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De l'importance d'une langue bien vivante

Par Sandrine Sorlin : Maîtresse de Conférences - Université Paul Valéry - Montpellier 3
Publié par Clifford Armion le 22/06/2007

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Peut-on maîtriser la langue, jusqu'à en supprimer les irrégularités et en arrêter l'évolution ? L'auteur puise dans la littérature pour nous mettre en garde contre toute tentation de régularisation sclérosante de la langue et illustrer les potentialités qu'offre son élasticité.

La langue est ce bien commun que nous acquérons enfants en écoutant les personnes qui nous entourent. Elle évolue, se modifie au cours du temps. Ce sont les locuteurs inscrits dans un contexte culturel et scientifique particulier, lui-même toujours en évolution, qui enrichissent ou transforment le langage. Mais la langue semble receler une part d'autonomie qui échappe aux locuteurs eux-mêmes Il est en effet impossible selon Sylvain Auroux de prédire l'évolution d'une langue. Aucune loi ne peut être établie à ce niveau [Dortier, 2001, p.173]. C'est précisément cette force interne incontrôlable que les réformateurs de langue et notamment les concepteurs de langue universelle souhaitent maîtriser : il s'agit d'enrayer l'évolution parfois irrationnelle de la langue qui n'aboutit qu'à sa « corruption ». Dès le XVIIe siècle, des penseurs ont préconisé en effet l'élaboration d'une langue universelle rendue entièrement régulière, fixe et univoque, ce qui faciliterait son apprentissage et supprimerait tout risque de malentendu. Ce rêve d'une langue facile à apprendre, dépourvue d'exceptions et d'ambiguïté, n'est-il pas celui de tout élève de collège ou de lycée laissé perplexe devant la longue liste de verbes « irréguliers » qu'on leur demande d'apprendre sans réfléchir ? En 1934, C.K. Ogden propose même une langue internationale qui aurait pour base la langue anglaise mais réduite à 850 mots, prévoyant un temps d'apprentissage d'environ un mois. Quel élève n'a pas désespéré devant le lent processus d'apprentissage d'une langue seconde par rapport à l'acquisition sans douleur de sa langue maternelle ? Ces projets avaient à terme comme ambition de supprimer l'apprentissage des langues étrangères puisqu'une langue unique et facile à retenir ferait enfin se comprendre tous les Hommes de la planète Terre.

Ce rêve, on va le voir, a eu des réalisations concrètes de Wilkins à Ogden en passant par Leibniz. Cependant, ces utopies linguistiques, en voulant lutter contre l'évolution naturelle du langage, ont finalement tendance à le dénaturer et à entraîner une uniformisation sclérosante pour l'esprit. C'est ce que la littérature nous révèle et ce contre quoi elle nous met en garde. Exposer les élèves à une multiplicité de langues, c'est aussi leur garantir une liberté linguistique qui fera d'eux des acteurs de langue et non des répétiteurs passifs. Loin des rêves de langues pures et normées, certains écrivains comme Burgess dans A Clockwork Orange ou Russell Hoban dans Riddley Walker puisent au contraire le rythme de leur phrase et leurs tours linguistiques dans l'anglais oral des quartiers populaires ou ruraux, en en révélant ainsi toute la puissance de création et de vie. Les variations qu'ils font subir à la langue standard rendent même hommage à l'élasticité et à la souplesse de constructions fascinantes de l'anglais.

Les Hommes se font la guerre parce qu'ils ne se comprennent pas. Voilà le postulat de départ de tous les concepteurs de langue universelle. S'il existait une langue unique, claire et précise, il n'y aurait plus d'erreur de compréhension entre les peuples. Pour être parfaite, la langue doit dès lors se débarrasser de ses synonymes et de ses homonymes qui rendent le sens ambigu, et plus généralement de toute figure de style éloignant les hommes du sens "propre". Des scientifiques se sont également intéressés à ce projet d'élaboration d'une nouvelle langue qui serait enfin rigoureuse. Pour Bacon en Angleterre, il était en effet impératif de remettre à jour un langage naturel incapable de répondre aux nouvelles données de la science : le langage, malmené par ce que Bacon appelle les "vulgaires", n'est plus apte. La connaissance de la nature s'est précisée alors que le vieux langage, lui, n'a pas changé [Ogden, 1995, p.21]. L'évêque John Wilkins va jusqu'à proposer une langue universelle "philosophique" où les mots donnent en s'énonçant une définition de l'objet qu'ils symbolisent. Par exemple, le terme "Dibo" est composé de lettres qui indiquent successivement son appartenance à un genre (Di correspond à la catégorie des pierres), puis à une différence (b indique qu'il s'agit de la première différence, à savoir les pierres vulgaires), enfin celle de l'espèce (le o correspondant à la cinquième espèce, à savoir l'ardoise). Ainsi Dibo signifie ardoise et définit dans le même temps ce qu'elle est. Aussi l'apprentissage des choses est-il facilité grâce à la langue philosophique. L'enfant connaîtrait le monde en apprenant la langue. Wilkins présentait son Real Character comme le moyen le plus rapide et le plus efficace : « the shortest and plainest way for the attainment of real knowledge, that hath yet been offered to the world » [Wilkins, 1668, p.32]. Si bien que, selon lui, son invention pourrait conduire à la suppression de l'école, de ce qu'il appelle "the hard tyranny of school" [Clauss, 1995, p.37].

Ce rêve d'une langue unique a traversé l'esprit des plus grands penseurs en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles. Leibniz lui-même a élaboré un projet qui plairait aux matheux fâchés avec les langues. Il entendait transformer la langue en une table de multiplication de façon à ce que « parler » revienne à « calculer ». Les idées simples seraient représentées par les nombres premiers, les idées complexes seraient le produit d'une multiplication des idées simples, de façon à former ce dont rêve Leibniz, une sorte d'« Algèbre de la pensée ». Ainsi, dans son premier système de calcul logique, « pour exprimer que l'homme est un animal raisonnable, on représentera (par exemple) animal par 2, raisonnable par 3 et homme par le produit 6, de sorte que l'on aura l'égalité numérique : 6 = 2 x 3 correspondant à l'égalité logique : Homme = animal x raisonnable" [Couturat, 1961, p.59]. Cette langue se fondant sur des bases logiques serait donc extrêmement facile à apprendre et à retenir. Leibniz partage avec ses prédécesseurs l'idée qu'une langue parfaite comme la sienne permettrait "d'exterminer les controverses dans les matières qui dépendent du raisonnement" [Couturat, 1961, p.19]. À la fin du XIXe siècle, ce sont des langues universelles comme l'Espéranto ou le Volapük qui suscitent l'engouement de millions de gens. Les hommes se sont passionnés pour cette langue humaine, rêvant du jour où les hommes seraient unis linguistiquement, au-delà des nationalismes et des religions qui fragmentent la planète et attisent les haines. S. Auroux parle d'un « résultat totalement inédit dans l'histoire linguistique de l'humanité » [Auroux, 1992, p.377]. Il rappelle qu'en 1889, 283 clubs volapükistes s'étaient disséminés dans le monde entier ; 25 journaux lui étaient entièrement dévolus. C'est aussi dans cette langue que le troisième congrès volapükiste se déroula à Paris en 1889 alors que l'on comptait à cette date un million de locuteurs [Auroux, 1992, p.378].

Pour des raisons économiques dans un monde devenu plus pragmatique, l'anglais va vite revendiquer au XXe siècle ce statut de langue internationale, faisant de l'ombre aux projets de langue universelle. La majorité des élèves n'apprennent-ils d'ailleurs pas l'anglais en première langue dans le but de prendre demain toute leur part dans les échanges internationaux ? Notre argument principal pour les pousser à maîtriser l'anglais n'est-il pas en effet leur avenir professionnel en ce siècle de globalisation de l'économie ? C'est à cette fin que C.K. Ogden met au point en 1934 le Basic English, Basic signifiant « British American Scientific International Commerce ». Ogden réduit l'ensemble des verbes de langue anglaise à dix opérateurs (come / get / give / go / keep / let / make / put / take / do) auxquels il associe une particule indiquant la direction dans laquelle on opère sur un objet. Ainsi les équivalents en Basic English de verbes complexes comme interject, infuse, file sont put 'a word' in, put 'the tea' in, put 'a request' in. Par ces mécanismes de substitution, la langue anglaise peut se réduire de façon considérable : le Basic English se compose de 850 mots seulement, là où il en faut habituellement 20 000. Ce processus de réduction ingénieux s'appuyant sur la flexibilité exceptionnelle de la langue anglaise ferait rêver plus d'un élève face à la quantité de synonymes et de structures complexes dont on remplit leur cahier. L'objectif principal de l'apprentissage d'une telle langue serait la communication. Or n'est-ce pas ce qu'on attend de toute langue ?

Cette langue pour tous paraît enviable. Elle masque cependant des contre-parties néfastes pour le langage et pour les hommes. Si la langue est perçue comme un cadre structurant (comme l'a souligné Saussure), alors le souhait d'instituer une langue universelle serait implicitement le projet de normaliser l'expérience du monde - mettant ainsi les locuteurs à venir dans la même expérience (linguistique). Dans les années 40, le linguiste Benjamin Lee Whorf critique vivement les langues artificielles, et notamment le Basic English dans lequel il perçoit, dans sa réduction mécanique, un danger pour l'épanouissement de l'esprit: « to restrict thinking to the patterns merely of English, and especially to those patterns which represent the acme of plainness in English, is to lose a power of thought which, once lost, can never be regained » [Whork, 1956, p.244]. C'est la littérature qui nous met en garde contre les dangers d'une langue uniformisée, et notamment Nineteen Eighty-Four dans lequel George Orwell élabore une « Novlangue » inspirée du Basic English. L'auteur met en lumière les dérives possibles de toute tentative de réduction de la richesse lexicale et syntaxique d'une langue. Le Newspeak est un langage squelettique privé de ses riches parures linguistiques et de ses nuances : « We're cutting the language to the bone » [Orwell, 1987, p.54], déclare Syme, un linguiste à charge d'exterminer le superflu. Certes la Novlangue ainsi débarrassée de toute anomalie et de toute irrégularité est facile à apprendre (« All inflexions followed the same rules. Thus in all verbs the preterite and the past participle were the same and ended in -ed. The preterite of steal was stealed, the preterite of think was thinked » [Orwell, 1987, p.315]), mais elle met à mal en même temps la liberté de l'énonciateur : les mots étant choisis pour eux, les hommes appréhendent tous le monde de la même façon, celle dictée par le Parti au pouvoir.

Pour Whorf parti étudier les cultures Maya et Hopi, c'est l'exposition à différentes langues étrangères et donc à différentes façons de concevoir le monde qui peut décupler les forces de l'esprit et empêcher toute uniformisation de l'humanité dans le moule d'une langue unique. Seule une prise de conscience de la multiplicité linguistique (muticultural awareness) peut, selon lui, mettre en lumière les préjugés des grandes puissances européennes. La plupart des projets de langue font preuve en effet d'un certain ethnocentrisme (européen) en contradiction avec leur pré-requis de neutralité linguistique et politique. L'Espéranto par exemple s'appuie sur les racines des langues nationales des plus grandes puissances de la terre. Derrière la langue unique se profile donc le danger d'un hégémonisme économico-culturel. Comme le souligne le psychologue genevois Claude Piron, « les relations linguistiques ont toujours été des relations de pouvoir » [cité par Fetters, 1991, p.12]. L'uniformisation linguistique de la planète ne peut qu'être néfaste à l'espèce humaine puisqu'elle ferait inévitablement se dresser le spectre d'une exploitation économique et idéologique.

Si aux XIXe et XXe siècles les écrivains de langue anglaise n'ont à aucun moment reflété l'engouement populaire pour les langues universelles, c'est qu'ils ont toujours déjà perçu le danger de toute forme d'unicité. C'est à une minoration de leur langue qu'ils s'adonnent, visant l'objectif inverse des concepteurs de langue : faire échouer les prétentions hégémoniques d'une langue internationale unique ; « Ce qu'ils font, c'est plutôt inventer un usage mineur de la langue majeure dans laquelle ils s'expriment entièrement » [Deleuze, 1993, p.138]. En minorant leur propre langue, ils finissent même par en faire une langue presque étrangère. On se souvient de A Clockwork Orange traversé par une forme de russe anglicisé, le Nadsat, comme si en pleine "guerre froide" Burgess dénonçait la prise en main du monde par deux langues politiques opposées. Dans Riddley Walker, Russell Hoban remet en cause toute prétention anglaise à l'universalité en décrivant une Angleterre réduite de moitié à la suite d'une catastrophe nucléaire qui a coupé tout contact avec l'extérieur.

C'est donc chez les écrivains que réside l'espoir d'une victoire contre l'évolution globale de la communication vers une langue unique, à savoir la langue anglaise, dont les conséquences seraient néfastes pour l'avenir du langage lui-même. Selon Andrew Dalby [Dalby, 2002, p.286] en effet, dans deux à trois siècles, la langue anglaise sera orpheline :

The total number of languages spoken in the world, having fallen very steeply to that point, will continue to fall very steeply, as we have already predicted. From that point, the speakers of English will have fewer and fewer other languages to draw on for new words and ideas. And within 2 to 300 years from now, they will have none.

Or c'est grâce à son interaction avec les autres langues, qu'un langage peut continuer à vivre et évoluer : « We need a multiplicity of languages because it is the interaction with other languages that keeps our own language flexible and creative » [Dalby, 2002, p.285]. D'où la nécessité de maintenir l'apprentissage de plusieurs langues étrangères et, pour ce qui concerne l'anglais, d'exposer les élèves à la littérature anglo-saxonne, si l'on veut développer leurs capacités non simplement communicationnelles mais créatrices.

Dans des oeuvres comme A Clockwork Orange ou Riddley Walker, le langage n'obéit pas aux normes rigoureuses imposées par les concepteurs de langue universelle : il a même tendance à jouer avec les limites de la grammaire traditionnelle. Ce faisant, il fait l'expérience des frontières qui le constituent. Le Nadsat exploite par exemple abondamment la flexibilité de construction qu'offre cette langue. Les suffixes -wise ou ways sont accolés à des mots de toute nature : thatwise, thiswise, publicwise, bedways is rightways now. L'élasticité de la langue est rendue visible dans les changements de catégorie grammaticale de certains mots. Des particules adverbiales accèdent au rang de verbes : « [I] upped with the little malenky like silver statue » [Burgess, 1972]. Les exclamations deviennent des gérondifs : « I looked back at the well well welling one » [Burgess, 1972, p.116]. Le langage de Riddley Walker en apparence diminué et pauvre est en réalité un langage qui s'est débarrassé de toutes les structures encombrantes de notre langage, lesquelles enrayent la circulation limpide du sens. L'auteur s'appuie sur les règles de construction de l'anglais pour créer de nouveaux mots qui semblent particulièrement pertinents. Le terme de charisma trop abstrait devient en Riddleyspeak plus directement accessible : follerme. L'ajout du suffixe <-er> indiquant une personne est un autre exemple d'excellente exploitation de la langue, pour rendre compte de notions plus abstraites : ajouté à l'adverbe next, la langue crée nexters (au sens d'associés, de partenaires). Ainsi en éprouvant les frontières de la langue, ces jeux linguistiques permettent de découvrir comment elle fonctionne. Ils témoignent de la capacité de la langue anglaise à façonner des néologismes à partir de structures connues et reconnues. Si ces modifications complexifient la langue et peuvent la rendre redoutable pour des élèves de lycée, l'effort de lecture est gratifiant car ce langage déformé rend (paradoxalement) hommage à la nature même de la langue anglaise.

En outre, ces langages littéraires sont très proches de l'anglais oral qu'on entend dans les banlieues londoniennes ou de l'anglais rural américain (chez Hoban), mettant à l'honneur un anglais populaire. L'anglais de l'avenir de Hoban s'appuie sur les changements et les simplifications déjà à l'œuvre en langue parlée. La graphie habituelle des mots ayant volé en éclat avec l'explosion nucléaire, le Riddleyspeak en propose une transcription sonore (à cet égard, le nouveau langage écrit qui se développe chez les jeunes dans les SMS ne procède pas autrement, même si là le but est de gagner de l'espace sur l'écran du téléphone). Riddley retranscrit les mots comme il les entend : ainsi ozone devient O zoan, energy  Inner G ou galaxies gallack seas. Il faut lire Riddley Walker à voix haute pour comprendre des mots comme sepert (separate), partickler (particular), anrack (anorack), cern (certain), formlers (formulas), vedgerbels (vegetables), parrel (parallel). La lecture de cette écriture phonétique permet de mesurer le gouffre qui existe entre la phonie et la graphie anglaise. Lire "delkit" écrit ainsi pourrait peut-être empêcher une prononciation trop française de "delicate". De la même façon David Mitchell dans son livre paru en 2004, Cloud Atlas, présente lui aussi un anglais post-apocalyptique dans une des 6 histoires qui composent son roman (« Sloosha's crossin' An' Ev'rythin' After »). Certaines lettres que l'on entend pas lors d'une énonciation rapide sont remplacées par des apostrophes. La lecture de ce texte aurait le mérite d'éveiller les élèves aux formes faibles de la prosodie anglaise. Voici un exemple :

...when sudd'nwise eyes on me, I felt 'em. Who's there? I called, an' the mufflin' ferny swallowed my voice.

Oh, a darky spot you're in, boy, murmed the mufflin' ferny. Name y'self! shouted I, tho' not so loud. I got my blade, I have! Right 'bove my head someun whisped, Name y'self, boy, is it Zachry the Brave or Zachry the Cowardly? Up I looked an' sure 'nuff there was Old Georgie cross-leggin on a rottin' ironwood tree [...]. [Mitchell, 2004, p.239] 

Les recherches sur les projets de langue universelle ont montré une chose : malgré des siècles de tentative pour se rendre maître de la langue et la conformer à un moule, le langage a fait preuve d'une extraordinaire force de résistance. Même Orwell a écrit l'Appendice à Nineteen Eighty-Four (consacrée aux principes de la Novlangue) au prétérit comme s'il envisageait une victoire ultime du langage. L'écrivain a toujours vivement dénoncé le jargon abstrait et anesthésiant des politiciens, à l'origine d'une décadence de la langue anglaise. Selon lui l'anglais s'anémiait parce qu'il n'était pas revivifié par les petites gens qui sont eux en contact avec la réalité physique : « The temporary decadence of the English language is due, like so much else, to our anachronistic class system. Educated' English has grown anemic because for long past it has not been reinvigorated from below. The people likeliest to use simple concrete language, and to think of metaphors that really call up a visual image, are those who are in contact with physical reality » [Orwell, 1968, p.27]. C'est donc dans l'anglais populaire que se puisent les forces vives du langage. Dans leur travail sur la langue les écrivains en révèlent toute la puissance de formation et la richesse inépuisable. Apprendre une langue étrangère c'est aussi et surtout se laisser imprégner de cette richesse, sans se limiter à une langue standard et normalisée qui, au final on l'a vu, ne peut que porter atteinte au langage et à l'humanité.

Références

Auroux, « Les Langues universelles », Histoire des idées linguistiques. Tome III. L'Hégémonie du comparatisme. Liège, Mardage, 1992

Burgess, Anthony, A Clockwork Orange (1962), Londres, Penguin Books, 1972

Clauss, Sidonie, « John Wilkins's Essay Towards a Real Character; Its Place in the 17th Century Episteme », in Nancy Struever (éd.), Language and the History of Thought, New York, University of Rochester Press, 1995

Couturat, Louis, La Logique de Leibniz (1901), Hildesheim, G. Olms, 1961

Dalby, Andrew, Language in Danger, Londres, Penguin, 2002

Deleuze, Critique et clinique, Paris, Éditions de Minuit, 1993

Dortier, Jean-François (dir.), « Entretien avec S. Auroux », in Le Langage : Nature, histoire et usage, Auxerre, Sciences Humaines Éditions, 2001

Fetters, Mark, « Quelle langue pour l'Europe? L'Europe subira-t-elle la malédiction de Babel ? », Documents sur l'Espéranto, 26 F, Rotterdam, 1991

Mitchell, David, Cloud Atlas, New York, Random House, 2004

Ogden, « The Magic of Words », Psyche XIV (1934), Londres, Routledge, 1995

Orwell, George, « The English People », The Collected Essays, Journalism and Letters, S. Orwell et I. Angus (éd.), Londres, Secker & Warburg, 1968, vol III Orwell, George, Nineteen Eighty-Four (1949), Londres, Penguin Books, 1987

Whorf, Benjamin Lee, « Language and Logic », Language, Thought, and Reality: Selected Writings of B.L. Whorf, John B. Carroll (éd.), Cambridge Mass., The MIT Press, 1956

Wilkins, John, Essay Towards a Real Character and a Philosophical Language, Londres, S. Gellibrand & J. Martin, 1668

 

Pour citer cette ressource :

Sandrine Sorlin, "De l'importance d'une langue bien vivante", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), juin 2007. Consulté le 27/04/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/langues-et-langage/langues-et-langage-comment-ca-marche/de-l-importance-d-une-langue-bien-vivante