Dossier : «Medea. Stimmen» de Christa Wolf (1996)
1) Contextualisation et résumé de l'oeuvre
1.1 Introduction
Médée est une des figures favorites de la littérature occidentale. La plupart du temps, elle est présentée comme une furie assoiffée de vengeance et atteinte de folie meurtrière. C’est seulement à une époque récente que certains auteurs, principalement des femmes, ont essayé de réhabiliter Médée. Citons à titre d'exemple le roman d'Ursula Haas Freispruch für Medea (1991) (Non-lieu pour Médée). Christa Wolf, elle, ne poursuit pas cette ambition, du moins à ce qu’elle prétend. Elle dit vouloir retourner à la source des faits qui se sont produits et trouver comment a pu se développer cette image négative de Médée.
Le roman Médée. Voix est paru en 1996. Sa parution a été attendue avec une grande impatience car les lecteurs s’attendaient à une œuvre de la Wende, une œuvre de réflexion sur la réunification des deux Allemagne et sur ses conséquences. De plus, le public était très pressé de découvrir cette deuxième œuvre traitant d’un sujet mythologique après le succès phénoménal qu’avait connu la première narration de Wolf mettant en scène un personnage de la mythologie grecque, Cassandre, publiée en 1983. Les critiques furent plutôt négatives dans l’ensemble; on peut remarquer qu’il y eut la même réaction négative face à l’œuvre de Günter Grass Ein weites Feld (Toute une histoire) sur la réunification. Peut-être attendait-on trop de ces deux œuvres, notamment qu’elles donnent une vision claire des événements en train de se produire en Allemagne. Or personne n’avait encore le recul nécessaire pour mener à bien une telle entreprise. Le roman Médée. Voix étant en partie autobiographique, il est nécessaire de présenter brièvement l’écrivain Christa Wolf, en insistant sur les éléments importants pour la compréhension du roman.
1.2 Christa Wolf: sa vie et son oeuvre
Christa Wolf naît en 1929 à Landsberg an der Warthe, qui se trouve aujourd'hui en Pologne. Elle développe assez vite une conscience politique, devenant membre à 20 ans du SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands ou Parti socialiste unifié), le Parti communiste qui gouvernera la RDA pendant quarante ans. Wolf choisit par conséquent de vivre en Allemagne de l’Est, dans le bloc sous domination soviétique. Elle travaille tout d'abord pour différentes revues littéraires (Neue Deutsche Literatur) et maisons d'édition (Neues Leben, Mitteldeutscher Verlag). A partir de 1962, elle se consacre entièrement au métier d'écrivain et obtient plusieurs prix pour ses récits, notamment le Heinrich-Mann-Preis pour son roman Der geteilte Himmel en 1963. Bientôt, elle s’engage politiquement au plus haut niveau en devenant candidate de 1963 à 1967 au poste de membre du comité central du parti. Mais elle doit quitter le conseil en 1967 après un discours critique dans lequel elle s'insurge contre la soumission de l’art et de la culture à la politique. Suite à ce discours, elle est placée sous surveillance par la Stasi.
En 1976 paraît Kindheitsmuster (Trame d’enfance), qui lui assure une place de choix dans l’histoire de la littérature allemande. A cette époque, elle est l’auteur le plus publié de tous les auteurs allemands en vie, qu’ils soient de RFA ou de RDA. La même année, elle s’engage contre l’expatriation forcée de son collègue compositeur et chansonnier Wolf Biermann. Comme nombre d’artistes (70 en tout), elle signe la lettre ouverte destinée aux autorités prenant parti pour Wolf Biermann, qui vient d’être déchu de sa nationalité est-allemande. Cette prise de position courageuse lui vaut d'être exclue de la direction de la section berlinoise de l’association des écrivains de RDA. Cette époque marque un tournant dans sa vie comme dans son oeuvre : jusqu’alors, elle s'était montrée globalement en accord avec le système. Même si elle pouvait adopter des positions critiques, elle pensait qu'il était encore possible d'améliorer le système par une action politique directe.
Après cet épisode, elle poursuivra son action critique mais en recourant à des moyens indirects. C'est ainsi qu'elle remettra en cause dans ses oeuvres l'Etat dans lequel elle évolue sous le couvert de l’évocation d’époques lointaines, comme l'Antiquité et le XIXe siècle. En 1980, Christa Wolf et son mari entreprennent un voyage d’agrément en Grèce, qui sera à l’origine de son obsession pour le personnage de Cassandre. Il s'agit là d'un tournant dans sa production d'écrivain : elle s’ouvre au matériau littéraire et au monde antiques. En 1983 paraît Cassandre, qui fut son plus grand succès et sa première oeuvre construite autour d'un personnage mythologique. Christa Wolf est à cette époque autorisée à voyager dans le monde entier: elle se rend notamment aux USA, en tant que professeur invitée à l'Université de l'Ohio, elle participe à des lectures en RFA.
Elle finit par quitter le SED en juin 1989, tout en tenant sur l' Alexanderplatz le 4 novembre 1989 un discours célèbre en faveur du socialisme et contre l'idée d' une réunification hâtive avec la RFA. « Stellt euch vor, es ist Sozialismus und keiner geht », lance-t-elle alors à la foule. Christa Wolf souhaite que la RDA subsiste mais sous une forme nouvelle, celle d’un socialisme à visage humain, réellement démocratique. En 1990 est publié Was bleibt, qui va provoquer un véritable raz-de-marée médiatique et entraîner une « querelle littéraire » qui marquera tout le début des années 90.
En 1993 survient un immense scandale lorsqu'elle avoue publiquement avoir travaillé pour la Stasi entre 1959 et 1962 comme agent informel (IM pour Inoffizieller Mitarbeiter) sous le nom de code Margarete, alors qu'elle était considérée jusqu'alors comme opposante au gourvernement de RDA. A cette époque sont publiés également les quarante-deux volumes de la surveillance de la Stasi dont elle fut elle-même l’objet. En 1996 paraît son roman Medea. Stimmen (Médée. Voix). Suivent encore quatre oeuvres à caractère autobiographique, qui tirent un bilan politique et personnel des années passées en RDA. Christa Wolf meurt le 1er décembre 2011 à Berlin.
1.3 Contextualisation historique et politique
Pour comprendre le roman Medea. Stimmen, la connaissance de certains éléments historiques est indispensable.
L'élément central est bien sûr la Réunification en 1990 de la RFA et de la RDA, après une longue suite d’événements dont l’apogée fut la chute du mur le 9 novembre 1989. On parle de « révolution pacifique » pour désigner les événements de l'année 1989. Evidemment, les facteurs ayant entraîné la chute du régime communiste sont multiples. Citons le mécontentement d'une population surveillée, enfermée, face à un pays sclérosé dirigé par des politiciens extrêmement conservateurs. Au lieu de la nouvelle société socialiste égalitaire et humaniste promise, s’était installé un Etat de fonctionnaires rigide, imperméable aux exigences du peuple et dont le système économique parvenait tout juste à satisfaire les besoins fondamentaux des gens (certains universitaires parlent de Mangelgesellschaft, ou société de manque). La figure emblématique de ce système clos et paralysé est Erich Honecker, alors âgé -il a soixante-dix-sept ans en 1989-, qui s’accroche au pouvoir et bloque tout élan réformateur.
Dans ce contexte, la RFA apparaît d’abord comme une terre promise aux citoyens de RDA. Mais, une fois l'euphorie de la réunification passée, apparaissent les premiers problèmes en cette période complexe de Wende (ou tournant) : chômage en masse, faillites, procès innombrables pour récupérer des biens dont le gouvernement est-allemand s'était saisi après 1949. Parallèlement, de 1990 à 2000, avec des pics en 1992 et 1993, on assiste à une augmentation très inquiétante du nombre d'actes racistes; la xénophobie croît inlassablement, à l’Est comme à l’Ouest d'ailleurs, mais de façon plus visible, plus spectaculaire à l’Est.
Christa Wolf elle-même subit deux cabales très virulentes. En 1990, elle publie le récit Was bleibt (Ce qui reste), ce qui déclenche une véritable campagne de calomnies contre elle. On lui reproche d’essayer de justifier son comportement en RDA, par exemple le fait de ne pas avoir quitté le pays, d’avoir joui de grands privilèges, comme celui de pouvoir voyager, et de vouloir maintenant se poser en victime du système. La deuxième vague d'attaques extrêmement féroces se produit en 1993, quand elle avoue avoir travaillé pour la Stasi. Sa vie en RDA est alors dénoncée comme une longue suite d’hypocrisies. A la suite de ces attaques, Wolf quitte l’académie des Beaux-Arts et se retire pendant un temps de la sphère publique.
1.4 Résumé de Medea. Stimmen
Comme dans Cassandre, Christa Wolf se prête à une réinterprétation de la mythologie grecque. Médée, guérisseuse et prêtresse d’Hécate, s’oppose à la soif de pouvoir destructrice de son père Aiétès, le roi de Colchide. Après que son père a fait assassiner son petit frère Absyrtos afin de rester sur le trône, Médée décide d’aider Jason dans sa quête de la Toison d’Or, gardée en Colchide par un serpent monstrueux. L’entreprise réussit, Médée quitte sa patrie avec Jason et son équipage, sur l’Argo. Jason épouse Médée; deux fils naissent de cette union. Les Argonautes et les Colchidiens qui ont fui leur patrie se réfugient à Corinthe, où ils se placent sous la protection de l’oncle de Jason, le roi Créon. Ce dernier a pour ambition de faire de Jason son successeur et de le marier à sa fille, Glaucé. Peu à peu, Médée devient un danger pour les dirigeants de Corinthe. Akamas, le premier astronome du roi, craint qu’elle ne révèle le terrible secret qu’elle a fini par découvrir : Corinthe serait fondée sur un meurtre, celui d’Iphinoé, la fille de Créon et de la reine Mérope, qui devait succéder à son père suivant les vœux d’une faction opposée à Créon. Akamas, aidé des Colchidiens à l’ambition démesurée Presbon et Agaméda, déclenche une véritable campagne de calomnies contre Médée : elle aurait tué son propre frère, elle serait responsable du tremblement de terre et de la peste qui accablent la ville. Médée devient ainsi le bouc émissaire du peuple corinthien vivant dans la peur et sous le joug de Créon et d’Akamas. Bannie de Corinthe, elle rejoint une communauté de femmes colchidiennes qui se sont installées dans les montagnes, vivant comme des sauvages, mais libres. Son départ provoque la ruine de tous ses adversaires : Glaucé se suicide en se jetant dans un puits, Jason dépérit sous la coque de l’Argo. Dans les montagnes, Médée apprend la mort de ses enfants, assassinés par une troupe de Corinthiens sous l’influence des hommes d’Akamas. Akamas la rend publiquement responsable de la mort de Glaucé et de ses deux fils et s'emploie à ce que ce soit cette version de la vie de Médée qui perdure à travers les âges.
2) Structure de l'oeuvre et interprétations
2.1 Elements de structuration du roman
2.1.1 Principes de composition
Ce roman polyphonique se compose de onze monologues introduits par des citations et prononcés par six personnages différents, dans l'ordre suivant: Médée / Jason / Agamède / Médée / Akamas /Glaucé / Leukos / Médée / Jason / Leukos / Médée. C'est la voix de Médée qui structure le texte : elle ouvre et clôt le roman et elle intervient à intervalles réguliers, encadrant soit deux voix, soit trois voix.
D’abord, la voix de Médée encadre les voix de deux compagnons d’exil réfugiés à Corinthe, celle de Jason (ami) et celle d’Agamède (ennemie). Puis elle embrasse les voix des Corinthiens, donc des hôtes, Akamas (ennemi), Glaucé (indécise) et Leukos (ami), enfin les voix de deux figures masculines poussées par les événements à prendre position: Jason et Leukos, deux figures de l’échec masculin.
On observe ainsi la position dominante de Médée, dans la mesure où ses monologues se situent à des positions clé et que les conséquences de son attitude sont rapportées à chaque fois de manière fragmentaire et discontinue au travers des autres voix.
L'action se déroule sur quelques semaines, sauf la dernière intervention de Médée qui intervient sept ans après le bannissement de l'héroïne. Si l'on excepte cette dernière partie, on remarque que le roman reprend grosso modo le cadre temporel mis en place par Euripide, avec une concentration sur la vie à Corinthe.
Au sein du roman coexistent deux tendances semblant contradictoires au premier abord : un mouvement de déconstruction de la réalité et un autre de construction de la réalité, ou plutôt d'une réalité. En ce qui concerne la déconstruction du réel, on observe que les voix remettent souvent en question leur capacité à voir la réalité telle qu'elle est. Dans un premier temps, le lecteur a l’impression que l’on ne peut pas vraiment faire confiance aux voix de Médée, de Jason ni de Glaucé. Pourtant, dans un second temps, ces voix acquièrent une authenticité que n’a pas celle d’Akamas, pourtant le personnage connaissant le mieux la situation réelle au Palais. La déconstruction de la réalité se double d'un phénomène de contradiction: Glaucé raconte ainsi que la demeure d’Oistros a complètement été détruite par un tremblement de terre et que ses occupants sont sans doute tous morts. Or, le lecteur apprend plus loin qu’Aréthuse n’a subi qu’un léger choc. Ces procédés ont pour effet de nier l’existence d’une réalité objective et d’une vérité unique, de nier également qu’il n'y ait qu'une seule version du mythe de Médée qui soit valable et réelle. Quant au mouvement de construction d'une réalité, on remarque qu'un fait, qu'une idée apparaissent comme plausibles à partir du moment où ils sont confirmés par plusieurs voix, comme c'est le cas pour le meurtre d'Iphinoé au travers des voix de Médée, Glaucé, Leukos et Akamas.
Ainsi, la « vérité » et les « faits » sont montrés comme des constructions discursives. La plurivocité sert par conséquent à augmenter l’objectivité et la vraisemblance de ce qui est raconté, en multipliant les points de vue. Les citations au début de chaque chapitre accroissent encore le nombre de voix et donc de perspectives. Selon Birgit Roser, cette forme renvoie au concept poétique du tissu, du réseau de fils narratifs, primordial pour la poétologie de Christa Wolf. Elle témoigne aussi d’une volonté d’ouverture.
Au cœur d’un réseau serré d’effroyables rumeurs, bien protégée parce qu' inapprochable, elle [la reine Mérope] passe ses jours et ses nuits dans la partie la plus éloignée et la plus ancienne du palais […] . (22)
Quant aux citations, elles ont toutes un rapport avec le mécanisme de victimisation et avec le thème de la relation entre les deux sexes. Cela permet à Christa Wolf d’établir explicitement un dialogue entre son roman et des versions antérieures du mythe de Médée, ainsi qu’avec des auteurs contemporains, comme l'explique la critique Marianne Hochgeschurz:
es ist eine Referenz an die alten wie neuen Autoren, auch ein Hinweis auf die lange Reihe der Vorläufer und Vorläuferinnen und darauf, dass man selbst ein Glied in der Kette ist. (2000 : 81)
Citons également les paroles importantes de Leukos qui, sur un plan métatextuel, définissent le processus de lecture comme le rassemblement des pièces d'un puzzle, débouchant à la fin sur une image pétrifiant le lecteur: « lorsque tous les éléments se sont enfin réunis en une seule image qui m'a glacé d'effroi, il était trop tard.» (213).
Il est difficile de rattacher l'oeuvre de Christa Wolf, faite de monologues entrelacés, à un genre littéraire. Medea. Stimmen s’intitule faussement « roman » : le texte se rapproche ainsi du roman épistolaire avec plusieurs personnages, mais surtout du texte dramatique, c'est-à-dire du genre théâtral, comme le suggèrent la liste des personnages et les monologues. En outre, les citations de textes non fictionnels contribuent encore à exploser le cadre des genres littéraires. Il n'est pas étonnant que le texte aie été très rapidement adapté pour la scène et pour l'opéra après sa publication, ce qui montre bien sa contiguïté avec le texte théâtral.
2.1.2 Constellations des personnages et caractéristiques de Médée
Parmi les voix, deux personnages sont issus du mythe antique, Jason et Glaucé, tandis qu’Agaméda, Akamas, Leukos et Iphinoé sont des inventions de Christa Wolf. Lyssa, la sœur de lait de Médée, prend la place de la nourrice du mythe.
Nous pouvons établir un schéma des constellations de personnages, dans lequel Médée fait face à trois groupes différents:
« adversaires » AKAMAS Créon, Turon
« sympathisants » JASON GLAUCE LEUKOS
Akamas, Créon et Turon, l’assistant d’Akamas, ne deviennent pas ennemis de Médée par haine, mais soit pour se protéger, soit pour « raison d’Etat ».
Dans le roman, Médée apparaît comme une figure complexe. Son éducation en Colchide a fait d'elle une femme « libérée », consciente d’être l’égale des hommes. Elle apparaît comme sûre d’elle, consciente de sa propre valeur, ce qui provoque un sentiment de malaise et d’insécurité chez les hommes qui ne sont pas habitués à ce genre de femmes. Médée voit les choses avec « sobriété », objectivité (« nüchtern »). Elle est désignée par ses détracteurs comme « sauvage », « méchante », mais Christa Wolf la dépeint comme celle qui aide les autres, celle qui est de bon conseil, ce que son nom signifie.
Je ne suis plus une jeune femme, mais je suis encore sauvage, c’est ce que disent les Corinthiens, pour eux une femme est sauvage quand elle n’en fait qu’à sa tête. (21)
Cette citation est intéressante car ce qui est « sauvagerie », barbarie pour les Corinthiens n’est autre que ce que nous appellerions « émancipation féminine » ou « attitude éclairée ». Est ici soulignée la relativité des points de vue, tributaires aussi de leur époque.
A plusieurs reprises, Médée est clairement opposée aux Corinthiens. L'opposition physique, par la peau brune et mate, la chevelure laineuse et les yeux de braise (21) se double d'une opposition de comportement, par la fierté et l'assurance, ainsi que d'une opposition de mentalité, avec le rejet du mensonge et de l'aveuglement de soi, art dans lequel les Corinthiens semblent exceller. Médée tire de chaque action, même négative, un bien. Ainsi, c'est lorsqu'elle est traquée dans la ville qu'elle fait la rencontre de son futur amant, le sculpteur Oistros. Mais le système patriarcal parviendra à briser cette vision optimiste de la vie.
Les femmes des Corinthiens me font l’effet d’être des animaux domestiques bien apprivoisés, elle me dévisagent comme un phénomène étrange [...]. (21)
La Médée de Christa Wolf n’a plus rien de la « furie sauvage » des premières interprétations du mythe. Elle ne le devient qu’à la fin, lorsqu’elle envahit le temple d’Héra pour placer ses enfants sous la protection de la déesse: « À la fin elle était excessive, c’est d’ailleurs ce dont les Corinthiens avaient besoin : une furie. » (275). Il est toutefois important de signaler que Médée devient cette furie à cause de son environnement, et non parce qu’elle aurait porté cette folie en elle, intrinsèquement. Elle se situe à la croisée des sphères du rationnel et de l’irrationnel, de la magie; elle n’exclut aucun de ces pôles et y voit deux façons d’appréhender la vie qui sont reliées, alors que les Corinthiens, du moins ceux au pouvoir, ne prônent que la pensée rationnelle, instrumentale, utilitariste comme seule valable. Il subsiste donc des éléments de type mythique dans le personnage de Médée, comme on le voit dans la ferveur avec laquelle elle se plonge dans la célébration de la fête de Déméter ou lorsqu'elle redonne vie à Jason.
Médée posa longuement sa main sur ma poitrine provoquant ainsi en moi un tourbillon qui me redonna la vie. Jamais je n’avais éprouvé quelque chose d’aussi miraculeux, cela ne devait jamais prendre fin. À un moment j’ai murmuré : Tu es une magicienne, Médée, et elle, sans s’étonner, me répondit simplement : Oui. (81)
Christa Wolf hat « kein(en) neue(n) Mythos der fremden ‘wilden Frau’ geschaffen. Vielmehr handelt es sich bei Medea um den Entwurf einer von Grund auf aufgeklärten, modernen Frau, der es allerdings gelingt, positiv bewertete,nicht rationale Elemente in ihre Persönlichkeit zu integrieren. Sie trägt auch insofern mythische Züge, als sie von Anfang an als fertiges (Vor-) Bild gesetzt wird und keine Reflektion über die Möglichkeit und Wege, eine solche Position zu erreichen, stattfindet. (2000 : 126)
2.1.3 Style et formes discursives
Si l’on compare avec Cassandre, le récit à sujet mythologique publié en 1983, le style dans Medea est simplifié; Christa Wolf ne recourt pas au mètre iambique comme cela avait été le cas dans de longs passages de Cassandre. La richesse du lexique apparaît limitée: même si les voix appartiennent à des personnages de sexe différent, issus de différentes couches sociales et d’origines diverses, il n'y a pas de différenciation au niveau du langage. L'emploi récurrent du discours indirect par les voix crée plutôt une impression d’unité, de ressemblance.
Il existe cependant quelques moyens pour différencier les personnages. Agaméda par exemple utilise très souvent le pronom personnel « je », ce qui souligne son égocentrisme. Les lieux communs émaillant le discours de Jason marquent son incertitude, comme son recours fréquent au pronom indéfini « on »: « Je me suis cassé la tête pour savoir pourquoi on voulait s’en débarrasser. » (64) Le langage familier permet à Wolf de renouveler le mythe en faisant apparaître la Barbare Médée comme supérieure au niveau de la langue au grec Jason.
La forme du monologue est également pleine de sens : les monologues montrent que la communauté est brisée, que la communication entre les gens est vouée à l’échec. Le dernier monologue de Médée se distingue des autres par des phrases courtes, nominales, par l'importance des questions, privées de leur point d'interrogation, comme si Médée savait qu'elles ne trouveraient pas de réponse ou comme si elle n'avait plus la force d'y répondre. Apparaît la forme hachée de la malédiction, qui exprime le bouleversement émotionnel et anticipe sur le passage à l'aphasie, non seulement chez Médée mais aussi pour toute la société corinthienne.
2.2 Interprétations possibles
2.2.1 Un roman à clé politique
De nombreux critiques ont vu dans cette oeuvre un « roman à clé » politique (« Schlüsselroman ») mettant en scène la RDA et la RFA sous les traits des villes de Colchide et de Corinthe. Il s'agit d'une interprétation plausible, Christa Wolf ayant elle-même désigné Médée comme « la Barbare venue de l’Est ». On trouve dans le texte plusieurs allusions à la situation orientale de la Colchide et occidentale de Corinthe.
La modeste Colchide, qui s’est peu à peu éloignée de ses idéaux tels que la répartition égale des biens, le pacifisme des relations entre les hommes, et son vieux dirigeant opposé à tout changement ne sont pas sans rappeler la RDA et Erich Honecker. De même, les réunions des opposants dans le temple d’Hécate dont Médée est la prêtresse évoquent les réunions des réformistes et pacifistes dans les églises de RDA avant la chute du mur, qui furent le point de départ de grandes manifestations à Leipzig, à Dresde et finalement à Berlin. Enfin, à l’instar des Colchidiens qui fuient leur pays, des milliers d’opposants au régime ont quitté la RDA tout au long de son histoire. Quant à Corinthe, elle est montrée comme un Etat « capitaliste », obsédé par l’or. C’est d’abord un Eldorado pour les réfugiés, un paradis qui finit par se révéler comme une illusion, une expérience proche de celle vécue par les citoyens de la RDA après la réunification.
Corinthe est possédée par la convoitise de l’or. (…) Plus surprenant encore : on estime la valeur d’un citoyen de Corinthe à la quantité d’or qu’il possède, et c’est ce qui permet de calculer les impôts qu’il doit payer au palais. (46)
Mais cette interprétation allégorique n’exclut en aucun cas d’autres interprétations, au contraire, le roman permet une multitude d’interprétations possibles, tout comme le mythe.
2.2.2 Un roman à clé autobiographique
Les points communs entre Médée et Christa Wolf ne manquent pas. Médée est une princesse très appréciée de ses concitoyens, surtout du peuple; Wolf, elle, est un auteur célèbre, très appréciée dans toutes les couches sociales, elle a même été envisagée pour le Prix Nobel. Toutes deux passent à l’Ouest et sont dans un premier temps reçues avec les honneurs, car leur réputation les a précédées. Mais elles sont toutes deux victimes de terribles campagnes de calomnies. (Voir la biographie de Christa Wolf pour plus de précisions).
2.2.3 Un roman féministe
Il ne s'agit pas seulement d'un roman à clé. L'oeuvre met aussi en scène le conflit d’une femme forte et sûre d’elle, éclairée, avec une société de type patriarcal. Le roman concentre en fait sur une génération,celle de Médée, une évolution qui a dû se produire sur 2500 ans selon Wolf, celle du passage de structures dominées par le matriarcat à un système patriarcal. L'auteur s’intéresse beaucoup au féminisme et aux théoriciens du pouvoir matriarcal, comme Friedrich Engels et Johann Jakob Bachofen. Wolf pense que le processus historique violent qui a conduit à vaincre les femmes et à installer le patriarcat se reflète dans les mythes. Cette démarche est problématique dans la mesure où Wolf ne fait pas de différence entre Histoire et mythe, entre la femme et l’image de la femme véhiculée par les mythes. Elle pose ainsi la narration mythologique comme le reflet fidèle de l’Histoire.
Le roman se fonde sur un conflit entre Médée et les hommes, et ce sont les hommes qui échouent finalement face à elle. Mais le discours féministe reste modéré, dans le sens où différents types d’hommes sont représentés: si Akamas et Créon sont mauvais, si Jason est un lâche et un couard, si Leukos se détruit lui-même par sa lâcheté, il reste toutefois les figures positives du « vieux » (l’amant d’Aréthuse) et surtout du sculpteur Oistros. D'ailleurs, certaines femmes sont également mauvaises, comme Agaméda, ce qui évite tout manichéisme simplificateur, toute idéalisation univoque de la femme. Christa Wolf ne pense pas en effet qu’il y ait jamais eu une forme de pouvoir matriarcal total, ce qui explique que les communautés de femmes soient présentées comme utopiques dans ses écrits.
Ce sont ces structures matriarcales qui sont porteuses d’espoir dans le roman, comme on le voit dans l’image du passé heureux en Colchide, avant le roi Aiétès, et dans les images d’un bonheur trouvé dans le quotidien -et pas dans les actions héroïques- avec les passages sur Médée dans sa hutte au matin avec ses enfants ou sur la vie d’Oistros et d’Aréthuse, marquée par le travail, l'artisanat, l'art et l'amitié au sein du faubourg, le seul locus amoenus du texte. A contrario, la communauté des femmes dans les montagnes n'a pas valeur de modèle, les femmes y devenant sauvages. Mais se lit un certain pessimisme chez Wolf car ces structures sont montrées comme utopiques. Ainsi, Oistros est « sans lieu » : on ne connaît ni ses origines, ni sa famille. Et, dès le tremblement de terre, ces lieux hors du monde disparaissent pour de bon.
Il ne faudrait pas en conclure que la solution pour mener une vie heureuse se trouve dans le passé. Rappelons que la mort d’Absyrtos, le petit frère de Médée, est causée par le recours fanatique et irrationnel aux rituels anciens. Birgit Roser écrit à ce sujet :
Um den Mythos für die Gegenwart fruchtbar zu machen, ist es nötig, nicht naiv und willkürlich auf mythische Bilder zurückzugreifen, sondern den Mythos bewusst zu entmythisieren und zu aktualisieren und damit den potentiell gefährlichen, von ihm ausgehenden irrationalen ‚Schauder’ zu bannen. (2000 : 119)
2.2.4 Un roman sur l'exclusion
La thématique de l'étranger, de l'exilé traverse également le roman. Les étrangers sont acceptés tant qu'ils s’intègrent avec discrétion et que la situation économique est bonne. Cela fait bien sûr écho aux actions xénophobes qui marquent les années 90. Dans ce roman, Christa Wolf tente de mettre à nu les racines de la violence. Elle se demande notamment pourquoi notre monde civilisé et humaniste est sans cesse soumis à des périodes de régression marquées par l’irrationnel et la cruauté : « Warum ist, das, was wir uns erarbeitet haben an Zivilisation und Humanität so leicht zerstörbar, warum gibt es immer wieder Rückfälle in Irrationalität und Grausamkeit?» Selon Wolf, en périodes de crise, notre civilisation recourt toujours aux mêmes modèles comportementaux, c'est-à-dire à l'ostracisme, à la construction d'un bouc émissaire, à la création d'ennemis (« Feindbilder »).
Elle transpose en fait dans la littérature les travaux du sociologue René Girard sur le mécanisme de la victime émissaire, en décrivant les différentes étapes qui marquent la chute de Médée. Il existe deux types de victimes selon Girard : le bouc émissaire, la « victime émissaire » (Médée) et la « victime fondatrice » ou « victime réconciliatrice » (Iphinoé, Absyrtos) qui servent à fonder une cité et à stabiliser le patriarcat. « De deux choses l’une : j’ai perdu la raison ou leur ville est fondée sur un crime. » (18). Les sacrifices des deux enfants servent à stabiliser le pouvoir patriarcal menacé par un dernier sursaut du pouvoir matriarcal originel. Mais ce sacrifice entraîne chez les Corinthiens un sentiment de culpabilité et la peur que leur secret ne soit un jour révélé, ce qui crée une violence latente prête à exploser à chaque nouvelle crise. La « victime fondatrice » fait partie de la communauté et la représente dans son ensemble, alors que la « victime émissaire » est un étranger ou considéré comme tel par le collectif (il peut par exemple être rejeté à cause d’une difformité, comme c’est le cas pour Œdipe). Ces deux types de victimes ont la même fonction: ils sont rendus coupables de la crise et symbolisent en même temps le retour à l’ordre. Leur mort ou leur bannissement permet le dépassement de la crise et la consolidation de la communauté. Christa Wolf montre que ce mécanisme de la victime émissaire est présent partout, pas seulement à Corinthe : la magicienne Circé, le modèle de Médée, a elle-même été victime de ce mécanisme et chassée de Colchide par ses adversaires politiques. La naissance et l’explosion des mécanismes de la violence collective ne sont donc pas l’apanage des Corinthiens: les femmes colchidiennes elles aussi en font l’expérience lors de l’éclipse de lune avec l’émasculation de Turon. Ainsi, Wolf désigne les mécanismes de la violence collective et institutionnelle (cf. le faux-procès) comme universels.
3) Une réflexion sur le mythe
3.1 Rapport entre mythe et Histoire
Christa Wolf s’interroge sur les rapports entre mythe et Histoire. Selon elle, il y a deux façons d’écrire l’Histoire: celle du point de vue des vainqueurs, qu’elle voit réalisée dans le mythe homérique. Il s’agit de l’Histoire comme histoire fatale des héros. Et celle du point de vue des vaincus, qui reste encore à écrire, ce que Wolf entreprend dès son œuvre Cassandre. Dans Médée, elle voit dans la soif de gloire posthume des hommes l'explication à une Histoire se réduisant à une répétition inlassable des mêmes violences (cf. la citation de Platon: « Un désir tout-puissant pousse les hommes à rester dans la mémoire et à acquérir un nom immortel pour l’éternité. » (49) ). Si, chez Euripide, Médée recherche la gloire, cette quête est l’apanage des hommes chez Wolf. Citons encore Akamas: « […] cela ne m’empêche pas de désirer ajouter mon nom à cette liste [des grands astronomes corinthiens] afin de vivre plus tard dans la mémoire de mes compatriotes » (150). Le roman Médée confirme la thèse de Wolf selon laquelle le mythe masculin du héros se révèle fatal pour l’humanité, car il entraîne toujours les mêmes processus historiques destructeurs.
Médée est-il un roman écrit du point de vue des vaincus? Oui, car à la fin tous les personnages sont détruits, excepté Akamas. Médée est certes une femme forte, pleine d’assurance, mais elle apparaît en même temps comme une victime: victime de la violence des hommes, une violence politique (patriarcat) et une violence privée (Jason la viole). Elle est incapable d’agression ou de rébellion car elle est convaincue que tout acte de rébellion est condamné d’avance dans un système aussi bien huilé.
Elle n’avait jamais eu l’intention de parler de ce qu’elle avait trouvé dans la grotte et de ce qu’elle avait appris. Elle était capable de garder le silence, que je me le tienne pour dit. (155)
Mais la frontière entre les victimes et les bourreaux se révèle ténue : par la malédiction prononcée à la fin, Médée participe elle-même à la construction d’une Histoire violente. La conclusion de Christa Wolf est que, dans une telle conception de l’Histoire, il ne peut y avoir finalement que des perdants. Le monologue de Leukos qui remet en question les catégories de victime et de bourreau souligne aussi l'idée qu'il s'agit d'une dichotomie simpliste.
Le roman fait montre d’une tendance à la résignation face à un processus cyclique de violences. « Da läuft etwas schief, ganz schief, und ich kann es nicht aufhalten », déplore Jason, ou « Tout prend une mauvaise tournure, vraiment, et je ne peux rien faire pour m’y opposer » (82), ou encore « So musste es kommen », comme le déclare Médée plusieurs fois à la fin du roman.
3.2 La genèse des mythes
Un des aspects de la genèse des mythes est l’instrumentalisation consciente des rumeurs par des individus ou par les dirigeants de Corinthe. Certains éléments du mythe sont donc de pures inventions, de pures constructions individuelles et se révèlent d’une extrême dangerosité, comme le laisse entendre Médée: « Absyrtos, frère, tu n'es donc pas mort, (…) tu m'as suivie, silhouette aérienne, rumeur. Tu n'as jamais voulu être puissant, à présent tu l'es. Assez puissant pour me rattraper [...] » (117). Il est impossible de contrôler totalement ces rumeurs une fois qu’elles sont lancées (cf. les légendes autour du départ de Médée qui naissent contre la volonté d’Akamas). C’est le temps qui donne une unité à la multiplicité des versions d’un fait. Le roman montre ainsi clairement l’influence du temps sur la mémoire individuelle et collective et dévoile les mécanismes de l’oubli et de la dénaturation (« Verkennung »), qui permettent en fin de compte à une version du mythe de dominer. Citons par exemple les différentes versions de la fuite de Colchide qui circulent déjà sur le bateau: « Déjà, rien que les circonstances de notre départ de Colchide ont très vite donné lieu à des histoires différentes, voire contradictoires. » (39). Ou Akamas: « Akamas a raison: les temps passés vous paraissent d'autant plus grands qu'on s'éloigne d'eux, rien de plus normal, il est absurde de s'accrocher à eux. » (65). C’est ainsi que Colchide devient un monde idyllique dans les souvenirs des Colchidiens pour compenser l’expérience négative du présent.
Médée s’interroge sur l’existence même de faits objectifs sous la couche de mythes.
Leurs légendes s'amplifieront encore si notre situation continue d'empirer, et il ne servira à rien de leur opposer les faits. Pour peu qu'il existe encore quelque chose comme des faits, après toutes ces années. Et que, rongés de l'intérieur par le mal du pays et l'humiliation, la déception et la misère, ils ne soient pas aujourd'hui aussi fragiles qu'une coquille susceptible d'être détruite par quiconque en éprouvera l'envie. (40)
Cette interrogation est à rapprocher du principe de composition du roman fondé sur la multiplicité des voix et la genèse de faits et de la vérité dans le discours des voix. La force qui se dégage de ces mythes construits culmine à la fin, lorsque Médée elle-même, dans un acte ultime de révolte et de résignation, agit comme on l’attend d’elle, en tant que femme mauvaise et sauvage. « Je me dis, je suis Médée, la magicienne, si c'est cela que vous voulez. La sauvage, l'étrangère. Vous ne me verrez pas diminuée. » (236)
En exposant les différentes formes que peut prendre la genèse des mythes, Christa Wolf souhaite montrer dans quelle mesure le mythe de Médée., un des plus importants de notre culture occidentale, est en fait une construction idéologique, née du croisement de différentes histoires dont elle souligne l’historicité et la relativité.
Un jour Médée a écouté ces chants en ma compagnie. À la fin elle dit : ils ont fait de chacun de nous celui dont ils ont besoin. Toi, le héros, moi la méchante femme. C’est comme ça qu’ils nous ont séparés. (69-70)
Conclusion
Le roman ne raconte pas seulement une histoire de Médée, mais est à comprendre aussi comme le récit de l’inutilité de la recherche de cette histoire. Il n’apporte pas la vérité sur l’histoire de Médée. Christa Wolf réussit à travers le principe de composition de la multiplicité des voix à mettre en pratique un concept poétologique qui lui tient à cœur : celui de réseau.
Soulignons à nouveau la coexistence de tendances opposées, contradictoires au sein du roman, par exemple en ce qui concerne le processus de démythification et de mythification (cf. Médée comme figure mythique, idéalisée, qui intègre dans sa personnalité des éléments à la fois irrationnels, comme la magie, et rationnels).
Sur le plan de l’action, le roman se termine avec la stabilisation d’un système clos fondé sur l’aveuglement de soi. Mais en démontant les mécanismes menant à ce système, c'est-à-dire les mécanismes de la victime émissaire, de sacrifices fondateurs, de genèse des mythes, le roman parvient à produire l’effet inverse, c'est-à-dire à nous plonger au plus profond de notre aveuglement et donc à nous en faire prendre conscience, écrit Birgit Roser:
Am Ende von « Medea. Stimmen » steht damit als Ergebnis genau das laut Girard für den Mythos typische „geschlossene System“ der Verkennung, das im Vorspann des Romans angesprochen wird. Indem der Roman – konsequent der Kulturtheorie René Girards folgend – die Genese dieses Systems der Verkennung als Resultat von Gründungsopfern, Sündenbockmechanismen und Mythenbildung sichtbar macht, vollzieht er als Ganzes jedoch genau das Gegenteil dessen, was auf der Ebene der Romanhandlung vorgeführt wird: Er bewirkt einen Schritt „in das Innerste unserer Verkennung und Selbstverkennung“ . (2000 : 89)
Bibliographie
Hochgeschurz, Marianne (Hrsg.) (2000): Christa Wolfs 'Medea'. Voraussetzungen zu einem Text. München: dtv.
Roser, Birgit (2000): Mythenbehandlung und Kompositionstechnik in Christa Wolfs Medea. Stimmen. Frankfurt: Peter Lang Verlag.
Wolf, Christa (2001): Medea. Stimmen. Roman. München: dtv. (1. Auflage 1996).
Wolf, Christa (2001) : Médée. Voix. Paris : Editions Stock.
Pour citer cette ressource :
Cécilia Fernandez, Dossier : Medea. Stimmen de Christa Wolf (1996), La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), mars 2016. Consulté le 21/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/allemand/litterature/rda-et-rfa/wendeliteratur/dossier-medea-stimmen-de-christa-wolf-1996-