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«Io la conoscevo bene» d'Antonio Pietrangeli au Festival Lumière 2016

Par Aurélien Ferenczi
Publié par Alison Carton-Kozak le 03/11/2016

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A l'occasion du Festival Lumière 2016 de Lyon, Aurélien Ferenczi a présenté le 16 octobre à l'Institut Lumière le film Io la conoscevo bene (Je la connaissais bien pour la version française), d'Antonio Pietrangeli. Ce texte est une retranscription de cette présentation qui a été par endroits modifiée pour l'adapter au format écrit.
 

(Source Youtube I knew her well - Trailer)

Pietrangeli est un cinéaste dont la carrière a été brisée par sa mort accidentelle en 68. Il s’est noyé pendant le tournage de son film Come, quando, perché, qui a été terminé par Valerio Zurlini, qui est l’un des cinéastes italiens à qui Pietrangeli pouvait un peu ressembler. 

C’est un cinéaste intéressant parce qu’il a commencé par travailler comme critique et comme assistant et co-scénariste de Visconti puis assistant de Rossellini. Il a fait des aller-retours entre la pratique du cinéma et son activité très sérieuse de partisan acharné du néo-réalisme. Il était engagé plutôt à gauche. Petit à petit, quand il a commencé à voler de ses propres ailes et à faire son premier film en 53, il s’est un peu éloigné du néo-réalisme. C’est un cinéaste qui fait un pont entre la comédie à l’italienne (Dino Risi,  Monicelli, etc.) et des auteurs plus sérieux, l’héritage du néo-réalisme, et des auteurs comme Fellini ou Antonioni.

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Je la connaissais bien, qui date de 65, est considéré comme son chef-d’œuvre. C’est celui qui montre que les frontières entre le cinéma d’auteur très sérieux et le cinéma populaire  sont beaucoup plus poreuses qu’on ne peut l’imaginer.

Ce film raconte, comme beaucoup de films de Pietrangeli, un destin de femme. C’est un réalisateur qui dès son premier film Du soleil dans les yeux s’intéresse à ces jeunes femmes qui quittent l’Italie (qui est encore un pays globalement rural) qui sont attirées par la grande ville et par ce qu’on appelle le boom économique des années 50-60 et qui se retrouvent souvent un peu perdues dans un monde en train  de changer, attirées et déroutées par l’arrivée de la société de consommation.

Dans Je la connaissais bien, une très jeune femme, jouée par Stefania Sandrelli, rêve de faire du cinéma et écoute toute la journée des variétés italiennes.

Le film a une bande son vraiment exceptionnelle. La manière dont Pietrangeli utilise ces chansons populaires qu’on peut juger un peu naïves pour arriver à un portrait mélancolique voire tragique est extraordinaire. Le film a failli s’appeler d’ailleurs Le Tourne disque.

C’est un portait de femme où Pietrangeli est maître de son art. Il travaille de plus en plus la forme du récit pour présenter son film comme une espèce de mosaïque. C’est une sorte de collage de scènes. Certaines sont des flashbacks. Certaines sont au présent. Stefania Sandrelli va changer de visage au fur et à mesure des contrats qu’elle réussit à obtenir, par exemple pour des publicités. On ne sait pas très bien si ce sont ses propres souvenirs, une espèce de cinéma comme un courant de conscience. Il y a en même temps des éléments comiques, de comédie italienne, comme la participation de Nino Manfredi et Ugo Tognazzi.

C’est un film qui tenait à cœur à Pietrangeli qui avait essayé de le faire depuis trois ou quatre ans et qui avait été reporté plusieurs fois. Il avait envisagé beaucoup de comédiennes dont Brigitte Bardot. Il aurait pu être fait quasiment simultanément à une autre comédie italienne qui est le Fanfaron, avec lequel il aurait créé un diptyque de portraits très mélancoliques, de fables de la société italienne de l’époque.

Le film est co-écrit par Ettore Scola qui est un grand scénariste de la comédie italienne puis metteur en scène. Scola a souvent dit tout ce qu’il devait à Pietrangeli et affirmé qu’il n’aurait pas tourné de la même façon Una giornata particolare avec Sofia Loren et Mastroianni s’il n’avait pas appris de Pietrangeli à regarder les personnages féminins d’une manière très différente de la comédie italienne de l’époque. Il racontait souvent que s’il avait pu réaliser un film de Pietrangeli, c’est Je la connaissais bien qu’il aurait aimé réaliser.

 

Pour citer cette ressource :

Aurélien Ferenczi, "«Io la conoscevo bene» d'Antonio Pietrangeli au Festival Lumière 2016", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2016. Consulté le 28/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/io-la-conoscevo-bene-d-antonio-pietrangeli-au-festival-lumiere-2016