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Entrevista a Julián Ríos

Par Élodie Bouchiche : Professeure d'espagnol - Lycée Condorcet à Saint-Priest , Christine Bini : Professeur d'Espagnol - Ecrivaine
Publié par Christine Bini le 07/03/2010
À Bron (Rhône), Julián Ríos a répondu aux questions du journaliste littéraire Pascal Jourdana, devant un public de lecteurs venu découvrir cet auteur espagnol vivant à Paris et amoureux de Londres. Dans un entretien au Nouvel Observateur il précise : « La France et l'Angleterre forment un pays idéal. Il y a des bonnes choses de chaque côté. J'aime aussi voir ce qui se passe dans mon pays avec un peu de recul, c'est pourquoi vivre en France me convient ».

  À Bron (Rhône) Julián Ríos a répondu aux questions du journaliste littéraire Pascal Jourdana, devant un public de lecteurs  venu découvrir cet auteur espagnol vivant à Paris et amoureux de Londres. Dans un entretien au Nouvel Observateur  il précise : « La France et l'Angleterre forment un pays idéal. Il y a des bonnes choses de chaque côté. J'aime aussi voir ce qui se passe dans mon pays avec un peu de recul, c'est pourquoi vivre en France me convient ». – Le premier point abordé pendant la rencontre brondillane concerne le jeu sur la langue. L'écriture de Ríos se caractérise par l'utilisation des jeux de mots/jeux de concepts, création de mots-valises, rebondissant d'une langue à l'autre, espagnol/français, espagnol/anglais, anglais/français. Le travail du traducteur devient dès lors une véritable création. L'auteur, en présence de sa traductrice française, Geneviève Duchêne, explique que « parfois la traduction est meilleure que l'original car le jeu de mots peut être plus réussi dans une langue ou inexistant dans l'autre ». Et de citer Borgès : « l'original est infidèle à la traduction ». La traduction - et particulièrement en ce qui concerne les textes de Ríos - consiste à suivre la loi des compensations (parfois un passage n'a pas son équivalent dans la traduction, on perd, mais à un autre moment ce sera au contraire la traduction qui sera plus juste que l'original, plus probante). Mais pour Julián Ríos, la langue n'est pas qu'un terrain de jeu, et l'écriture ne doit pas se contenter d'offrir au lecteur un « feu d'artifice rhétorique ». L'intérêt formel ne doit jamais prendre le pas sur l'intérêt humain, et l'élaboration des personnages constitue la véritable colonne vertébrale du texte. Ils doivent être attachants, vivants, humains. Sans eux, point de roman, ni de narration.  

Les romans de Julián Ríos suivent une construction en spirale. Les thèmes, parfois traités jusqu'à l'obsession, se déclinent différemment d'un chapitre à l'autre - voire d'un roman ou d'un recueil à l'autre, comme c'est le cas pour Monstruarios, Puente del Alma, Larva -, s'enroulent et se répondent. Pour l'auteur, « la vitesse d'enchaînement des histoires est primordiale ». Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le point central de la déclinaison des motifs soit la ville. Inséparable du roman moderne, elle est le lieu de la vitesse, et de la modernité. Par essence polysémique, la ville est le terrain de tous les possibles, elle incarne les mondes pluriels et babéliens. Elle est le creuset dans lequel Julián Ríos forge ses textes, langue(s) et histoires confondues.   La vitesse de la vie moderne, incarnée dans la ville, pose pour l'auteur la question de la fonction de l'écrivain. Il s'agit, pour Julián Ríos, de « fixer l'éphémère ». Dans un monde en mouvement où tout apparaît et disparaît très vite, où l'on court et s'empresse, la vertu de l'Art est de fixer. L'écriture est labyrinthique, la narration s'appuie sur les coïncidences et le correspondances : il ne s'agit pas à proprement parler d'un « instantané » qui renverrait à une photographie - volée par un paparazzo et qui déclencherait des drames - mais d'un « état des lieux », d'une « peinture » qui donne à voir le monde, et le révèle. Dans cette optique, le roman Puente del Alma est exemplaire. Et le mot-valise ESCRIVIVIR replace l'écrivain dans son statut de découvreur, d'explorateur, plutôt que dans celui, plus convenu, d'artisan. Souvenons-nous du mot de Braque : "écrire n'est pas décrire, peindre n'est pas dépeindre".  

En filigrane, dans les propos de l'écrivain, on décèle une revendication d'« artiste ». « La vraie littérature est celle que l'on relit » martèle-t-il. Julián Ríos dit appartenir à un arbre généalogique, s'inscrire dans une lignée, celle de Cervantès, de Rabelais, de Sterne (un Espagnol, un Français, un Anglais). C'est à Joyce que l'on fait le plus souvent référence en parlant de l'œuvre de Ríos, mais pour lui « Joyce n'est pas fondateur [...] C'est un continuateur de Rabelais ou de Cervantès » (ibid). Julián Ríos vit, en France, non loin de Croisset, en compagnon de Flaubert. Il affirme que la littérature est « une course de relais », que les écrivains se repassent le témoin. Une œuvre est toujours constituée de celle des autres.  

Et dans cette course de relais, Julián Ríos est un coureur magnifique.  

 

Dossier Julián Ríos

Fête du livre de Bron

 
Pour citer cette ressource :

Élodie Bouchiche, Christine Bini, "Entrevista a Julián Ríos", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2010. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/litterature/litterature-espagnole/auteurs-contemporains/julian-rios-a-la-fete-du-livre-de-bron-6-mars-2010