les Gnawa ne peuvent avoir qu'une seule origine : extérieure au Maroc. « Leur islam » devient donc à l'évidence une réminiscence de cultes animistes subsahariens, à distinguer de l'islam savant.

J'invoque ici Victor Turner et son concept de « liminarité » [19]. Celui-ci note que du point de vue de ceux que concerne le maintien de la structure (sociale), tout ce qui exprime et entretient une communauté marginale (soumise à l'autorité générale des aînés rituels) doit apparaître comme dangereux et anarchique et doit être circonscrit par des prescriptions, desprohibitions et des conditions diverses. C'est souvent celui qui est « marginal » ou inférieur ou « du dehors » qui en vient à symboliser le « pouvoir du faible » selon la formule de Turner. Ces personnages de bas statut ou de basse position (tels que les bouffons dans les cours royales, les « mendiants sacrés » ou le « troisième fils ») détiennent des attributs sacrés ; attributs obtenus par l'intermédiaire des croyances qui leur sont attachées ou par les symboles qui les environnent.

Les Gnawa semblent être tout à fait associables au modèle que propose Turner. Ce sont en effet des personnages marginaux (pauvres, mendiants) estimés dangereux ou inquiétants (à cause de leurs relations avec l'invisible) mais qui détiennent, grâce à leur rite thérapeutique, un pouvoir considérable [20].

J'associe l'analyse de Turner aux travaux de Geertz sur le système confrérique dans le monde musulman.Geertz souligne en effet que les confréries religieuses suivent une certaine trajectoire. Le fondateur d'un mouvement religieux doit suivre un rite initiatique avant d'être consacré comme fondateur d'une zaouïa. Il doit d'abord effectuer un pèlerinage où il fait don de lui-même à Dieu. Pendant ce pèlerinage un miracle ou une rencontre prodigieuse a lieu. Il revient ensuite à sa terre natale où il raconte son voyage. A son retour, il élit un lieu et réunit autour de lui des disciples et commence à établir un centre religieux. A sa mort, son tombeau devient un lieu de pèlerinage.

Cette trajectoire suit des voies diverses et diffère d'une école religieuse à une autre mais ce qui nous intéresse ici c'est la façon dont une école religieuse, une zaouïa est instituée et consacrée. Dans une échelle temporelle plus élargie, Geertz note qu'il y a un cycle de la zaouïa, elle naît, se développe, prospère et décline.

Ainsi, le cycle de la zaouïa que décrit Geertz s'apparente à un rite de passage. En effet, les rites de passage accompagnent les changements de lieu, d'état, d'occupation, de situation sociale, de statut, d'âge... Ils rythment le déroulement de la vie humaine, le passage d'une année à l'autre, d'une saison à l'autre et d'un état à l'autre.

Le cycle de la zaouïa passe par trois phases successives [21]. La première est la phase de séparation qui comprend un détachement symbolique représenté ici par l'ascèse et la pauvreté. La seconde phase est celle de la marge (ou de limen qui signifie seuil en latin) où le personnage fondateur retourne à la terre natale. Il est encore saisi par l'attrait divin et raconte son périple. Il erre en solitaire sur les routes et vit d'aumônes. Il peut d'ailleurs être confondu avec un fou ou un idiot mais la pratique populaire lui attribue volontiers une parcelle de sainteté. La troisième phase, l'agrégation, est celle où le personnage fondateur accède au statut de saint. Il sort ainsi de la marge en fondant la confrérie par le choix d'un lieu où va s'établir la zaouïa. Ces trois phases correspondent à la théorie du rite de passage, telle que l'a définie Arnold Van Gennep et dont Turner s'est largement inspiré.

Nous avons vu que les Gnawa suivent le même cheminement que les confréries religieuses soufies au Maroc. Ainsi, les Gnawa fondent une communauté et un rite thérapeutique, mais en l'absence d'un personnage fondateur et surtout d'un lieu saint qui leur est strictement consacré, cette communauté demeure dans la seconde phase, incapable d'accéder à l'agrégation. Ils détiennent bien des pouvoirs sacrés mais ceux-ci ne sortent pas des espaces domestiques des maisons clientes. Une communauté existe bel et bien mais s'organise d'une façon « anarchique » autour des confréries religieuses savantes (les aînés rituels). Le statut des Gnawa correspond à ce que Turner a nommé le statut liminaire.

Les personnes en situation liminaire ou les gens du seuil sont en effet ambiguës, « dans de nombreuses sociétés qui ritualisent les transitions sociales et culturelles, les entités liminaires passent au travers du réseau classificatoire qui détermine les états et les positions dans l'espace culturel. Elles ne sont ni ici ni là ; elles sont dans l'entre-deux, entre les positions assignées et ordonnées par la loi, la coutume, la convention » [22]. Turner identifie les attributs ambigus de ces entités liminaires. Celles ci correspondent bien au statut social des Gnawa : un statut indéterminé dans le système classificatoire des confréries religieuses. Ils ne détiennent pas de ressources financières ni de propriétés au même titre que les confréries savantes mais possèdent en revanche un caractère sacré. Ils sont simples, humbles et indifférents à l'apparence personnelle. Ils sont craints et parfois estimés dangereux. Enfin, leur activité rituelle ainsi que leur existence font systématiquement référence aux forces surnaturelles. Les Gnawa sont donc dans l'entre-deux, en transition, dans la liminarité. Dans le cadre d'un rite de passage, cette confrérie n'a pas atteint le stade d'agrégation sociale.

Je me permets ici d'avancer que l'existence des Gnawa maintient un certain équilibre dans le paysage religieux au Maroc. Les personnages liminaires, nous dit Turner « sont structurellement inférieurs ou marginaux mais ils représentent ce que Henri Bergson aurait appelé la morale ouverte par opposition à la morale fermée, celle-ci étant essentiellement le système normatif de groupes délimités et structurés ; un groupe constitué préserve son identité contre les membres d'un autre groupe, se protège contre ce qui menace sa manière de vivre et entretient sa volonté de maintenir les normes dont dépend le comportement quotidien nécessaire à la vie sociale » [23]. Les Gnawa, de par leur statut de marginaux, sont donc demeurés en transition, ils ont permis à la société structurée et hiérarchisée de s'auto-définir par opposition à eux.

Aujourd'hui, nous assistons à un phénomène extraordinaire : des milliers de personnes se déplacent chaque année afinde célébrer les Gnawa. Le Festival d'Essaouira Gnaoua Musiques du monde a été crée en 1998 à l'initiative de la ville d'Essaouira et de quelques membres de la société civile. Dédié à « la promotion de la culture gnawa », ce festival connaît depuis sa création, un succès sans précédent au Maroc : le budget d'organisation a été multiplié par sept et le nombre de participants au festival est passé de 7000 lors de la première édition àprès de 400 000 lors de la 8ème édition. La reconnaissance publique dont bénéficient aujourd'hui les Gnawa à travers cette manifestation, paraîtcontradictoire avec le mépris dont ils ont fait l'objet durant des décennies. Ils montent en effet sur scène, ils sont visibles et audibles (et non plus cantonnés aux espaces domestiques). Leur notoriété dépasse les frontières du pays et certains mâalem sont honorés par des hommages à leur art musical. Pouvons-nous avancer ici que le festival d'Essaouira, pèlerinage ou moussem moderne, a permis aux Gnawa de sortir de la liminarité et de devenir une institution agrégée ?

4. Le moussem moderne des Gnawa

J'ai pu relever dans la presse marocaine un parallèle fréquent entre le festival d'Essaouira et le moussem, cette fête agraire qui a lieu annuellement autour du tombeau d'un saint. Lorsque j'ai interviewé quelques participants au festival, les mots ziara (visite au tombeau d'un saint) et moussem moderne revenaient fréquemment. Ce type de rapprochement mérite à mon sens d'être questionné. Pourquoi donc compare-t-on le festival d'Essaouira à un moussem ?

Afin d'invoquer la protection divine, le début du cycle agricole donne lieu à des fêtes agraires, appelées moussem. Ceux-ci sont organisés par les confréries religieuses et se déroulent généralement autour du tombeau d'un saint. Les pèlerins s'y déplacent aussi bien pour bénéficier de la baraka du saint mais également pour profiter de l'animation que le moussem propose. Forains, marché et spectacles musicaux, le moussem prend les allures d'une grande fête collective. Il est l'occasion de revivifier l'économie locale mais aussi l'occasion de sedivertir. Les confréries religieuses peuvent ainsi, avec un moussem qui leur est propre, accroître leur capital économique et symbolique et réaffirmer chaque année leur identité et leurs valeurs religieuses.

Nous avons vu que les rites de passage accompagnent les changements de lieu, d'état, d'occupation, de situation sociale, de statut, d'âge [24]... Turner inclue dans sa théorie des rites de passage ce type de fêtes religieuses qui offrent la possibilité de rompre avec le quotidien et de mettre en scène implicitement ou explicitement les valeurs culturelles d'une communauté. Fenneke Reysoo, dans son étude sur les pèlerinages et les moussem au Maroc, démontre que certains groupes sociaux, en observant des rituels communs pendant les moussemse célèbrent eux-mêmes. Ils confirment leur identité sociale en la centrant sur des symboles unificateurs, comme par exemple le saint auquel ils renouvellent leur allégeance [25].

Les Gnawa n'ont, en effet, aucun moussem qui leur est propre. En l'absence d'un saint fondateur enterré au Maroc, ils participent aux moussem qui sont organisés par d'autres confréries religieuses. Le festival, pèlerinage moderne, destiné à célébrer et à honorer l'art millénaire de la confrérie des Gnawa, me semble participer à l'agrégation des Gnawa. Cette fête annuelle permet de reconnaître publiquement l'existence des Gnawa et de les sortir de l'anonymat (un des attributs liminaux identifiés par Turner).

L'association, entre moussem et festival, qui apparaît aussi bien chez les festivaliers que dans les médias, n'est donc pas un hasard. Les moussem sont encore aujourd'hui très importants dans le paysage socioreligieux marocain. Le voyage, le déplacement vers un lieu de réunion afin de célébrer une confrérie religieuse et se divertir, correspond aussi bien au moussem qu'au festival. L'observation de la fréquentation du festival ne fait que confirmer cet état de fait, un large pan du public est populaire. Les jeunes marocains me déclarent leur envie de « visiter » le festival au moins une fois dans leur vie.

Les Gnawa, sortis de lamarge, ne sont plus inquiétants ou dangereux. Aujourd'hui, parler des Gnawa n'est plus un tabou. Le mot « Gnawa » perd de plus en plus ses attributs négatifs. Les clubs, les hôtels de luxe, les soirées mondaines qui ont lieu à Casablanca, la capitale économique, invitent à présent régulièrement une troupe musicale gnawa. Si l'analogie entre le moussem et le festival paraissait évidente pour mes informateurs, c'est bien parce qu'elle octroie aux Gnawa un lieu, spatialement défini, où des milliers de personnes se déplacent chaque année pour les écouter, les célébrer et parfois aussi rendre hommage aux grands maîtres (au même titre que l'hommage rendu au tombeau d'un saint fondateur).

Cette reconnaissance que propose le festival est évidemment singulière dans le cycle de vie d'une confrérie religieuse. Nous passons en effet à une autre forme d'agrégation. Le festival consacre certes les Gnawa mais uniquement du point de vue musical. Il participe à la transformation d'une compétence populaire en une compétence savante et met en avant une nouvelle manière de les célébrer. La société marocaine moderne s'enrichit d'éléments qui lui sont extérieurs et les intègre progressivement au système préalablement établi.

Ainsi, le Festival d'Essaouira Gnaoua Musiques du monde représente et « performe », au même titre qu'un moussem, une identité collective dans un espace/temps enchanté où les nouvelles valeurs collectives telles que le concert profane, la modernité et l'ouverture, sont mises en scène.

Notes

[1] Maurice Delafosse, « Les relations du Maroc avec le Soudan à travers les âges », in Hespéris Tome IV, Rabat : Editions de l'Institut des Hautes Etudes Marocaines, 1924, pp.153-174.

[2] Si ce point de vue n'est pas unanime, il exprime néanmoins l'opinion d'une grande partie de la population respectant un islam orthodoxe et méprisant les pratiques de transe et dépossession.

[3] Cf. Jacques Heers, Les négriers en terre d'islam : La première traite des noirs VIIe-XVIe siècle, Paris : Editions Perrin, 2003. François Renault, Serge Daget, Les traites négrières en Afrique, Paris : Editions Karthala, 1985. Jean-Louis Miège, Le Maroc et l'Europe, Paris : Presses Universitaires de France, 1961. Jean-Louis Miège, « Remarques degéographie historique », in Abdelhafid Chlyeh (sous la dir.), L'univers des Gnaoua, Grenoble : Editions La Pensée Sauvage, 1999, pp.11-24. Pierre-Alain Claisse, Les Gnawa marocains de tradition loyaliste, Paris : Editions L'Harmattan, 2002.

[4] Viviana Pâques, L'arbre cosmique dans la pensée populaire et dans la vie quotidienne du Nord-Ouest africain, Paris : Editions L'Harmattan, 1995, p.671.

[5] Viviana Pâques, Ibid., p.446.

[6] Viviana Pâques, Ibid., p.447.

[7] Cf. Edmond Doutté, La société musulmane du Maghrib : Magie et religion dans l'Afrique du Nord, Alger : Editions A. Jourdain, 1909 ; Arthur John Newman Tremearne, The Ban of the Bori : Demons and Demon Dancing in West and North Africa, London :  Heath, Cranton and Ouseley, 1914 ; Edmond Doutté, « Essai sur l'histoire des confréries marocaines », in Hespéris, Revue de l'Institut des Hautes Etudes Marocaines, Tome 1, 1921, pp.141-159 ; Maurice Delafosse, « Les débuts des troupes noires au Maroc », in Hespéris, Revue de l'Institut des Hautes Etudes Marocaines, Tome 3, 1923, pp.1-12 ; Maurice Delafosse, « Les relations du Maroc avec le Soudan à travers les âges », in Hespéris, Revue de l'institut des Hautes Etudes Marocaines, Tome 4, 1924, pp.153-174.

[8] Cf. Abdelhafid Chlyeh, Les Gnaoua du Maroc : Itinéraires initiatiques, transe et possession, Grenoble : Editions La Pensée Sauvage, 1998.

[9] Jacques Berques, L'islamau défi, Paris : Gallimard, 1980, p.73.

[10] Jean-Louis Miège,« Remarques de géographie historique », Op.cit, p.11.

[11] La baraka signifie communément bénédiction au sens de faveur divine. Ce mot est associé à des notions comme la prospérité matérielle, la santé physique, la satisfaction corporelle, la plénitude, la chance, la satiété et aussi des pouvoirs magiques.Selon Clifford Geertz, c'est ce dernier aspect qu'ont privilégié les auteurs occidentaux, cherchant à ranger la baraka dans la même rubrique que la mana. Clifford Geertz, Observer l'islam : Changements religieux au Maroc et en Indonésie, Paris : Editions La Découverte, 1992, pp.58-59.

[12] Une confrérie se caractérise par une silsila (une chaîne) de chefs. Depuis le fondateur de l'ordre qui transmet son savoir et ses traditions à ses descendants par filiation patrilinéaire ou de maître à disciple. C'est une lignée généalogique qui remonte jusqu'au prophète et qui participe à la légitimation de la vocation du fondateur pour la recherche du divin et par la suite son statut de saint del'islam.

[13] Georges Lapassade, Les rites de possession, Paris : Editions Anthropos, 1997, pp.49-64.

[14] Clifford Geertz, Op.cit., pp.64-65.

[15] L'histoire de Zineb, telle que la rapporte Chlyeh, illustre la voie d'accès au statut de voyante thérapeute : « Zineb fut paralysée des genoux et des jambes. Cette paralysie a été interprétée comme une maladie initiatique qui donnera lieu à une adhésion à la confrérie des Gnawa sous la conduite de Mina, une voyante thérapeute de Marrakech. Quelques années plus tard, elle fait l'objet d'une élection par son melk, son esprit possesseur, qui s'est traduite par une aggravation de son état de santé et par des transes de possession pendant lesquelles, son melk, avait exigé par la bouche de Zineb, qu'elle entreprenne une initiation en vue d'endosser la charge de voyante thérapeute. Cette élection a amené Mina à aider Zineb en réunissant les objets et les accessoires rituels, puis à entreprendre en sa faveur l'initiation qui ouvre l'accès au métier de voyante thérapeute. Suite à cette initiation, Zineb allait mieux et a retrouvé l'usage de ses jambes et de ses bras », Abdelhafid Chlyeh, Les Gnaoua du Maroc : Itinéraires initiatiques, transe et possession, Grenoble : Editions La Pensée Sauvage, 1998, pp.83-86.

[16] Emile Dermenghem, Le culte des saints maghrébins, Paris : Editions Gallimard, 1954, p.11.

[17] Geertz emprunte l'expression hommes fétiches qu'utilise A. Bel dans son ouvrage sur la religion musulmane en Berbérie paru en 1938. Clifford Geertz, Op.cit, p.134.

[18] Jean-Noël Ferrié, La religion de la vie quotidienne chez les Marocains musulmans : Rites, règles et routine, Paris : Editions Karthala, 2004, pp.10-11.

[19] Victor Turner, Le phénomène rituel : Structure et contre-structure, Paris : Presses Universitaires de France, 1980, p.102.

[20] L'histoire de la traite négrière au Maroc souligne que les esclaves placés près du palais, par leur contact avec le souverain et leur proximité du makhzen (Etat), se rapprochaient dangereusement de la classe dirigeante. « Utilisée comme domestiques ou soldats, cette communauté pesa fortement sur la vie politique au Maroc. Certains membres de cette communauté noire commencèrent même à prendre du pouvoir. Ils avaient donc le privilège d'exercer leur autorité sur la figure de l'autorité suprême, la royauté et les riches propriétaires », Jean-Louis Miège, « Remarques de géographie historique », Op.cit. En effet, les Gnawa pouvaient et peuvent toujours, dans un état de servitude ou de déférence, exercer un pouvoiren attachant leurs « maîtres » ou leurs clients au rite de possession et à la guérison. Ainsi, les Gnawa échappent aux limites classificatoires et sont donc considérés comme dangereux.

[21] Victor Turner, Lephénomène rituel : Structure et contre-structure, Ibid., p.95.

[22] Victor Turner, Ibid., p.108.

[23] Victor Turner, Ibid.,pp. 109-110.

[24] Nicole Belmont, « La notion de rite de passage », in Pierre Cenlivres, Jacques Hainard (sous ladir.), Les rites de passage aujourd'hui, Lausanne : Editions L'Age d'Homme, 1986, pp.9-19.

[25] Fenneke Reysoo, Pèlerinages au Maroc : Fête, Politique et échange dans l'islam populaire, Paris : Maison des Sciences de l'Homme, 1991, p.202.

Pour citer cette ressource :

Zineb Majdouli, "Les Gnawa : Histoire publique d'une communauté marginale", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2008. Consulté le 19/04/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/arabe/arts/musique-et-danse/les-gnawa

Mots-Clés
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