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Le traitement de la liaison en Français : approche psycholinguistique

Par Elsa Spinelli : Professeure en psychologie cognitive - Université Pierre Mendes France - Grenoble 2
Publié par Clifford Armion le 09/12/2011

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Conférence du 29 novembre 2011 d'Elsa Spinelli, Professeure en psychologie cognitive à l'Université Pierre Mendes France - Grenoble 2 et Chercheure au Laboratoire de Psychologie et Neurocognition (CNRS UMR 5105).

https://video.ens-lyon.fr/eduscol-cdl/2011/2011-11-29_PLU_Spinelli.mp4

La liaison est une alternance phonologique du français fréquente (une occurrence tous les 16 mots environ) qui consiste à réaliser une consonne finale lorsque le mot suivant commence par une voyelle mais pas lorsqu'il commence par une consonne. Par exemple, une liaison /z/ est insérée entre un mot 1 les et un mot 2 ours (les ours : [lezurs]).

Au niveau du locuteur et de la production du langage parlé, le phénomène de liaison introduit des modifications notoires dans la réalisation des items liés par rapport à leurs formes canoniques produites en isolation. Le phénomène de liaison implique d'une part la prononciation d'un segment (phonème latent) qui est absent lorsque le mot est produit en isolation, et d'autre part la resyllabation du mot suivant qui prend le phonème latent comme segment initial (ex: un petit avion sera resyllabé un.pe.ti.ta.vion). En conséquence, du point de vue de l'auditeur et donc de la compréhension des séquences sonores, le phénomène de liaison crée des ambiguïtés transitoires dans la chaîne parlée. Lorsqu'un auditeur qui est confronté à la séquence petit avion traite le phonème de liaison /t/, deux interprétations sont possibles: la première consiste à intégrer ce /t/ au mot petit, la seconde consiste à interpréter le /t/ de liaison comme premier phonème du mot suivant (t)avion. Notons que les ambiguïtés causées par la liaison vont parfois jusqu'à constituer des suites apparemment totalement homophones (il est ouvert / il est tout vert).

Le travail que je présente consiste à documenter un certain nombre de points concernant les processus qui sous-tendent le traitement de la liaison. Dans un premier temps nous verrons que malgré les variations phonologiques et la resyllabation qui résulte de la liaison, l'accès au lexique n'est pas perturbé pour les mots liés. Nous examinerons ensuite la nature des facteurs qui entrent en jeu pour assurer le bon déroulement de l'accès aux représentations des mots liés. Nous verrons comment les informations concernant le contexte lexical (le fait qu'un mot comme petit possède un /t/ sous-jacent pour la liaison par rapport à un mot non porteur de phonème latent pour la liaison, comme demi) sont utilisées par les auditeurs pour anticiper la resyllabation et ne pas pénaliser les hypothèses lexicales à voyelles initiales. Nous examinerons également le rôle des indices acoustiques sub-phonémiques dans le traitement de la liaison. En particulier, nous verrons comment des indices acoustiques subtils permettant de différencier les consonnes de liaison des consonnes initiales sont utilisés par les auditeurs pour désambiguïser les situations de liaison.  Enfin, nous présenterons des expériences réalisées chez l'enfant et l'adulte testant l'hypothèse alternative d'un stockage de plusieurs variantes de surface (avion, navion, zavion etc.).

 

Pour citer cette ressource :

Elsa Spinelli, Le traitement de la liaison en Français : approche psycholinguistique, La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), décembre 2011. Consulté le 22/11/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/langues-et-langage/langues-et-langage-en-societe/acquisition-apprentissage-et-diffusion-des-savoirs/le-traitement-de-la-liaison-en-francais-approche-psycholinguistique